Étude de la valeur diagnostique des anticorps

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Étude de la valeur diagnostique des anticorps
Rev Rhum [Éd Fr] 2001 ; 68 : 595-600
Antiperinuclear factor and antikeratin/antifilaggrin antibodies for differentiating early rheumatoid arthritis
from polymyalgia rheumatica – Joint Bone Spine 2001; 68: 306-10
© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
S1169833001001594/FLA
ARTICLE ORIGINAL
Étude de la valeur diagnostique des anticorps
antipérinucléaires et antikératine (aussi appelés
antifilaggrine) pour distinguer la polyarthrite
rhumatoïde débutante de la pseudopolyarthrite
rhizomélique
Valérie Devauchelle-Pensec1, Alain Saraux1*, Pierre Youinou2, Paul Le Goff1
1
Service de rhumatologie, hôpital de la Cavale-Blanche, CHU Brest, BP 814, 29609 Brest cedex France ; 2laboratoire
d’immunologie, hôpital de la Cavale-Blanche, CHU Brest, BP 814, 29609 Brest cedex France
(Reçu le 28 novembre 2000 ; accepté le 28 février 2001)
Résumé – Objectifs. Déterminer la prévalence et la signification des anticorps antipérinucléaires (APN) et
antikératine (AKA), dans un groupe de patients atteints de pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) et/ou de
maladie de Horton (MH), et évaluer leur utilité pour distinguer la polyarthrite rhumatoïde (PR) débutante, de
la PPR en pratique clinique. Patients et méthode. Quatre-vingt patients ayant une PPR et/ou MH ont été
comparés à 44 patients âgés de plus de 50 ans, admis durant la même période pour le diagnostic de PR.
Tous les patients ont eu un examen clinique et paraclinique standardisé et ont été suivis deux ans.
Résultats. Quatorze patients (17,5 %) du groupe PPR et/ou MH avaient des APN à un taux ≥ 1/80 mais
seuls six (7,5 %) avaient un taux > 1/80. Il n’y avait aucune différence significative entre les groupes de
patients avec et sans APN. Nous n’avons jamais retrouvé d’AKA chez ces patients. Les APN et les AKA
avaient une moins bonne valeur diagnostique que les facteurs rhumatoïdes (sensibilité = 60 %, spécificité = 91 %, efficience = 77 %) pour le diagnostic de PR contre PPR mais la combinaison des FR et des
APN augmentait la spécificité (96 %) du test. Conclusion. La prévalence des APN à un taux ≥ 1/80 est
élevée dans la PPR et/ou MH mais n’excède pas 7,5 % à un taux > 1/80 et ne détermine pas de sous-groupe
de patient particulier. Nous n’avons jamais retrouvé d’AKA chez ces patients. Les facteurs rhumatoïdes sont
les plus performants pour le diagnostic de PR du sujet âgé mais leur association avec les APN augmente la
spécificité. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
anticorps antifilaggrine / antipérinucléaire et antikératine / maladie de Horton / polyarthrite rhumatoïde / pseudopolyarthrite rhizomélique
Summary – Antiperinuclear factor and antikeratin/antifilaggrin antibodies for differentiating early
rheumatoid arthritis from polymyalgia rheumatica. Objectives. To determine the prevalence and meaning of the antiperinuclear factor (APF) and antikeratin antibodies (AKA) in a group of patients with
polymyalgia rheumatica (PMR) and/or giant cell arteritis (GCA) and to evaluate the usefulness of APF and
AKA in distinguishing early rheumatoid arthritis (RA) from PMR/GCA in everyday clinical practice. Methods.
Eighty patients with PMR and/or GCA were compared with 44 patients older than 50 years and admitted
*Correspondance et tirés à part.
Adresse e-mail : [email protected] (A. Saraux).
596
V. Devauchelle-Pensec et al.
during the same period for evaluation of a possible diagnosis of RA. All the patients underwent a
standardized evaluation including a physical examination and diagnostic investigations. Follow-up was 2
years. Results. Fourteen (17.5%) patients in the PMR/GCA group had APF in titers = 1/80, but only six
(7.5%) had titers > 1/80. No significant differences were found between the subgroups with and without
APF. None of these patients had detectable AKA. As compared to rheumatoid factors (RF), APF and AKA
showed poorer performances (sensitivity, 60%; specificity, 91%; efficiency, 77%) for diagnosing RA versus
PMR/GCA. Combining RF and APF resulted in increased specificity (96%). Conclusions. The prevalence of
APF in titers = 1/80 was high in PMR/GCA, but few patients (7.5%) had titers > 1/80. Presence of APF was
not associated with specific features. All these patients were negative for AKA. RF has the best performance
characteristics for diagnosing RA in older patients; RF combined with APF was more specific than RF alone.
© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
antifilaggrin antibodies / antikeratin antibodies / antiperinuclear factor / giant cell arteritis / polymyalgia rheumatica / rheumatoid arthritis
La polyarthrite rhumatoïde (PR) du sujet âgé débute
souvent par une atteinte proximale, ce qui pose alors le
problème du diagnostic différentiel avec la pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) et/ou la maladie de Horton
(MH) [1-3]. L’asthénie intense, le dérouillage matinal
ou la présence de synovites associés au syndrome inflammatoire biologique ne permettent pas toujours au clinicien de trancher [4, 5]. Ce sont alors surtout les examens
immunologiques qui permettront au clinicien de séparer les deux affections. La valeur diagnostique des facteurs rhumatoïdes (FR), des anticorps antipérinucléaires
(APN) et des antikératines (AKA) a été peu évaluée chez
les sujets âgés souffrant d’un rhumatisme inflammatoire
débutant à prédominance rhizomélique. De nombreuses études ont démontré l’utilité de ces autoanticorps
dans la PR, mais ils ont rarement été étudiés dans la PPR
et/ou MH [6-8]. Les APN ont une bonne sensibilité (Se)
d’environ 75 % et une spécificité (Sp) d’environ 90 %
dans la PR [9, 10]. Certaines études ont montré qu’ils
sont présents à un stade plus précoce de la maladie [11].
Les AKA sont les marqueurs actuellement les plus spécifiques de la PR avec une spécificité de 95 à 100 % selon
les auteurs [12, 13]. Depuis 1995 [14, 15], on sait que
les APN et les AKA ont la même cible antigénique : ils
reconnaissent des isoformes de la protéine filaggrine ou
(pro)filaggrine et en particulier des peptides citrullinés
[16] de divers tissus épithéliaux. C’est pourquoi leur
dénomination a changé et ils sont aussi appelés anticorps
antifilaggrine (AFA), ou anticorps antipeptides cycliques citrullinés selon la méthode qui a permis leur mise
en évidence [17].
L’objectif de cette étude était donc double :
– déterminer la prévalence et la signification des APN
et des AKA dans un groupe de patients âgés, atteints de
PPR et/ou MH ;
– d’évaluer l’utilité de ces anticorps pour distinguer la
polyarthrite rhumatoïde de la PPR et/ou MH en pratique clinique courante.
PATIENTS ET MÉTHODE
Patients
Groupe PPR et/ou MH
Nous avons revu rétrospectivement les dossiers de tous
les patients admis pour avis diagnostique dans le service
de rhumatologie de l’hôpital de Brest entre le 1er janvier
1983 et le 31 mars 1995. Le diagnostic de PPR était
basé sur les critères de Jones et Hazleman [18] et celui
de MH selon les critères de l’American College of
Rheumatology (ACR) 1990 [19].
Chaque patient a bénéficié d’un examen standardisé
comportant un examen clinique ; des examens biologiques (numération formule sanguine [NFS], vitesse de
sédimentation [VS], protéine C-réactive [CRP], ionogramme sanguin, transaminases, gamma-GT, FR,
APN, AKA, facteurs antinucléaires [FAN] et un typage
HLA A, B, DR) ; et des radiographies (mains, épaules,
bassin, rachis cervical, et autres articulations douloureuses).
Tous les patients ont eu une biopsie d’artère temporale réalisée au sein du service. Les patients étaient
exclus si le diagnostic de PPR et/ou MH était connu
Valeur diagnostique des anticorps antipérinucléaires
avant l’hospitalisation ou s’ils étaient déjà traités par
corticoïdes. Tous les patients ont été suivis au moins
deux ans pour être sûr du diagnostic.
Au total 80 patients ont été inclus (53 femmes et 27
hommes). L’âge moyen était de 71 ± 6 ans (extrêmes :
51–87 ans). Quarante-sept patients avaient une PPR,
quatre une MH et 29 les deux associées.
Le groupe PR
Pour étudier la valeur diagnostique des tests dans un
contexte de diagnostic différentiel entre une PPR et/ou
MH d’une part et une PR débutante d’autre part, nous
avons sélectionné un groupe de patients ayant une PR
et pouvant prêter au diagnostic différentiel. Pour cela,
dans notre base de données informatisée constituée à
partir des dossiers des 475 patients hospitalisés pour la
première fois pour une PR durant la période d’étude,
nous avons retenu uniquement ceux qui étaient adressés pour un avis diagnostique, âgés de plus de 50 ans, ne
recevant pas de traitement de fond, et remplissant les
critères de diagnostic de l’ACR 1987 [20] à l’entrée ou
au cours du suivi. Seulement 44 patients remplissaient
ces conditions d’inclusion. Leur âge moyen était de
66,4 ± 8,3 ans (extrêmes : 52–84 ans), et leur âge au
début du rhumatisme était de 65 ± 8,6 années. Tous
avaient bénéficié du même examen clinique et paraclinique standardisé que le groupe PPR et/ou MH excepté
la biopsie d’artère temporale.
Méthode
Cette étude rétrospective concernait des patients hospitalisés entre le 1er janvier 1983 et le 31 mars 1995, tous
les tests immunologiques ont été réalisés au sein du
laboratoire d’immunologie de l’hôpital de Brest. Durant
cette période, la cible antigénique des anticorps dirigés
contre les peptides citrullinés était inconnue, et ces
anticorps étaient nommés selon leur méthode de détection les APN et les AKA.
La méthode de détection des APN a déjà été décrite
en détail [9]. Brièvement, des cellules de la muqueuse
buccale de donneurs sains étaient prélevées avec un
abaisse-langue à la face interne des joues. Les prélèvements étaient lavés trois fois dans des solutions salines
en tampon de phosphate (PBS) à pH 7,4, centrifugés et
remis en solution dans le PBS contenant de la colimycine et de l’acide de sodium. Les cellules étaient ensuite
déposées sur des lames à raison de 5 000 cellules par
goutte. Elles étaient incubées en chambre humide avec
le sérum initialement dilué au 1/80 et avec l’anticorps
anti-IgG marqué à la fluorescéine. Le sérum était consi-
597
déré comme positif si au moins 10 % des cellules étaient
marquées. Si l’immunofluorescence indirecte était positive, le sérum était dilué à nouveau jusqu’à l’extinction
de l’immunofluorescence. Les AKA étaient détectés par
immunofluorescence indirecte sur un substrat tissulaire
provenant du tiers moyen de l’œsophage de rat et des
titres ≥ 1/10 étaient considérés comme positifs.
Les facteurs rhumatoïdes (FR) étaient mesurés par le
test au latex (Biolyon, Paris, France). Le test est considéré comme positif pour des titrages > 1/40. Le groupage tissulaire était déterminé par microlymphotoxicité
sur des lymphocytes B du sang périphérique. Tous les
tests biologiques ont été réalisés au fil du temps, et donc
dans un contexte reflétant une pratique de routine.
Analyse statistique
Les données ont été analysées par un test du χ2 (ou le
test exact de Fisher), et par le test de Kruskall-Wallis. p
était considéré comme significatif pour des valeurs inférieures à 0,05.
RÉSULTATS
La prévalence des APN et des AKA dans la PPR
et/ou MH
Quatorze patients (17,5 %) avaient des APN à un
taux ≥ 1/80 mais seuls six (7,5 %) avaient des APN à
un taux > 1/80. Aucun n’avait d’AKA (0 %). Afin de
mettre en évidence des particularités cliniques ou biologiques chez ces patients, nous les avons ensuite subdivisés en deux groupes en fonction de la présence
(n = 14) ou non (n = 66) d’APN.
Données cliniques et biologiques des patients
du groupe PPR et/ou MH en fonction
de la présence des APN
On ne retrouve pas de différence significative en fonction de l’âge, du sexe ou de la durée d’évolution. Les
signes cliniques tels que les céphalées, l’amaigrissement
ou les myalgies sont identiques dans les deux groupes.
La durée de la corticothérapie et les doses totales administrées ne sont pas significativement différentes (tableau
I). La VS et le taux de CRP sont comparables dans les
deux groupes. La recherche des FR, des FAN, des AKA
et le typage HLA n’étaient pas statistiquement différents entre les deux groupes (tableau II). Deux des 14
patients ayant des APN ont des FR associés et quatre
patients du sous groupe sans APN ont des FR
(tableau III).
598
V. Devauchelle-Pensec et al.
Tableau I. Caractéristiques cliniques des patients ayant une PPR et/ou MH en fonction de la présence d’APN.
Age (années)
Sex-ratio M/F
Durée d’évolution de la maladie (mois)
Céphalées
Amaigrissement (kg)
Myalgies (%)
Asthénie (%)
Température (°C)
Durée de la corticothérapie (mois)
Dose moyenne de corticoïdes(mg/kg)
Dose de corticoïdes au début (mg/kg)
APN + (n = 14)
APN – (n = 66)
p
72,6 ± 5,6
4/10 (40 %)
6,8 ± 9,1
7/14 (50 %)
2,2 ± 3
2/11 (18 %)
10/12 (83 %)
37,4 ± 0,5
3,9 ± 6,7
0,24 ± 0,298
0,579 ± 0,285
71 ± 6,8
23/43 (53 %)
16,1 ± 33,3
27/63 (42 %)
2,3 ± 3,3
18/51 (5 %)
43/55 (78 %)
37,4 ± 0,6
0,4 ± 27,2
0,178 ± 0,297
0,556 ± 0,317
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS : non significatif.
Tableau II. Caractéristiques biologiques des patients ayant une PPR et/ou MH en fonction de la présence d’APN.
APN + (n = 14)
APN
63,6 ± 34,4
32 ± 32,7
51 ± 14
126,1 ± 14
2/14 (14 %)
3/14 (21 %)
0/14 (0 %)
5/10 (50 %)
VS (mm/heure)
Protéine C-réactive (mg/l)
Fibrine (g/L)
Hémoglobine (g/dL)
FR
AAN
AKA
HLA DR4
–(n = 66)
p
60 ± 31,8
58 ± 71
57 ± 18,7
120,1 ± 15
4/65 (6 %)
18/64 (28 %)
0/66 (0%)
28/46 (60 %)
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS : non significatif ; FR : facteurs rhumatoïdes. ; AAN : anticorps antinucléaires ; AKA : anticorps antikératine ; APN : anticorps antipérinucléaires.
Tableau III. Présence des FR, APN et AKA chez les patients ayant
une PPR et/ou MH.
Nombre de patients
1
1
5
7
4
1
61
FR >
1/40
+
+
–
–
+
–
–
APN ≥ APN > AKA ≥
1/80
1/100
1/10
+
+
+
+
–
–
–
+
–
+
–
–
–
–
–
–
–
–
–
+
–
AKA >
1/10
–
–
–
–
–
–
FR : facteurs rhumatoïdes ; APN : anticorps antipérinucléaires ;
AKA : anticorps antikératine.
Efficience des APN, AKA et FR pour le diagnostic
de PR contre PPR et/ou MH
Pour évaluer la valeur diagnostique des APN, AKA et
FR dans le cadre du diagnostic de PR contre PPR et/ou
MH, nous avons comparé le groupe de patients atteints
d’une PPR (groupe A) hospitalisés pour avis diagnostique à tous les patients âgés de plus de 50 ans, hospitalisés durant la même période pour un diagnostic de PR
(groupe B).
Les résultats des tests utilisés seuls sont résumés sur les
tableaux III (PPR et/ou MH) et IV (PR), et la valeur
diagnostique exprimée en terme de Se, Sp, et efficience
est reportée sur le tableau V. On constate que les FR ont
une relativement bonne sensibilité (Se) (60 %) et une
bonne spécificité (Sp) (91 %). Les AKA n’ont jamais
été retrouvés dans le groupe A. Les APN et les AKA ont
une moins bonne Se, Sp et efficience que les FR.
Tableau IV. Présence des FR, APN et AKA chez les patients ayant
une PR.
Nombre de patients
11
8
1
1
6
3
0
14
FR > 1/40
APN ≥ 1/80
AKA > 1/10
+
+
–
+
+
–
–
–
+
+
+
–
–
+
–
–
+
–
+
+
–
–
+
–
FR : facteurs rhumatoïdes ; APN : anticorps antipérinucléaires ;
AKA : anticorps antikératine.
599
Valeur diagnostique des anticorps antipérinucléaires
Tableau V. Efficience des tests immunologiques pour le diagnostic de PR contre PPR et/ou MH.
FR
APN ≥ 80
AKA > 1/10
APN et FR positifs
FR, APN, AKA : 2 sur 3 positifs
PPR et/ou MH
PR
Se
Sp
Efficacité
5/54
9/54
0/54
2/54
2/54
26/44
23/43
13/44
20/44
21/43
60 %
53 %
30 %
45 %
49 %
91 %
83 %
100 %
96 %
96%
77 %
70 %
69 %
73 %
75 %
Se : sensibilité ; Sp : spécificité ; FR : facteurs rhumatoïdes ; AKA : anticorps antikératine ; APN : anticorps antipérinucléaires.
Efficience des combinaisons des tests
immunologiques pour le diagnostic de PR contre
PPR et/ou MH
Pour déterminer si une association des tests immunologiques est plus discriminante pour différencier les PR
des PPR, nous avons reporté sur les tableaux III et IV la
proportion de combinaisons de tests positives dans la
PPR et/ou MH et dans la PR, puis étudié la valeur
diagnostique de la combinaison de deux ou de trois des
tests dans le tableau V. La combinaison des APN et des
FR a la meilleure Sp (96 % quand les deux sont positifs). Les autres combinaisons n’augmentent que modérément la valeur diagnostique des tests utilisés
séparément.
DISCUSSION
Dans cette étude, nous avons essayé de déterminer des
sous groupes de patients atteints de PPR et/ou MH en
fonction de la présence ou non d’APN ou d’AKA.
17,5 % des patients avaient des APN à un taux ≥ 1/80.
En revanche pour une dilution au delà de 1/80, la
prévalence n’était plus que de 7,5 %. Le dosage des
APN par immunofluorescence était utilisé en routine
mais le taux de dilution du sérum reste un élément de
controverse. Il semble cependant, dans la littérature,
que la dilution au 1/80 est la plus fréquemment utilisée
en routine [21]. La relative difficulté de lecture des
lames d’APN peut expliquer la difficulté de définition
du seuil de positivité. Depuis quelques années, des
techniques de détection des AFA par immunoblot [22,
23] et des anticorps anticitrulline par Elisa [17, 24] se
développent. Ces techniques sont prometteuses et le
but est de pouvoir les utiliser en routine, mais elles sont
encore en cours de validation [25]. Nous n’avons pas
retrouvé de différence significative dans la présentation
clinique, biologique et immunologique des patients du
groupe PPR et/ou MH en fonction de la présence ou
non d’APN. Nous n’avons jamais retrouvé d’AKA chez
ces patients, leur présence doit donc orienter vers un
autre diagnostic que celui de PPR et notamment vers
celui de PR. Dans notre étude, le suivi des patients a été
d’au moins deux ans ce qui minimise les risques d’erreur
diagnostique entre PPR et PR et pourrait expliquer en
partie la prévalence des APN.
De nombreuses études mettent en évidence l’utilité
des FR pour le diagnostic de PR. Cependant, les critères
de l’ACR 1987 ont été élaborés sur l’observation de
populations plus jeunes et la Se et la Sp de ce test
peuvent varier chez des sujets plus âgés. Ainsi, Terkeltaub et al. ne retrouvent que 32 % de FR dans une
population de PR de plus de 60 ans contre 59 % chez
des PR de moins de 57 ans [26]. Nous avons étudié la
valeur diagnostique de certains tests immunologiques
lorsqu’il était difficile de distinguer la PR de la PPR chez
des patients de plus de 50 ans. La Se des FR dans la PR
est plus élevée dans notre groupe de patients âgés ayant
une PR que dans un groupe de patients hospitalisés
durant la même période mais dont la maladie débute à
un âge plus jeune (26/44 [60 %] contre 8/31 [26 %] ;
p = 0,002). Surtout, dans notre étude, la combinaison
de la faible prévalence des FR chez les patients atteints
d’une PPR et/ou MH (9 %) d’une part et cette forte
prévalence dans la PR du sujet âgé expliquent la bonne
valeur diagnostique des FR. Ces résultats diffèrent de
ceux qui suggèrent que la PR est plus souvent séronégative chez le sujet âgé que chez le sujet jeune, mais ces
observations sont controversés et les études qui s’y
rapportent sont rares et n’incluent souvent que peu de
patients [27, 28].
La sensibilité, la spécificité et l’efficience des APN, des
AKA et du HLA sont moins bonnes que celle des FR.
Comme nous l’avions déjà fait [29], nous avons étudié
la valeur diagnostique des tests lorsqu’ils sont combinés. L’association des FR et des APN peut avoir un
intérêt. En effet, lorsque les deux tests sont positifs,
alors 96 % des patients ont une PR. Cette excellente
spécificité peut aider le clinicien à débuter un traitement de fond de la PR au lieu de ne recourir qu’aux
corticoïdes dont les effets délétères sont bien connus. La
600
V. Devauchelle-Pensec et al.
combinaison de deux ou trois des tests parmi FR, APN
et AKA n’augmente pas l’efficience. De plus le coût du
bilan initial augmente, sans bénéfice pratique pour le
clinicien pour différencier la PR de la PPR.
En conclusion :
– la prévalence des APN est élevée dans la PPR et/ou
MH alors que nous n’avons jamais retrouvé d’AKA
chez ces patients ;
– la présence d’APN ne modifie pas la présentation des
PPR et/ou MH,
– la recherche de FR reste le meilleur test pour le
diagnostic de PR contre PPR et/ou MH, mais l’association des FR avec les APN augmente la spécificité (quand
les deux sont positifs, 96 % des patients ont une PR)
pour une perte modeste de sensibilité.
15
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