Le nazisme en Bade 1933
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Le nazisme en Bade 1933
[email protected] LE NAZISME EN BADE 1933 – 1945 1 È R E PA RT I E Museum am Burghof Baslerstrasse 143 D · 79540 Lörrach T: +49 (0)7621 919 37-0 F: +49 (0)7621 919 37-20 Heures d’ouverture: Me-Sa 14-17h, Di 11-17h Visites guidées: sur inscription par teléphone A propos de la scénographie de la section «Pouvoir par la terreur» La section «Pouvoir par la terreur» du Museum am Burghof montre la période du nazisme dans la Regio à partir de cinq complexes thématiques. Les visiteurs y entrent en passant une porte tout à fait commune et typique des années 20. Cette entrée veut rappeler que le nazisme s’installe en Allemagne sans encombre et se propage rapidement dans de nombreux intérieurs et salles de séjour. A l’image de la conception nazie de «l’hygiène raciste» l’espace consacré au sud de Bade sous le nazisme est carrelé en blanc. A gauche de cet espace central se trouve l’Alsace occupée et à droite la Suisse neutre, et plus particulièrement le nord-ouest de la Suisse. Au-dessus de ces trois vitrines les affiches de propagande nazie sont des démonstrations de puissance. Un espace bien délimité est consacré aux victimes du nazisme et un cinquième à la Résistance. Cinq carnets de salle traitent chacun l’un de ces cinq thèmes et décrivent les objets exposés. LA PRISE DE POUVOI R DES NAZIS EN BADE Casquette de Robert Wagner – A partir de 1940 l’Alsace est occupée et Robert Wagner devient gouverneur du gau (province) du Rhin Supérieur dont le siège est à Strasbourg. Après la libération de l’Alsace par les troupes françaises Robert Wagner fuit la ville en novembre 1944. Son appartement de Strasbourg est fouillé. Cette casquette est confisquée avec un ensemble d’autres biens par un officier français. Au mois de juillet de l’année suivante Robert Wagner est arrêté. Un tribunal de guerre français le condamne à la peine de mort en mai 1946. Il est exécuté le 14 août 1946. Robert Wagner devient gouverneur de Bade 1. Le succès des nazis s’explique entre autre du fait qu’une grande partie de la population allemande aspire à l’essor économique tant attendu, à la baisse du chômage et au renouveau de la force nationale après la défaite de la Première Guerre mondiale. Par la terreur et en même temps les promesses auxquelles croient de larges portions de la population, les nazis parviennent à gagner de nouveaux groupes de partisans aux élections du Reichstag le 3 mars 1933. Avec les nationalistes allemands ils obtiennent 49% des voix en Bade et en comptent ainsi 3% de plus que la moyenne nationale. Forts de ces résultats, les nazis revendiquent la démission immédiate du gouvernement badois dirigé majoritairement par le parti centriste. Le 9 mars 1933, les sections SS et SA, les groupes terroristes de combat et de sécurité du NSDAP, manifestent devant le ministère de l’intérieur à Karlsruhe. Robert Wagner (1895-1946) est chargé du régime de terreur en Bade dont il est nommé gouverneur. Il est aussi chef du NSDAP et se situe juste au-dessous d’Adolf Hitler (1889-1945) dans la hiérarchie du parti. Casquette du chef de district NSDAP Rudolf Allgeier (1901-1988) – Il est chef du district de Lörrach depuis 1938. Après le führer et le gouverneur, le chef de district est au troisième niveau de la hiérarchie du parti. Selon le nouveau règlement communal allemand de 1935 c’est à lui que revient, d’un commun accord avec le maire, la désignation des conseillers municipaux qui dès lors perdent tout pouvoir exécutif. Ce putsch est décisif pour le destin politique de Bade. Robert Wagner, nationaliste convaincu, antisémite, antimarxiste et ennemi de l’Eglise veut faire du Bade un gau (province) exemplaire. Robert Wagner s’est déjà fait remarquer depuis quelques années par son refus du système parlementaire de la République de Weimar. Il est fréquemment puni pour atteinte verbale et corporelle. Dès 1923 il participe au premier putsch d’Hitler et entretient depuis des liens étroits avec le futur führer et le ministre de la propagande Paul Joseph Goebbels (1897-1945). 2. Les nazis prennent les Hôtels de Ville Pour enrayer les mouvements de protestation Robert Wagner fait arrêter les communistes et sociaux-démocrates du parlement de Bade et exige la démission les membres du parti centriste. Certains d’entre eux sont envoyés en camp de concentration badois, les associations de travailleurs, les collectifs et les deux partis marxistes sont interdits. Leurs biens sont confisqués par l’Etat de Bade. De nombreux politiques des grandes communes badoises subissent le même sort que les membres du parlement de Bade: environ 70% des postes dirigeants changent d’occupation. A Fribourg le 12 mars 1933 le maire centriste Josef Hölzl (1886-1936) et le conseiller Franz Geiler (18791948), membre du SPD et secrétaire syndical, sont arrêtés à l’Hôtel de Ville. Le maire principal Karl Bender (1880-1970), lui aussi membre du parti centriste, est obligé par le NSDAP à démissionner. Le 10 mai 1933 Robert Wagner nomme Franz Kerber (1901-1945), éditeur de la feuille de combat «Der Alemanne», à la tête du commissariat de la mairie. A la fin d’août 1933 tous les députés centristes de gauche et ceux qui refusent de coopérer sont expulsés du conseil municipal de Fribourg. A Lörrach le chef local du NSDAP et négociant Reinhard Boos (18971979) est nommé à la tête de la mairie. Il est en bonne relation avec Robert Wagner qui vient en visite à Lörrach en 1933 à l’occasion de la manifestation des régions frontalières et en 1934 pour la démonstration du programme de création d’emplois du NSDAP. Boos et Wagner envisagent ensemble de faire de Lörrach le siège de la zone frontalière nazie et un pôle de résistance face au front socialiste de Bâle. A cette fin les communes adjacentes de Tüllingen et Tumringen sont incorporées. Un nouvel Hôtel de Ville, un théâtre et une agence de l’emploi font partie des projets d’avenir mais les travaux ne commenceront jamais. L A PROPAGAN DE NAZI E ET L’U N I FORMISATION DE L A POPU L ATION La population est endoctrinée grâce aux nombreuses manifestations du régime nazi comme celle de la grande journée du NSDAP le 18 juin 1939 sur la place du marché de Lörrach pendant laquelle Robert Wagner tient un discours. 1. Normalisation extérieure Avec le nouveau régime c’est aussi l’image des villes qui se modifie: presque partout Adolf Hitler, Paul von Hindenburg et Robert Wagner sont désignés comme citoyens d’honneur et de très nombreuses rues et places sont rebaptisées. A Fribourg la Kaiser-Joseph-Straße et à Lörrach la Basler et la Tumringer Straße deviennent Adolf-Hitler-Straße, la place du marché Neue Marktplatz devient Robert-Wagner-Platz. Le NSDAP marque aussi sa présence en hissant partout des drapeaux à croix gammées. A l’occasion de fêtes importantes la bannière nazie doit être suspendue aux fenêtres des maisons privées. Par ailleurs l’uniformisation de la population civile avance à grands pas. L’objectif est de contrôler la population dans tous les domaines et de lui imposer l’idéologie. Hommes, femmes et jeunes gens sont suc- © Stadtarchiv Lörrach Photo de la fédération des filles allemandes (Bund Deutscher Mädchen BDM) dans l’ancienne rue Adolf-Hitler à Lörrach dans les années 1935. Les jeunes filles sont initiées à leur rôle de citoyenne, d’épouse, de mère et de femme au foyer. cessivement préparés à la guerre contre les ennemis «extérieurs» et «intérieurs»: les Jeunesses Hitlériennes (Hitlerjugend HJ), la fédération des filles allemandes (Bund Deutscher Mädel BDM), celle des enseignants (Lehrerbund) et celle des femmes allemandes (Deutscher Frauenbund) et enfin le front des ouvriers allemands (Deutsche Arbeiterfront DAF) qui est fondé le 10 mai 1933 après l’interdiction des syndicats libres sont les nouvelles organisations du NSDAP qui recrutent suivant l’âge et la situation de vie. Il n’y a pas obligation d’être membre mais le DAF compte environ 22 millions de membres et la manifestation du 14 juillet 1934 à Lörrach rassemble d’après le DAF autour de 30 000 auditeurs. 2. Censure de la presse Parallèlement, la diversité et la liberté de la presse sont sévèrement restreintes: l’Oberbadisches Volksblatt est extrêmement contrôlé, d’autres journaux comme l’Oberländische Bote sont interdits. Der Alemanne devient le principal organe de la presse nazie dans le sud de Bade. Les journaux bâlois jusqu’ici largement distribués dans la région frontalière allemande perdent leurs abonnés. 3. Influence massive par la radio Les nazis attribuent une importance particulière à la propagande radiophonique parce qu’ils sont convaincus que cet instrument de diffusion en masse est plus efficace et plus moderne et leur permet d’atteindre la population simplement et en profondeur. C’est pourquoi chaque foyer doit être pourvu du poste de radio populaire Volksempfänger. A partir de septembre 1939 ces postes de radio sont tous munis de l’étiquette «Denke daran» (N’oublie pas que le fait de capter les radios étrangères est un crime contre la sécurité nationale du peuple. Sur ordre du führer toute encontre est réprimée par une peine de prison.) Malgré cette menace nombreux sont ceux qui tentent de capter les émetteurs étrangers. Ceux qui se font surprendre sont sévèrement punis. Ainsi les statistiques officielles des «crimes d’écoute de radio» répertorient 985 jugements pour l’année 1942 à elle seule. Le nombre d’accusés envoyés en camp de concentration sans avoir été jugés reste inconnu. En Bade il est possible de capter l’émetteur suisse interdit Beromünster malgré la capacité d’écoute réduite des postes de radio. A Lörrach Anna Luise Strasser, une femme au foyer de 55 ans, est arrêtée par la gestapo qui l’accuse d’avoir écouté une radio étrangère. Le tribunal spécial de Mannheim la condamne le 29 mars 1940 à six mois de prison. Anna Strasser meurt le 23 août 1940 pour des raisons jusqu’à aujourd’hui inconnues dans une maison d’arrêt pour femmes à Schwäbisch-Gmünd. (Une saynète est consacrée ici au destin d’Anna Strasser.) Ce panneau publicitaire d’Offenburg indique clairement la zone d’influence du journal nazi. Avec un tirage de 300 000 exemplaires, des agences spéciales à Berlin, Karlsruhe et Münich ainsi qu’une propre rédaction dans de nombreuses villes du district du Bade supérieur, Der Alemanne parvient pratiquement dans chaque foyer. Le petit récepteur allemand de 1938 est le modèle le plus simple et le moins cher du «Volksempfänger» commandité en 1933 par les nazis. Les couches populaires les plus modestes peuvent se le procurer. ARMEMENT ET SECON DE GU ERRE MON DIALE 1. Armement massif et économie de guerre Trois jours après sa nomination comme chancelier impérial le 2 février 1933, Adolf Hitler informe les dirigeants allemands de ses projets d’expansion en Europe de l’est. Il met en route parallèlement un plan massif d’armement. A l’encontre du Traité de Versailles de 1919 Hitler instaure le service militaire obligatoire le 1er octobre 1935. Dès lors le Reich allemand dispose d’une armée de 400 000 soldats. Huit mois plus tard, le 7 mai 1936, la Wehrmacht occupe la zone rhénane démilitarisée depuis le Traité de Versailles. Un jour plus tard les soldats de l’armée allemande patrouillent à Fribourg, Müllheim et Lörrach. Parce que l’activité d’armement prend sur les réserves en main d’œuvre du Reich allemand, le service du travail obligatoire (Reichsarbeitsdienst RAD) est introduit la même année que le service militaire obligatoire. Cette loi impose à chaque Allemand de travailler durant six mois pour le Reich. Les hommes et les femmes sont enrôlés dans la construction de routes et dans celle de la ligne Siegfried. Ce front de 630 kilomètres de long est un ouvrage de fortification construit dans les années 1936-1939 sur l’ordre d’Hitler. Il doit renforcer la frontière occidentale allemande de Wesel à Lörrach et couvrir les soldats allemands durant les opérations d’expansion sur le front de l’est. Le plus gros ouvrage fortifié en Bade sud est édifié à Istein. Une large opération de propagande est destinée à convaincre la population de la frontière française de l’invulnérabilité de cette construction et à l’amener à soutenir les mesures de défense militaire et de politique extérieure d’Hitler. (Pour le chapitre sur le début de la Seconde Guerre mondiale, voir «L’Alsace sous l’occupation allemande») La Wehrmacht entre le 8 mai 1936 dans la rue Adolf-Hitler-Straße à Lörrach. Hitler inspecte le bunker d’Istein le 19 mai 1939 et tient un discours qui vante l’invulnérabilité de la ligne Siegfried. Cette photo du service du travail obligatoire prise de la Grether Straße à Lörrach date du 1er mai 1938.