La PrEP pour les travailleur-se-s du sexe : Enjeux et possibilités

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La PrEP pour les travailleur-se-s du sexe : Enjeux et possibilités
La PrEP pour les travailleur-se-s du sexe : Enjeux et possibilités
Les COREVIH Nord, Ouest et Île-de-France ont organisé une
réunion entièrement consacrée à la problématique des
travailleur-se-s du sexe vis-à-vis des offres à venir et des
recherches en prophylaxie pré-exposition (PrEP), avec un focus
notamment sur les personnes trans.
Publié le 20 Juin 2014 par Gilles Pialoux, vih.org
C’était une très belle réunion organisée le 21 Mai dernier à
l’Espace Scipion (APHP) par deux COREVIH d’Ile de France,
le COREVIH Ouest et le COREVIH Nord, sous la houlette du
Dr Anaenza Freire Maresca de l’Hôpital Ambroise Paré et du
Docteur Florence Michard de l’Hôpital Bichat, et la Présidence
du Professeur Elisabeth Rouveix.
Une réunion entièrement consacrée à la problématique des
travailleur-se-s du sexe vis-à-vis des offres à venir et des
recherches en prophylaxie pré-exposition (PrEP), avec un focus
notamment sur les personnes Trans représentées lors de cette
soirée, à la fois par le syndicat du travail sexuel (STRASS) et
aussi le point de vue de Camille CABRAL (PASST) et de
Giovanna RINCON (ACCEPTESS-T).
Certes, le Plan National de Lutte contre le VIH / sida et IST
2010-2014 1 prévoyait bien des actions orientées vers les
travailleurs du sexe, mais on sait en fait peu de choses des
attentes ou des craintes de celles et ceux-ci, à fortiori quand il
s’agit de personne transgenre et à fortiori encore quand il s’agit
d’un outil de prévention aussi novateur et complexe, et parfois
polémique, qui est la PrEP.
Après une présentation globale par l’auteur de ses lignes sur
l’actualité des données concernant l’utilisation de la PrEP et un
focus sur les données de la population des travailleurs du sexe,
on peut d’ores et déjà noter le faible niveau de données
disponibles. A l’exception notable, mais sans analyse de sous
groupe, des 41% de « sexe tarifé » dans la population HSH de
l’étude IPREX qui par ailleurs n’a recrutée que 1% de
volontaires transgenres et de l’essai thaïlandais ciblé sur les
usagers de drogues où, là aussi, il n’y a pas eu à notre
connaissance de sous-étude sur les travailleur-se-s du sexe.
La cession a donné un angle particulier à l’essai ANRSIpergay avec l’intervention de Vincent Coquelin de AIDES qui
a fait le point sur l’engagement du comité associatif dans Ipergay
et la longue route qui a mené à la mise en place de cet essai, suivi
par les témoignages de deux participant(e )s de Ipergay, Valérie
qui exprimait son engagement de trans dans l’essai Ipergay et
comment, pour elle, la question du placébo n’était pas un
problème: «Je ne veux pas savoir si j’ai le placébo ou le
Truvada… J’aime bien les mathématiques…» ; mettant l’accent
sur l’intérêt théorique de le PrEP intermittente: «Je baise qu’un
week-end sur deux», a-t-elle précisé ; ainsi que le témoignage de
Nathan, 25 ans, travailleur du sexe depuis l’âge de 17 ans et
syndiqué du STRASS, par ailleurs salarié à AIDES, rappelant
que les essais de PrEP ne sont pas seulement des essais
comprenant une molécule contre un placébo mais des essais
offrant une palette d’outils de prévention qu’utilisent ou non les
volontaires, Nathan précisant aussi: «Ça arrive que je mette des
préservatifs quand j’ai pas trop confiance.»
Lire sur ce point le très instructif avis du Conseil National du Sida (CNS)
sur le Bilan du Plan VIH/IST 2014) qui a été récemment rendu public dans
l’attente à la rentrée du rapport complet
1
Enquête des connaissances et ressentis de la PrEP
Anaenza Freire Maresca a présenté l’enquête novatrice des
connaissances et ressentis de la PrEP parmi les travailleurs et
travailleuses du sexe (TDS) menée entre avril et mai 2014. Il
s’agissait d’un questionnaire de trois questions ouvertes, simples
et consensuelles disponibles sur www.men.Prepfacts.org,
traduit en anglais, en bulgare, en espagnol, en mandarin et en
portugais.
Le questionnaire a été envoyé par voie postale et par internet
avec une participation de la plupart de la population de
personnes concernées en Ile de France, notamment
ACCEPTESS-T (38 retours), ARCAT (20 retours), PASTT (14
retours), STRASS (10 retours), etc… Au total 110
questionnaires ont été analysés (47 (43%) en langue espagnole,
36 (33%) en français, et le reste en Portugais, Mandarin et
Anglais). Dans 73% des cas, il s’agissait de trans MtF, dans 19%
de femmes, dans 5% des cas d’hommes. A signaler la relative
précarité des répondants puisque 49 (45%) d’entre eux
assuraient leur activité de sexe tarifé à l’extérieur, contre 35
(32%) en appartement, et 7 (6%) en camion.
L’âge médian était 38 ans (IQR29-45). De multiples pays
d’origine étaient représentés avec «en tête» le Pérou (19%), le
Brésil (13%), l’Equateur (12%), avec un total de 53% des
répondants originaires d’Amérique latine.
A la première question «Avez-vous déjà entendu parler de la
PrEP?», 68% (N=75) n’avait jamais entendu parler de la PrEP.
A la deuxième question de «ce qu’aimeraient les répondants
savoir sur ce nouveau type de prévention?», on retrouve avant
tout , de savoir si la PrEP protège des autres IST (55%)?, où
trouver des médecins connaisseurs et prescripteurs de la PrEP
(54%)?, quels sont les effets indésirables ou secondaires (52%)?,
combien de temps faut-il la prendre (51%)?, puis-je me passer
de préservatifs (45%)?, il a-t-il une possibilité de
remboursement par la sécurité sociale (50%)?
A la troisième question «Identifiez-vous des difficultés
spécifiques à l’utilisation type de moyen de prévention pour une
personne travailleuse du sexe?», 63 (57%) expriment que les
effets indésirables et/ou les aspects contraignants du traitement
préventif obligent les travailleurs du sexe à modifier leur vie
quotidienne et leur travail et 56% considèrent que la PrEP induit
un risque de contamination par d’autres IST.
Enfin, le STRASS, syndicat du travail sexuel, a exprimé un
certain nombre de réserves qui sont partie prenante des débats
entre travailleur-se-s du sexe, Trans et PrEP que l’on peut
résumer ainsi: «La PrEP ne protège pas des autres IST: risques
de pandémie des maladies moins délétères mais tout aussi
sérieuses (hépatites, syphilis)», la PrEP est perçue comme un
outil plus lourd que le préservatif et qu’il est plus facile de
l’oublier, réticence liée à la méconnaissance des médicaments,
pas assez de recul sur les effets à long terme, peur que la PrEP
entraine une pression plus forte à des rapports sans préservatifs
et pour ce syndicat, «il apparait intolérable que ce soit encore
le/la receveur/euse qui supporte la responsabilité de la
prévention alors que le syndicat demande depuis des années des
campagnes de sensibilisation et de prévention en direction des
clients».
Gilles PIALOUX, Investigateur de l’essai ANRSIPERGAY, était intervenant de cette réunion COREVIHs, «libre
de tout soutien de l’industrie pharmaceutique» comme l’a
précisé Elisabeth Rouveix.