Document 1 de 1 Cour d`appel Poitiers Chambre sociale 15 Mai

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Document 1 de 1 Cour d`appel Poitiers Chambre sociale 15 Mai
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Document 1 de 1
Cour d'appel
Poitiers
Chambre sociale
15 Mai 2013
N° 354, 11/05412
SAS MARTINIERE DISTRIBUTION
Madame Virginie CHAROT
Classement :Inédit
Contentieux Judiciaire
CK/KG
ARRET N° 354
R.G : 11/05412
SAS MARTINIERE
DISTRIBUTION
C/
CHAROT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 MAI 2013
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/05412
Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 16 décembre 2011 rendu par le Conseil de
Prud'hommes de NIORT.
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APPELANTE :
SAS MARTINIERE DISTRIBUTION
Représentée par Me Paul COEFFARD (avocat au barreau de POITIERS)
INTIMEE :
Madame Virginie CHAROT
Comparante
Assistée de Me Nathalie MARRET (avocat au barreau de NIORT)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'
article 945-1 du
Code de Procédure Civile
l'affaire a été débattue le 18 Mars 2013, en audience publique, devant
,
Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente
Madame Catherine KAMIANECKI, Conseiller
Monsieur Jean-Paul FUNCK-BRENTANO, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Christine PERNEY
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du
Code de procédure civile
,
- Signé par Madame Elisabeth LARSABAL, Présidente, et par Madame Christine PERNEY,
Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme Charot a été engagée par la société Martinière distribution, exploitant un magasin Super U, en
qualité d'hôtesse de caisse-employée commerciale aux termes d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel du 1er
septembre 2005, puis à temps complet par
avenant
du
1er mai 2006
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, contrats relevant de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Par courrier du 5 octobre 2010 la société Martinière distribution a convoqué Mme Charot à un
entretien préalable fixé le 14 octobre 2010.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 octobre 2010 la société Martinière
distribution a licencié Mme Charot pour faute grave.
Le 1er février 2011 Mme Charot a saisi le conseil de prud'hommes de Niort pour contester son
licenciement avec toutes conséquences de droit.
Par jugement du 16 décembre 2011 le conseil de prud'hommes de Niort, après avoir retenu la bonne
foi de la salariée et l'existence d'un doute a notamment :
* dit que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,
* condamné la société Martinière distribution à payer à Mme Charot les sommes de :
- 1 351,38 euros au titre de la prime annuelle (brut),
- 2 837,84 euros au titre de l'indemnité de préavis (brut),
- 283,78 euros au titre des congés payés sur préavis (brut),
- 1 418,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement (net),
- 10 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
* condamné la société Martinière distribution aux entiers dépens.
Vu l'appel régulièrement interjeté par la société Martinière distribution.
Vu les conclusions déposées le 20 décembre 2012 et développées oralement à l'audience de
plaidoiries par lesquelles l'appelante demande notamment à la cour à titre principal, d'infirmer la décision déférée, de
dire que le licenciement est fondé sur une faute grave, de débouter Mme Charot de l'ensemble de ses demandes et de la
condamner à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'
article 700 du
code de procédure civile
et à
titre subsidiaire de limiter ses prétentions et de dire que la prime annuelle n'est pas due.
Vu les conclusions déposées le 8 mars 2013 et développées oralement à l'audience de plaidoiries par
lesquelles Mme Charot sollicite notamment la confirmation de la décision déférée et la condamnation de Mme Charot à
lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'
article 700 du
code de procédure civile
.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de moyens et de l'argumentation des parties, il
est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises.
SUR CE
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Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige opposant les parties a énoncé essentiellement
un grief qui sera examiné au visa de l'
article L 1235-1 du
code du travail
, le
doute profitant au salarié.
Il a été reproché à Mme Charot d'avoir procédé à des opérations de remballe sur du fromage,
notamment le 20 septembre 2010, date à laquelle elle a été prise sur le fait, et d'avoir apposé une nouvelle date limite de
consommation sur les fromages périmés ainsi remballés.
La société Martinière distribution a préalablement énoncé dans la lettre de licenciement qu'elle avait
été alertée en septembre, par des incohérences en matière de volume de vente et de casse, ce après analyse des chiffres
du mois d'août.
Mme Charot ne conteste pas avoir fait de la remballe mais soutient qu'elle a agi sur ordre de son
supérieur hiérarchique, plus particulièrement M. Ayrault, et souligne qu'elle n'a jamais dépassé la date limite de
consommation concernant les produits fromagers avant découpe. Elle ajoute que la pratique de remballe est courante
dans le magasin et qu'il s'agit d'un usage constant.
Toutefois l'attestation de M. Ayrault, dont aucune pièce ne permet d'écarter la sincérité, dément la
version de Mme Charot, l'intéressé précisant que cette pratique de remballe est strictement interdite, notamment en
raison des risques sanitaires en découlant, l'interdiction étant régulièrement rappelé lors de différentes formations.
Ce témoignage est conforté par celui de M. Robin, responsable alimentaire du super U, et de Mme
Tessier, coordinatrice métier et animatrice hygiène. Cette dernière expose dans son attestation réaliser des contrôles
dans les rayons alimentaires, notamment pour vérifier la qualité des produits et leur date de péremption. Mme Tessier
indique avoir remarqué en surveillant Mme Charot que certains fromages coupés vendus n'avaient pas un aspect de
fraîcheur optimale, et paraissaient avoir plus de sept jours d'emballage, même si la date limite de consommation
affichée sur le produit n'était pas dépassée. C'est ainsi qu'elle avait découvert le 20 septembre 2010, dans les poubelles,
des emballages de fromage vides portant une date limite de consommation dépassée au jour de ce contrôle et qu'elle
avait compris le système de remballe mis en oeuvre par la salariée.
Dès lors que Mme Charot admet que le fromage coupé à partir d'une meule pour laquelle une date
limite de consommation était globalement fixée, recevait, au moment de l'emballage de la découpe, une autre date limite
de consommation expirant 7 jours plus tard, et que Mme Tessier apporte des précisions sur l'aspect du fromage
pré-coupé et emballé, postérieurement à ce délai de 7 jours, il s'en déduit que ce délai de 7 jours était défini de manière
à garantir des normes sanitaires, et qu'il devait bien être respecté par les salariés, ainsi que rappelé de manière constante
lors des formations. La fiche descriptive du poste occupé par Mme Charot insiste d'ailleurs sur le respect rigoureux des
dates limite de consommation. Peu importe donc que la date limite de consommation de la meule d'origine n'ait pas été
dépassée, la découpe impliquant en toute logique l'attribution pour chaque part de fromage d'une nouvelle date limite de
consommation autonome et devant être strictement respectée.
Mme Charot a d'ailleurs suivi la formation organisée le 20 avril 2010 et ne pouvait ignorer les
nécessités de respecter la date limite de consommation de chaque produit découpé et emballé, sans avoir à tenir compte
de la date limite de consommation de la meule d'origine et s'en pouvoir s'en prévaloir.
Ces motifs excluent de retenir, sans autre preuve que les affirmations de la salariée, que la remballe
était un usage d'entreprise. Cette pratique était d'ailleurs contraire aux intérêts du magasin compte tenu des risques
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courus sur le plan pénal et financier et l'image de marque commerciale.
Mme Charot qui considère que l'employeur a cherché à se débarrasser d'elle en raison de son
manque de disponibilité et de sa situation familiale ne produit aucune pièce permettant de conforter cette argumentation.
En conséquence c'est à tort que les premiers juges ont, nonobstant la reconnaissance des faits par
Mme Charot, considéré qu'il existait un doute sur la gravité des faits et leur stricte imputabilité à la salariée.
Les enjeux sanitaires et commerciaux, mais aussi les risques de poursuites administratives et
pénales, caractérisent la gravité de la faute ce qui justifiait de prononcer le licenciement avec effet immédiat,
l'employeur n'ayant pas l'obligation, dans cette hypothèse, de prononcer une mise à pied conservatoire entre la
convocation à l'entretien préalable, intervenue dans un délai raisonnable de 15 jours après la confirmation des soupçons
de l'employeur, et le prononcé du licenciement.
Il se déduit de ces motifs que le licenciement a exactement été prononcé pour faute grave et la cour
réformera la décision déférée de ce chef. Mme Charot sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes liées à la
contestation du licenciement.
Sur la prime annuelle
Mme Charot sollicite le paiement de la prime annuelle prévue par l'article 3.7 de la convention
collective applicable mais omet que, dans l'hypothèse de l'espèce, à savoir une prime versée en plusieurs fois dans
l'année, il y est énoncé que ' le ou les versements précédents le solde constituent une avance remboursable si le salarié a
quitté l'entreprise avant la date de versement du dit solde'.
La convention collective prévoit un versement de la prime au pro-rata du temps de présence du
salarié, mais à titre exceptionnel, les circonstances ainsi visées devant être interprétées de manière restrictive. Or
l'hypothèse d'un licenciement pour faute grave n'y figure pas.
En conséquence Mme Charot sera déboutée de sa demande de ce chef et la cour réformera la
décision déférée qui avait fait droit à cette prétention uniquement en tenant compte de la date d'expiration du préavis.
Sur la restitution des sommes versées
La décision de la cour de réformer le jugement assorti de l'exécution provisoire entraîne de plein
droit la restitution des sommes versées, avec intérêts de droit à compter de la signification du présent arrêt, valant mise
en demeure, sans que la Cour ait à exiger la production de justificatifs de paiement ni à fixer le quantum des sommes à
restituer.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Mme Charot qui succombe sera condamnée aux entiers dépens.
Nonobstant l'issue de l'appel, l'équité et les circonstances économiques commandent de faire
application de l'
article 700 du
code de procédure civile
.
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PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Réforme la décision déférée en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
Dit que le licenciement a exactement été prononcé pour faute grave,
Déboute Mme Charot de l'ensemble de ses demandes,
Condamne Mme Charot aux dépens,
Y ajoutant :
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Condamne Mme Charot aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Décision Antérieure
Conseil de prud'hommes
Niort du
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16 décembre 2011