Le bail emphythéotique administratif

Transcription

Le bail emphythéotique administratif
Pages Fiches techniques C+_Mise en page 1 05/03/13 06:24 Page53
LES FICHES TECHNIQUES
DOMAINE PUBLIC
DU JOURNAL DES MAIRES
Le bail emphythéotique administratif
Le BEA (bail emphytéotique administratif) est un contrat d’occupation domaniale
portant indifféremment sur le domaine public ou le domaine privé. Conditions.
1. DÉFINITION
Selon l’article L. 1311-2 du CGCT, « un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l’objet
d’un bail emphytéotique prévu à l’article L. 451-1 du Code
rural et de la pêche maritime, en vue de l’accomplissement,
pour le compte de la collectivité territoriale, d’une mission
de service public ou en vue de la réalisation d’une opération
d’intérêt général relevant de sa compétence. »
2. FONDEMENT
Le BEA (bail emphytéotique administratif) confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque. Le droit réel
est un droit qui porte directement sur une chose. A l’origine, le BEA a été instauré afin de contourner la jurisprudence Eurolat (Conseil d’Etat, 6 mai 1985, Association
Eurolat – Crédit Foncier de France), laquelle avait rappelé,
de manière stricte, l’une des principales conséquences
de l’inaliénabilité du domaine public, c’est-à-dire l’impossibilité d’y constituer des droits réels.
Le droit réel conféré au preneur ainsi que les ouvrages
dont il est propriétaire peuvent être hypothéqués, mais
« uniquement pour la garantie des emprunts contractés
par le preneur en vue de financer la réalisation ou l’amélioration des ouvrages situés sur le bien loué » (article
L. 1311-3 2° du CGCT).
En application de l’article L. 1311-3 3° du CGCT, seuls les
créanciers hypothécaires ont la possibilité d’exercer des
mesures conservatoires ou d’exécution sur les droits immobiliers résultant du bail.
3. LE BAILLEUR
Le bailleur doit être une « collectivité territoriale » (article
L. 1311-2 du CGCT), « un établissement public des collectivités territoriales, un groupement de ces collectivités »
(article L. 1311-4 du CGCT) ou un établissement public de
santé (art. L. 6148-3 du Code de la santé publique). Un
BEA ne peut être conclu ni par l’Etat, ni par un établissement public national.
4. LE PRENEUR
Le preneur peut être une personne de droit privé, personne physique ou personne morale, quelle que soit sa
forme (société, association ou groupement dotés de la
personnalité morale, groupement d’intérêt économique
par exemple, société anonyme d’HLM).
Depuis la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002, les personnes
morales de droit public peuvent également être preneurs
à bail.
5. TYPES DE BEA
Le BEA, correspondant à la première forme de partenariat
public et privé constitue un contrat administratif issu du
bail emphytéotique du droit rural mis en place par la loi
n°88-13 du 5 janvier 1988 précitée. Cette forme de partenariat public a justifié la création d’un nouveau dispositif
permettant la coopération interhospitalière : le bail emphytéotique administratif hospitalier (BEAH).
Le BEA est aussi un instrument juridique permettant de
valoriser économiquement le domaine public et autorisant les collectivités territoriales à consentir des droits
réels sur leur domaine public.
6. DURÉE
Le BEA est conclu pour une durée de 18 à 99 ans. Il ne
peut pas être prolongé par tacite reconduction.
7. UN CONTRAT D’OCCUPATION DOMANIALE
Le BEA est un contrat d’occupation domaniale portant
indifféremment sur le domaine public ou le domaine
privé, et non, en lui-même, un contrat de la commande
publique. Il peut de ce fait être conclu de gré à gré, sans
publicité ni mise en concurrence lorsqu’il s’agit d’un BEA
« sec », qui n’a d’autre fonction que celle de donner à
bail une parcelle pour permettre au preneur de développer une activité de son choix, sous réserve que celle-ci
soit d’intérêt général (par exemple : installer une entreprise et ainsi créer de l’emploi). Celai a été réaffirmé pour
l’ensemble des conventions d’occupation du domaine public par l’arrêt Jean Bouin (CE, sect., 3 décembre 2010,
n° 338272 et n° 338527).
En revanche, aux termes de l’article R. 1311-2 CGCT,
adopté par le décret n° 2011-2065 du 30 décembre 2011
en application de l’article L. 1311-2 CGCT et codifiant la
jurisprudence prescrivant un réflexe de « surqualification », la passation du BEA est soumise à des obligations
de publicité et de mise en concurrence lorsque le BEA est
accompagné d’une convention d’exploitation non détachable constituant un des contrats de la commande publique suivants : marché public au sens de l’article 1 CMP,
délégation de service public (L. 1411-1 CGCT), contrat de
partenariat (L. 1414-1 CGCT), concession de travaux pu-
www.journaldesmaires.com mars 2013 Journal des Maires

53
Pages Fiches techniques C+_Mise en page 1 05/03/13 06:24 Page54
LES FICHES TECHNIQUES
DU JOURNAL DES MAIRES
Le bail emphythéotique administratif

blics (L. 1415-1 CGCT), ou que les clauses mêmes du BEA
peuvent être analysées comme une convention d’exploitation non détachable constituant l’un des contrats de la
commande publique précités.
Dans ce cas, la passation du BEA est conduite selon les
procédures de publicité et de mise en concurrence du
contrat de la commande publique auquel il est associé,
le BEA étant naturellement attribué conjointement au
contrat de la commande publique que constitue sa
convention d’exploitation.
8. CHAMP D’APPLICATION
En application de l’article L. 1311-2 du CGCT, le BEA, tendant à répondre aux besoins principalement immobiliers,
peut être conclu par une collectivité territoriale :
 en vue de l’accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d’une mission de service public ;
 en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence ;
 en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un
édifice du culte ouvert au public ;
 jusqu’au 31 décembre 2010, pour les besoins d’un service départemental d’incendie et de secours.
En outre, ce type de bail peut être conclu « même si le
bien sur lequel il porte (…) constitue une dépendance du
domaine public, sous réserve que cette dépendance demeure hors du champ d’application de la contravention
de voirie » (article L. 1311-2 alinéa 2 du CGCT). Ce type
de contravention correspond aux atteintes portées à des
dépendances du domaine public.
9. LES BEA POUR LA RÉALISATION
D’OPÉRATIONS LIÉES AUX BESOINS
DE LA JUSTICE, DE LA POLICE
OU DE LA GENDARMERIE NATIONALES
La loi du 14 mars 2011 prolonge jusqu’au 31 décembre
2013 la possibilité pour les collectivités territoriales de
conclure des BEA pour la réalisation d’opérations liées
aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie
nationales. L’article L. 1311-2 du CGCT dispose que « tout
projet de bail emphytéotique administratif, présenté pour
la réalisation d’une opération d’intérêt général liée aux
besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie
nationales, dont le loyer est supérieur à un montant fixé
par décret en Conseil d’Etat, est soumis à la réalisation
d’une évaluation préalable dans les conditions fixées à
l’article L. 1414-2 ».
Cette évaluation précise les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif qui conduisent
la personne publique à envisager la conclusion du BEA.
Un arrêté du 2 mars 2009, relatif à la méthodologie ap-
54
www.journaldesmaires.com mars 2013 Journal des Maires
plicable à l’évaluation préalable à la mise en œuvre d’une
procédure de passation d’un contrat de partenariat, précise son contenu.
L’article R. 1311-1 du CGCT fixe à un million d’euros hors
taxes le montant annuel du loyer du bail au-delà duquel
la collectivité territoriale devra réaliser cette évaluation.
Ce montant est aligné sur le seuil prévu à l’article R. 212230 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) qui prévoit la réalisation obligatoire d’une
évaluation préalable pour les baux de l’article L. 2122-15
du CGPPP conclus entre l’Etat et le titulaire d’une autorisation d’occupation temporaire dont le loyer annuel est
supérieur à un million d’euros.
10. CESSION DES DROITS
La cession des droits résultants d’un BEA est possible, avec
l’agrément de la collectivité territoriale, à la condition
qu’ils soient cédés à une personne subrogée au preneur
dans les droits et obligations découlant de ce bail, et le
cas échéant, des conventions non détachables conclues
pour l’exécution du service public ou la réalisation de l’opération d’intérêt général (article L. 1311-3 1° du CGCT).
Philippe Deloire
RÉFÉRENCES JURIDIQUES
 Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la
décentralisation. JORF, 6 janvier 1988, p. 208.
 Article 11 de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à
la transparence et à la régularité des procédures de
marchés et soumettant la passation de certains contrats
à des règles de publicité et de mise en concurrence.
JORF, n° 4, 5 janvier 1991, p. 236.
 Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de
programmation pour la performance de la sécurité
intérieure. JORF, n° 62, 15 mars 2011, p. 4582,
texte n° 2.
 Décret n° 2011-2065 du 30 décembre 2011 relatif aux
règles de passation des baux emphytéotiques
administratifs. JORF, n° 303, 31 décembre 2011,
p. 23003, texte n° 36.
 Arrêté du 2 mars 2009 relatif à la méthodologie
applicable à l’évaluation préalable à la mise en œuvre
d’une procédure de passation d’un contrat de
partenariat. JORF, n° 53, 4 mars 2009, p. 4010,
texte n° 23.
 Article L. 451-1 du Code rural et de la pêche maritime.
 Article L. 2122-20 du Code général de la propriété
des personnes publiques.
 Articles L. 1311-2 à L. 3111-4-1 du CGCT.
 Article R. 1311-1 à R. 1311-6 du CGCT.
 Article L. 6148-3 du Code de la santé publique.