SITES ARCHEOLOGIQUES ET PEUPLEMENT HISTORIQUE

Transcription

SITES ARCHEOLOGIQUES ET PEUPLEMENT HISTORIQUE
1
SITES ARCHEOLOGIQUES ET PEUPLEMENT HISTORIQUE DE
L’ESPACE YORUBA DU BENIN: CAS DES PAYS KETU ET ṢÀBẸ
1.
Problématique générale de la recherche
D’une façon générale, les chercheurs qui travaillent sur l’Afrique sont confrontés à un
sérieux problème, celui de la rareté de sources écrites et archéologiques qui
permettent de dater avec précision les faits historiques.
Dans l’ensemble, le Bénin fait partie de ces pays de l’Afrique de l’Ouest où les
recherches archéologiques restent encore très mal connues. Cette situation explique
l’insuffisance des informations relatives à la mise en place du peuplement dans cette
partie de l’Afrique pré-coloniale. Cependant, certains chercheurs de la période
coloniale ont rédigé des monographies qui constituent des témoignages écrits du
passé du Bénin. D'autres ont arraché directement au sable des vestiges d'une
occupation ancienne.
Par ailleurs, des indices matériels ont été découverts fortuitement par les paysans au
cours des travaux champêtres, par les chasseurs, par les promeneurs, par les amateurs
ou les collectionneurs. Aucune de ces découvertes n’a entraîné des recherches
archéologiques systématiques, surtout en pays Ketu et Ṣàbẹ. Ces informations peu
nombreuses, sont trop fragmentaires pour apporter de véritables indications sur
l'histoire du Bénin en général.
L'histoire de l'occupation du sol de l'espace géographique constitué par Ketu et Ṣàbẹ
ne peut être retracée sans la lecture attentive de ces articles glanés çà et là dans les
revues scientifiques qui se font l'écho de ces pionniers de la recherche au Bénin. Il
s'agit notamment des missionnaires et administrateurs coloniaux qui ont séjourné au
Bénin pendant la période coloniale.
La période post-coloniale a été marquée peu à peu par les travaux de chercheurs
autochtones dans diverses disciplines: histoire, sociologie, ethnologie, anthropologie,
2
géographie, linguistique, etc. Tous les documents et études se sont appuyés sur les
récits oraux, résultats d’enquêtes effectuées par les chercheurs eux-mêmes ou
transcrits par des missionnaires et administrateurs coloniaux. Les récits oraux
constituent donc le premier élément de recherche de tout africaniste travaillant sur la
période pré-coloniale. Or ce premier élément de recherche présente des limites de
chronologie et des problèmes pour reconstruire le passé.
En outre, les sources orales tendent à disparaître ou s’actualisent, lorsque leur
enregistrement ne fait pas l’objet de recherche méthodique. On assiste à la disparition
progressive des structures qui permettaient autrefois d’entretenir la mémoire
collective; d'où la nécessité de procéder à l’enregistrement systématique des sources
orales encore disponibles.
Cependant, il existe entre les indices d’une occupation ancienne repérés et
l’occupation actuelle de notre zone d'étude, un vide chronologique, comme c'est le
cas dans presque tout le Bénin. Ce hiatus de l’historiographie nationale est l’une des
raisons ayant conduit à la création de l’Equipe de Recherche Archéologique
Béninoise (ERAB) en 1978. Dès lors, plusieurs régions du Bénin ont fait
sommairement l’objet de recherches archéologiques qui se résument pour la plupart
en prospections et sondages. Aussi convient-il de nuancer que si certaines régions ont
bénéficié de sondages, Ketu et Ṣàbẹ qui regorgent pourtant de potentialités
archéologiques n'ont jamais bénéficié de recherche d'un tel niveau. En outre,
l’absence de toute datation constitue un sérieux handicap pour la recherche et pour la
connaissance de l’occupation de l’espace yoruba du Bénin. C’est pourquoi nous
voulons poursuivre les recherches que nous avons entamées sur certains sites ainsi
que d'autres chercheurs. L’archéologie paraît la seule méthode pouvant permettre la
connaissance du passé des anciens occupants de Ketu et de Ṣàbẹ.
2.
Objet de l’étude
Parlant des buts et de l’objet de l’archéologie, A. Ferdière affirme que
« …l’archéologue recherche not things but people : retracer un tableau de l’évolution
3
de l’homme dans son environnement et l’ensemble de ses activités, même les plus
quotidiennes, voilà certes bien l’objectif de la recherche archéologique…L’objet de
l’archéologie est l’Histoire»1.
L. Frédéric a renchéri en affirmant que l’archéologie fait partie de l’histoire. Elle est
une discipline historique. Elle se dégage cependant de l’histoire par les buts qu’elle se
propose et ses méthodes de recherches. Son but principal peut se résumer en posant la
question : «Comment vivaient, que pensaient nos ancêtres ? ». En d’autres termes,
c’est la science qui se propose d’étudier tous documents, de quelque nature qu’ils
soient, pouvant apporter quelque lumière sur le passé de l’homme 2.
En effet, les sources orales et écrites disponibles sur l'espace yoruba du Bénin
indiquent qu’il avait déjà été occupé avant l’arrivée des populations actuelles.
L’hypothèse d’une probable occupation ancienne est par ailleurs confirmée par
l’existence par-ci et par-là de sites archéologiques (buttes anthropiques, ruines
d'habitat, lieux d’inhumation, sites archéométallurgiques, puits de minerai, etc.),
témoins de cette occupation ancienne et dont les populations actuelles ignorent
souvent les auteurs.
Il s'agit de retracer le peuplement des territoires ci-dessus définis en établissant une
tranche chronologique bien délimitée. Notre étude va prendre en compte la période
d’une occupation historique que certains auteurs qualifient de pré-Odudwa ou protoyoruba et dont le début reste à déterminer. Selon les mêmes auteurs la phase finale de
cette période se situerait autour des IXè, Xè et XIè siècles. Notre recherche sur le
peuplement de l’espace yoruba va se poursuivre jusqu'à la fin du XIXè siècle (1894),
parce que c’est cette date qui marque le déclin des entités politiques pré-coloniales
comme conséquence de la conquête de l’Afrique par les puissances européennes.
Nous avons choisi de remonter à l'époque pré-Odudwa parce que c'est la période au
cours de laquelle les communautés humaines se sont approprié le milieu en modifiant
1
Cf. « La fouille, pour quoi faire ? », in A. Schnapp (dir.), L’archéologie aujourd’hui, p. 24. Mais l’auteur a cité lui
aussi Wheeler (1954, p. 13) et Courbin (1969, p. 74).
2
Frédéric L., 1967, Manuel pratique d'archéologie, Paris, Editions Robert Laffont, p. 20.
4
véritablement leur environnement et en laissant des traces qui sont susceptibles d'être
étudiées par l'archéologie.
La compréhension du milieu physique est la première étape pour mieux cerner cette
histoire. Car « Souvent négligée dans le passé, il serait impardonnable aujourd’hui à
l’archéologue de négliger l’influence de l’homme sur le paysage, influence qui fut et
reste très importante. Dans quelle mesure l’homme, en vivant à la surface de la terre,
modifie-t-il l’aspect du sol ? Par son travail et l’exploitation de celui-ci d’abord, par
ses destructions ensuite, par les conséquences géologiques, botaniques, zoologiques
ou climatiques que son action détermine »3.
La géologie, la topographie, l'hydrographie permettent de faire ressortir les lignes de
force d'un territoire afin de mieux concevoir pourquoi telle ou telle zone a été choisie
par les populations pour s'implanter et pourquoi certains terroirs ont été laissés à
l'écart.
Le sol est à la base de toutes les premières économies: extraction des matières
premières comme les minerais, agriculture, élevage, etc. sont étroitement liés à la
qualité de celui-ci. La topographie du pays Ṣàbẹ offrait aux fuyards des guerres une
zone refuge ; les grands monticules de scories et les puits de minerai de Ketu
témoignent d’un milieu propice aux activités de la métallurgie du fer. Ce sont sans
doute, ces facteurs qui ont motivé les populations à s'intéresser aux régions de Ketu et
de Ṣàbẹ.
3.
Approche méthodologique
La combinaison de plusieurs approches - ethnohistoriques, ethnoarchéologique et
l'archéologie historique - a pour but de reconstituer la mise en place des peuplements
proto-yoruba et yoruba sur les plateaux et plaines de Ketu ainsi que dans les enclaves
montagneuses de Ṣàbẹ. Nous allons recueillir des données à partir des
enquêtes/sorties qui seront organisées sur le terrain. Ces données seront reparties en
3
Op. cit., p. 52.
5
trois corpus complémentaires, de nature distincte:

un corpus d'informations concernant les traditions céramiques actuelles,
obtenues auprès des potières, de leurs maris forgerons ou agriculteurs, ou auprès
d'autres personnes en relation avec cette activité, tels les officiants des rites
nécessaires à l'exploitation de la mine d'argile;

un corpus de traditions orales concernant l'histoire du peuplement, obtenues en
interrogeant les personnes ressources, soit essentiellement des chefs de villages ou de
lignages, chefs de la terre, des imams, chefs de la chasse, des forgerons, etc. Les
représentants de quelques villages seront ainsi questionnés, individuellement, en
groupe ou en conseil de village;

enfin, un corpus de données archéologiques, prélevées lors des fouilles et des
ramassages de surface des sites.
La mise en corrélation des données issues de ces trois corpus permettra d’avoir une
idée plus précise du peuplement des pays Ketu et Ṣàbẹ que lorsque les recherches
sont menées sur la base d'un seul type d'informations.
4. Justification du plan du travail
Notre étude s’inscrit dans un programme de recherche historique et archéologique à
moyen et à long terme. L’objectif essentiel est d’appréhender l’histoire de la région et
de contribuer à établir une chronologie des pays yoruba du Bénin, en l'occurrence,
Ketu et Ṣàbẹ. Dans le cadre du présent travail, nous allons repérer et fouiller
différents types de sites archéologiques, rechercher et étudier les témoins de la
culture matérielle qui sont enfouis dans le sol depuis plusieurs siècles.
Dans ce but, nous allons prospecter, recueillir les vestiges repérables en surface et
effectuer quelques sondages pour préciser la stratigraphie des sites et recueillir les
témoins en place. Notre travail s’articulera autour de trois parties.
La première traitera de la méthodologie des recherches historique et archéologique.
6
Après avoir présenté un aperçu sur les récents travaux au Bénin, nous ferons une
brève description des cadres environnementaux de notre étude, afin d’appréhender le
milieu géographique dans lequel se sont installés les anciens occupants de Ketu et de
Ṣàbẹ.
Nous présenterons dans la deuxième partie les travaux effectués sur le terrain: les
prospections, les sondages et l'étude des vestiges recueillis au cours de ces travaux.
La troisième partie sera consacrée à l’interprétation de toutes ces données, leur place
dans la vie quotidienne des anciens habitants de cette partie du Bénin. Nous
exposerons toutes les données chronologiques disponibles à partir de notre étude
(sources
orales,
stratigraphie,
datations),
pour
tenter
des
recoupements
chronologiques, et pour établir à long terme une séquence chronologique régionale.
Enfin, en conclusion, nous dégagerons des directions de recherches ultérieures sur
notre zone de recherche et d’autres sites à fouiller en priorité au Bénin, en apportant
des suggestions. Ceci permettra de montrer l’apport essentiel de l’archéologie à
l’histoire du golfe de Guinée.
7
PLAN
Transcription phonétique (sons et prononciations)
Introduction générale
1.
Problématique générale de la recherche archéologique au Bénin
2.
Objet de l’étude
3.
Justification du plan du travail
PREMIERE PARTIE: Recherches archéologiques au Bénin
CHAPITRE I: Histoire des recherches archéologiques au Bénin et en pays Ketu et
Ṣàbẹ
1.
La revue de littérature/Etat des recherches
2. Bref rappel sur les recherches archéologiques au Bénin
3. Recherches archéologiques en pays Ketu et Ṣàbẹ
CHAPITRE II: Cadre environnemental du peuplement
1.
Avantages climatiques et écologiques
2.
Réseau hydrographique favorable
3.
Données géologiques attractives
CHAPITRE III: Sources et méthodes de recherche
1.
Sources orales
2.
Sources écrites
3.
Documents archéologiques
4.
Autres documents
DEUXIEME PARTIE: Prospections - sondages - étude des vestiges archéologiques
CHAPITRE IV: Prospection et description des sites et le matériel de surface
1.
Buttes anthropiques: Ekudi Ayeloo et/ou Ekudi Oke Odo Akaba
8
2.
Sites d'habitat : site perché de Kabwa
3.
Sites archéométallurgiques de Gbanago
CHAPITRE V: Sondages des sites
1.
Justification des sondages
2.
Méthodes de fouille des sites
3.
Stratigraphie et analyse des couches archéologiques
CHAPITRE VI: Etude des vestiges archéologiques
1.
Matériel métallurgique
2.
Vestiges osseux
3.
Matériel en céramique
4.
Autres vestiges
TROISIEME PARTIE: Reconstitution de l'occupation et de la séquence
chronoculturelle de Ketu et de Ṣàbẹ et leur intégration dans le cadre du golfe de
Guinée
CHAPITRE VII: La chronologie de l’occupation de Ketu et de Ṣàbẹ et la
reconstitution de la séquence chronoculturelle
I.
La chronologie de l’occupation de Ketu et de Ṣàbẹ
II.
La séquence chronoculturelle des sites de Ketu et de Ṣàbẹ
CHAPITRE VIII: L'organisation des sites dans leur environnement naturel:
reconstruction du cadre et de mode de vie
I.
Distribution spatiale des sites
1.
Sites et topographie
2.
Sites et hydrographie
II.
Cadre et modes de vie passés dans les pays Ketu et Ṣàbẹ
CHAPITRE VIII: Contribution des sites à la connaissance du peuplement de Ketu et
de Ṣàbẹ
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I. La reconstitution du peuplement et la mise en place des populations actuelles de
Ketu et de Ṣàbẹ
II.
La question et de la conservation et de la mise en valeur des sites
archéologiques
Conclusion générale
Sources orales et éléments de bibliographie
Annexes
Table des figures
Table des photos
Table des tableaux et graphiques
Table des matières
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Budget estimatif de campagne
Rubrique
Désignation de la dépense
Achats de matériel d’enquête
Montant
Piles : 10 000f soit
15.267€
Enregistreur : 30000f
soit 45.801€
Total : 40 000f soit
Observations
Matériel nécessaire
pour enregistrer les
sources orales,
photographier les sites,
les sondages et les
vestiges exhumés.
61.068€
Achat de matériel de sondage
et de fouille.
175 000 f soit
Matériel nécessaire
pour les travaux de
sondage et de fouilles
archéologiques sur les
sites.
Matériel nécessaire
pour les dessins des
profils
stratigraphiques, des
plans de sondage, et
l’enregistrement des
vestiges exhumés pour
interprétation.
267.175€
1 Achat de
matériel
80 000 f soit
Achat de matériel de dessin
archéologique
complémentaire
(conformateur, pied à
coulisse, etc.)
Total 1
122.137€
295 000 FCFA soit
450.381€
Déplacement du doctorant et
de deux étudiants plus
hébergement
2- Travaux
de sondage
et de
fouilles sur
le terrain
66 600f x 3 =
199800f soit
305.038€
Prospections complémentaires 100 000f
et enquêtes orales sur le 152.671€
terrain
(restauration
et
gratification des guides et
informateurs)
Travaux de sondage et de
fouilles sur 4 sites (primes aux
assistants et aux manœuvres
La présence des deux
étudiants en
archéologie est
nécessaire pour
assister le doctorant au
cours de la campagne.
soit
Etudiants : 7000 f
(10.687€) x30 jrs x
2= 420 000f soit
641.221€
Manœuvres : 3000f
soit 4.580€x 30 jrs x
3 = 270 000f soit
412.213€
Total : 690 000f soit
1053.435€
Prospections et
enquêtes orales
complémentaires sont
nécessaires pour une
analyse régionale des
sites.
Le recrutement de
manœuvres est
nécessaire pour des
travaux
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Sollicitation d’un archéologue
et de quelques spécialistes
(géologue, géomorphologue,
biogéographe etc.)
Location d’un véhicule et
frais de carburant
32 000F soit
48.854€ x 3 jrs x 3
=
288 000 soit
439.694€
25000 soit 38.167€
x 30j = 750 000 soit
1145.038€
10000 soit 15.267€
x 30j = 300 000 soit
458.015€
Total 2
La présence des
spécialistes est
nécessaire pour des
études spécifiques sur
les sites
Un véhicule est
nécessaire pour le
transport journalier du
matériel, des artefacts
et des membres de
l’équipe
Total : 1 338 000
soit 2042.748€
2 615 800 FCFA soit
3 993.587 €
Datations
3 -Total
général
NB : 1€ = 655 FCFA
A ajouter
---------------2 910 800 FCFA soit
4 443.969 €
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Calendrier de recherche
Périodes
Sites
22 au 29 avril 2013
Ekudi Ayeloo
6 au 13 mai 2013
Ekudi Oke Odo Akaba
21 au 28 octobre 2013
Site perché de Kabwa
4 au 11 novembre 2013
Site archéométallurgique de Gbanago