Langues d`oc, langues de France
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Langues d`oc, langues de France
Conservatoire du patrimoine de Gascogne Institut Béarnais et Gascon – Unioun Prouvençalo Langues d’oc, langues de France Aspects politiques et juridiques, linguistiques et sociolinguistiques. 2006 AVIS IMPORTANT Le Conservatoire du patrimoine de Gascogne, l’Institut Béarnais et Gascon et l’Unioun Prouvençalo, associations signataires du présent ouvrage, et Jean Lafitte, son principal rédacteur, se réservent le droit exclusif de diffuser son édition électronique (.doc ou .pdf), pour les besoins de leur action en faveur de leur langue de France respective. Toute diffusion opérée en violation de leurs droits exposerait son auteur aux sanctions pénales et civiles prévues par le Code de la Propriété intellectuelle. Il est rappelé qu’une version papier peut être commandée à : – l’Institut Béarnais et Gascon, 29 rue Émile Guichenné, 64000 Pau – [email protected] – à l’Unioun Prouvençalo, les Iscles, 04800 Gréoux-les-Bains – unioun.prouvenç[email protected] – et aux Éditions Pyrémonde-Princi Negue, Quartier Loupien, 64360 Monein – editions.pyremonde @wanadoo.fr Unioun Prouvençalo Institut Béarnais et Gascon Conservatoire du patrimoine de Gascogne LANGUES D’OC, LANGUES DE FRANCE Édition publique du mémoire présenté le 4 avril 2005 par le Cercle Terre d’Auvergne, le Conservatoire du patrimoine de Gascogne, l’Institut Béarnais et Gascon et l’Unioun prouvençalo à M. Xavier North, Délégué général à la langue française et aux langues de France, au Ministère de la culture et de la communication La version papier a paru en Juin 2006; la présente version électronique en format .pdf est d’avril 2008 Texte rédigé par Jean Lafitte*, d’abord sur le gascon, puis étendu au début de 2005 à l’auvergnat avec le concours de Serge Soupel, professeur à l’Université de Paris III - Sorbonne Nouvelle, et au provençal avec le concours d’Henri Féraud, président délégué de l’Union Provençale. * Jean Lafitte est commissaire colonel de l’armée de l’air en retraite; il a terminé sa carrière active à la tête du service juridique de l’Office national d’études et recherches aérospatiales. Membre du Félibrige, de l’Institut Béarnais & Gascon, du Conservatoire du Patrimoine de Gascogne et de plusieurs autres associations de défense des langues d’oc, il enseigne le gascon à Paris depuis plus de quinze ans. Il est l’auteur de plusieurs études juridiques publiées dans des revues spécialisées et de nombreuses études linguistiques centrées sur le gascon. En octobre 2005, il a été reçu docteur en sciences du langage pour une thèse intitulée Situation sociolinguistique et écriture du gascon aujourd’hui. N.B. - Hormis dans les citations, l’auteur s’est attaché à appliquer les rectifications orthographiques adoptées par l’Académie française en 1990. Donc, notamment, règlementaire, connaitre, bruler etc. Résumé Le 7 mai 1999 la France a signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, entrainant de nombreux débats sur le parti que les langues de France pourraient en tirer. Mais en constatant, par sa décision du 15 juin, que cette Charte contenait des dispositions contraires à notre Constitution, le Conseil constitutionnel a arrêté tout le processus, car le Gouvernement a renoncé à modifier la Constitution pour en écarter les obstacles. Et l’échec récent de la tentative de plusieurs députés de modifier la Constitution sur ce point maintient le statu quo. C’est donc dans l’ordre interne qu’il convient de trouver les moyens d’aider ces langues à se perpétuer. Or le droit en vigueur contient plusieurs dispositions en leur faveur, principalement dans le domaine de l’enseignement. Et pour ce qui concerne les langues romanes du Midi de la France, il s’avère qu’en un demisiècle, l’Éducation nationale a développé un ensemble de textes bien orientés en vue de les respecter dans leur complexe réalité. Mais cela ne s’est pas fait sans heurts, le mouvement occitaniste qui avait œuvré pour la mention de la « langue occitane » dans la loi de base du 11 janvier 1951 s’est toujours opposé à la reconnaissance officielle de la pluralité de fait de 6 Langues d’oc, langues de France cette « langue » : les parlers réels n’en seraient que des « variétés », des « dialectes » insusceptibles de reconnaissance individuelle. Une réflexion sur l’esprit des mesures prises au plan international et au plan interne montre dans quel sens peut être orientée une action législative et règlementaire en droit interne. Mais pour ce qui touche les langues d’oc, le discours qui les entoure est entaché d’une grande confusion, souvent entretenue volontairement, notamment en passant sous silence tous les avis scientifiques qui y mettraient de l’ordre. Une étude historique de la question et l’appel au témoignage des linguistes “politiquement” neutres tentent d’y porter remède. C’est alors qu’apparait la manœuvre de l’occitanisme, organisée selon des objectifs politiques faciles à montrer à travers les actions, déclarations et slogans des tenants de ce courant; la langue en étant le prétexte, l’unité du mouvement exige l’unicité de la langue, avec pour première étape l’unicité du système orthographique, le tout au bénéfice de la langue “centrale”, le languedocien. Dans les régions, ceux qui veulent conserver la langue ancestrale du pays, même enrôlés un jour dans l’occitanisme, protestent publiquement; et ceux qui ont eu le courage de rompre avec ce mouvement s’organisent pour éviter à leur langue l’étouffement “fraternel” par le languedocien promu au rang d’« occitan standard ». Ils mettent donc leurs espoirs dans la lucidité des responsables de la République pour que les décisions prises se fassent en faveur de ces langues multiples, qui veulent vivre sans mettre en péril l’unité nationale. Langues d’oc, langues de France 7 Une reconnaissance légale de chacune des langues d’oc sous son nom multiséculaire est donc souhaitée, et en attendant, une reconnaissance explicite dans le Code de l’Éducation, comme un aboutissement formel de ce qui se fait déjà au ministère de l’Éducation nationale. Avec sans doute une réorganisation du CAPES, qui ajouterait à un fond commun des mentions d’aptitude effective à l’enseignement d’une ou plusieurs de ces langues. Et un appel est lancé aux élus et aux vrais amis des langues d’oc pour qu’ils fassent preuve de la même lucidité et soutiennent ceux qui luttent vraiment pour leur authentique conservation. Avant-propos Le 7 mai 1999 la France a signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires en s’engageant sur 39 des mesures proposées par ce texte. Mais l’affaire a débouché sur une impasse lorsque, consulté par le Président de la République, le Conseil constitutionnel a estimé, le 15 juin, que la Charte ellemême contient des déclarations de principe et des dispositions qui contreviennent à la Constitution, même si nos 39 engagements y sont conformes. Comme le Président de la République n’a pas souhaité prendre l’initiative d’une révision de la Constitution, le Gouvernement a décidé de s’en tenir à l’application de ces 39 engagements dans l’ordre interne (déclaration du Premier ministre, le 16 novembre 1999). Par ailleurs, dans le cadre de l’activité normale de l’administration qui tend à organiser en codes ses textes juridiques fondamentaux, une ordonnance du 15 juin 2000 allait instituer un Code de l’éducation, partie Législative, en abrogeant notamment la loi du 11 janvier 1951 relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux, ou « loi Deixonne »; ainsi s’est trouvé sensiblement modifié le cadre législatif de l’enseignement de ces langues. Et tout dernièrement, les langues régionales de France ont refait une brève apparition dans l’actualité avec la tentative de plusieurs députés de toutes les familles politiques d’amender la Constitution pour permettre un jour d’adopter la Charte européenne. 10 Langues d’oc, langues de France Ces diverses péripéties de la “cause” des langues régionales ont amené Jean Lafitte, Gascon et Béarnais attaché à la langue de ses pères, à rédiger plusieurs études et articles qui abordaient les aspects juridiques, linguistiques et sociolinguistiques de ces questions; et cela, bien entendu, d’abord sous l’angle de la défense et illustration du gascon. Mais comme les difficultés rencontrées par cette langue sont aussi celles que rencontrent les autres langues d’oc, des contacts d’abord occasionnels, puis de plus en plus suivis, avec les défenseurs de l’auvergnat et du provençal ont fait apparaitre l’intérêt d’un texte commun sur ces sujets. Partant de ses études antérieures, J. Lafitte a donc préparé un texte aussi complet que possible à partir de ses connaissances personnelles et de ses entretiens avec ses amis auvergnats et provençaux. Ceux-ci lui ont suggéré quelques retouches et surtout proposé des compléments d’un grand intérêt. De tout cela résulte cette centaine de pages, où le gascon tient donc une place relativement importante, mais sans nuire le moins du monde aux deux autres langues d’oc qu’on entend défendre dans leur authenticité. Et sans renoncer aux concours qui viendraient d’autres pays d’oc. Hommes politiques du Parlement et du Gouvernement, responsables de la haute administration, élus des régions, départements et communes qui ont à connaitre de ces questions, et finalement, tous les vrais amis des langues d’oc, sont donc invités à prendre connaissance de ces pages qui, nous l’espérons, leur apporteront d’utiles informations, sûres et vérifiables. PREMIERE PARTIE Le droit des langues 1 – Les textes internationaux On ne saurait aborder le droit des langues sans faire mention des textes internationaux en la matière. Certes, ils ne sont applicables à un état souverain que s’il les a signés et ratifiés selon ses propres règles constitutionnelles, mais du fait qu’ils existent, on en parle, qu’on les invoque ou qu’on les rejette. Et dans la mesure où la France se veut un pays des Droits de l’homme, un mot de leurs intentions et de leurs traits principaux ne peut qu’aider à traiter du problème proprement français du sort réservé à ses langues historiques. 1-1 – Au niveau mondial Citons d’abord le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies qui considère comme imprescriptible le droit de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique. De la même façon ont été reconnus des Droits de l’Enfant, comprenant celui d’être scolarisé dans sa langue maternelle. 1-2 – En Europe : la Charte européenne On sait que cette Charte fut adoptée après la chute du Mur de Berlin « pour protéger les minorités ethnico-linguistiques des États multi-nationaux » (H. Portelli, La Croix, 24 juin 1999); ce n’est sans doute pas le cas de la France, telle que la voit l’immense majorité des citoyens. Quoi qu’il en soit, il est d’un grand intérêt de savoir comment la Charte définit en son article 1er ce qu’est pour elle une “langue régionale ou minoritaire” : selon les paragraphes a et 12 Langues d’oc, langues de France b, c’est une langue différente de la (des) langue(s) officielle(s) de l’État, pratiquée traditionnellement sur un territoire de l’État dans lequel elle est le mode d’expression d’un groupe de ressortissants de l’État numériquement inférieur au reste de la population mais suffisant pour justifier l’adoption des différentes mesures de protection et de promotion prévues par la Charte; et elle exclut notamment « les langues des migrants ». Toutefois, un paragraphe c définit en outre les “langues dépourvues de territoire”, qui bénéficieront de mesures adaptées de celles prévues pour les premières, sans autre détail. Mais comme celles-ci, elles doivent être « traditionnellement pratiquées sur le territoire de l’État [sans pouvoir ] être rattachées à une aire géographique particulière de celui-ci. » Les mesures prévues sont au nombre de 98, et tout État qui ratifie la Charte doit déclarer en adopter au moins 35. De fait, la France en avait ainsi choisi 39; par décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel devait déclarer ces choix compatibles avec la Constitution, et notamment avec son article 2 auquel la ratification du traité de Maastrich en 1992 a donné l’occasion d’ajouter la phrase suivante : « La langue de la République est le français. ». Mais le Préambule de la Charte considère « que le droit de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique constitue un droit imprescriptible » et plus encore, sa IIème partie impose aux États signataires de fonder leur politique, leur législation et leur pratique sur neuf objectifs et principes dont celui de faciliter et/ou encourager « l’usage oral et écrit des langues régionales ou minoritaires dans la vie publique et dans la vie privée […] dans les territoires dans lesquels ces langues sont pratiquées et selon la situation de chaque langue. » Langues d’oc, langues de France 13 C’est tout à fait incompatible avec la phrase de l’article 2 de notre Constitution, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans la même décision du 15 juin 1999, mettant fin au processus qui allait mener à la ratification de la Charte par la France. Mais ce que le pouvoir constituant a fait en 1992 peut être modifié par ce même pouvoir. C’est ce qu’ont tenté des députés de toutes les familles politiques à l’occasion de la révision constitutionnelle rendue nécessaire par l’adoption envisagée de la Constitution européenne (Assemblée nationale, 2ème séance du mercredi 26 janvier 2005). Les amendements présentés ont donné lieu à un débat assez long, frappant par la force de conviction de leurs partisans et la dignité de leurs propos. Ainsi, M. François Bayrou (UDF) : « Ce n’est pas parce qu’une langue est minoritaire qu’elle est moins digne d’intérêt, et les langues que nous défendons ici ont une syntaxe, une longue histoire. Le béarnais était langue de droit bien avant que le français n’existe... […] Au Japon, le japonais est classé trésor national; nous nous honorerions à classer nos propres langues comme trésors nationaux […] ». Et Mme Marylise Lebranchu (PS) : « Les langues que nous avons reçues en héritage ne doivent pas être abandonnées. […] Même si la IIIe République a souvent eu raison, ceux qui ont été privés de leur langue régionale ont ressenti un sentiment d’humiliation. En bons républicains, nous ne devons pas tolérer l’humiliation, qui constitue la première cause de violence. » Mais il faut aussi mentionner les réserves de M. Jacques Brunhes (PC), réserves qui ne se comprennent bien que lorsqu’on sait qu’en vue de la ratification de la Charte, le Pr. B. 14 Langues d’oc, langues de France Cerquiglini a compté l’arabe dialectal et le berbère parmi les langues de France (cf. § 5-7, p. 62) : « Le groupe communiste a toujours défendu les langues régionales; nous avons déposé depuis plus de vingt ans de nombreuses propositions de lois pour les défendre, car nous pensons qu’elles doivent être respectées. En revanche, nous avons toujours eu une hésitation au sujet de la charte, car c’est une charte des langues régionales « et minoritaires ». Il faut bien voir ce que signifierait dans notre pays, et particulièrement dans nos banlieues, l’adoption de certains articles de la Charte, et quelles conséquences s’ensuivraient si le français n’était plus la langue commune pour la justice et l’éducation. » A fortiori, ceux qui n’ont pas une langue régionale en héritage culturel ont été surtout sensibles aux menaces qu’un détournement de la Charte pourrait faire peser sur l’unité de la République. Ainsi M. Pascal Clément, président et rapporteur de la commission des lois; après avoir rappelé que le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel l’usage d’une langue régionale dans la vie publique : « …un tel droit serait contraire aux principes d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français, dans la mesure où il reviendrait à conférer des droits spécifiques à certains groupes linguistiques à l’intérieur du territoire. C’est là le point du débat : les quatre cinquièmes de la charte sont déjà appliqués, mais reconnaître des droits particuliers à certains groupes reviendrait à accepter que de pseudo pays se constituent à l’intérieur de nos frontières. » Au nom du gouvernement, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice allait rappeler à son tour que « La Langues d’oc, langues de France 15 Constitution autorise la reconnaissance culturelle des langues régionales […], permet parfaitement l’expression culturelle à travers la pratique des langues régionales [et que l’avis du Conseil constitutionnel] reconnaît même la possibilité, pour la puissance publique, de favoriser l’enseignement de ces langues à condition toutefois que celui-ci demeure facultatif. » Et de conclure au statu quo constitutionnel. De fait, le vote des députés rejeta les amendements proposés. 2 – Les cadres juridiques français Les langues de France n’en sont pas démunies pour autant, car notre droit leur a depuis longtemps fait une place, pour modeste qu’elle soit. C’est ce que nous allons voir maintenant, comme une invite à progresser dans la voie déjà ouverte. 2-1 – Le décret “Sadi Carnot” du 12 janvier 1894 Ce décret, fort peu connu, organise le service du télégraphe. Or son article 17 relatif aux « télégrammes en langage clair » définit ainsi ce langage : « Le langage clair est celui qui offre un sens compréhensible dans l’une quelconque des langues autorisées pour la correspondance télégraphique internationale (tableau n° 3), ou dans l’un des idiomes basque, breton, gascon et provençal. » Ces dispositions devaient demeurer en vigueur tant que vécut le service des télégrammes, passant de décret en décret jusqu’au Code des postes et télécommunications de 1962 (art. D. 113 et son Annexe). Nous n’avons aucune information sur l’usage qui en fut fait, mais il est hautement vraisemblable que chacun de ces idiomes inclut toutes ses variantes, navarro-labourdin et souletin pour le basque, les trois ou quatre dialectes bretons, le béarnais et autres dialectes gascons, le provençal proprement dit, le provençal alpin, le niçois, le languedocien, le limousin, et 16 Langues d’oc, langues de France l’auvergnat pour le provençal, entendu alors au sens large; nous y reviendrons (§ 4-11, p. 32). 2-2 – La loi n° 51-46 du 11 janvier 1951 dite loi “Deixonne” Cette loi relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux est semble-t-il le premier texte législatif à faire état de ces langues et dialectes, en leur ouvrant les différents niveaux de l’enseignement public. Cependant, la désignation de “langues” ou “dialectes” ne figurait qu’aux articles 10 et 11 comme dispositions transitoires relatives à l’entrée en vigueur des articles 2 à 9. L’article 10 visait ainsi les « zones d’influence du breton, du basque, du catalan et de la langue occitane. » Par rapport au décret de 1894, le gascon avait donc disparu au profit du catalan, tandis que le provençal au sens large faisait place à l’expression “langue occitane”; mais on sait que cette loi fut adoptée sans débat, et c’est sans doute à la faveur de cette absence de débat sur un texte d’initiative parlementaire que les occitanistes y firent inscrire la « langue occitane » sans autre précision. Quant à l’art. 11, il semblait cousu du fil blanc d’arrières-pensées, voire de manœuvres politiques : s’il donnait à chaque langue citée d’une à quatre universités où elle serait enseignée, c’est avec ce paradoxe que le catalan, qui n’est parlé que dans une fraction de département, devait l’être à Montpellier, Toulouse, Paris et Bordeaux, tandis que le gascon, parlé sur neuf départements, n’était prévu nulle part, lui que les linguistes traitent toujours à l’égal du catalan ! (cf. § 4-2, p. 36). Cependant, à la différence du décret de 1894 dont l’énumération ne pouvait être que limitative, cette loi n’excluait pas l’addition d’autres idiomes qui seraient reconnus comme « langues et dialectes locaux […] en usage » dans d’autres Langues d’oc, langues de France 17 régions, selon les termes mêmes de son article 1er. Or une telle mesure allait bientôt relever du domaine réglementaire selon l’art. 37 de la Constitution de 1958; c’est donc par trois décrets calqués sur l’article 10 que l’application des articles 2 à 9 avait été étendue au corse (D. 74-33 du 16.1.74), au tahitien (D. 81553 du 12.5.81) et aux « langues mélanésiennes pour ce qui concerne l’ajië, le drehu, le nengone et le paicî » (D. 92-1162 du 20.10.92). Mais on sait que la loi elle-même appartient maintenant au passé, du fait de son abrogation lors de l’institution du Code de l’éducation, partie Législative, étudié au § 2-6, p. 24. 2-3 – L’article 12 de la loi n° 75-620 du 11 juillet 1975 dite loi “Haby” Dans le cadre d’une loi de “réforme” proposée par le ministre de l’éducation nationale René Haby, cet article devait réaffirmer plus nettement encore la place, tout au long de la scolarité, de l’enseignement des langues dites désormais régionales, mais aussi des cultures régionales. 2-4 – La circulaire “Haby” du 29 mars 1976 et l’arrêt du Conseil d’État du 7 octobre 1977 : les langueS d’oc 2-41 – L’état du droit Pour l’application de cet article 12, le ministre adressa aux Recteurs une importante circulaire (n° 76-123 du 29 mars 1976) sur la « Prise en compte dans l’enseignement des patrimoines culturels et linguistiques français ». Dépassant le cadre formel de la loi Deixonne qui n’envisageait que les « langues et dialectes locaux », le préambule dégageait le “régional” de l’« acception administrative » du mot “région” et le patrimoine culturel propre, de tout lien nécessaire avec l’existence d’une langue locale. 18 Langues d’oc, langues de France Pour les langues, il en prévoyait l’enseignement « dans les aires où la langue correspondante est traditionnellement pratiquée et dans de grands centres accueillant un nombre important d’élèves de ces régions », se détachant encore du cadre de la région administrative. Et de rappeler « que les langues reconnues par la réglementation en vigueur sont : le breton, le basque, le catalan, les langues d’oc et le corse. » Quant au contenu de l’enseignement, le ministre entendait le faire coller à la langue effectivement pratiquée localement en précisant : « Chaque fois qu’une langue est pratiquée sous forme de dialectes différenciés, c’est le dialecte correspondant au lieu où l’enseignement est dispensé et la graphie la plus appropriée à ce dialecte qui seront utilisés. » La référence appuyée à la langue parlée localement, comme le voulait expressément la loi Deixonne, et l’expression « langues d’oc » substituée à « langue occitane » de l’article 10 de cette loi écartaient donc par principe l’enseignement d’un occitan unifié à travers toute la « zone d’influence de la langue occitane ». C’était inacceptable pour les occitanistes qui comptaient sur cet occitan unifié pour justifier une « Occitanie » politique (cf. § 5-2, pp. 45-49). Ils crurent y voir la main des Provençaux déjà réfractaires à leur graphie unifiée, en ignorant que, par exemple, un manuel comme l’Initiation au latin 5e de MM. Cousteix, Hinard et Weinberg (Paris, SOCODEL, 1975) mentionnait déjà « les langues d’oc ou langues occitanes » (p. 56), tout en donnant comme exemples des mots provençaux notés en graphie occitane unifiée… Par son secrétaire général M. Carbonne, la Fédération de l’enseignement occitan exerça donc un recours, d’abord “gracieux” auprès du ministre, le 10 mai 1976, puis contentieux devant le Conseil d’État, le 19 octobre. Entre temps, l’I.E.O. (§ 4-13, p. 35) avait protesté le 20 juin 1976 dans un communiqué grandiloquent : Langues d’oc, langues de France 19 « Ces circulaires [sic, au pluriel] pulvérisent la langue occitane dans une multitude de parlers locaux et enferment une culture vécue par un peuple depuis un millénaire et de rayonnement universel dans un folklorisme de clocher ». Et tandis que l’affaire était pendante, l’universitaire Henri Giordan fit un plaidoyer idéologique, Occitan vs Langues d’oc, … (Giordan, 1977) (1). Mais faute d’arguments linguistiques décisifs, il plaçait résolument (et honnêtement) le problème sur le terrain de la lutte des classes : « […] Ce n’est pas, en effet, parce que des linguistes ont défini des critères unissant les dialectes d’oc dans un ensemble unitaire, l’occitan, […] que la référence à d’éventuelles langues d’oc est nulle et non recevable. À ce compte-là, la revendication culturelle corse serait à renvoyer aux poubelles d’une histoire dirigée par les linguistes. Donner la préférence à une vision des choses qui privilégie les facteurs d’unité par rapport aux facteurs d’opposition est un choix imposé par la volonté de substituer un discours construisant une culture alternative en France à un discours dont le rôle est de maintenir en place la culture hégémonique de la bourgeoisie dans ce pays. » Au Conseil d’État, cependant, la procédure avançait; M. Denoix de Saint Marc, magistrat exerçant les fonctions de « commissaire du Gouvernement », préparait la décision de la juridiction par des « conclusions » où il devait exprimer librement son opinion sur l’affaire. Elles s’ouvrent par un premier alinéa qui évoque le Félibrige du XIXe s., avec ses manifestations naïves et passéistes en « patois », favorisées par des « hobereaux » et des curés de village, et réprouvées par « les esprits affranchis de l’ancienne tutelle du châtelain et du curé »; comme il est peu probable que cette peinture ait été puisée dans les arguments des requérants ou dans les observations de l’administration, il y a fort à penser que son auteur s’est fondé sur ses propres connaissances. Or ce rappel du passé n’a, 1 Ce type d’indication (Giordan, 1977) renvoie à la Bibliographie, p. 101. 20 Langues d’oc, langues de France semble-t-il, d’autre but que de marquer le contraste avec la situation présente : « Les temps ont bien changé. Le patois est devenu la langue d’oc, ce qui est d’ailleurs une bien meilleure et plus exacte appellation. Mais, surtout, des idéologues venus d’horizons diamétralement opposés à ceux des traditionalistes de naguère ont inventé l’Occitanie et s’acharnent à affirmer, notamment, l’unité de la langue occitane de la Gascogne à la Provence, en passant par le Limousin, l’Auvergne, le Quercy, le Rouergue et le Languedoc. » M. Denoix de Saint Marc avait-il eu connaissance de l’article d’Henri Giordan ? Toujours est-il que cette façon de situer l’action en justice montre que dans les hautes sphères de l’État, on n’est pas dupe de la démarche « culturelle » des occitanistes. Néanmoins, cela n’a rien à voir en fait avec la démonstration juridique qui va conduire au rejet de la requête : le commissaire du Gouvernement montre en effet que tout l’esprit de la loi Deixonne est « de favoriser l’étude des langues et dialectes locaux dans les régions où ils sont en usage » (art. 1er), et que rien ne permet de dire que par le singulier « langue occitane » de l’article 10, le législateur ait entendu « poser en règle de droit l’unité de la langue d’oc ». Bien au contraire… « Si les dictionnaires et encyclopédies du XIXème siècle ignorent “l’occitan”, les ouvrages contemporains (notamment le Grand Larousse encyclopédique et l’Encyclopedia Universalis), le définissent comme l’ensemble des dialectes de langue d’oc ou précisent qu’il présente trois inflexions dialectales spécifiques : le nord occitan, l’occitan moyen et le gascon. Par conséquent, en mentionnant la langue occitane, le législateur ne nous semble pas avoir voulu affirmer une unité qui n’existe pas en fait, il a simplement employé un terme qui, selon une acception communément admise, recouvre divers dialectes. » On voit que M. Denoix de Saint Marc ne s’embarrasse pas de subtiles — et contestées — distinctions entre langues et Langues d’oc, langues de France 21 dialectes : dans les faits, ce sont des idiomes suffisamment distincts pour ne pouvoir être enseignés qu’avec des grammaires et dictionnaires différents, et langues ou dialectes, leur pluralité ne fait aucun doute; les professeurs de latin cités plus haut l’avaient déjà écrit. Finalement, le Conseil d’État allait rendre son arrêt le 7 octobre 1977, en accord avec les conclusions de M. Denoix de Saint Marc : la requête était rejetée, et donc la mention des « langues d’oc » au pluriel, déclarée légale comme « purement interprétative » : « Considérant qu’en utilisant dans sa circulaire du 29 mars 1976 […] l’expression “les langues d’oc”, le ministre de l’Éducation s’est borné à rappeler que, conformément à la loi du 11 janvier 1951 qui, aux termes de ses articles 1er et 10, a pour but “de favoriser l’étude des langues et dialectes locaux dans les régions où ils sont en usage” et notamment dans les zones d’influence de la langue occitane, cet enseignement devait être dispensé en se référant à la pratique en usage dans chaque région; que, par suite, la requête susvisée qui ne conteste que l’emploi de cette expression purement interprétative, n’est pas recevable; » Ainsi, aux requérants qui souhaitaient une application à la lettre — et, osons le mot, centralisatrice et “jacobine” — des mots “langue occitane” de l’article 10 de 1951, le Conseil d’État opposait l’esprit de la loi selon son article premier et, approuvant l’interprétation du ministre, validait l’expression « les langues d’oc ». C’était logique, dans une politique de conservation patrimoniale. Et au même moment, l’occitaniste “historique” René Nelli approuvait à son tour (voir § 6-1, p. 63). 2-42 – Une étrange amnésie Pourtant, vingt-six ans plus tard, un ouvrage collectif officiel dirigé par Bernard Cerquiglini, Délégué général pour la langue française et les langues de France, et réuni par ses deux 22 Langues d’oc, langues de France collaborateurs J. Sibille et M. Alessio, allait affirmer, sous la plume du premier : « L’emploi du terme langues d’oc (au pluriel) est relativement nouveau et très minoritaire, mais il tend à être mis en avant par des minorités agissantes ou des individus isolés qui, pour des raisons plus idéologiques que scientifiques, voudraient voir reconnaître autant de langues que de régions ou anciennes provinces. » (Les langues de France, 2003, p. 179). Le « relativement nouveau » montre les limites — excusables, certes — des lectures de l’auteur, puisque, en se limitant au domaine gascon, l’expression critiquée se lit à la une des Reclams de Biarn e Gascougne de Juin 1906 : sous le titre Un bel exemple, le Majoral Jean-Victor Lalanne, secrétaire général de l’Escole Gastou Febus — école félibréenne comme on sait —, et son futur capdau (président) (1919-1923), fait l’éloge du Provençal Jules Ronjat qui vient de verser une cotisation à vie de 200 francs or; et d’ajouter « Avec la plus jolie facilité, il écrit et parle toutes les langues d’Oc…» (toutes las loéngues d’O). Par la suite, ce pluriel reviendra sans doute plus d’une fois chez les auteurs gascons. Par exemple, le professeur agrégé René Cuzacq (1950, pp. 5, 7, 11 etc.); ou encore chez les responsables de l’Escole; comme le capdau Denis PaluLaboureu, professeur de lycée, dans son discours de l’assemblée générale du 1er mai 1977 : « tous ceux qui travaillent à maintenir et faire fleurir le gascon et toutes les autres langues d’Oc. » (Reclams, 7/8-1977, p. 101); et l’année suivante, à la Ste-Estelle d’Avignon, Micheline Turon, “reine” du Félibrige, achève son toast par ces mots : « je lève [la Coupe Sante] au Félibrige et à la vie des langues d’Oc. » (Reclams, 9/10-1978, p. 133). En 1985, enfin, ces mêmes Reclams, dirigés par Jean Salles-Loustau, publiaient dans leur n° 3/4-1985, p. 45, une intéressante étude de R. Saint-Guilhem, L’influence du français sur le gascon, qui Langues d’oc, langues de France 23 s’ouvrait par ces mots : « La langue gasconne appartient au groupe des langues d’oc ». Même les occitanistes de Béarn ont sous-entendu la pluralité des langues occitanes en parlant sans ambages de « langue béarnaise » : ainsi, avant l’Édit d’union du Béarn à la France de 1620, « la langue Béarnaise connut un sort particulier dans l’ensemble Occitan » (Per noste, n° 46 de 1-2/1975, p. 1); ou encore, s’adressant aux conseillers généraux des PyrénéesAtlantiques, le président Roger Lapassade mettait en avant les activités de l’Association Per Noste « en faveur de la langue béarnaise » et demandait leur appui « pour que le Béarnais, notre langue d’origine, soit enseigné dans toutes les écoles du premier degré. » (ib. n° 56 de 9-10/1976, p. 3). Et pour justifier les titres de deux dictionnaires « français-occitan (Béarn) » (1984) et « français-occitan (gascon) » (2003), le très “orthodoxe” M. Grosclaude écrivait : « l’occitan parlé en Béarn est un occitan à part entière et non pas une variante plus ou moins marginale »; et pour le second, « l’occitan parlé en Gascogne etc. »; venant d’un professeur de philosophie, donc de logique, dont le français était la langue maternelle, cela supposait qu’il y a autant d’« occitans à part entière » — ou de langues d’oc — que de grandes régions linguistiques... On appréciera en outre l’aimable qualification de ceux qui emploient ce pluriel quand on aura rappelé que l’un d’eux est le linguiste internationalement connu Claude Hagège, professeur au Collège de France (cf. sa conférence lors du colloque Albert Dauzat de Thiers, le jeudi 5 novembre 1998, La Montagne du 7, p. 9; les protestations des organisateurs ne le firent pas changer de langage…). 24 Langues d’oc, langues de France 2-5 – Les lois des iles Pour satisfaire aux revendications identitaires des grandes iles de la République, plusieurs lois allaient en reconnaitre les langues vernaculaires, la marche étant ouverte par la loi n° 82659 du 30 juillet 1989 relative à la Corse; on devait ensuite reconnaitre la langue tahitienne et les autres langues polynésiennes (art. 115 de la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996) et les langues kanakes (art. 215 de la loi organique n° 99209 du 19 mars 1999). Par ailleurs, l’article 34 de la loi n° 2000-1207 d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000 devait aussi traiter des langues communément appelées créoles : « Les langues régionales en usage dans les départements d’outre-mer font partie du patrimoine linguistique de la nation. Elles bénéficient du renforcement des politiques en faveur des langues régionales afin d’en faciliter l’usage. La loi n° 51-46 du 11 janvier 1951 relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux leur est applicable. » 2-6 – Le Code de l’éducation Entretemps cependant, ce que le législateur de décembre 2000 avait perdu de vue, l’institution d’un Code de l’éducation, partie Législative, par ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000, avait conduit à l’abrogation de la loi Deixonne, parmi les nombreux textes législatifs incorporés au Code. Une présentation synoptique va nous permettre de mieux voir le changement opéré : Textes législatifs codifiés Code de l’éducation L. 75-620 “Haby”, art. 12. – Un enseignement des langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité. Art. L 312-10. – Un enseignement de langues et cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité. Langues d’oc, langues de France L. 51-46 “Deixonne” Art. 1er. — Le conseil supérieur de l’éducation nationale sera chargé, dans le cadre et dès la promulgation de la présente loi, de rechercher les meilleurs moyens de favoriser l’étude des langues et dialectes locaux dans les régions où ils sont en usage. Art. 2 — Des instructions pédagogiques seront adressées aux recteurs en vue d’autoriser les maîtres à recourir aux parlers locaux dans les écoles primaires et maternelles chaque fois qu’ils pourront en tirer profit pour leur enseignement, notamment pour l’étude de la langue française. 25 Le Conseil supérieur de l’ éducation est consulté, conformément aux attributions qui lui sont conférées par l’article L. 231-1, sur les moyens de favoriser l’étude des langues et cultures régionales dans les régions où ces langues sont en usage. Art. L 312-11. – Les maîtres sont autorisés à recourir aux langues régionales dans les écoles primaires et maternelles chaque fois qu’ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement, notamment pour l’étude de la langue française. Formellement, donc, seuls subsistent l’article 12 de la loi Haby et les deux premiers de la loi Deixonne, tandis que ses articles 3, 4 et 9, de valeur réglementaire, sont maintenus en vigueur jusqu’à la promulgation de la partie réglementaire du même code. Sur le fond même du droit, on observera que disparaissent à la fois la référence au fait local, essentielle pour la loi Deixonne, et le terme même de « dialecte » : on passe de « langues et dialectes locaux » dans la loi à « langues et cultures régionales » dans le Code selon l’expression introduite par la loi Haby de 1975, retenue par la Charte européenne et généralisée par les médias. Est maintenu par ailleurs, comme article L 311-2, l’article 8 de la loi Haby selon lequel « le contenu des formations [est défini par] arrêtés du ministre de l’éducation. » 26 Langues d’oc, langues de France 2-7 – Les arrêtés des 6 janvier 2003, 13 janvier et 31 décembre 2004 C’est ainsi qu’a été pris l’arrêté du 6 janvier 2003 (J. O. du 15, p. 856) dont l’article 1er est ainsi rédigé : « Les épreuves portant sur les langues énumérées ci-après : arabe littéral, arménien, cambodgien, […], langue d’oc auvergnat, langue d’oc gascon, langue d’oc languedocien, langue d’oc limousin, langue d’oc nissart, langue d’oc provençal, langue d’oc vivaroalpin, pourront être subies à la session 2003 […] », ce qui consacre la pluralité des langues d’oc. Ces dispositions ont été reconduites pour 2004 (arrêté du 13 janvier 2004, J.O. du 22, p. 1653) et pour 2005 (arrêté du 31 décembre 2004, J.O. du 12 janvier 2005, p. 489). Mais au delà des mots, il convient de réfléchir sur l’esprit de ces lois. 3 – L’esprit des lois 3-1 – Les buts politiques Un survol des cadres juridiques que nous venons d’évoquer fait pressentir la diversité des buts poursuivis par leurs auteurs : – pour les Nations Unies, pour le Conseil de l’Europe, on se situe dans le domaine des droits de l’homme, et on affirme comme imprescriptible le droit de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie privée et publique; – mais le Conseil de l’Europe place avant cet aspect le besoin de « maintenir et (de) développer les traditions et la richesse culturelles de l’Europe » auquel contribue « la protection des langues régionales ou minoritaires historiques de l’Europe, dont certaines risquent, au fil du temps, de disparaître »; autrement dit, il s’agit de préserver un patrimoine culturel en danger de disparition; c’est aussi l’un des buts poursuivis par nos députés F. Bayrou et Marylise Lebranchu (cf. p.5); Langues d’oc, langues de France 27 – en reprenant les termes de la loi Deixonne, le Code de l’éducation est muet sur le but de l’étude des langues et cultures régionales qu’il entend favoriser; plus politique, l’article 34 de la loi sur l’outre-mer du 13 décembre 2000 n’hésite pas à déclarer : « Les langues régionales en usage dans les départements d’outremer font partie du patrimoine linguistique de la nation. » et fait état « du renforcement des politiques en faveur des langues régionales afin d’en faciliter l’usage. »; – enfin, comme pour calmer les craintes des adversaires des « patois », et toujours d’après la loi Deixonne, le Code autorise le recours « aux langues régionales dans les écoles primaires et maternelles chaque fois qu’ils peuvent en tirer profit pour leur enseignement, notamment pour l’étude de la langue française. En résumé, trois buts politiques s’affichent dans ces textes : le respect d’un droit de l’homme, la conservation d’un patrimoine culturel et l’aide à la pédagogie, notamment au profit de la langue officielle de l’État. Mais qu’en est-il en réalité pour les langues de France, et spécialement pour les langues d’oc ? 3-2 – Leur validité en France En ce début de XXIème siècle, il n’y a probablement plus un Français de souche qui ne s’exprime sans peine en français dans toutes les circonstances de la vie publique ou tout simplement dans la rue. Et de ceux qui ont eu une langue régionale pour langue maternelle, il n’y a sans doute qu’une infime minorité, travaillée par certaines propagandes, qui demande le droit, évoqué au § 1-2, p. 12, d’utiliser cette langue dans la vie publique. En revanche, la conservation d’un patrimoine culturel correspond beaucoup mieux à la situation des langues régionales de France, dont la perte d’usage par les populations autochtones et la non-transmission familiale feront bientôt des langues 28 Langues d’oc, langues de France mortes. Or cette conservation joue en faveur de la diversité culturelle et linguistique, condamnant ainsi toutes les manœuvres qui tendraient à uniformiser les parlers sur de vastes territoires, selon le vœu des indépendantistes. Enfin, l’intérêt pédagogique des langues régionales visé par l’article L 312-11 du Code n’a de sens que si les jeunes écoliers connaissent leur langue régionale au moins aussi bien que le français qui leur est enseigné. Les cas doivent être malheureusement de plus en plus rares de nos jours. Mais cette disposition s’inscrit dans la même ligne que la conservation du patrimoine, en confirmant que tout parler effectivement pratiqué en un lieu est une « langue régionale » au regard de la loi, sans égard à tous les discours normalisateurs déjà évoqués. 3-3 – Leur application à l’Éducation nationale Dans l’esprit de la loi “Deixonne” de 1951, la circulaire “Haby” de 1976 avait privilégié l’usage local pour la détermination des langues de France à enseigner dans le cadre du service public. Douze ans après, c’est dans le même l’esprit que sera défini l’objectif de l’enseignement dans les lycées : il « visera, au premier chef, à une compréhension et une pratique correctes de la langue vivante sous sa forme usuelle locale. » (Arrêté ministériel du 15 avril 1988, J.O. du 30 et B.O.-E.N. pour les annexes); ou encore, en 1995, dans les collèges, dont l’enseignement doit « mettre les élèves à même de comprendre, parler, lire et écrire à un niveau simple la langue authentique de la communauté qui la pratique » (Circulaire “Darcos”du 12 avril 1995, le Béarnais et béarnophone F. Bayrou étant ministre de l’éducation nationale). Sous le régime du Code de l’éducation, cette circulaire sera reprise et abrogée par une circulaire plus générale, n° 2001-166 Langues d’oc, langues de France 29 du 9 septembre 2001, B.O. n° 33 du 13. La référence à l’usage de la langue est évidemment maintenue, et dès « l’école maternelle, les enseignants veilleront à inscrire l’apprentissage ou l’approfondissement de la pratique de la langue et les activités en langue régionale si possible dans une continuité entre l’école et le milieu familial. » Même souci dans la circulaire n° 2001-167 du même jour sur l’enseignement bilingue à parité horaire : « Le but de l’enseignement bilingue est d’amener progressivement les élèves à utiliser la langue régionale […] dans le milieu familial et social. » Cela n’est évidemment possible que si la langue est enseignée sous sa forme locale. Donc, a priori, les textes législatifs que nous venons de rappeler peuvent d’ores et déjà servir de base à une règlementation respectueuse des réalités linguistiques et sociolinguistiques et mettre sur la voie d’une législation interne plus générale sur les langues régionales. Mais dans les faits, la confusion des concepts relatifs aux langues romanes du Midi risque de nuire à la protection qu’elles pourraient espérer d’une telle législation. DEUXIEME PARTIE Les langues romanes du Midi de la France 4 – L’imbroglio des appellations 4-1 – Quand le flou facilite les confusions… L’histoire explique bien des choses, mais le fil d’Ariane pour ne pas s’y perdre pourrait être la vision moderne que les linguistes ont des langues du Midi. Disons donc d’emblée que le latin apporté dans le sud de la Gaule et l’est de l’Espagne s’est mué au cours du premier millénaire en un grand nombre de parlers présentant, au-delà d’une bonne part de vocabulaire commun issu du latin, un assez grand nombre de traits phonétiques ou morphologiques qui tantôt les opposent, tantôt les apparentent plus ou moins; ils forment l’ensemble linguistique “gallo-roman d’oc”, intermédiaire entre le “galloroman français” du nord de la Gaule et l’ibéro-roman des autres langues péninsulaires; géographiquement, ce sont les Païses d’Òc représentés en Annexe I, p. 79. 4-11 – Des noms changeants et parfois défectueux… Rendue célèbre par Dante, l’appellation la plus ancienne de cet ensemble est langue d’oc, d’après la façon de dire “oui” dans ces parlers, ainsi opposés à ceux du “gallo-roman français” qui forment la langue d’oïl et à ceux de l’ibéro-roman et de l’italoroman, langues du si. Mais le prestige des troubadours limousins fit aussi nommer l’ensemble du nom de limousin. En revanche, en un temps où les notions de langue et de nation étaient 32 Langues d’oc, langues de France pratiquement confondues, l’organisation de l’Ordre des chevaliers de Malte, continuateurs des Hospitaliers de St-Jean de Jérusalem, distinguait par exemple la langue d’Auvergne de la langue de Provence; aujourd’hui encore, la cathédrale St-Jean à La Valette, édifiée par les chevaliers, nomme par les langues ses chapelles latérales : chapelle de la langue de France, ou de saint Paul, chapelle de la langue de Provence ou de saint Michel, chapelle de la langue d’Auvergne ou de saint Sébastien, etc. Plus tard, la montée à Paris d’Henri IV à la tête de troupes gasconnes fit confondre l’ensemble d’oc sous le nom de gascon. Cependant, c’est provençal qui devait s’imposer au XIXème s., désignant, même chez les linguistes de tous pays, à la fois l’ensemble des parlers d’oc et le seul parler de Provence : d’où une regrettable confusion. C’est lui que Mistral préféra pour le titre de son monumental « Dictionnaire Provençal-Français embrassant les divers dialectes de la langue d’oc moderne » achevé en 1888. Songeait-il à étendre à tout le Midi son propre parler ? Il ne le semble pas quand on considère son respect de chaque variété. Mais il est sûr que certains de ses admirateurs y songèrent… En même temps commençait à se répandre le nom savant d’occitan, issu de l’expression latine lingua occitana — Languedoc en français — par laquelle la chancellerie royale désignait, dès le XIVème s., les provinces méridionales que la Croisade albigeoise avait ramenées dans la stricte dépendance du Roi. Ces terres, qui ne comprenaient évidemment ni l’Aquitaine ni la Provence, étaient en effet soumises à un même régime fiscal et militaire, et leur nom n’était qu’une désignation administrative, comme l’actuel Languedoc-Roussillon, bientôt peut-être Septimanie. Langues d’oc, langues de France 33 4-12 – …pour un concept mal défini La place à part que les linguistes reconnaissent aujourd’hui au catalan et au gascon (cf. § 4-2, p. 36, et Annexe II, p. 80) n’a pas manqué d’apparaitre très tôt. Déjà, le catalan présentait une anomalie dans l’ensemble d’oc puisqu’il disait si et non o(c) pour “oui” depuis le XVIe s.; de plus, son appartenance au royaume d’Espagne l’éloignait de plus en plus de son premier voisin le languedocien. Mais sa lutte pour la survie le rapprochait sentimentalement des parlers d’oc français. Aussi le Félibrige, mouvement de renaissance de la langue d’oc lancé en 1854 par Frédéric Mistral et ses amis, le considérait-il comme un dialecte d’oc. Mais la place prépondérante que ce mouvement donnait au provençal de Mistral ne devait pas être du gout des Catalans : dès 1876, ils signifièrent leur rejet d’« une institution qui […] privilégie et généralise une dénomination par-dessus toutes , comme ce serait le cas de la langue d’Oc, incluant le Provençal et le Catalan » (Antoni de Bofarull, Renuncia de majoral dels felibres, La Renaixença, 31 maig 1878, p. 393-396, cité par Lou Felibrige, n° 222, ÒutobreNouv.-Des. 1996, p. 47). Sociolinguiste avant la lettre dans son Dictionnaire Provençal-Français, Mistral ne compta donc pas le catalan au nombre des dialectes de la « langue d’oc » (v° DIALÈITE) et le présenta ainsi : « L’idiome catalan, branche de l’ancienne langue d’Oc vivant aujourd’hui de sa vie propre et s’étendant sur l’est de l’Espagne, les îles Baléares et le Roussillon. » (v°CATALAN). D’un autre côté, voulant codifier la bonne langue du « gai savoir », les grammairiens toulousains du XIVème s. en excluaient le gascon, « lengatge estranh », langue étrangère comme le français, l’anglais, l’espagnol, le lombard etc. Ils ne faisaient cependant que formaliser ce que le troubadour Raimbaut de Vaqueiras († vers 1210) exprimait dans un 34 Langues d’oc, langues de France “descort” dont chaque strophe était dans une langue différente : roman commun, génois, langue d’oïl, gascon et galicien. De nos jours, encore, le Languedocien entend mal le gascon, comme en témoigne cet extrait d’un roman de l’instituteur occitan Jean Boudou (1920-1973), Lo libre de Catòia, 1966 (Obras complètas 6, I.E.O.-A tots, 1978, p. 165) : « Et elle me parlait. Ses yeux me souriaient, couleur de noisette. Sa voix était chaude, pure. J’avais beau l’écouter, je ne la comprenais pas. « Je reconnaissais comme nôtre, pourtant, la musique de sa parole. Mais pourquoi ces sons étranges ? Les eth, les ei, les he, les arro, qu’elle allait chercher profond. Je regardais chaque fois frémir la peau vive de sa gorge. « Et je voulus lui parler aussi. Avec les mots de mon pays [Aveyron]. Elle sembla mieux comprendre, elle. Elle fit la moue : « – Je suis Gasconne ! dit-elle. Puis elle ajouta : « – Il vaut mieux que nous parlions français… [en français dans le texte] ». Mais bien qu’il en eût exclu le catalan, Mistral allait inclure le gascon dans son Dictionnaire Provençal-Français. À la même époque, cependant, le professeur Achille Luchaire lançait à la Faculté de lettres de Bordeaux les études linguistiques sur le gascon; il devait y voir une langue distincte de la langue d’oc (voir en Annexe II, p. 80, son « témoignage » de 1879). En 1892, même avis d’Édouard Bourciez, également professeur à Bordeaux, dans La langue gasconne à Bordeaux, pp. 5-6, texte qu’il devait reprendre pour le fond en 1922 (voir également en Annexe II). On a vu au § 2-1, p. 15, comment le décret “Sadi Carnot” de 1894 en avait pris acte en reconnaissant le gascon à part du “provençal”, ce dernier entendu au sens large de tous les autres parlers d’oc. Langues d’oc, langues de France 35 4-13 – Querelles et confusions qui perdurent Mais le domaine des langues est aussi celui des passions, et les excès des uns appellent les réactions des autres… Ainsi, la place prépondérante faite au provençal par Mistral, et peut-être plus encore par des successeurs qui n’avaient pas son envergure, apparaissait aux Languedociens comme une sorte d’« impérialisme ». Privilégiant par réaction le terme occitan, un mouvement concurrent du Félibrige allait donc désormais se développer pour aboutir, en 1930, à la création à Toulouse de la Société d’Études occitanes (S.E.O.), relayée en 1945 par l’Institut d’Études occitanes (I.E.O.), tandis que le mouvement lui-même était désigné sous le nom d’occitanisme. Et curieusement, fascinés sans doute par la vitalité linguistique et le patriotisme des Catalans, les occitanistes allaient réintégrer le catalan dans leur concept de langue d’oc ou d’occitan. Ainsi par exemple, en 1932, Catalonha etValencia entraient dans la Carta dels Paises d’Oc reproduite ici en Annexe I, p. 79; il est vrai qu’on n’y lisait ni “langue d’oc” au singulier, ni “occitan”… Pourtant, il fallait s’y attendre, les Catalans allaient encore réagir : renouvelant leur prise de position de 1876 à l’égard du Félibrige, un groupe important d’intellectuels, dont le réformateur Pompeu Fabra, Pere Coromines et son fils Joan (qui devait devenir un des plus grands romanistes contemporains – † 1997), avaient signé en mai 1934, un Manifest proclamant l’indépendance du catalan face à l’occitan. Il leur importait de ne plus être dits “occitans” car l’intercompréhension (plus ou moins réelle) n’est pas un critère déterminant de l’unité de la “langue d’oc” tandis que la renaissance de la langue et de l’identité nationale catalanes ne pourrait se faire que sous leur nom propre 36 Langues d’oc, langues de France de catalan (2); elle seule correspondait à la réalité des langues et au besoin de la leur de s’afficher sous son nom pour s’affirmer et revivre pleinement. N’y pouvant mais, le linguiste occitaniste le plus en vue Louis Alibert (3) devait l’accepter officiellement. L’année suivante, pourtant, obstiné (ou publiant sans les revoir des textes rédigés avant le Manifest), Alibert invitait les Languedociens à remplacer leurs gallicismes par des emprunts « aux autres dialectes occitans, catalan compris » (Gramatica, p. XXXVI de l’Introduccion) et affirmait sans ambages « La langue d’Oc moderne présente trois systèmes de graphie : celui de Mistral […], celui qu’ont employé Perbosc et Estieu dans leurs œuvres, et, enfin, celui de l’Institut d’Études Catalanes…» (p. 7). Mais il notait aussi « Dans le groupe linguistique occitanoroman, dès les origines, le gascon et le catalan apparaissent nettement différenciés. » (p. XIV p. de l’Introduccion) et lorsqu’à la p. XVI, il comparait le languedocien « avec les autres dialectes ou langues qui l’entourent », ces langues au pluriel ne pouvaient être que le catalan et le gascon, le plus souvent associés en d’autres passages du même ouvrage. C’était en fait le reflet de l’opinion des linguistes les plus en vue. 4-2 – Pour les linguistes : 3 grands ensembles, gascon, occitan et catalan Nous utiliserons ici la présentation très classique du domaine d’oc selon le Mémento grammatical du gascon (Birabent et 2 Aujourd’hui encore, cependant, des Valenciens voient dans le concept large de “langue d’oc” un moyen d’échapper à l’hégémonie pesante du Principat (région de Barcelonne); cf. L’Occitan n° 138, 1/2-99, p. 6. 3 Pharmacien audois (1884-1959) et linguiste amateur mais reconnu pour la qualité de ses œuvres, auteur notamment d’une Gramatica occitana (Alibèrt, 1935) qui demeure l’ouvrage de référence du mouvement occitaniste. Langues d’oc, langues de France 37 Salles-Loustau, 1989, p. 13); c’est nous qui avons marqué les passages en gras) : « Le gascon est avec l’occitan moyen et le catalan l’une des trois grandes variétés de l’ensemble linguistique occitano-roman (les pays de langue d’oc) qui s’étend approximativement de Bayonne à Monaco et d’Alicante à Limoges. La Catalogne ayant connu à l’époque moderne une évolution particulière, ce sont des considérations extra-linguistiques qui font actuellement réserver le nom d’occitan à la langue des pays qui s’étendent de l’Atlantique aux Alpes et des Pyrénées au Massif Central. En fait, par rapport à l’occitan commun (à base languedocienne) l’originalité du gascon est au moins aussi marquée que celle de la variété catalane (voir le « Que sais-je » de Pierre Bec : La Langue occitane). […] « Le gascon fut langue d’état jusqu’en 1620 […]. Il devait rester jusqu’à la Révolution la langue des délibérations des États de Béarn et la langue des Fors […], des coutumes, etc... […]. « C’est à partir du XVIe que le gascon devient une langue littéraire à part entière […] ce qu’il est resté sans discontinuité jusqu’à nos jours. » Pour ce qui est du catalan, les « considérations extralinguistiques » auxquelles il est fait allusion sont sans doute celles que les Catalans exposaient dans leur Manifest évoqué plus haut (§ 4-13, pp. 35-36). Le moins qu’on puisse dire est que ces motifs ne sont pas tellement “extra-linguistiques”. De fait, une étude comparative de 37 traits phonétiques, morphologiques et même syntaxiques entre le gascon (représenté par le béarnais classique), l’occitan (représenté par le languedocien standard) et le catalan a permis de compter 31 traits qui opposent le gascon à l’occitan et seulement 27 au catalan (cf. Lafitte, 1996, 1999). Pour l’intercompréhension entre langues romanes, le Pr. Anthony Lodge (2002) considère que du temps où les langues d’oc étaient d’usage généralisé, il existait un continuum hiérarchisé en « zones d’intercompréhension dégressive » : mettant le catalan, l’italien et l’occitan au centre de son schéma — l’organisation du colloque par le Félibrige justifiait ce point de vue — ce professeur renvoyait le gascon 38 Langues d’oc, langues de France dans une première couronne, avec l’espagnol et le francoprovençal. Aussi, pour tous les romanistes qui depuis plus de 120 ans se sont intéressés au gascon, cet idiome a des traits si particuliers qu’il doit être considéré comme un ensemble linguistique distinct de l’occitan; on s’en convaincra facilement par les citations de C. Chabaneau, A. Luchaire, J. Anglade, E. Bourciez, C. Appel, G. Rohlfs, K. Baldinger, P. Bec, T. Buesa Oliver, J. Allières, H. Walter, A. Martinet…(Annexe II). Particulièrement significative est à cet égard la position prise dans ce sens par P. Bec, Président de l’I.E.O. de 1962 à 1980, lorsqu’il s’agit d’orienter la recherche occitaniste vers une langue de référence; constatant, après J. Anglade (Annexe II, p. 80), que le gascon était trop différent pour qu’on pût l’inclure dans cette recherche, il admit expressément qu’il constituait « une langue très proche, certes, mais spécifique (et ce dès les origines), au moins autant que le catalan » (Rapport approuvé en 1972 par l’assemblée générale de l’I.E.O., et Bec 1973, p. 26). Mais il ne faisait que reprendre sous une autre forme ce qu’il avait écrit dans le Que sais-je ? n° 1059 cité plus haut, et notamment p. 8 : le « gallo-roman “occitan” (ou d’oc) ou occitano-roman » est ainsi divisé : «!occitan classique «!gascon ) vers l’ibéro-roman!» «!catalan ) Et encore, p. 46 et 52, où il reprend les termes de G. Rohlfs en 1935 (cf. Annexe II) : « Le gascon constitue, dans l’ensemble occitano-roman, une entité ethnique et linguistique tout à fait originale, au moins autant, sinon davantage, que le catalan ». « Il est difficile […] de séparer le catalan de l’occitan si l’on n’accorde pas le même sort au gascon […]. Il semblerait même que le Langues d’oc, langues de France 39 catalan (littéraire du moins) soit plus directement accessible à un Occitan moyen que certains parlers gascons comme ceux des Landes ou des Pyrénées ». Mais s’en tenir au seul avis des linguistes risque de faire une trop grande place à l’abstraction savante, alors qu’une langue est d’abord le moyen de communication d’une communauté humaine. D’où l’importance de la sociolinguistique qui donne la parole à cette communauté. 4-3 – Le point de vue sociolinguistique On a vu au § 2-4, p. 19, que le pluriel « les langues d’oc » de la circulaire Haby avait donné à l’occitaniste H. Giordan l’occasion d’écrire que l’avis des linguistes ne suffisait pas pour dire « que la référence à d’éventuelles langues d’oc est nulle et non recevable. » Et de se référer au cas du corse, qui n’existerait pas si l’on n’écoutait que les linguistes. Plus récemment le Pr. Robert Lafont, bien connu comme sociolinguiste et occitaniste affirmé, revenait sur ce thème (Lafont, 2000) : les Corses se moquaient bien de l’avis des linguistes quand ils voulaient une langue corse, et c’est eux qui avaient raison : « le linguiste doit toujours s’incliner devant le socio-linguiste, et celui-ci devant la décision des usagers ». Or pour ce que le Pr. Bec appelle curieusement l’« occitan classique », l’histoire a façonné le sentiment des populations intéressées et limité de fait leur « conscience identitaire » à l’étendue de leur vieille province; de telle sorte que lorsqu’ils n’appellent pas leur langue autochtone « patois », ils la nomment d’après le nom de cette province : auvergnat, limousin, provençal, mais jamais « occitan ». Le § 4-13, pp. 35-36, a montré l’insistance des Catalans pour appeler leur langue sous son nom propre; il en est de même des quelque 5 000 locuteurs du Val d’Aran qui appellent aranais leur dialecte gascon. Et en 1989, J.-M. Sarpoulet, aujourd’hui 40 Langues d’oc, langues de France responsable des langues régionales au Rectorat de Bordeaux, pouvait écrire dans la revue occitaniste Amiras (n° 20, p. 52) : « si nous sommes plus Ossalois ou Aspois que Béarnais, nous sommes plus Béarnais que Gascons… (De toute façon, l’Occitan, lui, est inconnu comme point du schéma ethnique) ». En négatif, au terme de son contrat, le premier directeur de l’Institut Occitan de Pau reconnaissait que sous ce nom, l’Institut était ressenti comme étranger par les Béarnais et Gascons (Sud-Ouest, 7 août 2003). C’est dire que rien ne remplace une telle marque identitaire pour attacher une population à sa langue héréditaire. Pour ce qui est du béarnais, l’Annexe III, p. 86, montre qu’un usage bien établi depuis plusieurs siècles et toujours vivant légitime son nom, sans aller jusqu’à l’isoler du gascon. Pour les autres langues d’oc, que peut nous dicter la démarche sociolinguistique ? Nous pouvons partir des deux listes en cours dans l’administration, celle, règlementaire, des arrêtés “Éducation nationale” du 15 avril 1988, puis 6 janvier 2003, 13 janvier et 31 décembre 2004 (cf. § 2-7, p. 26) et celle, simplement indicative, du rapport de B. Cerquiglini de 1999, sur lequel nous reviendrons plus loin (§ 5-7, p. 59); hormis gascon et catalan, cela donne : Éducation nationale B. Cerquiglini (CNRS, puis Culture) langue d’oc auvergnat auvergnat-limousin langue d’oc languedocien languedocien langue d’oc limousin langue d’oc nissart langue d’oc provençal provençal langue d’oc vivaro-alpin alpin-dauphinois Ces listes s’accordent sur languedocien et provençal, sauf à alléger la première du préfixe « langue d’oc », car on ne dit ni « germanique alsacien » ni « celtique breton ». Langues d’oc, langues de France 41 Mais en groupant auvergnat et limousin, B. Cerquiglini se réfère à la proximité des parlers qui en relèvent; pourtant, on imagine mal qu’un locuteur dise « je parle auvergnatlimousin »… Pire encore sans doute serait l’appellation niveleuse de « nord-occitan » que d’aucuns voudraient imposer, non sans arrière-pensées politiques. Certes, ces deux langues vivent en assez bonne intelligence (la partie est de la Creuse est de langue auvergnate). Mais si des parentés proches ont existé jadis, elles se sont distendues et les deux langues ont divergé : le limousin est tourné vers l’ouest et le sud-ouest, alors que l’auvergnat regarde vers le nord et vers l’est. C’est dire que ces deux langues se tournent le dos à cause surtout de leur cadre géographique. Plus généralement, l’étude attentive du lexique et de la phonétique singulière de l’auvergnat montre que pour peut-être les trois quarts, l’auvergnat diffère passablement des autres langues d’oc. Un trait sociolinguistique important qui l’oppose fortement à son voisin du sud le languedocien, c’est en effet d’avoir été continument au long des siècles en première ligne face à la pénétration de la langue française en direction du sud. Aux portes septentrionales de l’Auvergne, cette langue a englouti peu à peu le Berry et une bonne partie du Bourbonnais dont les parlers d’origine étaient plus proches des langues d’oc que de celles d’oïl. Il existe en effet un vaste secteur central en France où l’on identifie sans peine, grâce aux noms de lieux sur les cartes, un domaine linguistique plus ou moins assimilable à ce qu’est l’auvergnat d’aujourd’hui. À ce titre, l’auvergnat peut être considéré à la fois comme survivant là où d’autres, ses cousins très proches du nord, ont péri, et comme résistant. Pour bien résister et survivre, cette langue a donc dû composer avec un intrus, le français, pressant et envahissant. 42 Langues d’oc, langues de France Elle lui a emprunté au besoin de nombreux traits, qu’elle a acclimatés avec souplesse, et elle a emprunté de même au franco-provençal avec qui il lui a fallu aussi cohabiter à l’est. Il n’est pas douteux que la morphologie de l’auvergnat autant que sa prononciation singulièrement relâchée en ont fait un bon instrument d’assimilation. Souplesse et robustesse ont assuré le succès d’une résistance qui fut paradoxalement source d’enrichissement. Langue résistante, l’auvergnat est de fait une langue de transition, langue-charnière entre les versants oïl et oc; au point qu’on aurait de bonnes raisons de le considérer sous le jour d’une langue métisse — ou métissée — qui a su faire son miel d’apports divers, tout en conservant un fond à la fois solide, réceptif et élastique, propre à porter à la réussite toutes les adoptions. On doit donc conserver la distinction entre auvergnat et limousin. Du vivaro-alpin et nissart de l’Éducation nationale et de l’alpin-dauphinois de B. Cerquiglini, l’étude présentée en Annexe IV, p. 92, nous conduit à penser que ce sont des subdivisions du provençal “classique” et qu’il vaut mieux s’en tenir au seul provençal, déclaré “polynomique”. Cependant, tout le monde n’est pas linguiste ou sociolinguiste, et les expressions unitaires courantes de « langue d’oc » ou « occitan » vont permettre une véritable entreprise d’élimination sournoise de toutes les variétés autres qu’un certain « occitan standard » défini à partir du languedocien : c’est toute l’équivoque de l’occitanisme, la manœuvre occitaniste. Langues d’oc, langues de France 43 5 – La manœuvre occitaniste 5-1 – Le credo occitaniste : prime à l’idéologie La conception linguistique tripartite du domaine occitanoroman est (ou a été) celle de linguistes occitanistes notoires — dont le “maitre” Alibert lui-même, suivi par P. Bec et J. SallesLoustau, cf. § 4-2, p. 36 — et dans une certaine mesure celle de J. Sibille, président de l’I.E.O.-Paris, qui admettait en 1992 le principe d’une norme d’écriture « auto-centrée » pour le gascon (Guillorel et Sibille, 1993, p. 296); elle a même été rappelée plus d’une fois dans des courriers de lecteurs de la revue occitaniste de Béarn-Gascogne, Per noste. Mais elle a l’immense inconvénient de priver de son fondement linguistique l’unité du territoire de l’Occitanie rêvée (cf. § 5-2, pp. 45-49). Aussi, en 1996, l’exposé de cette conception dans la brochure Le gascon, langue à part entière… (Lafitte, 1996) a suscité, outre quelques anathèmes, une série d’échanges courtois publiés par Estudis occitans, revue d’études de l’I.E.O. dirigée par M. Sibille (J. Sibille, 1996; J. Lafitte, D. Sumien et J. Sibille, n° 22 2nd sem. 1997, pp. 15-38). Grâce au critère de l’intercompréhension, notamment, D. Sumien compte treize langues romanes dont l’occitano-catalan — les Catalans peuvent apprécier… —, tandis que, pour J. Sibille, « vu que l’intercompréhension ne peut pas être un critère objectif, il n’y a aucune raison de dire que le gascon est ou n’est pas un dialecte de l’occitan. Dire que le gascon n’est pas un dialecte occitan est une prise de position idéologique, dire le contraire en est une aussi. Et de même pour le catalan ». M. Sibille est donc logique avec lui-même lorsqu’il entend clore le débat par cette phrase lapidaire que nous jugeons inutile de traduire : 44 Langues d’oc, langues de France « LO GASCON ES UN DIALECTE OCCITAN PERQUÉ LOS GASCONS SON OCCITANS » La boucle est donc bouclée : • parce qu’il y a intercompréhension, la langue est unique; • parce que la langue est unique, tous ceux qui la parlent (ou vivent sur un territoire où elle est/était parlée) sont des Occitans; • mais finalement, peu importe qu’ils se comprennent ou non : parce qu’ils sont Occitans, leur langue est de l’occitan. Mais le sociologue Pierre Bourdieu (1982, p. 140) avait déjà dénoncé cette manipulation : « Le fait d’appeler “occitan” 5 la langue que parlent ceux que l’on appelle les “Occitans” parce qu’ils parlent cette langue (que personne ne parle à proprement parler puisqu’elle n’est que la somme d’un très grand nombre de parlers différents) et de nommer “Occitanie”, prétendant ainsi à la faire exister comme “région” ou comme “nation” (avec toutes les implications historiquement constituées que ces notions enferment au moment considéré), la région (au sens d’espace physique) où cette langue est parlée, n’est pas une fiction sans effet 6. « 5 L’adjectif “occitan”, et, a fortiori, le substantif “Occitanie” sont des mots savants et récents (forgés par la latinisation de langue d’oc en lingua occitana), destinés à désigner des réalités savantes qui, pour le moment au moins, n’existent que sur le papier. « 6 En fait, cette langue est elle-même un artefact social, inventé au prix d’une indifférence décisoire aux différences, qui reproduit au niveau de la “région” l’imposition arbitraire d’une norme unique contre laquelle se dresse le régionalisme et qui ne pourrait devenir le principe réel des pratiques linguistiques qu’au prix d’une inculcation systématique analogue à celle qui a imposé l’usage généralisé du français. » De même, dans la perspective de la reconnaissance du seul occitan pour le Midi roman de la France, l’historien Jean Favier, de l’Institut, devait écrire (Le Figaro, 17 septembre 1999, Opinions) : « …c’est oublier que l’occitan est une construction politique, et que d’Arles à Limoges et Bordeaux en passant par Toulouse, vingt parlers d’Oc à la riche histoire font pendant aux parlers d’Oil que sont le Bourguignon, le Picard ou le Normand. » Langues d’oc, langues de France 45 Que des personnes intelligentes et instruites se prêtent à une telle manipulation a de quoi surprendre; à moins de considérer, avec le Pr. J.-P. Chambon, directeur du Centre d’études et de recherches d’oc de la Sorbonne (C.E.R.Oc), que la linguistique occitaniste a cette particularité unique dans la discipline d’être marquée par une sorte « de porosité ou de coalescence […] entre le champ militant et le champ scientifique. Les connaissances scientifiques sur l’occitan courent donc le risque d’être brouillées ou déviées par les préjugés qui se produisent et qui se reproduisent sans cesse sur le terrain du renaissantisme. » (Chambon, 2003, p. 5). Il convient donc d’éclairer cet aspect militant, et, disons-le avec Jean Favier, politique. 5-2 – Les aspirations politiques de l’occitanisme La renaissance catalane, linguistique d’abord, politique ensuite avec un paroxysme sous la République (1931-1936) a toujours fasciné les défenseurs de la langue d’oc (ici au singulier et incluant le catalan), même Frédéric Mistral et les Félibres. Peu importe que 500 ans séparent la suppression des privilèges catalans par le premier Bourbon Philippe V de la chute de Toulouse aux mains des Croisés du nord; peu importe que Madrid n’ait jamais eu sur la riche Barcelone la prépondérance de Paris sur Toulouse et toutes les villes de France; peu importe que la tradition centralisatrice de la France rende improbable l’avènement d’une constitution fédérale dans un avenir envisageable : le fédéralisme semble le minimum de ce que souhaitent nombre de ceux qui sont engagés dans le mouvement occitaniste, le maximum étant tout simplement une Occitanie séparée de la France (du nord), par exemple dans le cadre d’une future Europe fédérale. 46 Langues d’oc, langues de France L’un des thèmes favoris de la propagande occitaniste consiste justement à affirmer la « dimension européenne » de l’« Occitanie », et à discréditer de ce fait toute division du domaine d’oc selon chacune des langues qui le composent : il n’y a qu’un seul occitan, l’« Occitanie » est « une et indivisible » comme la République française, et ceux qui demandent la reconnaissance des langues d’oc sont des passéistes repliés sur leur « dialecte local », leur « folklorisme de clocher » (cf. § 2-4, p. 19). C’est pourtant ignorer, ou feindre d’ignorer que bien des « régions » d’Europe ont des superficies très inférieures à celles des cinq “païses d’òc” français de la carte occitaniste de 1932 (cf. Annexe I, p. 79), domaines des cinq langues d’oc dénombrées plus haut au § 4-3, pp. 39-42. Par exemple, la Gascogne linguistique couvre quelque 42 500 km2, alors que le domaine catalan (“Principat” de Catalogne, Andorre, Baléares, est aragonais et Roussillon français) en compte un peu moins, avec 41 500 km2; l’aire provençale est du même ordre, et la languedocienne doit en faire quelque 60 000; et si Auvergne et Limousin sont plus petits, la carte montre qu’ils le sont moins que le pays valencien. Quant aux régions considérées en dehors de toute référence linguistique, celles que l’Histoire a dessinées dans les quatre grands États de l’Europe continentale de l’ouest s’échelonnent selon des éventails variés, de la plus petite à la plus grande : en France même, des 8 280 km2 de l’Alsace aux 45 348 de Midi-Pyrénées; en Allemagne, des 2 750 km2 de la Sarre aux 70 456 de la Bavière; en Espagne, des 5 034 km2 de la Rioja aux 87 268 de l’Andalousie, la plus grande région européenne; en Italie enfin, des 3 262 km2 de la Vallée d’Aoste aux 27 708 de la Sicile. Au demeurant, le breton ne s’étend que sur 27 000 km2, le basque, sur 20 500, partie espagnole comprise, et le corse, sur à Langues d’oc, langues de France 47 peine 8 680. N’est-ce pas mépriser ces langues et leurs locuteurs que de faire accroire qu’une langue n’aura un domaine d’échelle européenne que s’il atteint les quelque 190 000 km2 de la prétendue « Occitanie » ? Dans les faits, d’ailleurs, cette grande « Occitanie » d’est en ouest est sérieusement compromise par l’alliance économique qui vient de lier, à la fin de décembre 2004, ses deux régions “centrales” de France, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, aux régions nord-est de l’Espagne, Catalogne et Aragon. Là aussi, on parle de grande région européenne, mais les autres régions d’oc sont implicitement invitées à chercher ailleurs leurs partenaires. En tout cas, nombreuses sont les cartes qui affichent l’« Occitanie » rêvée, comme celle publiée à la une d’Aquò d’Aquí de mai 1998 (voir Annexe V, p. 99) : au nord d’une ligne sinueuse Bordeaux-Grenoble, les Français; au sud, les Occitans, les Basques et les Catalans. Cette carte et les articles qui l’accompagnaient semblent d’ailleurs n’être qu’une des manifestations d’une sorte de fièvre occitaniste provoquée par l’intérêt que le Gouvernement portait alors aux langues régionales et à la Charte. De même, des militants allaient orner les murs de Pau d’affichettes disant en anglais, en espagnol et peut-être d’autres langues « Ici, ce n’est pas la France, c’est l’Occitanie ». On en voyait encore au début d’Avril 1999… Étrange façon de marquer, dans la ville d’Henri IV, le quatrième centenaire de l’Édit de Nantes qui établit la paix religieuse et refit l’unité du Royaume ! Ou encore, après avoir constaté que cette « Occitanie », non moins “évidente” que l’occitan qui la sous-tend, n’a jamais existé politiquement (sa réunion actuelle sous un même drapeau — celui de la France — étant l’œuvre patiente de nos 48 Langues d’oc, langues de France Rois, puis de Napoléon III pour Nice), le Pr. Patrick Sauzet concluait ainsi un éditorial du Bulletin de l’Institut occitan de Pau (octobre 1998) : « C’est parce qu’il n’y a jamais eu d’Occitanie qu’il est intéressant de la faire. » Et si le franchissement de la frontière italienne par le provençal nous incite à jeter un coup d’œil chez nos voisins, il y a de quoi s’inquiéter sur l’idéologie de l’« Occitanie » promise. On sait en effet que le Parlement italien a adopté le 25 novembre 1999 une loi nationale relative aux langues minoritaires (n° 482/99) et que c’est “l’occitan” et non le “provençal” qui a été retenu. La raison en serait qu’après enquête auprès d’associations culturelles, “langue occitane” représente la modernité tandis que “langue provençale” représente le passéisme. Soit ! Il serait vain en effet de discuter les appréciations subjectives qui font trouver l’« occitan » moderne, avec sa graphie médiévale complexe et anachronique, et passéiste le provençal dont la graphie moderne est directement accessible aux locuteurs, comme on le verra plus loin (§ 5-3, p. 49) Toujours est-il qu’un an après, stimulés par cette reconnaissance législative, les occitanistes italiens obtenaient de l’Assessorat à la culture de la région Piémont la publication d’un manuel intitulé Valadas Occitanas e Occitània granda et diffusé gratuitement dans les écoles des vallées provençales. Sous une présentation attractive, c’est une apologie de l’ethnisme de François Fontan (p. 89), Français fondateur du Parti nationaliste occitan, décédé dans ces vallées en 1979 : il y a une « langue occitane » et « c’est pour cela qu’on peut parler de peuple et de nation occitane. » (p. 41). Et en 2001 à Roccavione, à la 2ème “Fête occitane de la loi”, le Pr. « Robert Lafont, icône du réveil occitan contemporain, [par] son “Merci François Fontan”, philosophe des théories ethnistes […] a recueilli les Langues d’oc, langues de France 49 applaudissements du public [au souvenir] de ce farouche rebelle… » (compte-rendu de la fête in Quaderni della Regione Piemonte, Montagna n° 26). Sur invitation de l’Union Provençale Transalpine, le Pr. Philippe Blanchet a donc fait une étude critique du manuel des Vallées, étude largement diffusée aux autorités publiques italiennes et françaises. Il y montre les multiples travestissements de l’histoire : ainsi, Vercingétorix y est « le premier martyr de la résistance occitane » (alors que l’« occitan » est né de la conquête romaine !) et Blaise Pascal, un philosophe occitan, etc. Et de dénoncer un manuel qui « contribue à diffuser de façon insidieuse des références idéologiques et des idées politiques inadmissibles. » Cela montre en tout cas qu’avec de tels objectifs politiques, les occitanistes acheminent, consciemment ou non, l’enseignement de l’occitan multiple vers un occitan unique. 5-3 – De la normalisation orthographique à la normalisation linguistique À l’origine, certes, l’occitanisme était essentiellement culturel et reconnaissait pleinement la diversité des “dialectes d’oc”; en témoigne la carte de 1932 (Annexe I, p. 79). La seule unification mise en œuvre était celle du système orthographique à partir de celui qu’Alibert avait préconisé pour le languedocien — toujours lui —, suivant en cela l’exemple donné par l’ingénieur Pompeu Fabra pour le catalan (cf. § 4-13, p. 35). C’était parfaitement admissible, et même souhaitable, dans la mesure où ce système serait adapté à la phonologie propre des divers parlers, de telle sorte que le code orthographique ait « les deux qualités que l’on peut [en] exiger : son exactitude (la forme écrite de la langue doit permettre de restituer sa forme orale naturelle sans se tromper) et sa simplicité (l’opération 50 Langues d’oc, langues de France d’encodage-décodage ne doit pas être trop lourde). » (Pr. R. Lafont, 1971, p. 11). Mais une telle fidélité aux langues parlées se heurterait vite à l’orientation donnée par Alibert dès 1935 (Gramatica, p. XXXIV) : « Aujourd’hui, l’évolution du Félibrige vers un occitanisme plus efficace met en évidence la nécessité d’unifier tous les dialectes pour rendre possible l’enseignement dans les écoles et la vie d’une littérature nationale occitane. » Et cette orientation était toujours d’actualité en 1990, quand Patrick Sauzet (1990, p. 39), déjà cité, écrivait en insistant : « …la graphie n’est pas, contrairement à ce que pensent certains, indépendante de l’entreprise totale de normalisation linguistique. « J’affirme donc d’emblée la thèse suivante : la graphie occitane s’intègre à un projet global de normalisation linguistique. » On comprend alors que l’adaptation de l’écrit à la langue parlée n’ait pas été le souci premier des grammairiens occitanistes. Certes, selon le second des « principes […] intangibles […] sur lesquels se base […] le système » orthographique de l’I.E.O., « Cette orthographe sera en principe phonétique pour les mots de formation populaire » (La réforme linguistique…, 1950, p. 2). Mais c’est une “phonétique” qui fait appel aux « notations empruntées en grande partie à notre ancienne langue » (premier principe, ib.). On pense inévitablement au programme orthographique de la jeune Académie française, selon les Cahiers de Mézeray : « La Compagnie déclare qu’elle désire suivre l’ancienne orthographe qui distingue les gens de lettres d’avec les ignorans et les simples femmes… » (cité par Nina Catach, 1988, p. 32). Or pour répondre aux exigences de simplicité justement formulées par R. Lafont, de telles “notations” à l’ancienne supposent que l’« ancienne langue » se prononçait comme celle d’aujourd’hui. Mais « l’évolution [des langues] est un universel Langues d’oc, langues de France 51 [et donc] la langue occitane ne peut avoir la propriété merveilleuse de se maintenir » (J.-P. Chambon, 2003, p. 3). Il en résulte que même en languedocien, pour lequel pourtant a été établi le système de l’I.E.O., la restitution de l’oral à la lecture demande déjà un sérieux apprentissage, hérissé de listes d’exceptions à apprendre, comme celles données par L’occitan modèrne de J. Taupiac (2001, pp. 101-109). Pour le gascon, l’étude historique de sa phonologie montre que sa prononciation a nettement évolué dans le temps, et que si les graphies médiévales différaient des graphies modernes, ce n’est pas parce qu’elles étaient indépendantes du français (repoussoir), mais parce qu’elles reflétaient une prononciation différente de l’actuelle (cf. Lafitte, 2003-3). Ainsi, une erreur de linguistique diachronique oblige à apprendre un code complexe de lecture moderne de graphèmes médiévaux; c’est rigoureusement contraire à toute saine pédagogie. Pratiquement, donc, on en arrive à ceci, que, sur ses 55 numéros de 1993 à 2002, la revue occitaniste Per Noste-Païs gascons n’a publié que 19 éditoriaux en gascon contre 34 en français, sans doute pour être plus sûre d’être lue et comprise par les abonnés; à la fin de sa vie, le poète Roger Lapassade († 1999), fondateur de cette revue, en était réduit à traduire en français ses poèmes béarnais écrits en graphie occitane pour les rendre lisibles aux locuteurs naturels; et la complexité orthographique n’est probablement pas étrangère au fait qu’une professeur des écoles, enseignante en “occitan” dans quatre établissements privés de Pau, déclare que les cours de troisquarts d’heure hebdomadaires par classe « se déroulent sur un mode ludique et exclusivement oral » (« Portar la bona paraula », rencontre avec Marthe Laulhé, La République des Pyrénées, 3 mars 2005) : ou l’on se perd dans l’enseignement 52 Langues d’oc, langues de France d’une graphie savante et anachronique, ou l’on retombe dans le “tout oral”, comme le bon vieux “patois” si décrié. Au nord du domaine d’oc, les problèmes ne sont pas moindres, notamment du fait que le système languedocien n’a jamais été adapté à l’auvergnat; alors, faute de norme officielle, l’Auvergnat occitaniste écrit comme il sent pouvoir transposer la norme, voire la simple pratique languedocienne. Ainsi, rendant compte du livre de Joan-Pèire Baldit Les parlers creusois (I.E.O. & F.O.L. de Creuse, 1980, 43 p.) dans la revue plutôt occitaniste Aicí e ara (n° 9, novembre 1980, p. 60), un certain Carles Delalenga faisait la remarque suivante : « Ici, cependant, nous sommes bien forcés de constater (et Baldit n’y est pour rien) que les règles alibertines ne se plient pas du tout à la réalité du nord-occitan, et du marchois encore moins ! Pour preuve les exemples qu’il cite : “aiga”, “paire”, “chamin”, “plaça”, “laissar”, “eu estàia” (lang. : èra), “eu aimerà”, et qui se prononcent : èg (ou èdj), pèr, shmin (avec nasale), piaç, iessà, ò etai, ò eimër. « Le problème est plus grave qu’il ne semble : les Auvergnats, Limousins et Marchois, quand ils écrivent, changent de dialecte en adoptant une norme sud-occitane. Il serait plus clair de le dire en toutes lettres, plutôt que d’essayer de faire croire que “chacun doit prononcer selon son parler coutumier” : cela ne se peut pas. « Il semble pourtant que le respect des règles essentielles de l’orthographe “normalisée” pourrait s’accompagner du respect des caractéristiques phonétiques de base des parlers nord-occitans. Cela ne plairait pas aux centralistes languedociens (et il y en a !), mais aiderait grandement à la renaissance occitane dans des pays où le culte de la norme sudiste l’a un peu entravée jusqu’ici. Il s’agit simplement de trouver le point d’équilibre entre l’affirmation de l’unité de la langue et le respect des dialectes ». De toute façon, l’incompétence, voire la cuistrerie, de quelques-uns fait souvent passer subrepticement de la normalisation orthographique à la normalisation linguistique. En un mot, pour reprendre une plaisanterie courante, on écrit vasistas et on doit lire fénestroun. Langues d’oc, langues de France 53 5-4 – Premier pas : un “occitan standard” ajouté aux “dialectes” Or au moins depuis 1968, cette tendance à l’institution d’un occitan standard à base de languedocien semble s’être radicalisée, probablement par suite d’un durcissement de l’orientation politique. Dans un premier temps, cependant, le linguiste occitaniste J. Taupiac (1977, p. 14) se bornait à souhaiter que Gascons et Auvergnats apprennent l’occitan standard en plus de leur parler propre; on voit l’utopie, quand on sait à quel point il est déjà difficile de bien apprendre ce parler. De fait, lors d’un récent colloque, Nicolas Quint (LLACAN-CNRS) pouvait dire (2000, p. 65) : « J’ai personnellement rencontré plusieurs intellectuels nonlanguedociens (Gascons, Limousins, Alpins) qui avaient même fait l’effort d’apprendre à parler et à écrire cet OLL [Occitan Languedocien Littéraire], qui est aujourd’hui de fait la principale koinè pan-occitane. » « plusieurs intellectuels », ce n’est pas un peuple de locuteurs, et le théoricien du gascon à l’occitane, M. Grosclaude, pouvait donc écrire de bonne foi, en 1979 : « Faut-il […] ériger ce Languedocien central en dialecte privilégié qui progressivement supplanterait les autres dialectes et viser une langue occitane unifiée et uniformisée ? Je ne pense pas qu’il existe beaucoup de gens dans le mouvement occitaniste pour soutenir ce point de vue. » (E se disèvam : “pro !”, Per noste n° 72, 5/6-79, p. 5). 5-5 – Le but final : l’occitan unique Mais le “centralisme languedocien” va s’affirmer de plus en plus, comme le constate Henri Jeanjean (1992), professeur dans une université australienne, membre de l’Association internationale d’études occitanes : « A partir du phénomène du vignoble languedocien, nous avons vu qu’il y avait une réduction des problèmes politiques et sociaux de l’Occitanie à la seule région Languedoc. Ce que certains ont appelé le centralisme ou même “l’impérialisme languedocien” en matière politique 54 Langues d’oc, langues de France se retrouve dans le secteur culturel et, là aussi, de nombreuses erreurs ont été commises qui ont aliéné de nombreux occitanistes et ont contribué à un éclatement de l’action culturelle et donc à une perte de son impact possible. […] « On va se moquer des accents et des particularismes gascons ou auvergnats. “Il n’est bon bec qu’à Paris” se retrouve transformé en “il n’est bon bec qu’à Béziers, ou à Montpellier. » « À vouloir à tout prix créer une Occitanie une et indivisible sur le modèle français, par ailleurs tant décrié, les différences culturelles régionales ont été artificiellement gommées. » Et les faits confirment : Le Parti occitan, essentiellement languedocien, affiche le slogan « Une langue, un peuple, un pays »; pas de peuple unique, pas de pays, sans langue unique. Dans l’hebdomadaire La Setmana (n° 188, 14 janvier 1999, p. 6), un journaliste anonyme s’insurgeait, en occitan standard, contre le rappel par le Ministère de l’Éducation nationale de l’obligation pour les candidats au baccalauréat de mentionner, pour l’épreuve facultative d’occitan, le dialecte choisi parmi les sept de l’arrêté de 1988 : « L’enfermement institutionnalisé ! Une volonté évidente d’émietter la langue occitane. […] Nous revenons à la préhistoire […]. » (4) Et d’ajouter au procès d’intention un amalgame avec les thèses du Front national (qu’on ne nomme pas, mais qu’on laisse deviner au lecteur) et l’injuste mise en cause d’un Ministre qui avait fort chaleureusement exprimé sa faveur pour l’occitan dans le Bulletin de l’Institut occitan de Pau, février 1998. Au plan concret, M. Taupiac déjà cité, responsable linguistique de l’I.E.O. et naguère vice-président de feue l’association Conseil de la langue occitane, n’hésitait pas à consacrer une de 4 Paradoxalement, pour répondre à l’attente de son public, l’éditeur de cet hebdomadaire publie une revue pour enfants, Plumalhon, en trois versions, gasconne, languedocienne et provençale. Langues d’oc, langues de France 55 ses chroniques « L’occitan blos » (L’occitan pur) au rejet d’un tour syntaxique gascon « minjar carn » (mot à mot, “manger viande”) : en cela, le gascon fonctionne comme le latin, le catalan et le castillan, mais non comme l’occitan standard et le provençal « manjar de carn ». Et de conclure : « L’occitan-standard n’est pas un occitan meilleur que le gascon, le limousin ou l’auvergnat. Mais c’est un indispensable occitan moderne et fonctionnel qu’on ne peut forger sur un autre dialecte que le languedocien. Il faut choisir : en occitan de Gascogne Que mingi pan; en occitan-standard Mangi de pan. » (L’Occitan n° 145, mars-abril 2000; traduit de l’occitan). Les Gascons sont donc sommés de choisir, et bien entendu, de le faire comme M. Taupiac lui-même, Gascon de souche, qui ne s’exprime plus qu’en occitan, même pour semoncer les Gascons… Mais il a au moins le mérite de la franchise. Bien plus dangereuse sans doute est la subversion insidieuse des parlers non-languedociens par l’envahissement d’ouvrages didactiques occitans, rédigés en occitan standard, et que les jeunes non-languedociens sont appelés à utiliser dans le cursus scolaire d’« occitan ». Particulièrement éclairant est le témoignage de M. Éric Astié, professeur certifié d’occitan à Langon : « Après 6 ans d’enseignement en collège et lycée, j’aimerais faire un constat. Les étudiants ont besoin d’un dictionnaire fr/oc, référence qui les guide et les rassure. À Langon, j’en exige un, les lycéens le savent et celui qu’ils utilisent le plus spontanément est la Palanqueta (CRDP Toulouse, [occitan languedocien (standard)] double sens version et thème, 120 F). Quelques uns se servent de la Civada (Per noste, fr-oc gascon, 60 F) et d’autres du Lauç (I.EO 81, fr-oc languedocien). […] « Le constat est l’apparition d’une forme d’occitan évolutive : ces générations qui découvrent la langue sur les bancs des écoles mêlent tout cela joyeusement. Leur écrit est le fruit d’une union gasconlanguedocienne, décomplexée. Même s’ils savent que leur pays est gascon, ils s’élaborent un gascon original. 56 Langues d’oc, langues de France « Autoriser, interdire, tolérer, encourager l’usage de tel ou tel dictionnaire, telle ou telle forme de langue ? » (Lenga e Païs d’oc, revue pédagogique officielle du C.R.D.P. de Montpellier, n° 35, 1999, p. 43; traduit du gascon). Adieu donc à la langue effectivement pratiquée ! Ainsi s’est révélé au grand jour le but de l’occitanisme, longtemps plus ou moins occulté par un discours qui se voulait rassurant. Si quelqu’un en doute encore, qu’il nous suffise de citer la présentation par le mensuel occitaniste de Provence Aquò d’Aquí de juin 2001 d’un long et vigoureux article du Pr. Robert Lafont : « Le message adressé aux Provençaux par le plus grand écrivain provençal vivant est en occitan “futuriste”, c’est à dire en languedocien : une page se tourne ! […] En ce début du 21ème siècle, la France est morte : Vive l’Europe et l’Occitanie ! » 5-6 – Retour au vieux péché de l’École : éliminer les “patois” ? Or il va se trouver une certaine École publique, oublieuse de la loi Deixonne relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux, pour être l’instrument de cette subversion linguistique, aggravée de francisation par rejet de la langue parlée; ainsi, un militant oppose un jeune locuteur qui a su se mettre à l’écoute des anciens à un enseignant qui, parti d’une langue bien enracinée, a trouvé à l’université et dans son métier une nouvelle langue prononcée à la française et polluée du calque linguistique de toutes les expressions françaises à la mode (L’Occitan, n° 139, 3/4 1999). Formée à l’idéologie française d’une langue unique et régentée par l’Académie, cette École ne peut accepter la diversité dialectale; ainsi, M.-J. Verny, professeur au lycée de la Camargue de Nîmes et chargée de cours à l’université Paul Valéry à Montpellier, syndicaliste SNES, Una experiéncia Langues d’oc, langues de France 57 d’ensenhament de l’occitan dins l’acadèmia de Montpelhièr, Reclams 1995 - 4/5/6, p. 75 : « Que peut penser un responsable syndical national – ou un technicien employé par le ministère ! – quand il se trouve face à des interlocuteurs revendiquant des particularismes locaux, de graphies spécifiques à tel ou tel parler ? » Cela peut expliquer que M. Salles-Loustau, devenu chargé de mission pour la culture occitane, puis pour les langues régionales au ministère de l’Éducation nationale et promu inspecteur général, abandonne en quelque sorte le gascon ancestral, objet de son Mémento grammatical de 1989 (cf. § 4-2, p. 36) pour ne plus promouvoir que l’occitan languedocien standard. Ainsi, dans une interview donnée ès-qualité à Pau en mars 1995, il joue remarquablement sur les mots : pour compter 6 millions (5) de personnes qui « comprennent l’occitan » et justifier l’importance de l’affaire qu’il défend, l’occitan couvre tous les parlers d’oc; mais quand il s’agit de ce que l’on va enseigner dans les classes bilingues, la langue parlée en Béarn n’est plus qu’un patois, en voie de disparition parce que les mères ne le transmettent plus à leurs enfants; or à l’école, « On n’est pas là pour enseigner le patois, le patois est mort, c’est l’occitan qui reste ». Mais cela dit, qui sera demandeur d’un tel enseignement ? Pas ceux qui savent encore ce qu’est la langue du Béarn, mais des parents de « catégories socio-professionnelles [nouvelles] : ingénieurs, cadres supérieurs, professions libérales, pour la plupart d’entre eux. Et c’est grâce à ces catégories sociales que l’occitan est en train de gagner ses lettres de noblesse ». Et lorsque la pression populaire aboutit à la création par le département des Pyrénées-Atlantiques d’un centre culturel qui sera à Pau le pendant de l’Institut culturel basque de Bayonne, 5 Chiffre mythique en la matière, nous a-t-on dit, car c’est celui des Catalans comme des Danois, par exemple, dont nul ne conteste les langues… 58 Langues d’oc, langues de France M. Salles-Loustau réussit à en faire un Institut occitan dont il est élu Président. Il y confirme son orientation, publiant notamment un Bulletin qui ne parlait que d’occitan et paraissait en deux éditions, française et occitane (presque exclusivement en occitan standard). Outre que c’est frustrant pour les contribuables du département dont bien peu se croient “occitans” (cf. § 4-3, pp. 39-40), c’est la parfaite démonstration de l’inanité des thèses occitanistes : d’une part, l’intercompréhension, ciment de la langue d’oc unique ou occitan, n’existe pas, puisque les Occitans (les vrais occitanophones) que l’on veut toucher ne comprendraient pas des articles écrits en gascon de Pau ou d’ailleurs, mais seulement l’occitan convenu entre eux, le languedocien standard; d’autre part, on n’a cure de faire vivre la langue ancestrale du Béarn, ravalée au rang de patois. Le 8 juin 1999, J. Lafitte a loyalement communiqué ces critiques à M. Salles-Loustau pour lui permettre de lui porter contradiction ou demander des amendements. Il n’en a pas eu de réponse écrite, mais a cru en voir une implicite dans son intervention publique à la table ronde terminant, le samedi 12, le Colloque Langues et cultures “régionales” de France organisé en Sorbonne. S’agissant de l’enseignement de ces langues et parlant ès qualités, M. Salles-Loustau a réaffirmé sa position, disant en substance : avec la Charte européenne, on passe des langues et dialectes locaux [que visait la loi Deixonne] à des langues régionales pour des régions de dimension européenne comme l’« Occitanie »; il faut donc en faire des langues de communication moderne, large, et non pas fermées sur le passé, des langues de culture (d’après des notes prises en séance, les actes de ce colloque — L’Harmattan, 1999 — ne disant rien de cette intervention). Certes, la Charte ne devait être déclarée contraire à la Constitution que trois jours après, mais un inspecteur général a-t- Langues d’oc, langues de France 59 il pour rôle d’anticiper des lois que le Parlement de la République n’a pas votées ? 5-7 – Le Professeur B. Cerquiglini sous influence ? Malheureusement, tout cela semble avoir échappé au Pr. Bernard Cerquiglini dans la préparation du rapport sur les langues de France dont l’avaient chargé, à la fin de 1998, les ministres de l’Éducation nationale (Claude Allègre) et de la Culture (Catherine Trautmann) en prévision de la ratification de la Charte européenne des langues régionales. Publié en avril 1999, ce rapport n’a aucune valeur juridique mais semble la Bible de certains fonctionnaires du ministère de la Culture. Du point de vue linguistique qui est le nôtre, ce rapport nous parait avoir souffert de l’insuffisance notoire du petit mois accordé à son auteur pour traiter d’un sujet dont il n’est pas un spécialiste et sur lequel même les spécialistes manquent d’informations d’ensemble récentes et fiables : héritage d’un passé de mépris à l’égard de ces langues, lacune regrettée par M. Cerquiglini qui achève ainsi son rapport : « En tant que linguiste, le rapporteur ne peut s’empêcher de noter combien faible est notre connaissance de nombreuses langues que parlent des citoyens français. Il se permet de suggérer que la France se donne l’intention et les moyens d’une description scientifique de ses langues, aboutissant à une publication de synthèse. La dernière grande enquête sur le patrimoine linguistique de la République, menée il est vrai dans un esprit assez différent, est celle de l’abbé Grégoire (1790-1792). » C’est ainsi qu’il a limité ses consultations à douze personnalités, dont les directeurs de recherches au C.N.R.S. Mme Marie-Rose Simoni pour les langues d’oïl et M. JeanPhilippe Dalbéra pour l’« occitan », plus l’inspecteur général Salles-Loustau dont on a rappelé les positions. Il a reconduit la pluralité des langues d’oïl déjà admise par Henri Giordan dans son rapport au Ministre de la culture (Giordan, 1982, p. 56), et 60 Langues d’oc, langues de France comme lui, inscrit l’occitan seul comme langue régionale d’oc; mais il l’a fait suivre d’une parenthèse énumérant ses “variétés” : « occitan (gascon, languedocien, provençal, auvergnatlimousin, alpin-dauphinois) » Ainsi, parmi les 75 langues dénombrées, l’« occitan » est la seule langue dont les “variétés” sont citées, ce qui suscite déjà interrogation et qui aurait été inopérant en droit, puisque la Charte ne connait et protège que des langues, et la loi française de même (cf. § 2-6, p. 25); la désignation du seul « occitan » ne prive-t-elle pas ses 5 “variétés” de toute garantie contre la tentation de les faire disparaitre au profit du languedocien devenu occitan standard, tout à l’opposé du but de conservation patrimoniale ? La réponse nous est peut-être donnée par la présentation générale des « Langues régionales et “trans-régionales” de France » qu’affichait le site internet de la D.G.L.F. consulté le 5 janvier 2003. Signé par Charles de Lespinay et daté du 20 janvier 1999, ce texte contenait une déclaration d’une honnêteté exemplaire : « Le fait que l’on parle aujourd’hui de langues d’oïl (au pluriel) et de dialectes d’oc, mais de langue occitane (au singulier), est un choix politique et non scientifique, répondant aux enjeux du moment. » Or janvier 1999, c’est le « moment » où M. Cerquiglini préparait hâtivement son rapport; il est alors difficile de ne pas voir la relation étroite de cet avis avec la conclusion du rapport sur ce point, essentiel pour l’ensemble linguistique le plus important de France après le français. Mais quels étaient les « enjeux du moment » auxquels était censé répondre ce « choix politique et non scientifique » ? On ne peut faire que des conjectures, mais il n’est pas exclu qu’ait été prise en compte la thèse occitaniste qui combat par tous moyens le pluriel de « langues d’oc ». Pourtant, ce pluriel n’aurait été Langues d’oc, langues de France 61 que la réciproque de ce qu’énonçait le linguiste occitaniste Roger Teulat après la circulaire Haby du 29 mars 1976 : « les langues d’oïl […] correspond exactement à les langues d’oc. » (Teulat, 1976). Cela confirme du moins que le rejet de la pluralité des langues d’oc ne s’appuie pas sur des données scientifiques, comme l’avait reconnu H. Giordan en 1977 (cf. § 2-4, p. 19). C’est sans doute ce qu’ont compris certains occitanistes, qui n’ont pas applaudi M. Cerquiglini. À notre connaissance, le premier à protester fut l’écrivain Pierre Pessemesse dans un billet en provençal de Lo Lugarn, organe du Parti nationaliste occitan (n° 73, Automne 2000, p. 8); sous le titre « Document ou provocation ? », il allait stigmatiser avec truculence cette liste à laquelle il reproche d’abord de ne pas avoir distingué les langues métropolitaines, souvent dotées d’une écriture et d’une littérature depuis des siècles, des langues d’outre-mer, exclusivement orales jusqu’il y a peu; probablement parce que l’« occitan » lui parait un peu seul en face de soixante-quatorze autres « langues de France », dont vingt-huit pour la seule Nouvelle-Calédonie, et autant de créoles que de territoires; il écrit ensuite : « La grande erreur a été de faire des dialectes de la langue d’oïl des langues à part entière (berrichon, poitevin, picard, morvandiau, etc.) alors que la langue d’oc est mentionnée correctement “occitan qui comprend les dialectes suivants…”. Cela pose une petite énigme car l’auteur du texte aurait dû ignorer également l’occitan et ne mentionner que le provençal, le gascon, le rouergat, etc… Moi, je fais l’hypothèse que dans les bureaux moquettés de la haute administration le linguiste de pacotille qui nous a fait cette bévue était “collègue” [au sens provençal d’ami] d’un de ses pairs, occitaniste de conviction et de carrière, et que celui-ci est judicieusement intervenu. Mais quand même, cet homme de l’ombre aurait dû nous corriger l’erreur des langues de la famille d’oïl. […] En outre, je constate que depuis des mois que ce document extravagant et foufou est paru, il n’y aura pas une seule voix occitane pour le contester et le critiquer. Et à ce propos, je ferai une seconde 62 Langues d’oc, langues de France hypothèse encore plus terrible que la première. Ne serait-ce pas l’un des nôtres l’auteur de la nomenclature ? » Plus mesuré mais aussi net, le linguiste occitaniste Fritz Peter Kirsch (2004, p. 105) trouve cette liste grosse de « conséquences désastreuses ». Et sans la nommer, le Pr. Patrick Sauzet (2004, p. 281) dont on a vu les choix idéologiques en condamne le fond : « …la langue d’oïl (mais curieusement pas le français, alors que les deux termes sont supposés synonymes) est pluralisée en langues multiples (picard, angevin, morvandiau…) et en écho la pluralisation de la langue d’oc tente ceux que la prise en compte globale de l’espace occitan déroute, dépasse ou effraie. ». En outre, en faisant une large place aux langues de l’immigration comme l’« arabe dialectal dans ses diverses variétés parlées en France », B. Cerquiglini est non seulement sorti du cadre de la Charte dont son rapport devait préparer la ratification, mais a probablement contribué à l’inquiétude des adversaires de la Charte, dont témoigne le débat parlementaire du 26 janvier 2005 évoqué au § 1-2, p. 14). Pour l’avenir, du moins, on ose espérer que les « choix politiques » de 1999 seront bientôt révisés selon la volonté affichée de M. Cerquiglini (2002) : « La volonté de la délégation générale à la langue française et aux langues de France, est de fonder les politiques linguistiques non pas sur des impressions, des sentiments, voire des ressentiments, mais sur des savoirs scientifiques et sur les pratiques linguistiques réelles. » De fait, hirondelle annonçant peut-être leur printemps, les langues d’oc étaient bel et bien détaillées dans la liste des langues de France placée en arrière-plan des documents diffusés par la Délégation générale avant et après les 1ères Assises des langues de France du 4 octobre 2003. Au demeurant, ces Assises permirent justement aux autorités de constater que malgré une présence ostentatoire des Langues d’oc, langues de France 63 occitanistes — nous y reviendrons au § 6-2, p. 68 —, leurs thèses étaient loin de faire l’unanimité parmi les défenseurs des parlers d’oc. 6 – Réticences et résistance en pays d’Oc 6-1 – Tous les occitanistes ne sont pas d’accord Sans doute faut-il mentionner en premier le Languedocien René Nelli (1906-1982), professeur de lettres et de philosophie au lycée de Carcassonne, puis à la Faculté de lettres de Toulouse, président de la Société d’études occitanes (1943-1944), un des fondateurs de l’I.E.O. (1945). Atteint d’un cancer qui devait l’emporter, il publia en 1978 un livre qui lui valut l’inimitié de beaucoup de ses compagnons occitanistes, Mais enfin qu’est-ce que l’Occitanie ?. C’est avant tout une réflexion critique et sans concession sur l’occitanisme, dont il stigmatise les nombreuses erreurs, la mythologie (pp. 15, 17), voire l’imposture (p. 187), le terrorisme intellectuel (pp. 18, 168). En particulier, de deux confusions qu’il dénonce… « La deuxième confusion consiste à traiter l’occitan comme un langage existant en tant que tel. En réalité, il est partout et nulle part. Personne n’écrit en occitan, mais en provençal, en languedocien, en gascon… Les circulaires ministérielles ont donc raison de parler de l’enseignement des « langues d’oc » et non pas de l’occitan. Reconnaitre que chacune des langues est occitane ne change rien au fond du problème. Ce n’est pas parce que le Provençal, l’Espagnol et l’Italien sont trois langues « néo-romanes » que le Néo-roman existe. Le provençal est de l’occitan, mais l’occitan n’est pas le provençal ! « Sans doute les différences entre les divers dialectes sont-elles moins grandes qu’entre chacun d’eux et le français, mais elles demeurent fort importantes (surtout entre le Gascon et le Provençal). [Nelli se demande alors quelle serait la langue d’une Occitanie accédant à l’autonomie.] Étant donné la dictature morale que Montpellier exerce sur l’ensemble de l’Occitanie, on peut penser que ce serait l’occitan montpelliérain ! […] Mais, dans ce cas, nous retomberions sur des 64 Langues d’oc, langues de France difficultés insurmontables. Si, comme je le pense, c’est le Particularisme absolu qui est à la base des revendications ethniques et linguistiques, les divers dialectes s’estimeraient — avec raison — brimés autant par l’occitan que par le français. L’auvergnat, le gascon n’accepteraient pas facilement un langage occitan fabriqué par l’Université de Montpellier, […]. » (p. 31). Au demeurant, les faits sont là pour donner raison au visionnaire de Carcassonne. Parmi les occitanistes nonlanguedociens, en effet, nombreux sont ceux qui ne peuvent se satisfaire de l’élimination programmée de leur vraie langue à laquelle ils sont sincèrement attachés. Tout d’abord, dès 1979, l’occitaniste de Béarn M. Grosclaude, professeur de philosophie lui aussi, reprenait “avec des fleurs” les propos de R. Nelli sur l’occitan qui n’existe pas en tant que tel : « “langue occitane” ou “occitan” n’est que l’appellation commune (le concept général) qui regroupe ces variétés [locales]. Exactement comme le mot “fleur” est l’appellation de la rose, de la marguerite ou du camélia… Mais pas plus que la fleur n’existe en soi et en dehors des roses, violettes ou camélias, pas plus l’Occitan n’existe en soi et en dehors de ses variétés réelles. » (E se disèvam : “pro !” déjà cité au § 54, p. 53). On observera cependant que la comparaison est boiteuse : aucune fleur n’est une « variété » du concept de fleur; mais à la différence de son collègue de Carcassonne, plus clairvoyant sans doute, M. Grosclaude donnait le nom de « langue » à une abstraction et le refusait aux « variétés réelles ». Non moins clairvoyant était Roger Lapassade († octobre 1999), fondateur de la section béarnaise de l’I.E.O.; comme en écho à Nelli constatant la « dictature morale » de Montpellier, il devait bientôt exalter en ces termes le poète gascon Pey de Garros (v. 1525-1583) : Langues d’oc, langues de France 65 « Le premier, il dégagea la langue gasconne de sa timidité, de sa honteuse retenue devant Paris, Toulouse ou Montpellier. » (Exposition Pèir de Garròs et son temps, Auch, 1980) Dans la même ligne, on peut encore citer Bernard Manciet, que ses œuvres publiées en français et en gascon de la Grande Lande ont rendu célèbre jusque dans les cercles parisiens : dans son grand poème L’enterrament a Sabres, (1989, p. 48 et réédition ultérieure) il lâche ce cri, ici dans la traduction française de l’auteur : — Ce qu’il y a de pire maintenant — l’Occitanie vis d’Archimède à vide — ils t’auront, Gascogne abâtardie. Et le même Roger Lapassade ouvrait son dernier recueil de poèmes La cadena (La chaine, 1997) par Drapèus arlats (Drapeaux mités) : dans sa vie, il a mêlé trois drapeaux pour une seule patrie; deux l’ont trompé, le sang et or (occitaniste à la croix de Toulouse) et le tricolore; « seul le carré béarnais en haut d’un château [la tour Moncade, de Fébus, proche de sa maison], et ses deux vaches rouges dans l’or du blé mûr, m’ont réjoui le cœur » (1994). Tout dernièrement, retraçant l’itinéraire “occitaniste” de son ami Michel Grosclaude († 2002), Gilbert Narioo pouvait écrire : « Il est en relation permanente avec les linguistes occitans de toute l’Occitanie. Mais il se tient à l’écart, pourtant, de ce monde […], surtout de ceux qui manipulent continuellement la langue pour en faire un occitan transgénique, un jargon qu’on ne parle nulle part. Ce monde, le gascon, c’est sûr, les embarrasse. Tant pis ! » (País gascons, 1-2/2005, p. 14). Encore en 1997, le président de l’association occitaniste de Dordogne affiliée à l’I.E.O. se plaignait du mépris dont souffre le limousin, qui fut pourtant langue des premiers troubadours et qui est demeuré très pur (traduit du limousin - des extraits en 66 Langues d’oc, langues de France furent publiés par l’I.E.O. au titre des contributions à une assemblée générale) : « À la première Université occitane d’été (U.O.E.), j’ai entendu un universitaire (provençal) assurer que le limousin et l’auvergnat étaient quasiment du français vêtu de quelques phonèmes occitans et encore… J’ai vu un groupe de jeunes limousins quitter son cours et s’en aller. Nous ne les avons jamais revus. Il n’y eut plus jamais autant de Limousins à une U.O.E. ni non plus à une École occitane d’été. « J’ai dans mes archives l’original de la fameuse lettre d’une fameuse occitaniste à un poète limousin pour lui expliquer qu’un pays vert n’est pas l’Occitanie, que l’Occitanie est le pays de la vigne et non celui “de l’eau et de l’arbre”. « J’ai la lettre d’un secrétaire général de l’I.E.O. qui me dit que nous avons tort de ne pas écrire en languedocien, que jamais nous ne trouverons un public pour nos “patoiseries”. « J’ai le souvenir de toutes les tentatives que nous faisions pour entrer au secteur linguistique de l’I.E.O. et de la phrase que me dit Taupiac en 1979 : “Ton parler est plus étranger, plus éloigné de l’occitan référentiel que ne l’est le catalan de Majorque.” Et comme le catalan de Majorque n’est pas de l’occitan… […] « En conséquence, la création limousine est considérée comme provinciale, localiste, patoisante pour la simple raison qu’elle ne peut pas être autre (sous-occitans, nous sommes des sous-créateurs). Nous voyons ainsi que seuls languedocien et provençal sont publiés (je veux dire facture payée par l’éditeur) et que tout ce qui est limousin est abandonné à l’artisanat de sections et groupes locaux dont la seule fonction est de boucher un trou sur la carte (bien grande, vous voyez…) de l’Occitanie. « Côté diffusion, les livres languedociens sont accessibles partout en Limousin. Les livres limousins ne se trouvent pas en dehors. Ils sont catalogués “d’intérêt local” (6). […]. « Au même moment, il ne paraissait pas de méthode, lexique, grammaire, dictionnaire “languedociens”. Ils étaient “Occitans”, point. 6 Même qualificatif, selon le témoignage d’enseignants des Hautes-Pyrénées, pour une pièce de théâtre en gascon qui “marche” très bien en Bigorre, mais qu’on ne saurait diffuser en “Occitanie”. Langues d’oc, langues de France 67 Pour nous démarquer, nous pouvions être “limousins” et entrer dans le jeu du particularisme. » Même plainte d’un occitaniste provençal du Vaucluse en vue de l’assemblée générale de l’I.E.O. de novembre 1998 (numéro spécial d’Occitans !, p. 13). Deux mondes de locuteurs s’opposent et ne se comprennent pas : les locuteurs naturels, qui parlent “patois” entre eux, pas dans la vie publique, ruraux âgés qui bientôt ne seront plus, et quelques militants urbains qui pratiquent l’“occitan”, langue « militante, volontaire, revendicative, intellectuelle, souvent apprise ». Le gouffre qui les sépare est si large et si profond que la plupart des activités associatives pour faire vivre la langue les ignorent presque complètement : « la littérature demeure le monopole d’une minorité savante, sachant et voulant lire la langue (cela, sans parler de la diffusion confidentielle de ces œuvres); un théâtre anémique qui reste urbain; une presse qui malgré son ouverture demeure militante dans sa thématique. « L’École est aussi responsable de ce fait : les universités et les I.U.F.M. forment les capessiens avec une langue centrale que les locuteurs naturels ne reconnaissent pas : l’Éducation nationale n’est pas gênée d’envoyer un Gascon (7) en Périgord ou que l’on fasse du languedocien centralo-standard à Nîmes (8). » Et sur l’histoire, travestie par l’occitanisme, un autre Provençal (ibid, p. 16) : « Nous avons eu, me semble-t-il, tout ce qui menait au racisme dans une “histoire de France” officielle, le “Saint” Louis, les croisades, les colonisations, etc. Nous n’avons pas à écrire une contre-histoire occitane […] et si nous devons laisser à d’autres “nos ancêtres les Gaulois”, nous n’avons pas à enseigner en Provence “nos ancêtres les Cathares” ». 7 Ce “Gascon” est une Gasconne qui, avons-nous lu, s’est très bien mise au limousin pour la satisfaction des gens du lieu; c’est tout à son honneur… mais on ne peut trouver normale cette situation. 8 Bien qu’à l’ouest du Rhône, Nîmes parle provençal (cf. Annexe IV, p. 98). 68 Langues d’oc, langues de France Ce même mois de novembre 1998, lors du Colloque Albert Dauzat à Thiers déjà mentionné, on a pu entendre une occitaniste s’excuser de ne pouvoir s’exprimer en auvergnat, qu’elle allait le faire en occitan; il est vrai qu’elle a aussitôt corrigé ce lapsus linguae révélateur de la part d’une personne incontestablement cultivée. 6-2 – À plus forte raison les non-occitanistes On a évoqué plus haut (§ 5-7 in fine, p. 62) la « présence ostentatoire » des occitanistes aux 1ères Assises des langues de France du 4 octobre 2003; en effet, alors que l’« occitan » n’est que l’une de ces 75 langues, on vit dès les premières minutes un enseignant occitaniste s’avancer effrontément sur la tribune où siégeaient deux ministres et y placer un drapeau occitaniste à la croix de Toulouse, celui-la même qui a trompé Roger Lapassade; de discrètes “négociations” entre organisateurs et meneurs occitanistes présents dans la salle aboutirent à son retrait non moins discret. Les occitanistes sont en effet très habiles pour occuper le devant de la scène et faire croire à bien des politiques et aux médias “dans le vent” qu’ils sont les seuls défenseurs authentiques et efficaces des langues du Midi appelées « occitan ». Ainsi alla-t-on jusqu’à vouloir faire de l’I.E.O. un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics pour la culture occitane; mais malgré un engagement occitaniste personnel attesté, H. Giordan (1982, p. 82) chargé d’étudier la question s’y opposa énergiquement : « Une telle démarche serait en contradiction flagrante avec la nécessité d’assurer l’écoute de toutes les tendances de chaque culture minoritaire avec un maximum d’impartialité. » Mais l’« écoute de toutes les tendances » n’est pas du gout des meneurs occitanistes, et faute de pouvoir s’y opposer par des Langues d’oc, langues de France 69 arguments rationnels, ils préfèrent discréditer leurs adversaires par tous les moyens à leur portée. En particulier, autant ils sont attentifs à proclamer que la condamnation pour collaboration, en 1945, de leur linguiste phare Alibert n’invalide en rien ses travaux scientifiques et n’implique pas davantage l’orientation politique de ceux qui s’y réfèrent, autant ils sont prompts à tenter de discréditer les conclusions linguistiques différentes des leurs à raison des opinions politiques, réelles ou supposées, de ceux qui les professent. Et comme, malgré la vertueuse position d’H. Giordan, on trouve des occitanistes notoires à des postes clés de l’Éducation nationale ou de la Culture, on imagine ce qui se passe si ces fonctionnaires oublient leur devoir de neutralité. En témoigne, dans une publication occitaniste hors norme de fin 1994, la déclaration suivante d’un enseignant gascon interviewé : « Je comprends et je partage la colère d’un Pierre Bonnaud, le géographe auvergnat, devant le terrorisme intellectuel ambiant. » Dès lors, on peut penser que la provocation des occitanistes aux 1ères Assises ne leur a pas acquis beaucoup de sympathies chez les représentants des autres langues de France. Encore moins bien sûr chez les tenants de l’autonomie des langues d’oc, car il existe de forts courants populaires, souvent soutenus par des personnalités politiques, qui ne se reconnaissent pas dans le discours et encore moins dans la manœuvre des occitanistes, et aussi des enseignants qui résistent courageusement à leur « terrorisme ». Le courant le plus en vue est celui qui se manifeste en Provence, le prestige de Frédéric Mistral ayant permis le maintien d’une conscience provençale forte, se traduisant notamment par la conservation du système orthographique du maitre dans les publications et les nombreux panneaux de signalisation qui fleurissent dans le pays. Adapté aux parlers de 70 Langues d’oc, langues de France Nice et ses environs, ce même système orthographique mistralien est aussi le plus employé pour leur enseignement. Si le mouvement provençal est parti de la basse Provence au milieu du XIX° siècle, le dernier quart du XX° a vu la Provence alpine jouer un rôle important dans le refus des thèses occitanes, comme concourant à affaiblir la conscience provençale. C’est à Sancto-Lucìo-de-Coumboscuro, au cœur des Alpes provençales italiennes, que les Provençaux de France et d’Italie, qui ne voulaient pas d’une Provence satellite d’une « Occitanie » inventée, se sont rassemblés dans une rencontre annuelle animée par le poète Serge Arneodo, Grand Prix littéraire de Provence 2004. De ces rencontres est née, en 1980, l’Union Provençale, groupement d’associations culturelles provençales. Ces associations se sont unies pour proposer un statut particulier pour la Provence, qui, dans le cadre de la Constitution de la V° République, lui permettrait d’affirmer sa particularité culturelle et linguistique et, partant, de disposer des compétences pour favoriser son développement économique. Depuis l’adoption de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires par le Conseil de l’Europe en 1992, l’Union Provençale a été le premier mouvement provençal à œuvrer pour l’insertion des langues provençale et niçoise dans la liste des langues régionales de France. L’Auvergne a bénéficié du retournement du Professeur Pierre Bonnaud, déjà évoqué, ancien occitaniste qui a su voir à temps la manœuvre occitaniste : « cet homme de grande valeur avait bien perçu intuitivement qu’il y avait des différences trop importantes entre la réalité linguistique auvergnate et la manière dont on croyait qu’il fallait l’écrire en respectant la langue d’Alibert. » (Henri Jeanjean, op. cit.). Avec le Cercle Terre d’Auvergne qu’il préside, P. Bonnaud a accompli depuis une trentaine d’années une œuvre qui dépasse de loin tout ce qui a Langues d’oc, langues de France 71 jamais été fait pour assurer la dignité et la pérennité de la langue auvergnate. Ses travaux lexicographiques — et dans une moindre mesure ceux de Karl-Heinz Reichel, auteur d’une thèse magistrale sur les parlers du Puy-de-Dôme — resteront sans doute inégalés. Régulièrement vilipendé et/ou pillé par ses adversaires et détracteurs acharnés, P. Bonnaud est aussi un auteur arvernophone fécond en vers et en prose, qui n’en continue pas moins à œuvrer sans se lasser. La revue qu’il anime, Bïzà Neirà, est devenue l’organe principal de ceux qui entendent faire survivre la langue auvergnate, dans une graphie qui lui est propre, adaptée aux spécificités phonologiques et morphologiques de la langue contemporaine. Au demeurant, cette « graphie auvergnate » est très largement employée dans l’enseignement et l’Arrêté ministériel du 15 avril 1988 la place avant celle de l’I.E.O. En Gascogne, Jean Lafitte a lui-même longtemps travaillé à retoucher la graphie de l’I.E.O., dont il était membre, afin de l’appliquer dans un vaste projet lexicographique appelé DiGaM; il s’est avéré en effet que dans sa hâte d’élaborer des règles propres au gascon, Louis Alibert qui le connaissait très peu et de l’extérieur (cf. Lafitte, 2002) en avait beaucoup trop méconnu les variétés et la complexité. Mais l’étude historique de la phonologie du gascon évoquée plus haut (§ 5-3, pp. 50-51) a conduit J. Lafitte à se rallier à la graphie moderne, celle dont les occitanistes reconnaissent les chefs-d’œuvre écrits sous la plume des Félibres, de la fin du XIXe s. aux alentours de 1960. En Limousin, on fait comme les grognards de Napoléon : on récrimine contre le centralisme languedocien (voir ci-dessus), mais on reste nominalement occitaniste… tout en prenant de sérieuses libertés pour écrire le limousin. Il y a donc loin de la coupe d’une Occitanie parlant et écrivant un occitan unique aux lèvres des néo-jacobins du 72 Langues d’oc, langues de France Languedoc ! On ose espérer que soucieux de conserver un patrimoine linguistique varié, l’État favorisera ces résistances au nivellement occitaniste. Conclusion En guise de conclusion, nous lançons trois appels, à l’État, aux élus, et à tous les amis sincères des langues d’oc. Appel à l’État Attachés à des langues romanes, nous osons reprendre ici la mise en garde que le Sénat de Rome adressait aux consuls : Caveant consules, ne quid detrimenti res publica capiat, que les consuls prennent garde que la chose publique n’éprouve aucun dommage ! Gardien des intérêts de la Nation, de sa cohésion et de ses richesses de tous ordres, l’État peut intervenir utilement pour que la richesse culturelle que représentent nos langues d’oc ne disparaisse à jamais, sans que soit pour autant mise en péril l’unité nationale chère à l’immense majorité des citoyens. Or si nous en jugeons par la loi sur l’outre-mer (cf. §§ 2-5, p. 24, et 3-1, p. 26), nos dirigeants ont jugé digne de la Loi la conservation des langues historiques de France. Au plan législatif, il nous parait donc tout à fait possible et souhaitable d’adopter une loi nationale sur les langues de France. Selon l’article 34 de la Constitution, la loi déterminerait les garanties fondamentales, dont la désignation de ces langues historiques. Elle devrait aussi définir les institutions qui joueraient le rôle d’une académie pour chaque langue désignée, de telle sorte que ces langues ne deviennent pas la chose des seuls fonctionnaires de l’enseignement ou de minorités peu soucieuses des aspirations des populations (cf. § 6-2, pp. 68-69). Il reviendrait 74 Langues d’oc, langues de France notamment à ces institutions de proposer aux élus la forme des toponymes en langues d’oc, sans s’embarrasser d’idéologie, mais aussi scientifiquement que possible, en liaison étroite avec les directeurs départementaux des Archives. Mais dans l’esprit de la décentralisation voulue par beaucoup, cette loi devrait confier aux régions et départements l’essentiel des compétences pour les mesures à mettre en œuvre. Pour le gascon, il suffit de constater qu’après le Pt. Sadi Carnot, une majorité de grands noms de la communauté scientifique le considèrent comme une langue indépendante, « au moins autant que le catalan » (Pr. P. Bec). Pour les autres parlers romans du Midi, le concept d’« occitan » opèrerait à leur égard une « conjonction » selon le rapport de M. Cerquiglini (§ 5-7, p. 59), ce qu’exprimait également le Pr. A. Martinet quand il écrivit à J. Lafitte en 1996 (Annexe II, p. 84); mais passant de la « conjonction de coordination » à la « conjonction de subordination » au seul languedocien standard promu “occitan standard”, la pratique occitaniste les mène à la mort (cf. § 5-3, pp. 49-52). La solution parait alors d’écouter les sociolinguistes et donc de faire droit au sentiment populaire d’identités linguistiques distinctes, en consacrant la pluralité des langues d’oc, comme l’a déjà fait l’Éducation nationale. Comme exposé au § 4-3, pp. 3942, et en Annexes III, p. 86, et IV, p. 92, on aurait, outre le gascon et le catalan, l’auvergnat et le limousin dans le nord, le languedocien dans le sud, et le provençal à l’est; et celui-ci réunirait avantageusement parmi ses variétés non seulement le provençal alpin, mais aussi le mal nommé vivaro-dauphinois (Drôme-Ardèche) et le niçois. Pour répondre sans ambigüité à la représentation du béarnais et du niçois chez leurs locuteurs et à l’attente de ces derniers, il serait spécifié que « Le gascon Langues d’oc, langues de France 75 comprend les parlers de l’ancien Béarn qu’une tradition continue de plusieurs siècles nomme “béarnais” ou “langue béarnaise”. » et que « Le provençal comprend le “niçois” ou “langue niçoise”. » Une semblable mesure pourrait être envisagée pour les parlers du nord de l’Ardèche et du nord de la Drôme si elle devait répondre à l’attente de leurs locuteurs. Sauf à faire déborder le provençal sur la rive droite du Rhône, c’est tout simplement le retour à la partie française de la carte des Pays d’oc de 1932 (cf. Annexe I, p. 79), telle que la voyaient les futurs fondateurs de l’I.E.O, alors réunis dans la Société d’Études Occitanes. Quant aux territoires ainsi définis, ils restent tout à fait raisonnables dans le contexte européen, comme on a pu le voir au § 5-2, p. 46, et celui de chacune des langues d’oc compte souvent plus d’habitants et même de locuteurs que celui de bien d’autres des 75 langues recensées par M. Cerquiglini. Au plan règlementaire, enfin, et sans attendre l’hypothétique loi envisagée ci-dessus, sans doute serait-il opportun de hausser au niveau du décret, dans la partie règlementaire du Code de l’éducation, la liste des langues régionales qui bénéficient des dispositions du Code, car on ne la trouve pour le moment que dans des arrêtés annuels. Pour le domaine d’oc, ce seraient évidemment celles que nous suggérons pour une loi, avec les mêmes précisions concernant le béarnais et le niçois et, éventuellement, les parlers provençaux du nord de la Drôme et du nord de l’Ardèche. En outre, dans une « conjonction de coordination » des langues de l’espace “occitano-roman”, nous faisons aussi une suggestion au sujet des diplômes comme le CAPES : pour couvrir toutes les langues romanes du Midi, catalan compris, ils devraient ajouter à un tronc commun (comprenant du latin !) des mentions sanctionnant l’aptitude particulière à enseigner 76 Langues d’oc, langues de France chacune de ces langues, un même enseignant pouvant cumuler les mentions, comme les médecins les spécialités. Car la polyvalence actuelle est un leurre, comme le constatent régulièrement les jurys du CAPES. Ainsi, sans s’écarter des besoins réels d’un enseignement moderne de ces langues, on assurerait leur conservation dans ce qu’elles ont de plus authentique. De surcroit, cela préserverait la République du risque présenté par les visées séparatistes des partisans les plus extrêmes d’une « Occitanie » à bâtir sur la base d’une prétendue unité de la « langue occitane ». Appel aux élus Nous en appelons maintenant aux élus, non seulement nos députés et sénateurs que concernent directement nos propos qui précèdent, mais aussi ceux de nos régions, départements et communes. Souvent mal informés de ce qui touche nos langues régionales, ils sont facilement bernés par les tenants de l’occitanisme qui mettent en avant la reconnaissance d’utilité publique accordée à l’I.E.O. en 1949 et font accroire qu’eux seuls détiennent la vérité et les clés du maintien de ces langues, donc et surtout qu’eux seuls méritent les aides publiques. En même temps, leurs publications manquent rarement une occasion de dénigrer la France, ses gouvernements de tous bords et la langue française. Et toujours sûrs d’eux-mêmes, mais sans preuve scientifique de leurs propos, ils dénigrent aussi ceux qui, loin de toute duplicité politique, se soucient d’abord de défendre les langues authentiques toujours parlées. Nous espérons que seront nombreux les élus qui prendront la peine de lire ces pages, solidement documentées et munies de toutes les références utiles pour que les sceptiques puissent Langues d’oc, langues de France 77 vérifier nos dires. Leur honnêteté intellectuelle et leur sens de l’intérêt public feront certainement le reste. Appel à tous les amis sincères des langues d’oc Nous nous adressons maintenant à tous ceux qui sont viscéralement attachés à la langue de leurs pères, ce “patois” que l’École leur fit parfois mépriser, mais qui s’avère si riche de sagesse humaine et d’histoire. Et d’abord aux occitanistes sincères, les plus nombreux, nous en sommes certains. Le vide des actions d’un Félibrige fatigué leur a fait voir le salut dans le mouvement occitaniste, qui était jeune, dynamique, et semblait s’appuyer sur des bases scientifiques incontestables. Ils y ont puisé l’énergie nécessaire pour mener des actions efficaces pour que la langue du pays ait sa place à l’École et pour créer autour d’elle de nombreuses activités ludiques qui rajeunissaient l’image sociale du vieux “patois”. Mais pris par leur militance, ils n’ont guère eu le temps de s’informer sur la validité des thèses présentées comme “scientifiques” ni sur tout ce que cachait de centralisme la façade conviviale de l’occitanisme. Qu’ils aient donc le courage de lire ces pages, qui leur confirmeront souvent ce qu’ils ont fini par soupçonner, sans oser le dire; et qu’ils aient surtout celui de dire “non !” à la manipulation et au mensonge. Nos associations les attendent, pour réunir tous ceux qui sont épris d’authenticité et qui aiment vraiment les peuples d’oc dans leur réalité. Enfin, nous faisons le même appel à tous ceux qui se sont toujours méfiés du discours occitaniste, mais qui n’ont jamais su comment agir efficacement pour nos langues. Chez nous, la parole et la plume sont libres, on peut poser des questions, nous nous efforçons toujours d’y répondre au fond, et honnêtement. C’est notre force. 78 Langues d’oc, langues de France À tous enfin, nous lançons une dernière mise en garde : rejetons les mots « occitan » et « Occitanie ». Toutes proportions gardées, en effet, le premier est un peu comme la svastika : cette “croix gammée”, honorable insigne religieux de nombreuses régions de la planète, est devenue infâme depuis que Hitler en a fait l’insigne du nazisme; de même, parfaitement innocent au début, le mot « occitan » a été associé à tant de manœuvres et de tromperies qu’on ne saurait plus l’employer sans danger. Et « Occitanie » n’a jamais désigné l’ensemble des terres d’oc, puisqu’elles n’ont été réunies que sous le drapeau de la France. Ainsi, plutôt qu’un « occitan » niveleur et artificiel, langue d’une « Occitanie » qui n’est pas près d’exister, nous affirmons nos langues d’oc millénaires comme langues de la France qui, nous l’espérons, saura nous aider à les conserver. ANNEXE I “Carta dels Païses d’Oc” (p. 4 de la jaquette des Sants Evangèlis traduits par l’abbé J. Cubaynes - Société d’études occitanes, 1932) On remarquera que le “Delfinat” n’est qu’une subdivision de la Provence, comme l’indiquent la finesse du trait de séparation et la mention d’un seul nombre pour la population de l’ensemble, 2!800!100 habitants. ANNEXE II Le gascon vu par quelques grands romanistes, depuis 120 ans 1879 – Achille Luchaire, Étude sur les idiomes pyrénéens de la région française, p. 193. — « Si, à l’exemple de l’un de nos meilleurs romanistes, M. Chabaneau, nous qualifions le gascon de langue, ce n’est pas que nous méconnaissions le lien qui le rattache à la langue d’oc; c’est en raison du grand nombre de caractères originaux qui lui font une place tout-à-fait à part parmi nos dialectes du Midi. » 1921 – Joseph Anglade, Grammaire de l’ancien provençal ou ancienne langue d’oc, Paris, 1921, p. 19. — « Le gascon et le catalan ont évidemment dès le début de langue la plupart de leurs traits distinctifs; mais ces traits ne sont pas encore tellement accusés et tellement nombreux qu’ils soient un obstacle insurmontable — comme ils le sont devenus aujourd’hui — à une unité linguistique, au moins relative. » 1922 – Édouard Bourciez, La langue gasconne, La Revue méridionale, t. III, n° 6, 15 déc.1922, p. 477. (reprise d’une idée maintes fois affirmée depuis La langue gasconne à Bordeaux, p. 5-6) — « La langue gasconne est l’idiome d’origine latine qui s’est développé en France dans le triangle formé par la Garonne, les Pyrénées et l’Océan : elle y est encore plus ou moins parlée aujourd’hui par trois millions d’hommes. […]. Si nous donnons au gascon ce nom de « langue » qui lui a souvent été dénié, c’est que, tout en se rattachant de près à la langue d’oc parlée dans la moitié méridionale de l’ancienne Gaule, il s’en est cependant séparé par des caractères originaux et distinctifs. Cette originalité a été reconnue et constatée de bonne heure, puisque, dès le moyen âge, les Leys d’Amors, rédigées à Toulouse au milieu du Langues d’oc, langues de France 81 XIVe siècle, donnaient a cet égard un témoignage décisif, souvent cité : « Apelam lengatge estranh coma frances, engles, espanhol, gasco, lombard. » (Leys d’Amors, II p. 388). 1926 – Carl Appel, Archiv für das Studium der neueren Sprachen, p. 131, cité per G. Rohlfs. — « Si quelque part il y a une frontière absolue entre les dialectes de la France, c’est la frontière de la Garonne, qui sépare les dialectes béarnais et gascons de ceux du Languedoc. C’est une pure convention de séparer du domaine occitanien la langue du Roussillon, mais non pas le Gascon. » 1935 – Gerhard Rohlfs, Le Gascon, Études de philologie pyrénéenne, 1ère éd., repris dans la 3ème, p. 1. — « Si l’on s’est habitué à considérer le catalan comme une langue à part, il faudra, certes, rendre le même honneur au gascon. » 1945 – Alfred Jeanroy, Histoire sommaire de la poésie occitane des origines à la fin du XVIIIe siècle, Toulouse, 1945, p. 4. — « Les parlers romans usités entre le domaine basque, les Pyrénées, l’Ariège, la Garonne et la Gironde, c’est-à-dire le béarnais et le gascon, présentent dans leur phonétique, leur morphologie et même leur lexique des traits si particuliers qu’ils ont été souvent, et non sans raison, considérés comme des langues à part. » 1962 – Kurt Baldinger (9), Revue de linguistique romane, p. 331. — Le gascon, « on doit le considérer comme une quatrième unité linguistique, s’opposant au domaine français, occitan et franco-provençal. » 1965 – Aurelio Roncaglia, La lingua dei Trovatori (Profilo di grammatica istorica del provenzale antico), ed. dell’Ateneo, 9 Kurt Baldinger (1919-2007) est à l’origine d’un Dictionnaire de l’ancien occitan (DAO) et d’un Dictionnaire de l’ancien gascon (DAG) publiés par fascicules. (Note actualisée - Avril 2008) 82 Langues d’oc, langues de France Roma, 137, pp. 26-36. « zones de transition entre occitan, français et espagnol […] : — 1. francoprovenzale e pittavino (p. 26) — 2. catalano (p. 30) — 3. guascone (pp. 34-36) […] La classification courante considère celui-ci comme un dialecte, ou plutôt un groupe de dialectes du provençal (groupe “gasconbéarnais” ou “aquitain”); mais sa différenciation est, et était déjà au moyen-âge, assez nette pour permettre de considérer directement le gascon comme une langue en soi. » [Appréciation confirmée par la carte linguistique insérée entre les pages 32 et 33 “la lingua d’oc e le aree adiacenti”] 1965 – Jacques Taupiac, Lettre à l’occasion de la mort de Simin Palay, Reclams de Biarn e Gascougne, n° 5-8/1965, p. 122. — « Je suis conscient qu’il reste à poursuivre l’œuvre d’un vaillant comme lui, dans le sens d’une défense et illustration de la langue gasconne. » 1971 – Jacques Allières, Atlas linguistique de la Gascogne (Vol. V “Le Verbe”, Avant-propos du fascicule 2 “Commentaire”) — « […] cette Gascogne qui, depuis le moyen âge, accuse face à ses voisins une si forte personnalité linguistique. » 1973 – Pierre Bec, Manuel pratique d’occitan moderne, p. 26. — Le gascon, « une langue très proche [de l’occitan], certes, mais spécifique (et ce dès les origines), au moins autant que le catalan. » 1977 – Gerhard Rohlfs, Le Gascon, Études de philologie pyrénéenne, 3ème éd. Tübingen-Pau, p. 4. — « Il faut se rendre compte que nous n’avons pas à faire à un dialecte quelconque du domaine provençal, mais à un idiome qui dans ses nombreuses particularités s’approche d’une vraie langue indépendante. » 1982 – Francho Nagore et autres, El Aragonés : identidad y problemática de una lenga, 3ème éd., p. 16-18 [dans sa présentation schématique des langues romanes, le groupe Langues d’oc, langues de France 83 « gallo-roman » comprend les langues des 4 “domaines” de K. Baldinger, le français, le francoprovençal, le provençal (= occitan pour K. Baldinger) et le gascon] « Comme nous le voyons, le gascon, le catalan et l’aragonais forment un pont entre la Gallo-Romanie et l’Ibéro-Romanie, par leur position géographique, par de nombreux faits phonétiques et morphologiques et, surtout, par le lexique qui coïncide à de nombreux égards dans ces trois langues. Aussi certains linguistes parlent-ils d’un vocabulaire typiquement pyrénéen (cf. Le gascon [Rohlfs], pp. 38-58) et d’un groupe spécial de langues qu’ils appellent « groupe pyrénéen » (cf. Alwin KUHN, El aragonés, idioma pirenáico). 1985 – Tomás Buesa Oliver, Lengas y hablas pirenáicas, 4° cours d’été à San-Sebastián, p. 15. — « Le gascon a une telle individualité qu’on ne peut le subordonner à l’occitan. » 1988 – Jacques Allières, Occità, català i gascó : punts de contacte, contribution à la Semaine Occitània, present i futur, Université de Valence, 14-18 Novembre 1988, Paraulas d’Òc, n° 1, Novembre 1996, p. 7-17. — « Si l’on hésite toujours à définir la place qui revient au catalan dans le cadre des langues romanes, peut-être pourrions-nous nous poser des questions semblables pour ce qui est de la langue gasconne, souvent considérée — comme le faisait déjà le XIVème siècle — comme un “langatge estranh” : ne serait-il pas lui aussi une “langue pont” entre gallo-roman et ibéro-roman ? « Nous avons voulu parler ici pour souligner cette double spécificité en face de l’occitan, au nom d’une Gascogne toponymiquement présente à Toulouse même. Un Gascon peut, mieux qu’aucun autre — vous pouvez me croire ! — comprendre un Catalan; et, peut-être, encore mieux un Valencien. » [fin de l’exposé]. 84 Langues d’oc, langues de France 1994 – Henriette Walter, L’aventure des langues en Occident, p. 226 sqq. — [Tableau La France et ses langues : dans le “domaine d’oc”, quatre ensembles, nord-occitan (limousin, auvergnat, provençal alpin), sud-occitan (languedocien, provençal maritime, niçart), gascon et béarnais. Les paragraphes consacrés ensuite aux “langues romanes de France” ont pour titres respectifs “Le corse, Le catalan en France, Le domaine d’oc, Le gascon, Le franco-provençal et Les dialectes d’oïl”.] « Dans le groupe occitan, une place à part est à réserver au gascon, dont la spécificité s’explique par la présence ancienne des Aquitains — les hypothétiques ancêtres des Basques — à l’ouest de la Garonne, où l’on parle aujourd’hui gascon. [f > h, caractéristique du gascon] « Une variété de cette langue existe aussi en Espagne (cf. chapitre AUTOUR DE L’ESPAGNOL, § L’aranais n’est pas du catalan, p. 190). » 1996 – André Martinet, Lettre à Jean Lafitte, 18 novembre 1996. — « Si l’on s’en tient à la forme linguistique des parlers, il paraît indispensable de mettre à part, parmi les parlers du Midi, le catalan et le gascon, celui-ci profondément influencé par le contact avec le basque. […] Il ne me paraît pas qu’il y ait à faire des distinctions aussi tranchées entre les parlers restants, provençaux, languedociens, auvergnats et autres. « Il serait utile, dans la terminologie linguistique, de mieux marquer l’originalité du gascon par rapport à ses voisins. » 1997 10 – Povl Skårup, de l’Institut d’études romanes de l’Université de Copenhague, Morphologie élémentaire de l’ancien occitan, p. 5, Avant-propos — « La langue décrite est 10 Ajouté, avril 2008. Langues d’oc, langues de France 85 l’ancien occitan (dit aussi provençal) d’avant 1300 […]. Le catalan ou le gascon, le franco-provençal ou le français ne sont considérés que pour mieux illustrer l’occitan. » 2002 – Jean-Pierre Chambon et Yan Greub, Note sur l’âge du (proto)gascon, Revue de linguistique romane, n° 263-264, Juillet-Décembre 2002, p. 492. — « … le gascon n’a pu se détacher d’un ensemble linguistique [occitan] qui n’existait pas — ou, si l’on préfère, qui n’existait pas encore — au moment où il était lui-même constitué. Il ne peut par conséquent être considéré comme un dialecte ou une variété d’occitan au sens génétique de ces termes («forme idiomatique évoluée de»). Du point de vue génétique, le (proto)gascon est à définir comme une langue romane autonome. » N. B. - Ces conclusions ont été exposées par leurs auteurs dans une communication faite le 12 septembre 2005 devant de nombreux universitaires français et étrangers réunis à Bordeaux pour le VIIIe Congrès de l’Association internationale d’études occitanes (A.I.E.O.); aucun des auditeurs n’a manifesté un quelconque désaccord, alors que cette communication était au programme et sa teneur connue par l’article cité ci-dessus. ANNEXE III Le “béarnais” distinct du “gascon” ? Le problème Quatre des dix-sept linguistes cités en Annexe II distinguent le béarnais du gascon : Carl Appel (1926) « les dialectes béarnais et gascons »; Alfred Jeanroy (1945) « Les parlers romans usités entre [limites du domaine], c’est-à-dire le béarnais et le gascon […] ont été souvent, et non sans raison, considérés comme des langues à part »; Aurelio Roncaglia (1965) « 3. guascone […] groupe de dialectes du provençal (groupe “gascon-béarnais” ou “aquitain”) »; Henriette Walter (1994) « dans le “domaine d’oc”, quatre ensembles, nord-occitan […], sud-occitan […], gascon et béarnais. » De fait, les locuteurs béarnais font naturellement cette distinction, comme en témoigne pertinemment l’écrivain et lexicographe Simin Palay (1874-1965) dans son Dictionnaire du béarnais et du gascon moderne (1932-34, nouvelle édition C.N.R.S. 1961) : « Gascoû,-ne; s. — Gascon,-ne; la langue gasconne. […] lou parlà gascoû, le dialecte gascon; bien que le Béarn soit considéré par les géographes comme faisant partie de la Gascogne, les autochtones ont toujours séparé le Béarn des anciens pays du Bassin de l’Adour, considérant qu’il existe des différences de race suffisantes pour justifier ce point de vue, lesquelles entraînent des différences spirituelles autant que physiques. Pour les Béarnais, les parlers bigourdans, armagnacais, de la Lomagne, de l’Astarac, de l’Albret, de la Chalosse et des Landes sont lou gascoû; les Gascoûs, d’ailleurs, considèrent aussi le béarnais comme suffisamment différent de leurs parlers pour justifier une appellation particulière. En réalité, mis à part les termes locaux, tous ces dialectes sont des rameaux d’une même souche. » Bien sûr, le “politiquement correct” de ce début du XXIe s. s’accommode mal de l’évocation de la « race », d’autant qu’en Langues d’oc, langues de France 87 l’occurrence, les différences invoquées devraient être bien difficiles à prouver scientifiquement ! Mais il est intéressant de voir que ce parfait connaisseur du béarnais et du gascon qu’était Simin Palay oppose sans état d’âme la réalité linguistique (« tous ces dialectes sont des rameaux d’une même souche. ») au sentiment populaire des intéressés, qui est une réalité sociolinguistique. “béarnais”, “langue béarnaise”, des noms ancrés dans l’Histoire… Il faut reconnaitre que ce sentiment populaire repose sur un vieux socle historique, dont l’assise est, au IXe s., le détachement de la vicomté de Béarn du duché de Gascogne. Certes, on peut citer un texte romain de 1308 qui atteste du pèlerinage à Rome de deux personnes de la « ville Orthesii terre de Bearn in Vasconia » (ville d’Orthez du pays de Béarn en Gascogne) (d’après le Martinet, recueil des textes intéressant la ville d’Orthez, édité par J.-P. Barraqué, 1999, pp. 104 et 105). Mais la “déclaration d’indépendance” faite par le jeune Gaston Fébus devant les représentants du roi de France en 1347 devait faire oublier ces liens féodaux anciens. Quant au nom “béarnais” de la langue autochtone, nous n’en avons d’attestations qu’à partir du milieu du XVIe s., soit 200 ans après le “gascon”; ainsi, en 1554, le Béarnais Bernard Du Poey publie à Toulouse un recueil de Poésie en diverses langues sur la naissance de Henry de Bourbon etc. (le futur Henri IV) : trois pièces sont en béarnais, dont deux expressément mentionnées comme telles (« en Bernes »); peu après, les États de Béarn rappellent énergiquement au Roi et à la Reine de Navarre que l’us et coutume est de rédiger les privilèges et actes de justice « en lo lengadge bearnes » et les prient de maintenir obligatoire cet usage, ce que les souverains décident le 24 juillet 1556 88 Langues d’oc, langues de France (Arch. dép. Pyr.-Atl. C 684 et 685); en 1562, c’est à Paris qu’un arrêt du 25 mai du Parlement mentionne la traduction en « langaige françois » de pièces en « langaige gascon et biernois » (Archives Nationales, Parlement de Paris X1a 1602, f° 285 v°); et en 1583, le traducteur des Psaumes Arnaud de Salette appelait cette langue « Bernes, lengoa Bernesa »; dans la modestie qui convient à ce genre d’œuvre, il opposait même, dans son adresse au Roi, « le béarnais, peu employé en versification, [au] souple gascon », utilisé par Pey de Garros dix-huit ans plus tôt. …et toujours vivants Par la suite, une tradition ininterrompue utilisera ce nom de béarnais; en voici quelques jalons, tous les 100 ans : vers 1690, l’avocat béarnais Jean-Henri de Fondeville décrit la prédication des pasteurs protestants « En frances, en biarnes, chens nat mout de latii » (Églogues, v. 123); en 1796, un autre avocat Pierre Hourcastremé glisse neuf poésies en « béarnais » dans l’un des quatre tomes de ses mélanges Les Aventures de messire Anselme, chevalier des loix (III, pp. 35-47); en 1887, l’érudit Vastin Lespy sera le premier à publier un Dictionnaire béarnais ancien et moderne; enfin, en 1986, est parue la remarquable Grammaire béarnaise de l’Inspecteur dépatemental de l’Éducation nationale André Hourcade, préfacée par le Pr. Robert Lafont . Les occitanistes béarnais ne failliront pas à la tradition : les cinq premiers numéros de leur revue Per nouste ont une importante rubrique Lo biarnés a l’escòla; mais au n° 7, elle devient Lo gascon a l’escòla, très probablement parce que s’ouvrant pour la première fois à une contribution venue d’une école proche, certes, mais du département des Landes, donc “hors du Béarn”. Par la suite, dans cette revue comme dans la presse régionale, les mentions du « béarnais », voire de « la Langues d’oc, langues de France 89 langue béarnaise » ne seront pas rares sous la plume de ces occitanistes. On en a donné des exemples au § 2-42, p. 23, dont celui très caractéristique occasionné par la publication, en tête du n° 46 de la revue (janvier-février 1975), de l’Édit d’union de 1620; ce texte est précédé du rappel suivant (en français) : « Combien de Béarnais ignorent encore que la langue Béarnaise connut un sort particulier dans l’ensemble Occitan : Elle fut langue officielle d’un État Souverain, et cela jusqu’en 1620. » On a vu cependant (§ 6-1, p. 65) qu’en 1980, le fondateur de Per nouste Roger Lapassade évoquait publiquement « la langue gasconne », pour revenir en 1994 sur le drapeau béarnais, le seul qui ne l’ait pas trompé… Faut-il pour autant faire du “béarnais” une langue distincte du “gascon” ? Sociolinguistiquement, donc, il est évident que les parlers autochtones du Béarn sont appelés « béarnais », « langue béarnaise » par une grande majorité de ceux qui y sont attachés (11) . Or nous avons approuvé le Pr. Robert Lafont quand il donne la priorité au sociolinguiste sur le linguiste, et encore plus à l’avis des usagers (§ 4-3, p. 39). La logique appelle donc la reconnaissance du béarnais comme langue distincte du gascon. Mais on connait aussi l’adage latin « Summum jus, summum injuria » (Excès de droit, excès d’injustice), que l’on pourrait adapter en « excès de logique, excès de préjudice ». Car au plan pratique, alors que les parlers du Béarn prolongent les parlers gascons limitrophes, on sera conduit à présumer qu’un 11 L’essentiel de cette annexe a été rédigé à la fin de décembre 2004; or dans son intervention à l’Assemblée nationale en faveur des langues régionales, le 21 janvier suivant, François Bayrou n’a usé que du mot « béarnais » (cf. § 12). 90 Langues d’oc, langues de France enseignant jugé compétent pour le gascon ne l’est pas d’office pour le béarnais, et réciproquement; à écarter des épreuves de gascon ouvertes dans l’académie de Toulouse quelqu’un qui aurait reçu un enseignement de béarnais; et à éditer des ouvrages d’enseignement distincts pour le gascon et le béarnais. Dans l’état de nécessité où se trouve l’enseignement de ces parlers, ce serait un gaspillage inconsidéré qui ne garantirait même pas un meilleur enseignement : un professeur “rodé” au “gascon” de Bayonne sera en effet certainement plus apte à enseigner le “béarnais” à Orthez qu’un professeur de “béarnais” spécialisé sur les parlers de la montagne, du Barétous à Monein et Nay; au contraire, celui-ci s’adaptera très vite à l’enseignement du “gascon” en montagne de Bigorre. Et d’un point de vue plus élevé, il ne faut pas oublier que les Gascons considèrent depuis longtemps le béarnais comme la forme de référence de leur langue, donc celle qui pourrait servir de base à une langue littéraire relativement unifiée; c’était le vœu du Bigourdan Michel Camélat (1871-1962) qui fut le Secrétaire de l’Escole Gastoû Fébus et le responsable de sa revue Reclams de Biarn e Gascougne (qu’il n’était pas question de séparer !); et c’était aussi la voie souhaitée par celui dont il espérait faire son successeur, l’agrégé d’espagnol André Pic (1910-1958). Nous estimons donc qu’il n’y a pas lieu d’ériger le béarnais en langue distincte du gascon. Conclusion : allier au réalisme la fidélité à un passé toujours vivant Mais il nous parait parfaitement réalisable de reconnaitre officiellement l’appellation de « béarnais » ou « langue béarnaise » pour les parlers gascons usités en Béarn. Le texte Langues d’oc, langues de France 91 désignant les langues d’oc pourrait donc comporter une phrase explicative comme celle-ci : « Le gascon comprend les parlers de l’ancien Béarn (12) qu’une tradition continue de plusieurs siècles nomme “béarnais” ou “langue béarnaise”. » 12 L’expression « ancien Béarn » tient compte du fait que le Béarn n’existe plus comme circonscription territoriale depuis l’érection des départements en 1790. ANNEXE IV Le provençal “polynomique” Annexe rédigée par Henri Féraud, président délégué de l’Unioun Provençalo, à partir d’un premier jet de Jean Lafitte, et avec l’aide de Marius Oddo, président des Amis de la Culture Niçoise et coprésident de l’Unioun Prouvençalo. On a vu, § 4-11, p. 32, que le terme “provençal” avait désigné l’ensemble des langues romanes du Midi de la France aussi bien que celle de l’ancienne province de Provence. Et Mistral a fait de son parler rhodanien une sorte de standard du provençal. Mais aujourd’hui, quel domaine faut-il reconnaitre à la langue provençale pour que tous les locuteurs des régions concernées se reconnaissent dans le nom de provençal, à travers la variété des réalisations de la langue ? Un peu d’histoire À l’article DIALÈITE de son Dictionnaire (1882 pour le tome I), Mistral énumère les dialectes de la « langue d’oc moderne »; le provençal y est subdivisé en quatre sous-dialectes, rhodanien, marseillais, alpin et niçard. Mais il y a aussi un dialecte dauphinois subdivisé en briançonnais, diois, valentinois et vivarais. Néanmoins, la Carta dels Païses d’Oc publiée en 1932 par la Société d’Études Occitanes (ici, en Annexe I) réduisait le Delfinat (Dauphiné) à une subdivision de la Provence linguistique, le trait séparateur étant nettement plus fin que celui qui séparait les autres pays d’oc et le nombre d’habitants n’étant noté que pour l’ensemble de la Provence. Pourtant, trente ans plus tard, le Pr. Pierre Bec détache du provençal l’alpin, que la palatalisation de ca > tcha etc. place dans l’ensemble “nord-occitan”; mais il le nomme encore provençal alpin (La langue occitane, Que sais-je ? 1ère édition, Langues d’oc, langues de France 93 1963, p. 43); la même présentation et le même nom se retrouvent dans son Manuel pratique de philologie romane, tome I, 1970, p. 402; toutefois, le niçois (13) ne s’y retrouve que sous l’expression « parlers du comté de Nice », sans doute pour mieux exprimer la division de ces parlers, sur laquelle nous reviendrons bientôt. Mais en 1973, son Manuel pratique d’occitan, p. 17, change de perspective : l’alpin est désigné comme « alpin ou dauphinois », avec cette note : « (5) Nous désolidarisons donc l’alpin (désormais strictement défini comme l’ensemble des idiomes nord-occitans parlés à l’est du Rhône) du provençal, faisant ainsi abstraction de certaines données historiques auxquelles est encore sensible, malgré ses réserves, R. Lafont. Nous renonçons à la désignation de provençal alpin, que nous avions retenue ailleurs. Le prov. ainsi défini peut se diviser en trois sous-dialectes, en allant de l’ouest à l’est : 1) Le bas-rhodanien (base du provençal mistralien), 2) Le prov. central (ou maritime), 3) Le niçois, ou niçard. » Enfin, en 1978, la 4ème édition du Que sais-je ? La langue occitane, p. 42, donne au parler palatalisant un troisième nom, vivaro-alpin, avec cette note : « (1) Nous désolidarisons donc le vivaro-alpin du provençal, faisant ainsi abstraction de certaines données historiques, et nous renonçons à la désignation de provençal alpin, que nous avions retenue naguère. On pourrait à la rigueur, pour choisir un terme moins techniquement géographique, proposer celle de gavot, en lui donnant une acception plus large. » Au même moment, le Pr. Jean-Claude Bouvier (1978) publiait en occitan un article très documenté sur le provençal, “dialecte” de l’occitan. Prenant le contre-pied des classifications 13 Les mentions du niçois chez les auteurs déjà cités montrent un flottement certain quand ils le désignent en français par les formes de la langue niçoise nissart ou niçard (cf. Diciounari Nissart - Francés, Dictionnaire Niçois Français de l’Escola de Bellanda, sous la direction d’Adolphe Viani). En ce qui nous concerne, notre ouvrage étant en français, nous nous en tenons à niçois, forme préférée par l’Académie française citée un peu plus loin. 94 Langues d’oc, langues de France occitanistes basées sur la palatalisation et des phénomènes phonétiques plus ou moins connexes, l’auteur revient au point de vue mistralien; la convergence des données des Atlas linguistiques de la France et de la Provence et des données sociolinguistiques, fondées sur une longue histoire d’étroites relations nord-sud, justifient le nom de provençal alpin. Mais il laisse à l’ouest le vivaro-dauphinois qui enjambe le Rhône et qu’il nomme ainsi « pour ne pas avoir trouvé d’autre mot ». Et bien entendu, il intègre constamment le niçard (ou nissart) dans ses tableaux et cartes, non moins que le prolongement du provençal alpin dans les hautes vallées italiennes. Cependant, la distinction entre rhodanien et maritime lui parait plus traditionnelle et littéraire que proprement scientifique, parce que basée sur des différences secondaires. Dans le même sens, à la carte de la p. 107 de son fameux rapport de 1982 au Ministre de la culture, Henri Giordan usait encore de provençal alpin : originaire des Alpes-Maritimes, il savait certainement de quoi il parlait... En 1999, dans son rapport sur les langues de France, le Pr. Bernard Cerquiglini, peut-être inspiré par l’« alpin ou dauphinois » de P. Bec (1973), “invente” un « alpin-dauphinois » parmi les “variétés” de l’occitan; mais il omet vivaro-alpin et nissart sur lesquels il écrit : « Des subdivisions plus fines sont possibles (vivaro-alpin ? nissart ?); elles relèvent toutefois moins de la linguistique que de la géographie, voire de la politique. » Mais subdivisions de quel ensemble : provençal ? alpindauphinois ? Et en quoi ce dernier ne mérite-t-il pas les critiques adressées à « vivaro-alpin » ? Le manuel scolaire Valadas occitanas e Occitània granda publié en novembre 2000, par les occitanistes italiens témoigne du désordre conceptuel en la matière : la carte de la p. 5, Langues d’oc, langues de France 95 reproduite à échelle réduite p. 41, mentionne l’alpin sur le même plan que le provençal; tandis que la liste de cette même p. 41 le nomme « occitan alpin », dont relèvent évidemment les parlers italiens. Il est vrai que le guyennais figurant sur cette même carte comme dialecte occitan à part entière disparait complètement dans la liste de la p. 41… Il faut signaler enfin la Déclaration de Briançon, adoptée solennellement le 21 septembre 2002 par quatre importants mouvements provençaux « pour le respect de la diversité de la langue provençale ». Ces mouvements sont l’Unioun Prouvençalo Transaupino, la Consulta Provenzale, l’Unioun Prouvençalo et le Collectif “Provence”. Selon la version française de ce texte, les mouvements signataires… « Affirment « • Que la langue provençale est une langue polynomique dont les variétés sont d’égale valeur; « • Que chacune de ses variétés est l’expression de la langue provençale sur son aire géographique et dans la société; « • Que la pleine dignité donnée ainsi à chaque variété de la langue provençale confirme qu’il n’y a aucune hiérarchie entre ces variétés; « Déclarent « • Que toute action visant à imposer une norme unique pour le provençal est contradictoire avec l’esprit de pluralisme qui les anime; « • Que la polynomie de la langue provençale implique le respect de ses variétés orales et écrites; « • Que toute action ou idéologie linguistique unicisantes sont sources d’appauvrissement et donc ne sauraient être appliquées à la langue provençale. » En outre, une version niçoise de cette déclaration était précédée de cet avertissement : 96 Langues d’oc, langues de France « La personnalité de la langue niçoise est reconnue par les mouvements culturels provençaux, sans que cela revienne à nier ses liens, sur plusieurs plans, avec la langue provençale. » Quelle leçon en tirer ? Pour les parlers alpins et leurs proches parents de la Drôme et du Vivarais, il est assez clair que vivaro-alpin semble bien technocratique et fait un peu “parvenu”, en tout cas “tard venu”, à peine 27 ans en 2005 : il ne représente rien pour les populations concernées; en outre le nom tout aussi technocratique de « franco-provençal » pour leur voisin du nord perd toute logique s’ils ne sont pas eux-mêmes « provençaux ». Pour les parlers proprement alpins, il n’y a donc aucun obstacle majeur à revenir à l’appellation traditionnelle de provençal alpin, qui a l’avantage de confirmer la longue histoire d’étroites relations nord-sud et vice-versa qui caractérise l’espace provençal. Et la Déclaration de Briançon, souscrite par les Provençaux d’Italie, en confirmant le respect traditionnel de chacune des variétés de la langue provençale, écarte tout risque d’hégémonie de l’une sur les autres. Enfin, au plan purement linguistique, il est probable que l’espace provençal ainsi défini est au moins aussi homogène que celui de la langue corse qui réunit elle aussi des parlers du nord et des parlers du sud assez différenciés. Pour les parlers de la Drôme et du Vivarais, les raisons que donne J.-C. Bouvier de les séparer de l’alpin sont certainement pertinentes, de la part d’un dialectologue reconnu, originaire et spécialiste de cette région; quant à leur appellation, on voit mal comment faire mieux que lui, d’autant qu’elle est dans la continuité de Mistral. On les nommera donc vivaro-dauphinois, sauf à trouver un autre nom qui conviendrait mieux aux populations, sachant que dans le sud de l’Ardèche et le sud de la Langues d’oc, langues de France 97 Drôme, les locuteurs disent qu’ils parlent le provençal sans y adjoindre un qualificatif; de plus, dans le sud de la Drôme, les habitants se sentent Provençaux et non Dauphinois. Pour le niçois, la solution devrait être encore plus évidente, car s’il est une constante chez les linguistes, de Mistral à Cerquiglini, c’est bien son intégration dans le provençal. Mais l’avis du dernier, probablement inspiré par le grand spécialiste de cette région qu’est M. Jean-Philippe Dalbéra qu’il avait consulté, fut sans doute de trop pour les Niçois, comme le suggère le journaliste R. Perrot (Le Point, 10 mars 2000). D’où les questions que le député Christian Estrosi et le sénateur Pierre Laffitte, des Alpes-Maritimes, posèrent à Mme Trautmann, alors ministre de la culture et de la communication; celle-ci répondit que dans la politique en faveur du patrimoine linguistique de la France « le nissart y aura[it] naturellement sa place » (J.O. Questions, 2000, A.N. p. 675 et S. p. 1252). Et l’on vient de voir que la Déclaration de Briançon empêche toute “annexion” du niçois par les autres Provençaux. Linguistiquement, pourtant, le territoire du département des Alpes Maritimes est partagé en deux zones qui prolongent respectivement le provençal maritime et le provençal alpin limitrophes; avec toutefois, de Menton à Tende, des formes linguistiques intermédiaires qui approchent le ligurien de la Riviera italienne, mais n’empêchent pas un sentiment d’appartenance provençale ou niçoise. Au demeurant, le fascicule “Négligé à Nuée” de la 9ème édition du Dictionnaire de l’Académie française (Journal officiel, Documents administratifs n° 18 du 2 octobre 2004) note ceci au mot Niçois : « Le niçois, le dialecte provençal parlé dans la région de Nice (on trouve aussi Nissard ou Nissart). » 98 Langues d’oc, langues de France Cependant, l’histoire de Nice pourrait justifier une « langue niçoise »; et Mistral citait ces mots de J.-B. Toselli : « Les Niçards et les Provençaux ont toujours été comme le chien et le chat », boutade qu’il convient évidemment de nuancer car la majorité des Niçois et des Provençaux vivent en bonne intelligence. Au fond, c’est un peu comme pour le béarnais qui malgré son histoire (cf. § 4-3, p. 40, et Annexe III) s’intègre aujourd’hui au gascon; ici encore, la sagesse serait sans doute de consacrer l’intégration naturelle du niçois au provençal polynomique. En revanche, comme pour le béarnais, les textes officiels désignant les langues d’oc devraient suivre l’Académie française et consacrer la légitimité de l’appellation niçois pour la variété provençale de la région de Nice. À moins que la politique évoquée par B. Cerquiglini n’en décide autrement... En conclusion, avec la caution du linguiste valentinois, le professeur Jean-Claude Bouvier, nous pensons que la langue provençale, affirmée polynomique, comprend : le rhodanien, le maritime, le niçois, l’alpin et le vivaro-dauphinois (faute de mieux pour ce dernier). Son territoire s’étend donc comme eux et comprend à l’ouest du Rhône le Vivarais (exceptée sa partie occidentale vellave), puis se poursuit sans discontinuité jusqu’à la région de parler provençal rhodanien de Nîmes; et à l’est de la frontière italienne, il comprend les hautes vallées alpines du Piémont sud-occidental. C’est simple et hormis le néologisme vivaro-dauphinois, respectueux des habitudes de penser des locuteurs, ce qui est une garantie de succès auprès des populations qui sont les premières intéressées par la survie de leur vieille langue. ANNEXE V Les “Occitans” séparés des Français ? Bibliographie I – Ouvrages et articles cités dans le corps du texte (1950). 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Amiras / Repères (1982-1990), revue d’études occitanes fondée par R. Lafont, Montpellier. Annales de l’Institut d’études occitanes /Annals de l’Institut d’estudis occitans (1950-1978). Estudis occitans (1986-1998), revue semestrielle d’échanges et de recherche de l’Institut d’études occitanes, Paris. La France latine (1948- ), revue d’études d’Oc, Sorbonne, Paris. Ligam-DiGaM (1993-), cahiers semestriels de linguistique et lexicographie gasconnes, Fontenay-aux-Roses. Lo Lugarn-Lou Lugar (1983- ), organe trimestriel du Parti nationaliste occitan, Limoges. Nouvelle revue d’onomastique (1983- ), bulletin de la Société française d’onomastique, Paris. L’Occitan (1968-2002), bimestriel « de la vie occitane », Montauban. Langues d’oc, langues de France 105 Occitans !, (1981- ), bimestriel de l’Institut d’études occitanes, Carcassonne. Per nouste (n° 1 à 8, 1967-1968), Per noste (n° 9 à 73, 19781979), Per noste-Païs gascons (n° 74 à 206, 1979-2001), Per noste-País gascons (n° 207 à 218, 2001-2003), País gascons (depuis), bulletin de l’association occitaniste de Béarn Per noste, Orthez. Quasèrns de lingüistica occitana, Q.L.O. (n° 1 à 10, 1974-1981), puis Casèrns de lingüistica occitana, C.L.O. (n° 11 et 12, 1982-1984), Beaumont, Puy-de-Dôme. Reclams de Biarn e Gascougne (1897-Février 1984), puis Reclams, organe de l’Escole Gastoû Febus (1896-1996), puis Escòla Gaston Febus, Pau. Revue de linguistique romane, bulletin de la Société de linguistique romane, Nancy. La Setmana, (1995-), hebdomadaire quasi exclusivement en occitan standard. II – Lectures recommandées Les ouvrages disponibles sont signalés par un astérisque et leur prix est indiqué, suivi d’une lettre qui renvoie au nom de l’organisme à qui s’adresser (liste ci-après). Blanchet, Philippe (1992). Le provençal, essai de description sociolinguistique et différentielle, Institut de Linguistique de Louvain, Louvain : Peeters. *Blanchet, Philippe (2001). (dir.), Diversité et vitalité des langues régionales du Sud de la France, Actes du colloque de la Sorbonne du 15 juin 2001, n° 133 de La France latine, pp. 11-144 - 19 € pour l’année 2001, n° 132 et 133 - P1. Blanchet, Philippe (2002). Langues, cultures et identités régionales en Provence. La Métaphore de l’aïoli, Paris : L’Harmattan, collection “Espaces Discursifs”. 106 Langues d’oc, langues de France Blanchet, Philippe (2003). (dir., en collaboration avec Didier de Robillard), Langues, contacts, complexité. Perspectives théoriques en sociolinguistique, Cahiers de Sociolinguistique n° 8, Rennes : Presses Universitaires de Rennes. *Blanchet, Philippe et Pons, Paul (2003). (dir.), Les Langues et cultures régionales ou minoritaires de l’Arc alpin, Actes du colloque international de Gap - Charance, Gréoux-les-Bains : Unioun Prouvençalo / Aix-en-Provence : Edisud, 95 p. - 13,50 € - P3. Blanchet, Philippe (2004). « Enseigner les langues de France ? Ouvrir de nouvelles perspectives », dans M. Rispail (éd.), 75 langues de France, et à l’École ?, Cahiers Pédagogiques n°423, avril 2004, p. 13-15 [version longue reprise par MicRomania 3/04, pp. 3-10, et mise en ligne sur http://www. cahiers-pedagogiques.com/numeros/423/Blanchet.html]. Blanchet, Philippe (2004). L’identification sociolinguistique des langues et des variétés linguistiques : pour une analyse complexe du processus de catégorisation fonctionnelle, dans Actes du colloque Identification des langues et des variétés dialectales par les humains et par les machines, Paris, École Nationale Supérieure des Télécommunications / CNRS, 2004, p. 31-36. Blanchet, Philippe et Schiffman, Harold (éds.) (2004). The Sociolinguistics of Southern “Occitan” France, Revisited, International Journal of the Sociology of Language n° 169, Berlin, 176 p. Blanchet, Philippe et Schiffman, Harold (2004). « Revisiting the sociolinguistics of “Occitan” : a presentation », International Journal of the Sociology of Language n° 169, Berlin, pp. 324. Blanchet, Philippe (2004). « Provençal as a distinct language ? Sociolinguistics patterns revealed by a recent public and Langues d’oc, langues de France 107 politic debate », International Journal of the Sociology of Language n° 169, Berlin, pp. 125-150. Blanchet, Philippe (2004). « Uses and images of “Occitan” : an occitanist view of the world », compte rendu de Henri Boyer et Philippe Gardy (éds.) Dix siècles d’usages et d’images de l’occitan. Des Troubadours à l’Internet, International Journal of the Sociology of Language n° 169, Berlin, pp. 151-159. *Bonnaud, Pierre (1981).Terres et langages, peuples et régions, Clermont, 2 vol., 678 + 474 p., 52 cartes - 50 € - A. (Thèse de doctorat d’État ès lettres, géographie humaine, géohistoire) *Bonnaud, Pierre (1992).Grammaire générale de l’auvergnat à l’usage des arvernisants, Clermont, 333 p., 9 cartes - 16 € - A. *Bonnaud, Pierre (1999). Nouveau dictionnaire général français-auvergnat, Nonette (63), 776 p., plus de 40 000 entrées françaises et de 200 000 mots et expressions auvergnates. - 76,22 € + port - C. *Bonnaud, Pierre, Magot, Anne-Marie, et Soupel, Serge, (2001). Mou pà sen / vocabulaire / vocabulario euvarnhàt-françaisespañol-english Vocabulary [Vocabulaire quadrilingue auvergnat-français-espagnol-anglais], n°111 de la revue Bïzà Neirà; 170 p., environ 7000 mots - 30 € - A. Kristol, Andres M., et Wüest, Jakob Th. (éds) (1985). Drin de tot. Travaux de sociolinguistique et de dialectologie béarnaise, Bern, Lang, VII + 323 p. *Lafitte, Jean (1996, 2003). Langue d’oc 1996 – Où en sommesnous ?, Hors-série n° 3 de Ligam-DiGaM, 2ème éd. 2003, 24 p. - 3 €- G *Lafitte, Jean (1996, 1999). Le gascon, langue à part entière et le béarnais, âme du gascon, Hors-série n° 4 de LigamDiGaM, 2ème éd. 1999, 56 p. - 5,30 €- G *Lafitte, Jean (2000). 10 ans au service du gascon - DiGaM, Hors-série n° 8 de Ligam-DiGaM, 48 p. - 5 €- G 108 Langues d’oc, langues de France *Lafitte, Jean (2001). Las lengas d’ò : 7 o 8 + 1 = 8 o 9, LigamDiGaM n° 18, Oct. 2001, pp. 4-8 p. (écrit en gascon, graphie classique) - 4,80 € le cahier complet - G *Lafitte, Jean (2003-1). Gascon ou occitan ? - Désintox… itaniser les esprits, Hors-série n° 9 de Ligam-DiGaM, 48 p. 5 €- G *Lafitte, Jean (2003-2). Dis Aup i Pirenèu : lenga d’ò o lengas d’ò ?, Ligam-DiGaM n° 22, Oct. 2003, pp. 10-12 p. (écrit en gascon, graphie classique) - 4,80 € le cahier complet - G *Lafitte, Jean (2003-3). Écrire [u] en gascon, La France latine, n° 137, pp. 195-213 - 19 € pour l’année 2003, n° 136 et 137 P1. — C’est la reprise d’un texte publié dans Ligam-DiGaM n° 21, pp. 38-45 et complété dans le n° 22, pp. 46-48 - 4,80 € chaque cahier complet - G *Lafitte, Jean (2004). « Grafia classica » ou « Grafie moudèrnë » ?, Hors-série n° 10 de Ligam-DiGaM, 48 p. - 5 €G Moreux, Bernard, sous la direction de (1989). Langues en Béarn, Préface de Pierre Bourdieu, Cahiers de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour n°13, Toulouse, 288 p. *Moreux, Bernard (2001). Le Béarnais et le Gascon aujourd’hui : pratiques et représentations, Actes du colloque de la Sorbonne du 15 juin 2001, n° 133 de La France latine, pp. 75-115 - 19 € pour l’année 2001, n° 132 et 133 - P1. Moreux, Bernard (2004). Béarnais and Gascon today : language behavior and perception, International Journal of the Sociology of Language n° 169, Berlin, pp. 25-62. *Reichel, Karl-Heinz (1991). Les Parlers du Puy-de-Dôme et parlers voisins au Nord-Ouest et à l’Est, Clermont, 410 p., 122 cartes - 50 € - A. (Thèse de doctorat en philologie romane de l’Université d’Erlangen) Langues d’oc, langues de France 109 *Reichel, Karl-Heinz (2005). Grand Dictionnaire général auvergnat-français, Nonette (63), 880 p., 90.000 entrées 80 € franco pour les particuliers - C. *Revue Bïzà Neirà, depuis 1974 - Abonnement annuel (4 numéros, partant du premier de l’année) : ordinaire 20 € ; soutien à partir de 23 € (plafond illimité) ; étranger : 23 €. A. *Tables générales 1974-2000 (n°1 à 106 de Bïzà Neirà), n° 107108 de la revue, 82 p. - 20 € - A. *Revue Ligam-DiGaM , cahiers semestriels de linguistique et lexicographie gasconnes, depuis 1993 - Abonnement 2 ans (4 numéros) : ordinaire 18 € ; sur facture et étranger : 21 €. G. *Soupel, Serge (2001). Le cas de l’Auvergnat, Actes du colloque de la Sorbonne du 15 juin 2001, n° 133 de La France latine, pp. 131-144 - 19 € pour l’année 2001, n° 132 et 133 - P1. Soupel, Serge (2004). The special position of Auvergnat, International Journal of the Sociology of Language n° 169, Berlin, pp. 91-106. *Unioun Prouvençalo, (1998). Ate di coulòqui de Grasso e Manosco - L’identita culturalo prouvençalo aro (provençal, français, italien) - Lou dre di minourita (L’identité culturelle provençale aujourd’hui, le droit des minorités), Gréoux-lesBains, 76 p. - 6 € - P3. *Unioun Prouvençalo (2002). Pour un véritable pouvoir régional, propositions pour la nouvelle étape de la décentralisation. Gréoux-les-Bains, 13 p. A4 - 2,80 € - P3. *Union provençale et autres associations (2002). Déclaration de Briançon - Pour le respect de la diversité de la langue provençale, Hors série de Presènci de Prouvènço, Gap, 16 p. A4 - 2,80 € - P3. *Union provençale et autres associations (2003). Livre Blanc, pour l’avenir des langues provençale et niçoise, Hors série de Presènci de Prouvènço, Gap, 12 p. A4 - 2,80 € - P3. 110 Langues d’oc, langues de France *Unioun Prouvençalo, (2003). Les langues et cultures régionales ou minoritaires de l’Arc alpin, Actes du colloque international de Gap - Charance, Gréoux-les-Bains, 95 p. - 13,50 € - P3. Wüest, Jakob Th. et Kristol, Andres M. (éds) (1993). Aqueras montanhas. Études de linguistique occitane : Le Couserans (Gascogne pyrénéenne), Bern, Lang. Organismes assurant la vente des ouvrages marqués d’un astérisque. A - Cercle Terre d’Auvergne, chez Pierre Bonnaud, 1 rue des Allées, 63122 Ceyrat. Chèques ou virements à l’ordre du Cercle - CCP 1160-89 R Clermont. Courriel : [email protected] Site : http://perso.wanadoo.fr/auvergnelangueciv/index.htm C - S. E. D. des Éditions CRÉER, B. P. 56, 43102 Brioude Cedex, Tél. 04.71.76.70.11. G - Institut béarnais et gascon, chez J. Lafitte, 7-9 rue Jean Jaurès, 92260 Fontenay-aux-Roses; chèques à l’ordre de l’Institut. P1 - CREDILIF (EA 3207), Université Rennes 2 Haute Bretagne, UFR ALC, CS 24307, 35043 Rennes cédex. Courriel : [email protected] Site : http://www.uhb.fr/alc/erellif/credilif/ P2 - Presènci de Prouvènço - Maison intergénération - 13 rue des Cheminots - 05000 Gap. P3 - Unioun Prouvençalo, les Iscles, 04800 Gréoux-les-Bains. Table des matières Résumé Avant-propos Première partie : Le droit des langues 1 – Les textes internationaux 1-1 – Au niveau mondial 1-2 – En Europe : la Charte européenne 2 – Les cadres juridiques français 2-1 – Le décret “Sadi Carnot” du 12 janvier 1894 2-2 – La loi n° 51-46 du 11 janvier 1951 dite loi “Deixonne” 2-3 – L’article 12 de la loi n° 75-620 du 11 juillet 1975 dite loi “Haby” 2-4 – La circulaire “Haby” du 29 mars 1976 et l’arrêt du Conseil d’État du 7 octobre 1977 : les langueS d’oc 2-41 – L’état du droit 2-42 – Une étrange amnésie 2-5 – Les lois des iles 2-6 – Le Code de l’éducation 2-7 – Les arrêtés des 6 janvier 2003, 13 janvier et 31 décembre 2004 3 – L’esprit des lois 3-1 – Les buts politiques 3-2 – Leur validité en France 3-3 – Leur application à l’Éducation nationale Deuxième partie : Les langues romanes du Midi de la France 4 – L’imbroglio des appellations 4-1 – Quand le flou facilite les confusions… 4-11 – Des noms changeants et parfois défectueux… 4-12 – …pour un concept mal défini 4-13 – Querelles et confusions qui perdurent 5 9 11 11 11 11 15 15 16 17 17 17 21 24 24 26 26 26 27 28 31 31 31 31 33 35 112 Langues d’oc, langues de France 4-2 – Pour les linguistes : 3 grands ensembles, gascon, occitan et catalan 4-3 – Le point de vue sociolinguistique 5 – La manœuvre occitaniste 5-1 – Le credo occitaniste : prime à l’idéologie 5-2 – Les aspirations politiques de l’occitanisme 5-3 – De la normalisation orthographique à la normalisation linguistique 5-4 – Premier pas : un “occitan standard” ajouté aux “dialectes” 5-5 – Le but final : l’occitan unique 5-6 – Retour au vieux péché de l’École : éliminer les “patois” ? 5-7 – Le Professeur B. Cerquiglini sous influence ? 6 – Réticences et résistance en pays d’Oc 6-1 – Tous les occitanistes ne sont pas d’accord 6-2 – À plus forte raison les non-occitanistes 36 39 43 43 45 49 53 53 56 59 63 63 68 Conclusion Appel à l’État Appel aux élus Appel à tous les amis sincères des langues d’oc 73 73 76 77 ANNEXE I — “Carta dels Païses d’Oc” (1932) ANNEXE II — Le gascon vu par quelques grands romanistes, depuis 120 ans ANNEXE II — Le “béarnais” distinct du “gascon” ? ANNEXE IV — Le provençal “polynomique” ANNEXE V — Les “Occitans” séparés des Français ? 79 Bibliographie I — Ouvrages et articles cités dans le corps du texte II — Lectures recommandées Organismes assurant la vente des ouvrages marqués d’un astérisque. 80 86 92 99 101 101 105 110