Cour d`Appel Mons 22.12.2016
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Cour d`Appel Mons 22.12.2016
Cour d’Appel Mons 22.12.2016 EN CAUSE DE : R.L. domicilié à 7080 FRAMERIES, partie appelante, représentée par Maître LOUIS David, avocat à 7000 MONS, Avenue d'Hyon, 83 ; CONTRE : C.C. garagiste, exerçant le commerce sous la dénomination « L.T. CARS » domicilié à 7390 QUAREGNON, inscrit à la Banque Carrefour des Entreprises sous le numéro 0896.722.735, partie intimée, représentée par Maître PREVOT Jean-Luc, avocat à 7340 COLFONTAINE, Rue Jean-Baptiste Clément 51 ; ******** La Cour, après en avoir délibéré, prononce l'arrêt suivant : Vu la requête d'appel, déposée au greffe de cette Cour le 10 septembre 2015 par R.L., notifiée le 14 septembre 2015 à C.C. ; Vu, produit en copie conforme, le jugement dont appel prononcé contradictoirement le 29 juin 2015 par la 2ème chambre civile du Tribunal de première instance du Hainaut, division de Mons portant le n° 10/1570/A du rôle général et la procédure y visée ; Vu l'ordonnance de cette Cour du 27 novembre 2015 fondée sur la base de l'article 747 §2 du Code judiciaire fixant les délais pour conclure et la date de plaidoirie ; Vu les conclusions, principales et additionnelles de synthèse, de C.C., avec en annexe de celles-ci l'inventaire des pièces de son dossier, déposées respectivement au greffe de cette Cour les 4 janvier 2016 et 9 mars 2016 ; Vu les conclusions de R.L., avec en annexe de celles-ci l'inventaire des pièces de son dossier, déposées au greffe de cette Cour le 9 février 2016 ; Vu le dossier de pièces de C.C. déposé au greffe de cette Cour le 28 avril 2016 ; Vu le dossier de pièces de R.L. déposé à l'audience publique du 1er décembre 2016 ; Ouï les parties en leurs dires et moyens à l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle les débats ont été déclarés clos et la cause prise en délibéré ; L'appel de R.L., régulier en la forme, a été introduit dans le délai légal, à défaut de production de la signification du jugement dont appel, et est recevable ; I. ANTECEDENTS Le 9 décembre 2009, R.L. a acquis auprès de C.C. un véhicule d'occasion de marque Peugeot, type 407, pour le prix de 6.400 EUR ; A la demande de R.L., C.C. a procédé peu de temps après la livraison du véhicule au remplacement de la batterie et du ventilateur de celui-ci ; Par courrier recommandé du 15 avril 2010, le conseil de R.L. a fait état à C.C. du fait que le véhicule de ce dernier était affecté de "défectuosités" et qu'il allait saisir le tribunal compétent ; Par courrier du 24 avril 2010, FEDERAUTO, l'association professionnelle, dont C.C. est membre, a répondu au conseil de R.L. en lui demandant des précisions sur les défectuosités vantées et en l'invitant a déposer le véhicule litigieux dans le garage de C.C. ; Le 30 avril 2010, l'expert Jérôme BURY, mandaté par R.L., a fait part au conseil de ce dernier de son rapport sur l'état du véhicule vendu en insistant sur le remplacement nécessaire de la vanne EGR ; Par citation du 12 mai 2010, R.L. a assigné C.C., devant le premier juge, en vue d'obtenir, à titre principal, sa condamnation à lui payer une somme de 9.626,40 EUR, soit le remboursement du prix de vente et l'octroi de dommages et intérêts, et, à titre subsidiaire, la désignation d'un expert judiciaire ; Par jugement contradictoire du 13 septembre 2010, le premier juge a désigné, pour déterminer les défauts du véhicule vendu, l'expert judiciaire Jacques BURY, lequel sera remplacé, par jugement du 2 avril 2012, par l'expert Nicola BLASIOLI ; Le 21 décembre 2012, le véhicule dont question a été réparé par C.C. pour le compte de qui il appartiendra et ce, grâce au remplacement de la vanne EGR ; Le 19 juillet 2013, Nicola BLASIOLI a déposé son rapport définitif ; Le véhicule ayant été revendu par R.L. au prix de 4.500 EUR, ce dernier a , par la voie de conclusions, limité sa demande au paiement d'une somme de 5.044,05 EUR ; Par jugement contradictoire du 29 juin 2015, le premier juge a rejeté la demande originaire de R.L. et l'a condamné aux dépens ; Par requête déposée le 10 septembre 2015, R.L. a interjeté appel de ce dernier jugement afin qu'il soit fait droit à sa demande originaire ; Par voie de conclusions d'appel, R.L. a réduit sa demande de remboursement à une somme de 3.044,05 EUR ; II. DISCUSSION A) Quant au cadre juridique applicable La Cour relève que la vente est intervenue entre un acquéreur consommateur et un vendeur professionnel, de telle sorte qu'il convient d'appliquer les articles 1649bis et suivants du Code civil, pour autant que les conditions matérielles de leur mise en œuvre soient respectées, et non la garantie des vices cachés du droit commun ; Il n'est pas contesté que le véhicule vendu était affecté d'un défaut au niveau de la vanne EGR, qui devait être remplacée, et que celui-ci existait déjà, d'après l'expert BLASIOLI, au moment de la vente ; IL faut se demander si ce défaut à la vanne EGR est un défaut de conformité au sens de la loi du 1er septembre 2004 instituant les articles 1649bis et suivants du Code civil ; A cet égard, l'article 1649ter §1 dispose que : "Pour l'application de l'article 1604, alinéa 1er, le bien de consommation délivré par le vendeur au consommateur est réputé n'être conforme au contrat que si ... 3° il est propre aux usages auxquels servent habituellement les biens du même type. 4° il présente la qualité et les prestations habituelles d'un bien de même type auxquelles le consommateur peut raisonnablement s'attendre, eu égard à la nature du bien..." ; En l'espèce, il n'est pas douteux que R.L. pouvait raisonnablement s'attendre à avoir un véhicule en état de marche, propre à son usage, sans devoir remplacer, juste après la vente la vanne EGR ; Il s'agit donc bien un défaut de conformité au sens de la loi du 1er septembre 2004 ; Il reste à se demander comment articuler cette législation du 1er septembre 2004 protégeant le consommateur contre les défauts de conformité avec la garantie des vices cachés de droit commun (article 1640 et suivants du Code civil) ; A ce sujet, il a été écrit, avec pertinence, que : "...confronté à un défaut affectant le bien de consommation qu'il a acheté, et tant que court le délai de la garantie légale (si le défaut apparaît audelà du délai de garantie, l'acheteur ne pourra, par contre, plus faire appel à la garantie des biens de consommation et devra nécessairement fonder son action sur le régime de la garantie des vices cachés prévus aux articles 1641 et ss du Code civil), le consommateur ne peut mettre en œuvre la responsabilité contractuelle de son vendeur professionnel pour les vices, apparents ou cachés, que sur le fondement des présentes dispositions. En particulier, il ne lui est pas permis de combiner, à l'encontre de ce vendeur, ce recours avec la garantie des vices cachés prévue aux articles 1641 à 1649 du Code..." (C. DELFORGE et Y. NINANE, "La garantie de conformité des biens de consommation, Chronique de jurisprudence (2005-2015)", in CUP, Vol. 168, Octobre 2016, "Théorie générale des obligations et contrats spéciaux", p. 351, n° 20) ; L'article 1649quinquies §5 est clair, à ce propos, en affirmant que : "Les dispositions du présent chapitre relatives à la garantie des défauts cachés de la chose vendue sont applicables après le délai de deux ans prévu au §1er" ; En l'espèce, le problème soulevé l'a été durant le délai légal de deux ans, et même durant le délai conventionnel d'un an convenu entre les parties, de telle sorte que c'est bien la législation du 1er septembre 2004 qui doit primer sur la garantie des vices cachés de droit commun ; Il a ainsi été écrit, dans un cas analogue, à bon droit, que : "Dans une décision du 7 mai 2009 (Civ. Bruxelles, 7 mai 2009, J.T., 2009, pp. 737-738), le tribunal de première instance de Bruxelles décide, quant à lui, à propos de l'achat d'un véhicule d'occasion, que cette exigence s'apprécie en fonction de sa durée d'utilisation et qu'une usure anormale peut être constitutive d'un défaut de conformité" (C. DELFORGE et Y. NINANE, "La garantie de conformité des biens de consommation, Chronique de jurisprudence (2005-2015)", in CUP, Vol. 168, Octobre 2016, "Théorie générale des obligations et contrats spéciaux", p. 376, n° 50) ; Quand bien même ce défaut est-il apparu après la livraison acceptée du véhicule, il s'agit bien d'un défaut de conformité au sens de cette législation du 1er septembre 2004 dans le droit fil du contenu de la Convention de Vienne ; Ainsi, il a été dit, à juste titre, que : "Quel est le régime applicable au défaut de conformité tel qu'il vient d'être décrit, y compris la conformité fonctionnelle, lorsqu'il ne peut être décelé au moment de la mise en possession ? En principe, la conformité ne peut plus être discutée par l'acheteur lorsqu'il y a eu agréation expresse ou tacite dans son chef.... ..Partant de l'idée que l'agréation n'a pu couvrir ce qui était caché, plusieurs auteurs prônent le prolongement de l'action en non-conformité après la délivrance. Ils dénoncent souvent en même temps l'extension de la notion de vice caché admise par la jurisprudence et soutiennent qu'il s'agit d'un défaut de conformité non décelable au moment de la remise de la chose qui devrait continuer à être sanctionné sur base de l'obligation de délivrance"(M. VAN WIJCK-ALEXANDRE et M. GUSTIN, "L'obligation de délivrance conforme et la garantie des vices cachés : le droit commun", in "La nouvelle garantie des biens de consommation et son environnement légal", Edition La Charte, 2005, p.15, n°13) ; Sur le plan des sanctions à ce défaut de conformité, l'article 1649quinquies dispose que : "§1. Outre des dommages et intérêts le cas échéant, le consommateur a le droit d'exiger du vendeur qui répond d'un défaut de conformité en application de l'article 1649quater, soit la réparation du bien ou son remplacement, dans les conditions prévues au §2, soit une réduction adéquate du prix ou la résolution du contrat dans les conditions prévues au §3... §2. Le consommateur a le droit, dans un premier temps, d'exiger du vendeur la réparation du bien ou son remplacement, dans les deux cas sans frais, à moins que cela ne soit impossible ou disproportionné... §3. Le consommateur a le droit d'exiger du vendeur une réduction adéquate du prix ou la résolution du contrat : - s'il n'a droit ni à la réparation ni au remplacement du bien ou - si le vendeur n'a pas effectué la réparation ou le remplacement dans un délai raisonnable ou sans inconvénient majeur pour le consommateur. Par dérogation à l'alinéa 1er, le consommateur n'a pas le droit d'exiger la résolution du contrat si le défaut de conformité est mineur..." ; Contrairement à ce que soutient R.L., il y a bien une hiérarchie dans les mesures que peut réclamer l'acquéreur et celui-ci doit, avant d'agir en résolution, solliciter préalablement la réparation en nature du véhicule par le vendeur, ce qui sera analysé ci-après ; C'est ainsi qu'il a été écrit, avec pertinence, que : "Par ailleurs, comme le confirment plusieurs décisions, l'acheteur ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire quant au choix du remède et le juge saisi d'une demande de résolution ou de réduction du prix est tenu de vérifier si les conditions de mise en œuvre de ces remèdes subsidiaires sont rencontrées. C'est ainsi que: le juge de paix de Bree a considéré que "l'action des consommateurs visant à obtenir l'indemnisation des frais de réparation d'un motorhome d'occasion doit être déclaré non fondée" dès lors qu'"en recourant à un tiers pour remédier au défaut de conformité sans même laisser au vendeur la possibilité d'y remédier, ils ont compromis toute possibilité dans le chef de celui-ci de fournir la garantie des biens de consommation conformément à l'article 1649quinquies du Code civil" (J.P. Bree, 2 octobre 2008, J.J.P., 2012, p. 298...); de même, la cour d'appel de Gand a refusé de faire droit à la demande de remboursement des frais de réparation d'un véhicule d'occasion par un tiers au motif que le consommateur " n'a pas laissé l'occasion au vendeur d'analyser le véhicule et de le réparer dans un délai raisonnable" (Gand, 27 mai 2009, N.j.W., 2010, liv.218;, pp. 200 à 2004...)" (C. DELFORGE et Y. NINANE, "La garantie de conformité des biens de consommation, Chronique de jurisprudence (2005-2015)", in CUP, Vol. 168, Octobre 2016, "Théorie générale des obligations et contrats spéciaux", p. 404, n° 80) ; B) Quant à l'application des principes dans le cas d'espèce Dès lors que R.L. sollicite la résolution de la vente et le remboursement du prix, dont à déduire le prix de revente du véhicule qu'il a obtenu, il appartient à la Cour, conformément aux principes rappelés ci-dessus, de vérifier si ce dernier a d'abord tenté vainement d'obtenir la réparation en nature de son véhicule auprès de C.C. et ce, d'autant plus, que le problème était relativement mineur puisque l'expert BLASIOLI a chiffré le remplacement de la vanne EGR à une somme de 617,57 EUR ; En l'espèce, la Cour relève que, depuis le 19 février 2010, soit la date du passage de son véhicule auprès d'un autre garagiste, la SPRL MOULIN, R.L. est au courant de la déficience de la vanne EGR, ce problème étant expressément mentionné dans la facture du 2 mars 2010 du garagiste ; Il est tout à fait incompréhensible que R.L. n'ait pas sollicité le remplacement de cette vanne par C.C., de façon expresse, comme il en avait l'obligation légale avant de réclamer, le cas échéant, la résolution de la vente ; Au contraire, sans la moindre précision au sujet de cette vanne, le conseil de R.L. s'est borné, dans un courrier du 15 avril 2010, à faire état à C.C., de défectuosités, non autrement précisées, alors qu'il connaissait avec précision la nature du problème ; Par courrier du 24 avril 2010, l'association FEDERAUTO, dont C.C. est membre, a répondu au conseil de R.L. qu'il convenait de préciser la nature des défectuosités et de ramener le véhicule auprès de C.C., avant toute demande en résolution de la vente, pour qu'il puisse remédier aux problèmes ; Cette démarche démontre la volonté qu'a eu C.C. d'effectuer les réparations nécessaires ; Par contre, R.L. n'a jamais réservé une suite favorable à cette proposition raisonnable de C.C. ce qui accrédite l'idée qu'il n'a cherché qu'à obtenir la résolution de la vente et la restitution du prix ; C'est à tort que R.L. soutient que C.C. n'a pas manifesté la moindre bonne volonté de réparer le véhicule qu'il lui a présenté à quatre reprises ; Comme le précise l'expert BLASIOLI, il n'existe de preuve que pour deux visites chez C.C. et, à ces occasions, la batterie et le ventilateur ont été remplacés spontanément par ce dernier ; Contrairement à ce que soutient R.L., l'expert BLASIOLI affirme expressément, dans son rapport (p.16), que le problème de la vanne EGR et les inconvénients qui en ont découlé ne sont pas liés aux problèmes de la batterie et du ventilateur qui ont été remplacés, de telle sorte que C.C. ne pouvait pas se douter qu'il y avait un problème à la vanne EGR ; De plus, non seulement R.L. n'a pas présenté son véhicule à C.C. à la suite de l'invitation de FEDERAUTO, et alors qu'il connaissait le problème de la vanne EGR, mais en plus, il a encore parcouru environ 3.500 KM avec celui-ci, avant de le revendre, tout en refusant toute autre solution que la résolution de la vente et la restitution du prix ; C'est vainement que R.L. invoque le fait que C.C., en sa qualité de vendeur professionnel, est présumé avoir connaissance des vices cachés, sauf ignorance invincible qu'il doit démontrer ; Cette présomption est prévue, en cas de garantie des vices cachés, applicable aussi en cas de défaut de conformité, mais elle n'a pas de portée directe sur la seule question qui doit être résolue et qui consiste à savoir si, in concreto, R.L., préalablement à sa demande de résolution, a invité C.C. à réparer la vanne défectueuse, ce qui n'a pas été le cas ; Il est également logique que C.C., dès ses premières conclusions, a déclaré s'opposer formellement à la demande de R.L. puisque celle-ci a toujours eu pour unique objet la résolution de la vente avec la restitution du prix outre l'octroi de dommages et intérêts ; Compte tenu du fait que la demande en résolution ne pouvait se faire, à défaut d'avoir demander préalablement les réparations, et eu égard au fait que celles-ci ont été effectuées après l'expertise, aux frais de C.C., il y a lieu de débouter R.L. de sa demande, y compris pour tout le dommage qu'il vante et qu'il aurait pu éviter en déposant immédiatement son véhicule dans le garage de C.C. pour les réparations ; Partant, il y a lieu de rejeter l'appel de R.L., sauf pour les dépens de l'instance, comme il sera dit ciaprès, et de confirmer le jugement dont appel sous réserve des dépens ; C) Quant aux dépens La Cour considère qu'il n'y a pas lieu de se détacher de l'indemnité de procédure de base indexée de 780 EUR par instance pour les deux instances ; Il n'est pas démontré que R.L. aurait agi de mauvaise foi et la cause n'est pas à ce point complexe qu'il faille majorer les indemnités de procédure de base ; PAR CES MOTIFS ; La Cour, statuant contradictoirement, en degré d'appel, dans les limites de sa saisine ; Vu l'article 24 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire; Reçoit l'appel de R.L. et le déclare non fondé, sauf pour les dépens de première instance ; Confirme le jugement dont appel, sauf pour les dépens ; Réformant et statuant par voie de dispositions nouvelles quant à ce ; Condamne R.L. à payer à C.C. les dépens des deux instances de ce dernier taxés à la somme de 1.560 EUR, et lui délaisse ses frais et dépens des deux instances; Ainsi jugé par la Cour d'Appel de Mons, 7ème chambre, où siégeaient : Monsieur MALENGREAU Jean-François, Conseiller présidant la chambre, et prononcé en audience publique du 22 décembre 2016 par Monsieur MALENGREAU Jean-François, Conseiller présidant la chambre avec l'assistance du greffier POLIART Isabelle. POLIART MALENGREAU