Un Petit Prince polyglotte,Des bibliothèques

Transcription

Un Petit Prince polyglotte,Des bibliothèques
Un pont pour relier les cultures et
les générations
« Le pont » en construction. Photo: Etat du Valais.
Venez vibrer à Sion à l’occasion des festivités du
bicentenaire du Canton du Valais!
Dans notre monde incertain, une chose reste heureusement immuable : les
valaisans savent faire la fête. Par chance, il en est une qui se prépare,
et de dimension historique ! Les 7 et 8 août prochains, le Canton de
Valais célèbrera le bicentenaire de son entrée dans la Confédération
(1815-2015). Il y aura des discours, de la musique, de la raclette, de la
viande séchée et du fendant… Mais aussi l’invitation des migrants au cœur
de la fête. La rédaction valaisanne de Voix d’Exils se penche sur l’un
des treize projets retenus pour ces festivités à savoir « Le pont
1815-2015 ». Cette œuvre spectaculaire, tout de bois et de métal, a été
bâtie par des requérants d’asile pour rappeler le destin partagé entre
les femmes et les hommes d’ici et d’ailleurs, d’hier et aujourd’hui.
Marquant de notre présence à ce grand rendez-vous du donner et du
recevoir autour de ce pont pour que la canicule cède la place à la
chaleur humaine en chantant, dansant et en défilant dans la fraternité.
« Nous ne sommes pas seulement des requérants d’asile,
mais également des professionnels »
Abdi Abdilahi Edow, l’un des artisans du pont. Photo: Etat du Valais
Abdi Abdilahi Edow, de nationalité somalienne, participant à un programme
de formation en menuiserie, est l’un des artisans de ce pont.
Impressions.
Voix d’Exils : Quelle est votre impression à propos de la réalisation du
pont 2015 ?
Abdi Abdilahi Edow: Comme migrant installé en Valais, je suis content de
participer à ce projet. Je sors de cette expérience en ayant beaucoup
appris sur mon métier, mais aussi sur le plan humain. Je suis fier de
laisser mon empreinte sur un projet qui a réuni les migrants et les
collaborateurs de l’Office de l’asile du Valais.
A votre avis, quel regard les gens vont-ils poser sur cette réalisation ?
Je pense qu’un projet comme celui-ci met en évidence un savoir-faire ; il
permet d’installer la confiance car on va considérer l’individu dans
toute sa diversité. Nous ne sommes plus seulement des requérants d’asile,
mais également des professionnels doués de compétences.
Votre mot de la fin ?
Je suis fier de l’opportunité que le Canton du Valais m’a donné de
participer un projet historique.
Informations
Les festivités du bicentenaire du Canton du Valais se dérouleront les 7
et 8 août 2015 sur le Cour Roger Bonvin à Sion. Voir le programme de la
manifestation en cliquant ici
Pour voir le film du lancement du projet cliquez ici
Voix d’Exils est partenaire média du projet « Le pont 1815-2015 »
«Nous existons pour aider les
migrants à faire usage de leurs
droits»
Interview de Mme Françoise
Jacquemettaz du Centre
Suisses-Immigrés de Sion
Le Centre Suisses-Immigrés de Sion est
connu de tous les requérants d’asile du
Valais. Créé en 1984, il est devenu,
trente ans après, un lieu
incontournable de réflexion et
d’engagement autour de l’asile et de la
Mme Françoise Jacquemettaz du Centre migration. La rédaction valaisanne de
Suisses-Immigrés de Sion. Photo:
Voix d’Exils est allée à la rencontre
Voix d’Exils.
de Mme Françoise Jacquemettaz, l’une
des fondatrices du Centre. Interview.
Voix d’Exils : Comment le Centre Suisses-Immigrés est-il né ?
Mme
Françoise
Jacquemettaz
:
Le
Centre
est
né
sur
les
ruines
de l’initiative populaire «être solidaires», votée en 1981, dont
l’objectif était d’abolir le statut de saisonnier et qui a été très
largement rejetée par le peuple suisse. Nous étions quelques-uns à nous
être engagés et nous nous sommes demandés comment nous pouvions réagir.
Nous sommes partis de la demande de migrants, avant tout des travailleurs
étrangers, qui exprimaient le besoin de disposer de cours de français.
Nous avons commencé comme cela, de façon spontanée. Jamais je n’aurais
pensé que nous serions toujours là 30 ans après !
Que trouve-t-on concrètement au Centre Suisses-Immigrés ?
En plus des cours de français, nous avons rapidement saisi la nécessité
d’organiser une permanence juridique et sociale pour aider les migrants à
comprendre les différents documents qu’ils reçoivent, comme les contrats
de travail, d’assurance-maladie, les lettres administratives, etc. Notre
offre s’est peu à peu étendue et, au fil des années, nous avons proposé
également des cours de cuisine, de gym pour les femmes, d’informatique
ou, encore, un accompagnement mère-enfant. Ce dernier projet reste
d’actualité et il implique la maman dans le processus scolaire de son
enfant. Fondamentalement, nous existons pour aider les migrants à faire
usage de leurs droits. Nous rédigeons des recours, constituons des
dossiers de demande de regroupement familial et – c’est très important
pour moi – si nous ne pouvons rien faire, nous prenons toujours le temps
d’expliquer pourquoi.
Mme Françoise Jacquemettaz du Centre Suisses-Immigrés de Sion . Photo: Voix d’Exil
Avez-vous une approche particulière ?
Nous cherchons à favoriser l’intégration, en accordant une attention
toute particulière aux femmes et aux enfants. Comme nous avons souvent
une relation privilégiée avec les personnes qui viennent vers nous, nous
pouvons
nous
permettre
de
dire
certaines
choses.
Prenons
deux
exemples pour illustrer le propos. Si des parents songent à s’opposer aux
cours de piscine pour leur fille, nous leur ferions réfléchir au fait que
l’enfant serait stigmatisée vis-à-vis de ses camarades. Si une famille
demande l’asile en raison des problèmes politiques du père, nous lui
ferions comprendre que la femme et les enfants ont également des droits
et, qu’en Suisse, les droits existent pour tous.
Quel bilan faites-vous après trente ans d’engagement ?
En ce qui concerne l’asile, le bilan est désastreux. C’est de la
paranoïa. Il faut arrêter de prendre des mesures urgentes qui ne servent
à rien. On a créé le statut de NEM (Non entrée en matière) pour que les
personnes déboutées quittent la Suisse. Résultat: elles ne sont pas
parties. Il faudrait aussi modifier le statut d’admission provisoire.
Nous voyons aujourd’hui des jeunes de la deuxième génération, nés en
Suisse, bloquées par ce permis au rabais. La récente interdiction de
déposer une demande d’asile dans une ambassade nous pose de gros
problèmes, par exemple pour les Syriens qui cherchent à rejoindre des
membres de leur famille en Suisse. Au début de la crise, la Suisse a très
brièvement accordé des visas facilités aux Syriens. Je trouve qu’il y a
une hypocrisie du discours parce qu’actuellement, dans les faits, la
situation est très difficile. Même si nous savons que nos demandes sont
vouées à l’échec, nous intervenons pour montrer que nous ne sommes pas
d’accords. C’est la même chose avec les transferts Dublin organisés vers
l’Italie ou le renvoi des Roms dans les pays de l’Est. On fait comme si
tout allait bien, alors qu’on sait pertinemment qu’ils sont ostracisés
chez eux.
Quels sont les meilleurs souvenirs que vous gardez de toutes ces années ?
Rien n’égale le sentiment d’accomplissement que l’on ressent quand on
obtient l’asile pour quelqu’un après avoir fait un recours. Ce moment où
on se dit qu’on a pu faire reconnaître des motifs d’asile.
Mme Françoise Jacquemettaz du Centre Suisses-Immigrés de Sion. Photo: Voix d’Exils
A contrario, qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous ?
Il y a une chose que je trouve particulièrement inacceptable: c’est
l’organisation de renvois sous la contrainte dans les cas de familles
avec enfants. Je suis en colère lorsque des personnes viennent me dire,
navrées : «ce matin, dans notre immeuble, la police est venue à 3 heures
du matin, on a retrouvé des affaires d’enfants dans la cage d’escalier».
Il faut que ces personnes témoignent, qu’elles écrivent dans les
journaux. On a, en Suisse, une chose qui s’appelle la liberté
d’expression. Il faut en faire usage. On voit que la mise en question de
l’autorité reste toujours quelque chose de difficile et je pense que si
personne ne dit rien, cela va malheureusement continuer.
Comment voyez-vous l’avenir du Centre Suisses-Immigrés ?
Je souhaite que le Centre Suisses-Immigrés puisse longtemps poursuivre
son action dans le même esprit. Notre équipe est très motivée et ne
compte pas ses heures. Ce qui me préoccupe, c’est que les gens sont
persuadés que nous avons le pouvoir de faire la pluie et le beau temps à
Berne, alors que ce n’est évidemment pas le cas.
On a vu au cours de ces années que des choses très importantes ont été
révélées pour la première fois au Centre Suisses-Immigrés ; elles
n’avaient pas été dites ailleurs, ni lors de l’audition d’asile, ni
confiées aux assistants sociaux. C’est pourquoi, nous avons dans nos
projets l’idée de créer un espace d’écoute, où les personnes auraient
l’occasion de parler à bâtons rompus, en toute confidentialité.
La rédaction valaisanne de Voix d’Exils
Infos
Centre Suisses-Immigrés
Rue de l’Industrie 10
CP 280
1951 Sion
E-mail [email protected]
Téléphone 027 323 12 16
Horaires:
Lundi : 14h – 18h
Mardi : 14h – 18h
Mercredi : 18h – 21h
Jeudi : 14h – 18h
Le Chemin des Crèches à Sion
Crèche de la Bibliothèque l’Ardoise
(centre de formation et d’occupation « Le
Botza » à Vétroz). Auteur : David
Crittin.
Agenda du canton du Valais
Comme chaque année, 23 crèches fabriquées par les différentes communautés
qui peuplent le canton du Valais seront disséminées dans la vieille ville
de Sion et nous amèneront à la fête de Noël.
Cette animation a été mise sur pied afin de favoriser l’intégration dans
la Cité les différentes communautés linguistiques, ethniques, ou de
quartier et est visible du 8 décembre au 6 janvier 2014. S’adressant aux
petits comme aux grands, elle permet ainsi de créer un dialogue avec
l’autre dans l’esprit des fêtes de fin d’année et d’apporter un autre
éclairage à Noël en renouant avec son message originel : un message de
paix et de joie.
La rédaction valaisanne de Voix d’Exils
Informations :
Toutes les informations utiles et un plan de localisation sont
visibles en cliquant ici
Un Petit Prince polyglotte
Photo: Voix d’Exils.
Agenda théâtre
Le renard, la rose, l’allumeur de réverbères et ce drôle de petit
bonhomme tombé du ciel… Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? La
bibliothèque interculturelle l’Ardoise de Sion propose de découvrir ou de
redécouvrir «Le Petit Prince» de Saint-Exupéry à travers un spectacle
original qui met en évidence son caractère universel par le biais
d’extraits lus dans plus d’une dizaine de langues différentes.
Le 1er septembre dernier, c’est dans le décor unique du lac souterrain de
Saint-Léonard, près de Sion, qu’une quinzaine de voix se sont entrelacées
pour lire des passages du «Petit Prince». Ce conte poétique et
philosophique d’Antoine de Saint-Exupéry, auteur français du siècle
dernier (1900–1944), est l’œuvre la plus vendue et la plus traduite au
monde après la Bible (270 versions). Dans la mise en scène de l’Ardoise,
les spectateurs ont pu apprécier des passages lus notamment en portugais,
finnois, espagnol, japonais, patois valaisan, ainsi qu’en deux langues du
continent africain : l’ouganda et le tigrinya.
Amour, sagesse et connaissance de l’univers
Photo: Voix d’Exils
Bien loin des ambiances débridées et électriques, c’est dans un silence
recueilli que le spectacle s’est déroulé, accompagné par de douces
mélodies jouées par le violoniste Xavier Moillen. Emporté par les voix
des lecteurs et le puissant message de l’œuvre, le public n’a pas vu le
temps passer.
A la fin de la représentation, des spectateurs et amoureux du «Petit
Prince» se sont confiés au micro du reporter de Voix d’Exils. «Écouter
toutes ces langues du monde, avec ces voix qui vous pénètrent, m’a donné
une impression inoubliable. Je répondrai présente aux prochains rendezvous», a déclaré Madame Judith Andrea. Pour Monsieur Alain Meier «C’est
un spectacle à conseiller aux jeunes gens et aux personnes âgées, car
l’amour, la sagesse et la connaissance de l’univers sont au rendez-vous».
Serge Douvon
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils
Où voir le spectacle ?
Ce spectacle tourne en Suisse depuis le mois de juin. La troupe est allée
au-devant du public dans plusieurs localités valaisannes et a fait sa
première
à
Thoune,
dans
le
canton
de
Berne.
Elle
se
produira
prochainement à Neuchâtel et à Saint-Maurice, respectivement les 16
novembre et 13 décembre prochains. Priska Antille, organisatrice du
spectacle, souhaite que son audience soit la plus large possible : «Ce
projet véhicule un message d’amour et de paix». Il permet aussi de se
poser de bonnes questions : comment dit-on «C’est le temps que tu as
perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante» en japonais ?
S.D.
Informations
Pour obtenir davantage d’informations à propos du spectacle, contacter la
bibliothèque interculturelle l’Ardoise
Des bibliothèques interculturelles
pour garder le lien avec ses racines
.
Sandra Favre, collaboratrice de
l’Ardoise. Photo: Voix d’Exils.
Les migrants installés en Suisse ont laissé beaucoup de choses derrière
eux : un pays, une culture, une famille. Ils doivent relever le défi de
s’adapter à de nouveaux usages et, souvent, apprendre une nouvelle
langue. Cette intégration demande beaucoup d’efforts. Heureusement, il
existe de petites oasis où il est possible de boire à nouveau à la source
du pays natal quand la nostalgie se fait trop lancinante : les
bibliothèques interculturelles.
A Sion, une bibliothèque interculturelle propose plus de 10’400 livres en
67 langues différentes: du russe au tamoul, en passant par l’albanais,
l’arabe, le vietnamien et le swahili. Elle s’organise sur deux sites :
les livres pour adultes sont en libre accès à la médiathèque cantonale,
ce qui permet aux migrants de se mêler au public ordinaire de ce lieu
très fréquenté. Les livres pour enfants sont, eux, mis en valeur dans un
lieu plus intime et très accueillant : la bibliothèque de l’Ardoise.
Assurer un accès à la culture d’origine
Sandra Favre, collaboratrice de l’Ardoise, explique l’histoire de sa
bibliothèque : « la bibliothèque interculturelle de Sion a été créée en
1999 sur l’impulsion de Mme Mornata, alors assistante sociale qui
travaillait auprès de requérants d’asile et qui avait pris conscience de
l’importance d’assurer à cette population un accès à leurs cultures
d’origine, surtout au moment de l’arrivée en Suisse. Aujourd’hui, nous
continuons à développer ce projet et notre but est de fournir un choix de
livres de plus en plus varié et intéressant ». Elle ajoute que « nous
cherchons toujours à répondre aux attentes de nos lecteurs. En ce moment,
nous faisons face à une forte demande de livres en portugais. »
Des études menées en milieu scolaire ont démontré que, pour des enfants,
il est particulièrement important de valoriser la culture d’origine, car
cela facilite l’adaptation à la culture du pays d’accueil. Grâce à
l’Ardoise, les parents étrangers peuvent transmettre à leurs enfants les
histoires, les contes, la culture du pays qu’ils ont quitté. Tout le
monde en ressent une certaine fierté.
Approcher d’autres cultures pour s’ouvrir au monde
Sandra Favre précise que les migrants ne sont pas les seuls clients de
l’Ardoise, qui reçoit également la visite de beaucoup d’autochtones.
« Parmi eux, il y a par exemple des personnes qui apprennent une langue
étrangère et dénichent chez nous des documents introuvables ailleurs.
Nous avons aussi le plaisir de recevoir des lecteurs qui cherchent
simplement une ouverture sur le monde et souhaitent, à travers le livre,
approcher d’autres cultures ». Il y en a vraiment pour tous les goûts, si
on s’attarde le long des rayonnages : du classique, bien sûr, avec
l’incontournable « Harry Potter », mais aussi, plus intriguant,
« Un
alien dans mon sac à dos », « Le journal d’une fourmi » ou, dans le
registre des saveurs, le prometteur « Cuisine actuelle de l’Afrique
noire ».
Alors, la prochaine fois que la musique de votre langue maternelle vous
manquera trop cruellement, n’oubliez pas qu’il existe un moyen tout
simple de retrouver rapidement votre équilibre : faites un petit tour à
la bibliothèque interculturelle la plus proche de chez vous, trouver
votre livre, tournez la première page… Le voyage commence !
La rédaction valaisanne de Voix d’Exils
Infos :
Retrouvez les coordonnées des bibliothèques interculturelles de Suisse en
cliquant ici