La Bête du Gévaudan
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La Bête du Gévaudan
LA BETE DU GEVAUDAN Le dix-neuvième siècle, époque nouvelle, pleine de mystères, de joie et de folie. C'est en ce temps que vivait l'homme qui a fait de ma vie une aventure. Sherlock Holmes, l'homme le plus mystérieux et le plus énigmatique de l'histoire d’Angleterre, le plus grand détective, celui que l'on admirait, que l'on enviait mais aussi celui dont on avait peur et que l'on ne comprenait pas. Moi, je n'en avais pas peur, il m’intriguait, je voulais en savoir plus sur cet homme, le connaître mieux que quiconque. Je m'appelle John Watson et voici le début de ma collaboration avec cet homme. Tout commença un jour de printemps, dans une rue pavée de Londres. Ici les passants s'activaient, ils ne se préoccupaient pas du monde qui les entourait. Ils ne voyaient pas le mendiant assis à leurs pieds, ils ne voyaient pas le jeune garçon s'approcher lentement des poches d'un riche homme d'affaire. Celui-ci ne vit pas qu'il venait d'être volé, tout comme il ne remarqua pas l'homme en sang dans la ruelle. Ces passants ne voyaient rien, parce qu'ils ne voulaient rien voir et parce qu'ils ne pouvaient rien voir. Ils étaient tous comme ça, tous excepté un. Lui, il voyait tout, il analysait chaque détail, il comprenait les situations les plus complexes et c'est cela qui faisait de lui l'homme qu'il était. Il était là, assis sur son fauteuil, dans cette maison si ordinaire. Il était là, jour après jour. Il observait et il attendait. Il attendait la prochaine énigme, celle qu'il trouverait attrayante, palpitante. Mais ces derniers temps, aucune énigme ne le satisfaisait. Son esprit ne pensait qu'à une chose, ou plutôt à un homme ; son plus vieil ennemi, celui qui lui avait retiré à jamais la femme qu'il aimait, sa tendre Irene Hadlere. Cet homme n'était autre que le professeur Moriarty. Celui-ci était intelligent, mais il était cruel et complotait toujours. 1 C'est pourquoi, ces derniers temps aucune enquête n'était à la hauteur des espérances de notre détective. Sherlock Holmes était là dans son fauteuil perdu dans ses pensées. Il était 8h quand la sonnette de la porte le tira de sa réflexion. Ce fut Mme Hudson, sa gouvernante, qui alla ouvrir. Elle fut surprise de voir un jeune homme inconnu à la porte. D'habitude, c'était un inspecteur de Scotland Yard qui leur rendait visite de bon matin. Le jeune homme se présenta à elle; c'était un jeune écrivain du nom de Watson qui souhaitait rencontrer Holmes. Elle le fit entrer. Il était bel homme, d'une vingtaine d’années d'après elle, il parlait bien. Elle le prit même pour un aristocrate. Ce n'était pas le cas apparemment. Elle le conduisit jusqu'au salon, fit mine de partir mais resta cachée à l'abri des regards afin d'écouter ce que cet écrivain pouvait bien avoir à dire. Watson se présenta de nouveau et expliqua au détective sa situation. Il était un jeune écrivain, mais n'avait pas de véritable talent. C'était en lisant le journal qu'il avait eu l'idée suivante : suivre le plus grand détective du pays et rapporter son histoire. Il continua son long monologue sans s’apercevoir que Sherlock Holmes ne l'écoutait plus. Celui-ci l'observait de la tête au pied et cherchait à comprendre pourquoi ce jeune homme voulait tant le suivre. Quand Watson se tût enfin, Holmes prit la parole. Il expliqua calmement à l'écrivain qu'il n'était sur aucune enquête pour le moment et qu'il ne voudrait probablement jamais d'un écrivain novice « dans ses pattes ». Le jeune Watson ne chercha pas à protester, remercia son hôte et disparut. Bien évidemment Holmes n'était pas dupe, il savait que ce prétendu romancier allait revenir à la charge. Qui pouvait-il bien être ? Ces habits n'en disaient pas long sur sa personne, seulement qu'il était un homme bien portant, simple et avec une vie banale. Pourtant le jeune homme dégageait quelque chose d'étrange, d'insaisissable. Dès son entrée, le détective avait ressenti et vu ce que ce dernier cherchait tant à cacher. John Watson avait de l'ambition, il devait rêver d'aventure et sa vie de romancier ne le contentait gère. Ce qui était sûr, c'était qu'il n'allait pas s’arrêter sur un simple refus, il allait revenir. 2 Durant un mois, le jeune homme revenait jour après jour à la même heure, il apportait toujours une enveloppe avec lui mais le détective refusait à chaque fois de la lire. Pour une raison qui m'échappe, le premier jour du mois de Mai, Holmes changea d'avis. Watson entra dans le salon et remarqua l’attitude étrange de son hôte, il s’avança et tendit la lettre à Holmes. Pour la première fois, celui-ci la pris dans sa main. Le détective ouvrit l’enveloppe et fut surpris du contenu : depuis des semaines, le romancier avait réuni les informations concernant une affaire, l’affaire du siècle d'après lui. Ces informations avaient probablement étaient volées dans Scotland Yard même. Mais Sherlock Holmes s'en moquait. Il lut les premières lignes. Depuis quelques mois, il se passait des choses étranges en France, dans le Gévaudan plus précisément. Dix meurtres avaient été perpétrés, on n'avait aucun suspect et l'affaire stagnait. L'inspecteur chargé de l’enquête avait envoyé une lettre à Londres, il demandait de l'aide. L'inspecteur en question n'était autre qu'Humbert, un ami de longue date de Holmes. Ce fut peut-être pour cela que celui-ci choisit de partir pour la France dans la journée avec le romancier, ou peut être que malgré ses dires, l'enquête l’intéressait mais qu'il était trop orgueilleux pour l'admettre. Ils arrivèrent dans un bourg de campagne dans l'après-midi, le détective avait prévu de retrouver son ami inspecteur dans un café du coin. Humbert était assis sur la terrasse, il buvait un simple café en observant les passants. C'était un homme très petit, il portait un costume, son apparence était réglé au millimètre près, il devait avoir une femme très soigneuse. Il portait également la moustache et ne quittait jamais sa canne et son chapeau. Son visage était rond, ses yeux, eux, étaient si beaux, d'un vert émeraude pur. Après de brèves retrouvailles, l'inspecteur conduisit les deux britanniques jusqu'à la première scène de crime. La victime était une jeune bergère d'une vingtaine d'années, elle avait été assassiné alors qu'elle cherchait un de ses moutons égaré. La scène de crime était à la lisière de la forêt, il n'y avait aucune 3 empreinte de pas, seulement une tache de sang et des empreintes d'animaux. Aucun indice, rien ! Sherlock Holmes n'allait pas s’arrêter sur les simples constatations de brigadiers français. Il fit le tour de la scène du crime, rien d'anormal ne le surprit. C'est en revenant vers son ami français qu'il vit ce que, par négligence, personne n'avait remarqué. Sur un arbre, des touffes de poils s'étaient accrochées à l'écorce. Holmes demanda au chasseur qui discutait avec Serge Humbert de quel animal ces poils provenaient. Le chasseur, qui était pourtant un expert, ne put le dire. Tout le monde fut surpris par cette étrange découverte. Pendant une semaine, les deux acolytes rattrapèrent leur retard sur l'enquête. Il n'y avait aucune preuve, excepté ces fameux poils. Tous les corps étaient déchiquetés, comme si une meute de loups était venue tout saccager. Des rumeurs se sont propagées, elles étaient tellement invraisemblables que tout le monde y avait cru. C'est Watson qui mit le détective au courant. Il venait d'acheter le journal et la première page l'interpella. Il était écrit, noir sur blanc, ces quelques mots : « La bête du Gévaudan a encore frappé ». Pourquoi les journalistes prenaient- ils un malin plaisir à terroriser les gens ? Tout ceci n'avait aucun sens. Holmes, lui, soupçonnait que cette soit disant bête n'était en fait qu'un simple homme, un tueur en série qui aimait effrayer ses proies. Les journaux suivants ne furent pas mieux. On y parlait d'un loupgarou, d'agressions sexuelles et même de conspiration de l'église. Quelles idées ridicules, une conspiration ! Mais peut être que la vérité n'était pas si loin. En se couchant ce soir-là, Sherlock eut une idée. Et si tout ceci n'était qu'une mascarade organisée pour cacher quelque chose de plus important ? Holmes s'empressa de réveiller Watson. Il lui expliqua brièvement la situation et lui demanda de s'habiller. L'écrivain refusa de le suivre, il savait qui le détective allait accuser : son plus vieil ennemi évidemment, le terrible Moriarty. Watson avait appris à connaître Holmes, il le savait obsédé par cet homme. 4 Il refusait de perdre son temps dans une piste perdue d'avance. C'est donc seul que Holmes se rendit en pleine nuit sur le lieu du premier meurtre et décida d'y aller à pied, il préférait, cela l'aidait à réfléchir. En arrivant sur les lieux, il se plongea dans une profonde réflexion. Son explication de ces meurtres était un peu farfelue mais elle tenait debout. Il récapitula tout ce qu'il savait de l'enquête ; plusieurs meurtres avaient eu lieu, tous à la lisière ou aux alentours de la forêt. Les victimes avaient été attaquées de nuit. Sur place, il n'y avait aucune empreinte humaine, les seules empreintes étaient celles d'un lapin sur chaque scène de crime. Rien d'étonnant mais il y a de ça deux nuits, alors qu'il discutait avec Watson dans un bar, Holmes avait écouté la conversation d'habitants de la région. Ces derniers disaient ne pas avoir vu de lapins de toute la saison. Ils supposaient que ceux-ci étaient descendus plus bas dans la vallée. Étrange pensez-vous ? et bien pas tant que cela. S’il n'y avait plus de lapins ici, alors les empreintes n'étaient pas vraies. Holmes connaissait cette méthode de dissimulation, il avait déjà eu affaire à ça, il y a quelque années, l'agresseur utilisait des talons qu'il fixait sous ses chaussures et le bout de ces talons avait la forme d'empreintes. Le meurtrier était bien un homme et pas une bête. Restait encore à expliquer la présence de ces poils inconnus. Holmes fut tiré de ses pensées par un coup qu'on lui porta sur le crâne. Il tomba et s’évanouit. Quand il reprit connaissance, il ne reconnut pas les lieux. Il se trouvait dans une grange et des hommes s'agitaient autour de lui : certains portaient des caisses d'armes, d'autres, des caisses d'argent. Il essaya de se lever de la chaise ou il était assis mais on l'avait solidement attaché. Soudain, il entendit une voix qu'il connaissait mais ne souvenait plus où. Un homme apparu dans son champ de vision. Moriarty ! Mais où se trouvait il ? Il voulait parler mais le chiffon coincé entre ses dents l'en empêchait. Moriarty prit la parole, il parlait fort pour que tout le monde l'entende et commença à se vanter d'avoir enfin pu capturer son ennemi. Puis il enchaîna sur les meurtres ; au début, il n'avait voulu la mort de personne, mais les gens 5 étaient trop curieux et rodaient trop autour de la grange. Il a donc pris la décision d'engager un homme qui s'occuperait de ces gêneurs sans que la police puisse soupçonner son implication. La rumeur sur la fameuse bête l'avait bien aidée. Plus personne ne venait, mais il fallait bien entretenir la peur de la forêt. Alors, son tueur, c'est ainsi qu'il le nommait, est allé chercher les victimes au sein même des villages. Il s'est même mis à semer des poils génétiquement modifiés çà et là. Moriarty pouvait ainsi continuer son trafic d'armes en toute sérénité. Cruel pensez-vous ? Ce qui était cruel pour l'homme, était normal pour lui. Voila donc l'explication de tous ces meurtres pour couvrir son petit commerce. Moriarty avait décidé de s'enfuir dans la soirée, avec le reste des armes, qu'il revendrait plus tard. Pour détruire toutes les preuves de ce trafic, il avait placé une bombe dans la grange et il comptait y laisser Holmes. Avant de partir il se retourna vers son ennemi de toujours et dit ces quelques mots étranges : « Voilà, ici la fin de notre histoire, je n'ai pas voulu cela, mais je ne suis pas maître de mes décisions, Sherlock... » S'il n'était pas l'instigateur qui était-ce ? Il y avait plus important encore ; comment Holmes comptait sortir d'ici ? Le détective vit son pire ennemi s'enfuir et avec lui sa dernière chance de survie. Du moins, c’était ce qu'il croyait. Il n'avait pas l'habitude de pouvoir compter sur quelqu'un d'autre et ce quelqu'un d'autre se tenait maintenant en face de lui. Watson l'écrivain dont il ne voulait pas. Il avait une chance folle d'avoir un homme comme lui à ses côtés qui allait lui sauver la vie, mais ça Holmes ne le reconnaîtrait jamais. Quand il fut détaché, lui et Watson coururent le plus vite possible afin d'éviter d'être blessés par les débris. Il y eut une explosion et un souffle d'une énorme puissance les projeta sur quelques mètres. Ils n'étaient pas blessés, mais ils devaient se rendre à la gare au plus vite s'ils voulaient avoir une chance d’arrêter Moriarty. Ils empruntèrent sans permission aucune le premier véhicule qu'ils trouvèrent mais en arrivant à la gare, ils purent juste observer Moriarty montant dans le train avec une femme. La dernière 6 image dont je me souviens, c'est celle du pire ennemi de mon ami montant dans un train en tenant par le bras la femme qu'Holmes aimait et qu'il croyait morte, Irene Hadler. C'était donc elle l'instigatrice. Depuis ce jour, Holmes et moi ne sommes plus les mêmes, mais nous continuons à traquer cette femme, nous ne nous arrêterons jamais ! John Watson 7