Éclatement ou renforcement des Deux-Sèvres
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Éclatement ou renforcement des Deux-Sèvres
Éclatement ou renforcement des Deux-Sèvres ? La réforme territoriale prévoit la création d’une super Région Poitou-CharentesCentre-Limousin en 2015 et la suppression du Conseil général en 2020. Quelles conséquences pour notre département ? Poitou-Charentes se marierait avec le Centre et le Limousin… Distance entre Chartres et La Rochelle : 414 km ! Nos futurs conseillers régionaux seront de grands pigeons voyageurs. Selon le projet, à partir de 2015, la Région sera la seule à exercer les compétences en matière de soutien aux entreprises, de formation et d’emploi, de gestion des lycées et collèges et de tous les transports. Voilà qui semble beaucoup plus clair et devrait plaire aux pourfendeurs du millefeuille. Même s’ils oublient que bien des projets n’ont vu le jour que parce que des financements-doublons étaient alors possibles, notamment les aides aux entreprises, directes ou indirectes. Ce fut par exemple le cas pour les projets Niort-Terminal ou l’abattoir de Parthenay qui ont bénéficié d’aides multiples. Ce ne sera plus autorisé. Parallèlement, le Président de la République annonce la fin des Conseils généraux en 2020. Essayons de décrypter, car on joue sur les mots. Les « Deux-Sèvres » pourront continuer à exister, ce sera toujours le terrain d’exercice du Préfet et des services de l’État. Le « Conseil général » s’appellera « Conseil départemental » à l’automne 2015 et il n’aura plus la charge des collèges, ni des routes et des transports interurbains en bus, tous transférés à la Région. De nouveaux conseillers départementaux seront élus à cette date (17 cantons, 34 conseillers en parité), en même temps que les conseillers régionaux. Le Conseil départemental pour la période 2015-2020 sera donc presque essentiellement chargé de l’action sociale. SCENARIO 1 - Six communautés Il est impossible de transférer l’action sociale à une Région comme la nôtre, grande comme l’Autriche, car la solidarité, l’insertion et la lutte contre la précarité ont besoin de proximité. L’action doit se faire là où les gens vivent, pas dans des bureaux centralisés à des centaines de kilomètres. Alors, que signifie concrètement la suppression des conseils généraux en 2020 ? C’est là qu’interviendraient les intercommunalités. Leurs présidents gèreraient une sorte de « Conseil départemental communautaire » pour assurer les missions de l’actuel Conseil général. En Deux-Sèvres, la plus petite communauté regroupe 5000 habitants et la plus grande 117 000. Pour donner plus d’assise aux petites, le Président de la République a annoncé que les intercommunalités devront rassembler au moins 20 000 habitants au 1er janvier 2017, ce qui signifie que huit communautés des Deux-Sèvres devront fusionner avec les communautés voisines… Quatre en Gâtine et quatre en Mellois. Ces territoires ont laissé passer le train en 2013, ils n’auront pas le choix en 2017 : ils devraient se regrouper, souhaitons-le, en une seule communauté de Gâtine et une communauté du Mellois. Il y aurait alors six communautés en DeuxSèvres, contre treize actuellement. Ce premier scénario est très plausible, mais bien incertain dans un tel contexte régional. Et si le département des Deux-Sèvres, ou certaines communes faisaient sécession ? Au nom des expérimentations proposées par F Hollande, et de la légitime colère des élus à propos de la méthode expéditive gouvernementale, le département pourrait revendiquer de sortir de cette nouvelle super-région pour rejoindre les Pays de Loire, ou l’Aquitaine, en oubliant l’éternel tropisme départemental : le sud des Deux-Sèvres veut rejoindre l’Aquitaine, le nord rêve des Pays de la Loire… Certaines communes limitrophes pourraient même tenter un changement de département… Ce pourrait être alors l’implosion des Deux-Sèvres, probablement le pire scénario. Si les volontés sécessionnistes sont trop fortes, il faudra imaginer un second scénario porteur d’unité et de développement. Il existe. C’est une solution qui pourrait garantir la meilleure proximité des services tout en optimisant les chances de développement et les économies tant recherchées : créer une communauté d’agglomération du Nord Deux-Sèvres, de 170 000 habitants, regroupant le Bocage, le Thouarsais et la Gâtine. SCENARIO 2 - Une grande agglo Nord Deux-Sèvres Bien trop grande ? Inutile ? Mariage de raison impossible ? Sans regarder bien loin, notons que les communautés d’agglomération de La Rochelle (150 000 habitants) et Angers (270 000 habitants) n’ont pas eu peur d’une telle ambition. On ne peut pas dire qu’elles manquent de dynamisme ni que leurs habitants soient désespérés… Cela ferait beaucoup trop de communes regroupées ? La communauté de Jonzac en Charente Maritîme regroupe 131 communes ! Une communauté d’agglomération du Nord Deux-Sèvres pourrait porter des projets de développement très conséquents, penser politiques de logement et de transport sur toute l’agglomération, avoir de fortes réalisations en matière de valorisation et de protection de patrimoine culturel et environnemental, etc. Et si le sud du département prenait le même risque en créant une grande agglomération de 170 000 habitants à partir de la CAN ? Alors, ces deux territoires, nord et sud, s’uniraient pour constituer véritablement les… DeuxSèvres, pour une nouvelle « aventure » commune. Le département serait ainsi constitué sur une volonté partagée d’équité et de solidarité territoriale, les deux communautés d’agglomération définiraient conjointement et mettraient en oeuvre les plans stratégiques des Deux-Sèvres en matière d’insertion, de politique familiale, du handicap, des personnes âgées etc. Pour que ces politiques soient décidées au plus près des besoins des gens, dans une ambition d’égalité entre le nord et le sud. Que le choix porte sur le scénario 1 ou sur le scénario 2, il faut en Deux-Sèvres, si le projet du Président de la République est voté, ce qui n’est pas la moindre incertitude, en profiter pour abandonner la logique centrifuge habituelle (le nord et le sud regardent chacun de leur côté, fiers de leurs différences) et s’engager sur une logique centripète pour s’unir, forts de notre diversité. Et les économies ? Et la démocratie ? Moins d’élus, moins de doublons et donc moins de projets, peut-être moins de fonctionnaires à terme, on peut légitimement penser qu’il y aura en effet de réelles économies par rapport aux dépenses existantes. Pour rapprocher un peu les services des habitants, des « Maisons de la Région » vont probablement fleurir un peu partout… (une par département ou par grosse ville ?). Ce seront des dépenses nouvelles. Sans parler des déplacements des élus et techniciens… On peut également parier sur moins de démocratie. Les présidents de communautés de communes, qui sont souvent maires, seront également en charge de l’échelon départemental. Il va donc y avoir cinq ou six « supergradés » parmi les élus des Deux-Sèvres, captant et cumulant les principales fonctions, en ayant sans doute bien du mal à les assumer toutes. Pour les élus régionaux, avec de telles distances régionales et de telles responsabilités sur le dos, il est probable que les techniciens seront davantage aux commandes. Que restera-t-il comme capacité réelle de décision aux élus ? Et les communes ? Curieusement, le Président ne s’attaque pas aux communes pour faire des économies. La France, avec ses 36 000 communes, concentre 40 % des communes de l’Union européenne ! L’Allemagne n’en a que 12 000, l’Italie et l’Espagne 8000 chacune. Sait-on que 50 % de nos communes ont un maire et moins de 400 habitants ? Si on supprimait ces 18 000 communes, à 646 € brut par mois d’indemnité pour un maire d’une commune de cette strate, cela ferait 1 milliard d’économies sur un mandat, sans compter les adjoints et autres dépenses induites (la mairie, les secrétaires, etc.). Cette piste d’économies serait-elle politiquement incorrecte, tant à gauche qu’à droite ? Christian Proust Ancien DGA du Conseil général 79 (A notamment été en charge des politiques territoriales et de l’insertion)