Mgr Lefebvre et Rome - Recension, par le père Bruno, du livre de l

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Mgr Lefebvre et Rome - Recension, par le père Bruno, du livre de l
Mgr Lefebvre et Rome - Recension, par le père Bruno, du livre
de l’abbé Pivert
Les lecteurs du Combat de la Foi catholique, le bulletin publié par Le Moulin
du Pin, ont reçu un numéro spécial, qui revêt la forme d’un bel ouvrage de
plus de 350 pages. L’auteur n’est autre que… Mgr Lefebvre : seul son nom
figure en couverture, au-dessus du titre évocateur Nos rapports avec Rome.
On découvre en première page qu’il s’agit de « textes réunis et commentés
par l’abbé François Pivert ».
Le prieur du Moulin du Pin s’est livré à un imposant travail de recherche et de
classification des textes de Mgr Lefebvre (conférences, sermons, correspondance…) ayant trait aux relations de la Fraternité Saint-Pie X avec Rome. La
parole du fondateur, vingt-deux ans après son rappel à Dieu, est étonnamment éclairante : « Mgr Lefebvre était un homme de principes et de doctrine »
(p. 199), chez lui « la doctrine dirigeait la pratique et non l’inverse » (p. 252).
Il faut qu’il règne
Aussi la première partie de l’ouvrage expose-t-elle les grands principes qui inspiraient la conduite de
l’évêque : Le seul but de Mgr Lefebvre : la foi et le Christ-Roi (titre du chapitre 2, p. 25). « Il faut convertir et
baptiser le monde, écrivait-il au cardinal Seper, pour le soumettre au doux Règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est la seule et unique voie de salut » (p. 47). Et il enseignait à ses séminaristes : « Nous
n’avons pas d’autre but, d’autre raison d’être prêtres que de faire régner Notre-Seigneur Jésus-Christ »
(p. 44).
La fidélité au Christ-Roi est un véritable critère d’appartenance à l’Église, et c’est précisément sur ce point
que se joue tout le drame entre Rome et nous. « La vraie opposition fondamentale, affirmait Mgr Lefebvre
vers la fin de sa vie, est le Règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Oportet illum regnare, il faut qu’il règne,
nous dit saint Paul, Notre-Seigneur est venu pour régner. Eux disent non, et nous, nous disons oui, avec
tous les papes » (p. 42).
L’horreur de l’erreur
Première conséquence de notre foi : le rejet et la condamnation des erreurs modernes (titre du chapitre 3,
p. 59), en particulier du libéralisme : « C’est une nécessité absolue d’étudier le libéralisme et de bien le
comprendre, et je pense que beaucoup de ceux qui nous ont quittés pour rejoindre Rome, soi-disant [Mgr
Lefebvre prononçait ces paroles en septembre 1988], n’ont pas compris ce qu’était le libéralisme et comment les autorités romaines depuis le Concile sont infestées de ces erreurs. […] C’est grave, parce que, en
se rapprochant de ces autorités, on est contaminé forcément. […] Tant qu’ils ne seront pas débarrassés de
ces erreurs du libéralisme, il n’y a pas moyen de s’entendre avec eux » (p. 71-72).
Pas moyen de s’entendre, notamment, avec celui qui était alors à la tête de la congrégation de la Foi :
« Le cardinal Ratzinger, qui passe dans la presse pour être plus ou moins traditionnel, est en fait un moderniste » (p. 79). « Je ne dis pas qu’il ne soit pas sincère, mais il a une fausse mentalité, il a un esprit faux,
un esprit qui n’est pas catholique » (p. 83).
L’abbé Pivert cite quelques passages du fondateur de la Fraternité contre les trois grandes erreurs de Vatican II (œcuménisme, liberté religieuse, collégialité), puis cette condamnation globale du Concile :
« Quand tout un ensemble de documents est rédigé avec un esprit faux, avec un esprit moderniste, il est
pratiquement impossible de l’expurger complètement. Il faudrait le recomposer complètement pour lui
donner un esprit catholique » (p. 101).
On notera l’opposition résolue de Mgr Lefebvre à la « nouvelle profession de foi », imposée par le cardinal
Ratzinger en 1989, et qui manifestait « la volonté de ceux qui ont actuellement l’autorité dans l’Église de
nous soumettre à cet esprit du Concile, qui est un esprit moderniste, un esprit libéral, qui a détruit l’Église
et qui continue à détruire l’Église. Cela, nous ne pouvons pas l’admettre ! » (p. 105).
L’attachement du prélat à la royauté du Christ et son horreur de l’erreur lui dictaient son attitude envers
l’Église officielle (qu’il faut se garder de confondre avec l’Église visible) et envers le pape. « Ce n’est pas
moi qui juge le Saint-Père, c’est la Tradition » (p. 133). Le conflit avec Rome ira jusqu’aux prétendues excommunications de 1988, mais Monseigneur expliquait, juste après les sacres : « Ceux qui nous excomPage | 1
munient sont déjà excommuniés eux-mêmes depuis longtemps. Pourquoi ? parce qu’ils sont modernistes » (p. 136).
Combattre comme des héros
La troisième partie de l’ouvrage examine en détail les démarches de Mgr Lefebvre auprès des autorités
romaines. Le long chapitre 5 (Les rapports de Mgr Lefebvre avec le pape et avec Rome) montre que,
quelle que soit la diversité des phases des discussions avec Rome, les intentions de l’évêque « n’ont jamais changé » (p. 172). Toujours cette sainte « obsession » du Christ-Roi, qui conduira Mgr Lefebvre
jusqu’au sommet de son combat pour l’Église : les sacres épiscopaux de 1988. « La raison des sacres,
écrit justement l’abbé Pivert, est d’assurer le règne de Notre-Seigneur dans la fidélité à la foi de toujours »
(p. 258). Et de souligner que la « Lettre aux futurs évêques » (29 août 1987) porte en exergue : Adveniat
regnum tuum, que votre règne arrive (p. 256).
Une brève recension ne peut passer en revue les phases successives des relations entre le Saint-Siège et
Mgr Lefebvre. Relevons seulement qu’à partir du scandale d’Assise (octobre 1986) et de la réponse de
Rome aux Dubia sur la liberté religieuse (janvier 1987), le prélat se montre de plus en plus convaincu
qu’« on ne peut pas s’entendre » (p. 236). Il explique : « Nous avons affaire à des gens qui n’ont plus
l’esprit catholique » (p. 242). Malgré la reprise des colloques (1987-1988), il reste « très méfiant » (p. 251). Il
s’efforce cependant de poursuivre les pourparlers, mais il reconnaîtra après les sacres : « Nos vrais fidèles, ceux qui ont compris le problème et qui nous ont justement aidés à poursuivre la ligne droite et
ferme de la Tradition et de la foi, craignaient les démarches que j’ai faites à Rome. Ils m’ont dit que c’était
dangereux et que je perdais mon temps. […] Je crois pouvoir dire que je suis allé plus loin même que je
n’aurais dû aller » (p. 248).
On notera au passage la juste sévérité de Monseigneur à l’égard des « ralliés » : « Quand ils disent qu’ils
n’ont rien lâché, c’est faux. Ils ont lâché la possibilité de contrer Rome. Ils ne peuvent plus rien dire. Ils
doivent se taire étant donné les faveurs qui leur ont été accordées. Il leur est maintenant impossible de
dénoncer les erreurs de l’Église conciliaire » (p. 265).
Dans le bref chapitre 6 (Pour l’avenir), Monseigneur nous avertit que le combat n’est pas terminé et qu’il
réclame « une vigilance continuelle pour nous protéger contre les erreurs modernistes et conciliaires »
(p. 286).
Dans son chapitre 7, l’abbé Pivert répond à diverses questions. Relevons celle-ci : « Pourquoi faut-il que
Rome soit convertie avant tout accord ? » (p. 301).
À ce sujet, on peut distinguer deux étapes dans la pensée de Mgr Lefebvre : dans un premier temps, il
envisageait la possibilité d’un accord pratique avant la solution de la question doctrinale (« laissez-nous
faire l’expérience de la Tradition »), puis, à partir de 1987-1988, il comprit que cette solution n’était pas
possible : « Quand on nous pose la question de savoir quand il y aura un accord avec Rome, ma réponse
est simple : quand Rome recouronnera Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous ne pouvons être d’accord avec
ceux qui découronnent Notre-Seigneur. » (Fideliter 68, p. 16.)
En attendant, « que faire ? » (titre du chapitre 8, p. 321) : prier et combattre. Au retour de l’un de ses
voyages à Rome, Monseigneur exprimait dans un sermon son « intention principale » : « Nous devons
prier beaucoup, sans cesse, pour que Rome redevienne le phare de la foi, le phare de la vérité » (p. 326).
Par ailleurs il exhortait ainsi ses séminaristes : « Vous vivez à une époque où il faut être des héros ou rien.
Vous avez le choix : ou abandonner le combat, ou combattre comme des héros » (p. 329).
En cette période de « désorientation diabolique », il est plus que jamais nécessaire de s’informer et de se
former : s’informer – tout spécialement sur les scandales doctrinaux et pratiques de la Rome conciliaire –,
mais aussi et surtout se former en étudiant les principes de notre combat, tels que Mgr Lefebvre les a
formulés de façon simple, lumineuse et souvent prophétique. Notre choix de la Tradition ne doit pas reposer sur une simple tradition (par exemple sur une coutume familiale, si louable soit-elle), mais sur des convictions personnelles solidement fondées.
Père Bruno
Son Excellence Mgr Lefebvre, Nos rapports avec Rome,
Le Moulin du Pin (53290 Beaumont-Pied-de-Bœuf), 2013, 362 pages.
Article paru dans "Le Sel de la Terre N° 85 - Été 2013"
Avec l’autorisation de l’auteur
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