les aventures medatlantistes de phileas et de son equipage

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les aventures medatlantistes de phileas et de son equipage
LES AVENTURES MEDATLANTISTES DE PHILEAS ET DE SON EQUIPAGE
NEWSLETTER N° 9
PHILEAS A LA DOMINIQUE
Au boiling lake – La Dominique
Bonjour à tous,
PHILEAS à l’île de La Dominique
Le dernier jour de février, un 29 cette année, nous quittons la marina du Marin où nous
nous sommes imposés une escale technique pour travaux de maintenance avant de poursuivre
notre navigation vers le nord de l'arc antillais. En navigation intensive les voiliers, même
récents, nécessitent une attention particulière et des arrêts techniques ne sont pas à négliger.
C'est au prix de ces contraintes que nous pouvons espérer naviguer l'esprit serein.
Après un mouillage à l’Anse d'Arlet que nous avons pratiqué moult fois depuis notre
arrivée aux Antilles, nous faisons route vers St Pierre au nord de la Martinique. La météo est
exécrable. La pluie nous accompagne tout au long du trajet, la visibilité est nulle. La pluie
perdure toute la journée puis toute la nuit sans discontinuer. Rien à voir avec des grains
ponctuels. Février devrait être un mois sec sous ces latitudes ! Philéas en tire avantage, il est
très bien dessalé et sans effort de l'équipage....
Le 2 mars à l'aube nous profitons d'une courte fenêtre météo pour emprunter le canal
vers La Dominique. Les conditions se sont considérablement améliorées mais les prévisions
annoncent un coup de vent pour les jours à venir. La navigation est agréable, un vent de
secteur Est de force 5 puis 6 nous accompagne jusqu'à Roseau. A un nautique du point
d'atterrissage nous prenons contact par VHF avec Pancho qui dispose de corps-morts(1). Les
fonds sont assez profonds. Le sondeur indique 37 mètres d’eau sous les quilles(2), nous
n’avons pas assez de longueur de chaîne pour envisager d’y jeter l’ancre (3) Le mouillage est
tranquille et peu fréquenté par rapport à ceux des îles Grenadines et de Martinique. Ici plus de
problème d'insécurité. Les boat-boys se sont regroupés en une association pour lutter contre
les "brebis galeuses" qui faisaient fuir les plaisanciers. Des patrouilles sont omniprésentes
pour veiller à la quiétude du lieu. Nous sommes rassurés. Pancho est membre très actif de
cette association.
Que demander de plus ? Un mouillage dans une baie surplombée par des montagnes
volcaniques, une végétation luxuriante et des cocotiers montant la garde sur le rivage (en plus
des boat-boys...).
Milieu d'après midi, alerte ! Notre voisin proche, une embarcation à moteur, est en train
de couler. Christian armé d'un seau apporte son aide pour écoper de toute urgence l'eau qui
s'engouffre à une vitesse alarmante. Voici le skipper de Philéas intégré à l'équipe
(1) un corps mort est une bouée d’amarrage
(2) Philéas est un biquille
(3) un mouillage correct nécessite une longueur minimum de chaine entre 4 et 5 fois le fonds
d’intervention locale. L’entraide en mer n’a ni frontière ni nationalité mais fait partie de
l'éthique du marin. Le bâtiment est ensuite remorqué vers la plage. A l'issue de cette séance de
musculation particulière les courageux sauveteurs se réunissent autour d’une bière bien
fraîche.
Christian lors de l’opération écopage
3 mars, un samedi, jour de marché.
L'agriculture, pilier de l'économie dominiquaise, représente près de 20 % du PIB. Le
relief est difficile, le climat incertain du fait des tempêtes tropicales, mais on trouve tout de
même des cultures tropicales : principalement la banane (dont le circuit a été privatisé en vue
de rendre les exportations plus compétitives face au marché américain), mais aussi la noix de
coco, le tabac, le café, le cacao, les agrumes et la vanille.
C'est l'occasion de compléter l'avitaillement du bord en produits frais. Nous ne sommes
pas déçus le choix est important et les prix sont beaucoup plus raisonnables qu'aux
Grenadines et qu'en Martinique. Nous avons plaisir à découvrir un vrai marché aux nombreux
étals colorés regorgeant de fruits et de légumes locaux. Les tomates y ont le même goût que
celles plantées par ma grand-mère dans son jardin. Rien à voir avec les tomates de
supermarchés.
Présentation de la Dominique pour les curieux
L’île de la Dominique est située en plein cœur des petites Antilles, au nord de la
Martinique et au sud des Îles des Saintes et Marie-Galante, deux des Antilles françaises
dépendantes de la Guadeloupe. Elle mesure 46 km dans longueur, sur 25 km dans sa largeur,
soit une superficie de 750 km². L'île est composée d'une chaine de hauts pitons dont le plus
élevé, le Morne Diablotin culmine à 1 447 m. La Dominique jouit d’un climat tropical avec
des pluies abondantes qui alimentent les chutes d’eau. Il y a environ 30 chutes d’eau formant
des piscines naturelles, des sources d’eaux chaudes, 365 rivières et 6 sortes de forêts
tropicales dont la célèbre « Rain Forest » unique en son genre. Le Parc National des Trois
Pitons a été classé au Patrimoine Mondial Naturel par l’UNESCO. L'île de la Dominique
affiche un volcanisme très actif comme en témoignent les sites du « Boiling Lake », lac en
ébullition, et la Vallée de la Désolation. Cette dernière est constituée de sources chaudes qui
empêchent le développement de toute vie végétale, contrastant ainsi avec les forêts tropicales
environnantes. Les 70 000 habitants de l’île sont concentrés essentiellement sur la côte ouest,
à Roseau la capitale et à Portsmouth au nord.
Après une économie basée sur l'agriculture et l'exportation de bananes qui a rendu l'île
vulnérable aux catastrophes climatiques et aux crises du marché, la Dominique a souhaité
développer un programme d'écotourisme, récompensé par la certification « GreenGlobe21 »
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validant la qualité éco-touristique de cette destination pour la première fois attribuée à une île
des Caraïbes. La Dominique veut aller plus loin, avec depuis 2007 un programme sur 10 ans
visant à transformer l'île en une ‘île biologique’ par la conjugaison de l’écotourisme, de
l’agrotourisme et d'un tourisme de santé, avec la conversion de l'agriculture à la production
biologique, un commerce éthique et équitable ne nécessitant pas de consommation excessive
des ressources naturelles.
Il ne fait cependant pas toujours bon de vivre à La Dominique. En septembre, Eole et
Neptune se réveillent et déchaînent de terribles tempêtes sur l'île. La saison cyclonique peut
s'étendre de juin à novembre. Septembre 1995 a laissé un souvenir douloureux. Trois
ouragans - Harris, Marilyn et Louis - ont dévasté ses côtes. En décembre 1999, l'ouragan
Lenny a fortement touché la côte caraïbe, et les dégâts sont encore visibles.
La population de la Dominique croît peu, du fait de l'exode de la population vers
d'autres pays. Les autochtones sont très majoritairement d'origine africaine, 70% de ceux-ci
sont catholiques. On note également la présence de la dernière ethnie indigène des Antilles,
les Indiens Caraïbes. 3 000 individus sont recensés sur la côte est de l’île.
Roseau, la capitale de la Dominique où nous faisons relâche n'est pas sans intérêt. De
toutes les îles des Caraïbes visitées jusqu'ici Roseau présente l'éventail le plus varié de
constructions de style caribéen. Les anciennes bâtisses sont généralement dotées d'un balcon.
Certaines ont été rénovées mais toujours en respectant le style d'origine. Roseau est également
la seule ville des Caraïbes où les maisons ont des caves, pièces pratiques certes pour
conserver les denrées périssables mais également utiles comme abris pendant les cyclones.
Une de ces caves a même été transformée en bar.
Roseau est l'escale idéale pour découvrir le parc national des trois pitons. Réceptifs à
l’appel de la nature nous partons à la conquête de l’intérieur de l’île.
Les gorges de Titou, profond canyon creusé naturellement dans la montagne,
s'enfoncent au cœur de la forêt tropicale. En aval une rivière bien fraîche aux eaux tranquilles
invite à la baignade. Premiers instants saisissants ! Nous empruntons à la nage un étroit
couloir sombre taillé dans la roche par l'érosion et nous dirigeons vers un bruit sourd. La
chute d'eau n'est pas visible. Peu à peu la lumière s'échappant de la forêt s'infiltre par un trou
béant situé à une vingtaine de mètres au dessus de nos têtes. La cascade est là, mais ne se
laisse pas approcher si facilement. Il nous faut nager contre le courant qui nous repousse, nous
coller contre la paroi et nous agripper à un angle de la roche pour contourner le dernier point
de résistance. Autant dire que nous n'avons plus conscience de la fraîcheur de l'eau. La magie
de l'effort ! Nous rebroussons chemin en veillant à ne pas être projetés contre la paroi
anguleuse.
Trafalgar Falls
Titou Gorge (entrée)
Après cette baignade revigorante nous nous laissons tenter par une petite ballade aux
chutes Trafalgar. Le spectacle est sublime. Devant nous au cœur d'une végétation luxuriante
deux grandes chutes d'eau, distantes d'une vingtaine de mètres l'une de l'autre, nous attendent.
Le paradis des chasseurs d'images ! Nous nous imprégnons de ce paysage hors du commun
puis nous nous rapprochons de la chute située la plus à l'est. Chemin faisant, des bassins
naturels d'eau chaude (environ 37 degrés), nous font de l'œil. Nous nous trempons avec
ravissement dans ces immenses baignoires. Qu’il est dur de s’en extraire ! L'appel des chutes
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Trafalgar prend finalement le dessus sur notre léthargie. Nous escaladons les roches glissantes
qui nous séparent de la chute convoitée et atteignons la cascade pour un réveil musculaire.
L'eau du bain passe de 37° à 15°. Mais nous sommes téméraires et nous glissons dans cette
eau claire et...glacée.
Trafalgar falls
Comblés par ce premier jour de tourisme terrestre nous rejoignons Philéas. La journée
n'est cependant pas terminée. Nous avons un rendez-vous "rhum-punch" sur "skipping stone",
un ketch de 16 mètres battant pavillon américain appartenant à Andrew que nous avons
rencontré pendant notre excursion. Raoul et Marie-Ange du voilier Athos se joignent à nous
pour ce moment de détente et d'échanges. La famille des marins est une famille nombreuse.
Le lendemain matin, les chaussures de marche et les sacs à dos sont prêts pour une
journée d'au moins 6 heures de marche intensive, à la conquête du Boiling lake (lac en
ébullition) situé à près de 1000 mètres d'altitude. Cette randonnée est réputée la plus dure, la
moins courue -sans doute parce que difficile- des marches proposées autour de Roseau mais
aussi celle recélant la plus grande variété de paysages. Dès le départ le dénivelé du chemin
menant à la forêt tropicale est important. Puis changement de décor, la forêt laisse entrevoir la
lumière du jour. Nous atteignons une crête avant de redescendre vers les 3 Pitons.
Le relief accidenté et la végétation sauvage de l'île ont permis la conservation de 175
espèces d'oiseaux recensés. Nous percevons le chant du siffleur des montagnes. De temps à
autres nous sommes surpris dans notre effort par le vol dans les feuillages d’un colibri
madère. L'oiseau le plus typique est le perroquet sisserou, ou perroquet impérial, au plumage
multicolore. Il est parfois possible de l'apercevoir lors de randonnées en forêt. Nous n'aurons
pas cette chance et devrons nous contenter de l'observer sur le pavillon national de La
Dominique.
Nous grimpons à nouveau jusqu'au sommet d'une montagne et arrivons essoufflés à un
magnifique point de vue avant de redescendre dans la vallée de la Désolation. La descente est
rude pour les genoux et glissante. Cette vallée doit son nom à son absence de végétation,
étrange exception dans la luxuriante verdure de l'île. Les émanations de vapeurs sulfureuses
ont altéré la végétation. Preuve d'une activité volcanique souterraine, des sources d'eau
bouillonnante s'échappent du sol de-ci, de-là. Nous progressons lentement en veillant à les
éviter. L'eau du bain est bien trop chaude pour nous ! L'odeur de soufre est omniprésente, les
vapeurs d'eau sulfureuse suspendues dans l'air envahissent la vallée. La couleur du sol oscille
entre le vert pâle, le jaune œuf et le gris clair. Notre guide sort de son sac une grande passoire
et… des œufs frais. Il pose le tout dans l'eau en ébullition. Quelques minutes plus tard nous
dégustons ce petit encas cuit géo thermiquement.
Oeufs cuisson bio…
Nous longeons pendant un bon moment une rivière d'eau chaude. La berge est tantôt
rocheuse tantôt boueuse. Christian dérape et son pied droit s'enlise comme dans du sable
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mouvant. Il extrait rapidement son pied de ce piège. Sa chaussure semble avoir été cimentée.
La descente de la rivière nécessite toute notre attention, nous marchons ou sautons de cailloux
en cailloux en évitant les glissades avant de bifurquer vers la dernière montée. Notre
ascension est lente, le dénivelé conséquent. La montagne est maintenant couverte d'une
végétation basse. Après plus de 3 heures de marche nous atteignons notre but, le boiling lake,
le deuxième plus grand du genre au monde. Nous surplombons un immense cratère de 54
mètres de diamètre d'eau en ébullition ! Il crache des nuages de vapeur d'eau chaude dans
l'atmosphère. Il est difficile d'en discerner les contours. Nous restons béats d’admiration
devant cette curiosité naturelle. De temps en temps la vapeur devient moins intense, l'eau
bouillonnante du lac est perceptible mais les pourtours ne le sont jamais.
Vallée de la Désolation
Boiling lake
Nous nous installons au sommet de cette montagne, face au lac pour une halte cassecroute. Le vent se lève, nous ne nous éternisons pas et regrettons de ne pas avoir glissé dans
nos sacs une boisson roborative. Pour le retour nous emprunterons le même chemin qu'à
l'aller. Des sources d'eaux chaudes nous invitent à nous détendre. Nous résistons à la
tentation. Il est préférable d'éviter de nous ramollir, les deux tiers du chemin restent encore à
parcourir. En revanche à l'arrivée nous plongeons dans l'eau fraîche des gorges Titou. Il ne
manque plus que la séance de massage et le ti-punch !
Pour le ti-punch pas de problème, nous sommes attendus par Christine et Stéphane sur
Pen Gwen, un RM de 12 mètres. Et quand deux RM se rencontrent que se disent-ils ?
A Roseau le mouillage est agréable mais Philéas s'impatiente. Nous appareillons pour le
nord de l'île, plus exactement pour Portsmouth situé Prince Rupert Bay où nous retrouverons
Andrew et Nikki de "Skipping Stone. Ce mouillage est donné pour être le meilleur de La
Dominique. Notre carburant, un vent de nord, nord-est de force 6 ne nous fait pas défaut. Aux
abords de notre point d'atterrissage le vent et la houle s'intensifient. La baie va-t-elle nous
permettre un mouillage sûr ? Il nous faut approcher assez près de la côte pour trouver une
accalmie. La tenue des fonds est variable. A certains endroits le sable semble mélangé à du
corail concassé. L'ancre risque de chasser. Nous prenons une bouée proposée par "Lawrence
d'Arabie" et plongeons dessus pour en vérifier la solidité. Nous pourrons dormir serein.
Cette baie de près de 4 km de long et de 2 km de large est bordée de cocotiers. Des
restaurants s'y sont implantés, certains avec des pontons pour y amarrer les annexes. Plus au
sud, quelques carcasses de cargos témoignent du passage dévastateur de cyclones successifs.
Une compagnie vénézuélienne a récemment conclu un marché l'autorisant à découper les
épaves et à en récupérer les matières premières.
La visite de Portsmouth, 2ème ville en taille de La Dominique ne présente que peu
d'intérêt. Dans la rue principale quelques boutiques d'artisanat aux façades surprenantes et
quelques commerces permettent de faire quelques emplettes.
La rivière indienne quant à elle mérite bien un détour. Un vrai décor amazonien bien
préservé. Son accès n'est autorisé qu'à bord de barques à rames pour préserver l'authenticité et
le calme du lieu. La rivière se rétrécit rapidement et cède sa place à la mangrove. D'immenses
racines se déploient sur le sol et dans l'eau en formant des motifs originaux. Des poissons, des
crabes, des iguanes, des serpents se partagent la rivière et ses berges. Au dessus de nos têtes
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les arbres s'arcboutent en une immense voûte sombre. Tiens un iguane suspendu à une
branche semble faire la sieste ! Les hérons semblent apprivoisés. Notre présence ne les
perturbe pas. De temps à autres le chant des oiseaux rompt le silence du lieu. Les colibris
virevoltent de branche en branche. Des perroquets fréquentent la mangrove lorsque les arbres
leur offrent leurs fruits mais ce n’est pas la saison et nous n'aurons pas la chance d'en croiser
ici non plus.
Rivière indienne (mangrove)
Nous respirons un parfum de mystère, un parfum des endroits oubliés de la civilisation
moderne. Ici la roue du temps s'est arrêtée.
Samedi 10 mars
Les prévisions météo annoncent un vent de secteur sud-est, nous saisissons cette fenêtre
météo favorable pour faire route vers Marie-Galante qui est bien souvent délaissée par les
navigateurs venant de la Dominique car des bords de près serré sont à tirer pour l'atteindre.
C’est à Marie-Galante que nous vous donnons rendez-vous pour partager la suite de
notre voyage.
Votre reporter embarqué
Brigitte
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