Comiques dans le rétro!

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Comiques dans le rétro!
Comiques dans le rétro!
Myriem Hajoui, A Nous Paris, 10 décembre 2007
Au fil des productions confortables et formatées, on trouve encore quelques curiosités. Un exemple tout à fait au
hazard? Cet ovni artistique conçu par La Comp.Marius, spécialiste des spectacles en plein air mais aussi de “petites
entreprises” faciles à monter. On le sait, Patrice Martinet a souvent le nez creux. Mais là, chapeau ! En accueillant dans
sa belle salle à l‟italienne cette comédie de Neil Simon chahutée par nos hurluberlus belges, il bouleverse les habitudes
d‟un théâtre bourgeois et ampoulé.
Tant mieux: sortir des pistes fléchées, faire ce qui ne se fait pas, être réfractaire aux lieux communs, tout cela
semble inscrit dans leur cahier des charges. D’emblée, ils nous plongent dans un univers d’une radicale
étrangeté, un “ailleurs” absurde, autodérisoire et désenchanté. Et on se laisse porter sans trop savoir ce que le
spectacle va vous raconter, ni où il va aller. Mais du credo artistique qui anime la compagnie Marius (“un minimum de
moyens et un maximum d‟imagination”), on en est tout à fait certain!
L‟histoire virevolte autour d‟Al Lewis (Herwig Ilegems) et de Willie Clark, (Kris Van Trier), deux comiques sur le retour,
acariâtres et perclus de solitude. Ces deux géants de la comédie sont brouillés depuis douze ans lorsqu‟on leur propose
de reformer le numéro qui avait fait leur gloire : “Le docteur va vous recevoir tout de suite”. Pas très folichon ? Au
contraire, car tout ici, et encore plus qu‟autre part, est dans la manière. Véritables figures burlesques inédites, ces antihéros comico-pathétiques et furtifs révèlent vite leur puissance burlesque.
Si une partie de l‟humour naît des situations, il tient aussi aux digressions saugrenues, aux tournures langagières
cocasses. Mais le comique est aussi physique avec, d‟un côté, Wil, grand lamantin érigeant la gaucherie en art de (ne
pas) vivre, et de l‟autre, Ben (Waas Gramser), son neveu bienveillant. Drôle d‟association où le laconisme de l‟un et la
vivacité de l‟autre forment un cocktail détonant!
Un peu comme les membres de l‟Oulipo menés autrefois par Perec, ces drôles de loustics pulvérisent la narration, avec
ça et là des déflagrations nostalgiques, des frayeurs (la maladie, la mort, la séparation d „avec les autres, mais aussi
d‟avec ses propres souvenirs). C‟est dans cet art désinvolte de malmener la raison, de batifoler avec la langue et de
magnifier l‟étrange que la compagnie tient sa signature. Si le rire se dilue parfois, escamoté par des seringues géantes
et des infirmières salaces (Kyoko Scholiers), l „ensemble distille un charme trouble. Le plus irresistible ? C‟est la liberté
qui s‟en dégage: un monde libre où il ne fait pas toujours bon vivre, mais un monde en marge qui résiste. C‟est ça, les
Sunshine Boys, un petit traité de résistance à la standardisation.

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