Un cas exemplaire de boulimie - Eki-Lib
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Un cas exemplaire de boulimie - Eki-Lib
MURIEL : UN CAS EXEMPLAIRE DE BOULIMIE C’est par une belle après-midi de printemps que j’ai fait la connaissance de Muriel. Une jolie brune de vingt-cinq ans, aux yeux verts, venue consulter à l’hôpital pour un soi-disant problème de poids, en fait pour une boulimie qu’elle n’arrive pas à vaincre. toujours la hantise de grossir : je voudrais être mince pour plaire à mon père, car sa deuxième femme a la taille mannequin et j’ai l’impression qu’il me rejette si je suis ronde ». « J’ai été violée à l’âge de dix-huit ans, mais je n’ai pu en parler à personne, quant au commissaire il m’a dit que je ferais mieux de porter plainte pour un vol de sac que pour un viol… Elle est vêtue de noir, en dépit de sa jeunesse et d’un soleil resplendissant, cela pour affiner une ligne qu’elle juge trop rebondie. Elle pèse, en réalité, 50 kilos pour 1,67 mètre, ce qui est loin d’en faire une obèse. « Alors j’ai fait l’autruche, parce que mes parents ont toujours fait l’autruche, mais j’ai des angoisses terribles, alors je bouffe, mais après j’ai honte et je me sens coupable. « J’appartiens, me dit-elle, à une famille bourgeoise de province, je suis divorcée comme mes parents, et j’ai deux enfants de cinq et trois ans. Je travaille dans une boutique de mode, et je vis avec un garçon de mon âge, qui est malheureusement au chômage depuis un an, ce que je supporte très mal ». « Je ne supporte pas le regard des hommes dans la rue, et je n’ai plus envie de faire l’amour avec mon ami, ni avec personne. Mon mari était étranger, je l’ai épousé pour fuir ma famille mais j’ai été avec lui très malheureuse car il me barrait pour un rien : il était vraiment « cinglé ». « J’ai une sœur et deux demi-frères du deuxième mariage de mon père. Mon enfance a été perturbée par la séparation de mes parents et j’en garde un mauvais souvenir. Quand nous étions enfants, si on posait des questions, on ne nous répondait pas et encore aujourd’hui, je parle de banalités avec mon père ; quant à ma mère elle n’était pas tendre et dénigrait tout ce que je faisais. Je me ronge les ongles depuis toujours, je fume deux paquets par jour, mange sans faim et sans raison après quoi je vois tout en noir et je me fais vomir ». « Vers l’âge de quinze ans, j’ai été habité chez ma grand-mère avec qui je m’entendais bien, mais j’ai toujours pensé que si l’on m’avait confiée à elle, c’étais parce que mes parents voulaient se débarrasser de moi. « J’ai très souvent une impression de vide intérieur ; pour le combler je me remplis en mangeant n’importe quoi. C’est-à-dire tout ce qui me tombe sous la main : biscuits, chocolat, confiture, mais ensuite il me semble qu’un autre habite mon corps, alors pour m’en débarrasser je me fais vomir; dans les périodes de crise cela m’arrive plusieurs fois par jour. » « A l’âge de treize ans, j’ai été anorexique et j’étais arrivée à peser 42 kilos, ensuite j’ai regrossi de façon anarchique, à la manière d’un accordéon : tantôt trop grosse, tantôt trop maigre, Actuellement je suis à peu près stabilisée, mais j’ai 1 MURIEL : UN CAS EXEMPLAIRE DE BOULIMIE deuxième femme que de sa fille aînée, ce « Lorsque je vais chez des amis, en qui a suscité la jalousie de cette dernière général je mange très peu, mais dès que et, par la suite, ses efforts de séduction. je suis seule, l’angoisse m’étreint et j’ai Son enfance s’est donc passée dans la des boulimies effrayantes qui me laissent solitude, sans dialogue et sans gaieté. ensuite désespérée. Il m’arrive de me relever la nuit, et de faire tout le quartier Elle n’a pas pu s’identifier à sa mère pour trouver une épicerie ou un qu’elle rejetait inconsciemment et cela a drugstore ouvert. été le premier écueil à sa féminité : pour nous construire nous avons besoin de « Je n’ai plus envie de faire des câlins, pouvoir nous identifier au parent du même à mes enfants ; j’ai l’impression même sexe que nous : c’est notre que celai va m’entamer. « Je voudrais premier et indispensable modèle. redevenir une gamine, être en quelque sorte la petite-fille de mon père. » N’ayant pas été sans son enfance câlinée et embrassée, elle rejette, devenue adulte, « Après cette dernière confidence, les contacts physiques et ne peut à son Muriel s’est tue, mais deux larmes tour donner de tendresse à ses enfants. perlaient à ses jolis yeux. Notre Le vécu de la première enfance entretien s’est alors terminé sur la conditionne notre comportement futur, promesse d’un au revoir. et il est bien connu des assistantes sociales que les parents qui battent leurs Muriel a tenu parole et une enfants ont pour la plupart été des psychothérapie a été entreprise; elle fut enfants battus, Ce phénomène de difficile et assez longue, car Muriel qui répétition a particulièrement été mis en avait une « image mère » très défavorable lumière par Freud. avait du mal à accepter les interprétations venant d’un thérapeute féminin. Par Muriel n’a pas souffert de violence sans ailleurs son attachement à son père a dû son milieu familial mais, mal aimée, elle être explicité, pour lui permettre d’être s’est crue rejetée, « presque de trop », enfin disponible pour une relation adulte non désirée par ceux qui auraient dû, avec un autre homme. tout d’abord, lui donner confiance en elle et en la vie. Analyse et commentaire du cas de Muriel. L’agression sexuelle dont elle a été victime par la suite n’a fait que l’inciter à déplorer encore plus son statut de femme, et lui a donné une image catastrophique de l’homme. Muriel souffre d’un profond sentiment d’abandon. Bien qu’ayant été élevée dans une famille pour qui les difficultés matérielles n’existaient pas, elle a vécu dans l’insécurité car, si le manque d’argent n’est pas mortel, le manque d’amour est déstructurent. Ne pouvant se confier à une mère qui la critiquait et ne lui manifestait aucune tendresse, elle d’est tournée vers son père, mais ce dernier est plus préoccupé de sa Le traumatisme du viol aurait cependant pu être liquidé assez vite si elle avait trouvé dans son entourage un accueil compatissant; hélas il lui a été pratiquement impossible d’en parler à ses parents, qui auraient dû être les premiers 2 MURIEL : UN CAS EXEMPLAIRE DE BOULIMIE En définitive, la boulimie de Muriel n’est ici, à lui apporter un réconfort. Après cela, comme dans la plupart des cas, qu’une comment s’étonner que son choix compensation aux traumatismes et conjugal soit un fiasco! On ne choisit pas frustrations passées et présentes. un époux pour fuir sa famille, mais parce qu’on l’aime et que l’on a envie de Faute d’une tendresse dont elle est avide et partager avec lui les joies et les peines de qui ne lui a jamais été prodiguée, Muriel se la vie. Seules ces dernières ont été le lot console en mangeant de façon désordonnée, de Muriel, qui est sortie de son mariage la nourriture étant en quelque sorte un encore plus traumatisée. substitut aux paroles et gestes affectueux qui lui on toujours manqué. Anxieuse depuis l’enfance __ ne se rongeait-elle pas les ongles ? __, elle se mit alors à fumer et à manger n’importe quoi pour se rassurer, pour « faire du poids » et surtout, inconsciemment, pour retrouver les satisfactions primitives du bébé que l’on calme en lui donnant à manger. Mais de même que le vin ne remplace pas la chaleur d’une amitié, le chocolat ou les gâteaux ne peuvent remplacer la tendresse d’une mère ou l’attention protectrice d’un père. Muriel a un besoin considérable de plaire et d’être aimée, mais elle ne sait pas le formuler, car elle n’a jamais eu droit à la parole : « mange et tais-toi », c’est tout ce qu’elle a connu, c’est pourquoi elle mange, elle « bouffe », elle s’empiffre, mais cela ne la remplit que de honte, de dégoût d’elle-même et de la vie. Cependant pour elle comme pour toutes les boulimiques, l’espoir existe, et c’est le message que ce livre tient à vous apporter. Le choix, enfin, d’un compagnon, certes plus affectueux et pas brutal comme son mari, mais immature et sans situation, n’est qu’un pis-aller qui ne peut la satisfaire. Comment d’ailleurs pourrait-elle l’être, puisque n’ayant jamais dépassé le stade oedipien fait d’amour pour le parent du sexe opposé et qui se déroule généralement vers l’âge de cinq ans, elle a idéalisé son père, ce qui lui permet, en vertu de tabou de l’inceste, de vivre un amour dématérialisé et surtout platonique. Informe toi à Éki-Lib Santé Côte-Nord Au 418-968-3960 1-877-968-3960 C.P. 1758 Sept-Îles (Québec) G4R 5C7 1. Lui faire prendre conscience que son attitude de séduction vis-à-vis de son père est une régression infantile est, en premier lieu, essentiel. 2. Quant à son comportement alimentaire pathologique, il faut lui faire comprendre qu’il est motivé par les angoisses de son enfance et qu’en agissant de la sorte elle retourne au stade oral, celui du bébé que l’on gave pour l’empêcher de pleurer. Josée ou Linda… C’est seulement en parlant de ses difficultés passées, en les revivant au besoin en rêve ou en analyse, qu’elle pourra s’en libérer. 3