Operation Amaryllis
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Operation Amaryllis
FABRICE NICIEJA OPERATION AMARYLLiS Copyright © 2004 Fabrice Nicieja Cet ouvrage ne peut être reproduit, même partiellement, sous quelque forme que ce soit sans une autorisation écrite de l'auteur. Tout droits d'adaptation, de traduction et de reproduction réservés pour tous pays. Ce livre est un travail de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les événements sont une production de l'imagination de l'auteur ou sont utilisés de façon fictive. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou mortes, des événements ou lieux serait une pure coïncidence. A ma délicieuse et merveilleuse amie, Anne-Cécile Femme libérée Le premier personnage de cette histoire nous emmène sur une île située au beau milieu du pacifique sud, perdue parmi une constellation d'autres îles plus ou moins habitées. Nous sommes ici sur une ancienne colonie britannique devenue indépendante et il ne reste plus guère que la langue et quelques vielles bâtisses pour rappeler 203 ans d'occupation à des fins purement militaire. Mis à part la pêche, quelques champs de bananes et de cannes à sucre, l'île dépend entièrement de ses voisines et du passage mensuel d'un cargo en provenance du continent américain. Mais St Agathe Island a un atout sur les autres: sur ses 1960km2 de superficie règne plus d'une centaine de micro climats dus principalement à un relief très varié. Cela favorise une végétation très diversifiée et abondante. Et grâce à cela, cette perle verte dans un écrin d'un bleu profond, a su plaire à un tourisme vert modéré. Les chemins de randonnées sont nombreux et passent par divers panoramas et paysages comme des plaines volcaniques, la jungle humide et autres vallées cornes d'abondance. Les grands complexes hôteliers n'ont pas le droit de citer, le gouvernement ayant préféré privilégier les petits gîtes certes moins rentables financièrement mais tellement plus agréable pour s'imprégner réellement du pays et faire participer la population au demeurant très chaleureuse. Utopie ou développement durable, le futur le dira. Vous ajoutez à tout cela une température qui oscille entre 20° et 34°, un soleil bien présent et vous avez tout le charme de ce paradis pour vadrouilleur adepte de la marche à pied. Pour venir deux solutions, le petit aérodrome ou alors le port de 1 Opération Amaryllis plaisance construit à la place de l'ancien embarcadère de la Royal Navy à St Agathe, la seule ville du pays. Une route principale fait le tour d’île et pour le reste il faut emprunter les chemins en terre battue pour joindre les petits villages ce qui explique la présence de nombreux 4x4. Mais là encore tout est fait pour réglementer leur utilisation et leur prolifération. Partons maintenant vers l'un de ces petits gîtes situés sur la cote. Le voisinage est discret et la végétation faite de magnolias, frangipaniers, palmiers et autres yuccas, offre un espace de vie privatif très appréciable. Au bout d'un chemin laissant à peine la place pour le passage d'une voiture, une maison style colonial tout en bois vous accueille. Le bougainvillier jaune et violet c'est très largement répandu sur la structure. Nous entrons tout d'abord dans une grande pièce principale claire qui couvre toute la profondeur de la construction. Nous nous dirigeons vers la baie vitrée au fond, tout en longeant à gauche une chambre puis une salle de bain et à droite un débarras et une cuisine à l'américaine. Très peu d'ameublement mais il semble offrir un confort de première qualité: lit deux places, canapé, tabouret, armoire. L'occupant des lieux a laissé sa trace en disposant ici ou là quelques bougies, deux vases avec des anthuriums et oiseaux de paradis fraîchement coupés, une pile de bouquin au pied du sofa. Des croquis au crayon gris, signé AK, d'enfant et de femmes sont disposés sur la table basse ainsi qu'une petite trousse bleue. Il règne dans la pièce une douce est agréable odeur de bois et de cannelle, et ont distingue aussi l'odeur d'un parfum envoûtant. Plus de doute, une femme, probablement une artiste à en juger par la qualité des dessins, occupe les lieux. Nous ouvrons la baie et une légère brise marine nous accueille sur une petite terrasse couverte où entre deux piliers flotte un hamac, invitation au songe. Notre regard attiré par le bruit des vaguelettes, suit un chemin très court, puis un ponton 2 š Femme libérée › en bois qui rentre très largement dans l'eau d'un vert bouteille limpide. Un gommier de couleur rouge et bleu y est arrimé. Au bout de la plate-forme une jeune femme d'à peine 30ans semble attendre. Ses yeux sont cachés derrière une paire de lunette noire, un chapeau de paille protége du soleil une longue chevelure châtain foncé restreinte par un chouchou noir et enfin un paréo couvre des formes qui sont définitivement féminines. Alors qu'au loin une barque s'avance à vive allure, la jeune inconnue agite une main et abaisse ses lunettes de l'autre pour laisser apparaître deux yeux marrons qui donnent de l'intensité à ce visage qu'une bouche finement tracée rend particulièrement sensuel. La barque verte et jaune pilotée par un local d'une cinquantaine d'année se stoppe et malgré c'est 1m80, elle prend position dans le bateau avec beaucoup de grâce. Elle emporte un sac de plage. Le bateau repart. Il est temps pour moi de vous abandonner en sa compagnie et nous nous retrouvons au prochain chapitre. --"Halo m'zelle, where do you want to go this m'ning ?" lance le pilote avec un sourire généreux qui laisse apparaître une dent manquante donnant un air comique à son visage. Elle avec un accent français "Hi, please Isidore go to the small natural island in the centre of the sea, you show me last time." "And please call me Annah, we know both of us now." murmure-t-elle. "As you want, m'zelle Annah, here we go." Le bateau s'élance et Annah retire son chapeau et ses lunettes. L'air induit par la vitesse de l'embarcation, lui chatouille le visage et lui masse le cuir chevelu. Un de ses plaisirs simples qui lui rappel son enfance, au temps bénit où la clim. n'existait pas encore et où il fallait ouvrir les fenêtres 3 Opération Amaryllis en grand de la voiture pour se rafraîchir. "Quel chemin parcouru et de souffrances endurées depuis ce temps" pense-t-elle. Mais aujourd'hui c'est fini, elle s’est arrêtée avant de se détruire totalement et son dernier client lui a rapporté plus d'argent que tous ces clients précédents. La fuite était sa seule chance. Elle est libre de ses mouvements, de son corps, de ses émotions, plus simplement de sa vie. Pendant le court trajet elle s'adonne à la rêvasserie. Le ralentissement du bateau et le bruit de la chaîne de l'ancre la ramène à la réalité. Elle ouvre les yeux et se retrouve avec une certaine joie au abord d'un petit îlot de 100m2 de sable blanc et de palmiers en plein océan. "Isidore, is it ok to stay here for 2hours, is it not a problem for you ?" "Oh no m'zelle, I've take some item with me to help past the time." dit-il lui faisant un clin d’œil et brandissant une bouteille de rhum. En toute confiance parce qu'elle sait qu'il va uniquement boire une gorgée et ensuite faire un somme elle lui répond "You incredible! I'm happy to know you." Elle retire son paréo laissant apparaître un deux pièces en madras sexy mais très correct et une fine chaîne en or. Elle range son paréo, lunette et chapeau dans son sac puis Isidore lui tant une main ferme pour l'aider à se glisser dans l'eau où elle a pied. "The water is delicious, why don't you come on the beach ?" "Nah I'm too old for that now." avec un léger air de quelqu'un qui a peur de mettre le pied dans l'eau. "As you want and have a good nap." "Ha! Ha! Ha! Thanks m'zelle." Le sac sur une de ses épaules pour ne pas le mouiller, elle se dirige vers la plage ou seule un jeune couple est présent. Serviette de bain et lotion solaire sont extirpées du sac. Après une rapide vérification elle s'exclame "Hum! Pas mal du tout ce bronzage. Un petit saut à l'eau et je vais me peaufiner 4 š Femme libérée › cela." Avant d'enchaîner l'action à la parole, elle se protége copieusement "Allez une bonne couche parce que je le vaux bien, hi! Hi! Hi!" Après un court mais tonifiant séjour dans l'eau, elle s'allonge. Très rapidement le soleil la sèche et une légère brise vient la caresser tout en gardant une température très supportable. Le bruit des vagues au loin commence à la bercer tranquillement. "Je suis heureuse, je suis libre..." dit-elle d'une voix chaude et douce. 5 Pas de sentiments ici Après ce passage par les îles, nous changeons totalement de latitude pour nous retrouver à Paris en plein hiver... Ah! Je sens parmi vous des déçus. Et oui comme vous je serais bien resté au chaud mais que voulez-vous l'histoire est l'histoire et il faut bien aller là où se trouve l'action. Et puis, en plus, je vous gâte car en ce début d'après-midi frisquet, il pleut. Oh la! Je sens que je vous perds mais ne partez pas encore, car tout de même nous sommes dans le quartier de Montmartre, le village comme le nomment ses habitants avec une certaine fierté. Un coin très sympathique même par temps humide avec ses pavés, ses ateliers de peintres reconvertis en maison, ses arbres, son Sacré-Cœur, ses petites places, son panorama inoubliable sur cette jolie capitale. Et puis c'est agréable de déambuler dans ses rues vidées des pseudo-dessinateurs et autres vendeurs à la sauvette attirés par l'appât du gain que représentent les touristes étrangers qui viennent ici par bus entiers. Nous sommes totalement hors saison et le Parisien peut se réapproprier la place. Et puis il y a de la vie dans ce quartier et du contraste avec ses sexe-shop et autres palais faisant l'apologie du sexe, ses églises et toute une ribambelle de commerçants qui n'hésitent pas à crier "Goûtez ma p'tite dame mes bonnes fraises bien rouges et fraîches. Ah! Elles sont bonnes mes fraises avec leur chaire ferme. Goûtez mes fraises, Goûtez mes bonnes fraises..." Et puis Montmartre c'est les restos sympas aussi, gastronomique ou encore de cuisine fine. Un petit magret de canard au miel et romarin ça ne vous fait pas de suite saliver, une tatin de tomates confites... mais je m'égare et il est temps 7 Opération Amaryllis de retourner à nos blancs moutons. Prenons donc la direction d'un café pas très loin de la place des Abbesses. Sa façade un peu vieillotte dégage un air rétro et nostalgique que la grisaille ambiante amplifie. Vous entrez "Chez Lucien", et le patron, un grand gaillard essuyant délicatement une choppe de bière avec un chiffon blanc, vous accueille avec un timide sourire de bienvenue. En opposition sa femme accoudée au zinc, interrompt deux secondes la conversation qu'elle dirigeait avec deux vieillards, pour vous examiner de la tête aux pieds et se fait une idée de vous à une vitesse qui ferait rougir de jalousie un physionomiste de boîte de nuit. Elle reprend sa conversation, ouf! Vous pouvez aller vous asseoir et commander un demi. Mis à part cette odeur commune à tous les bistrots, mélange de tabac froid et d'alcool, le cadre est particulier et chaleureux de par la présence du bois et par aussi les nombreuses photos qui couvrent les murs. Ici ou là vous reconnaissait une personne, mais il y a surtout des photos d'équipes de Rugby et de joyeuse troisième mi-temps. Les maillots arborant fièrement le coq, coupes, plaques et les ballons dédicacés donnent le thème du bar. Sur chaque table, qui est recouverte d'une nappe en tissu tout de même plus agréable que le plastique, outre le cendrier traditionnel, ici de forme ovale, un petit vase contient quelques œillets. Alors que vous vous apprêter à ingurgiter votre première rasade de votre spiritueux préféré, un homme athlétique et dégageant une impression de force entre. Réglée comme un automate, la patronne scanne les 1m75 du type au peigne fin. Chemise à carreaux bleus sous une veste en cuir, pantalon de velours beige et chaussure de ville noire. La tête de ce blond semble honnête et la tenue est correcte. Il n'y aura pas de scandale. A peine rentré, lui, c'est sur une table près de la fenêtre qu'il a jeté son dévolu et le faite qu'elle soit libre, a imprimé une sorte 8 š Pas de sentiments ici › de soulagement sur son visage. Après avoir dézipé son cuir, il s'y assoit avec beaucoup de souplesse et de contrôle dans ses gestes comme si tout était calculé. Son regard vert olive fait le tour de la pièce pour se figer sur celui de Lucien pendant quelques secondes. C'est un regard particulier qui est échangé entre ces deux hommes, celui de deux personnes ne se connaissant pas mais qui se sont déjà vu à mainte reprise. Le patron, d'un visage neutre et solennel, acquiesce et prépare un café serré sans qu'aucunes paroles n'aient été échangées avant de l'apporté sur la table de cet inconnu. Et il est temps pour moi de vous laissez un temps avec ce dernier pour faire plus ample connaissance. --"Merci beaucoup." "Je vous en prie." "Cela fait un an que je ne suis pas venu dans ce café," penset-il "et il y a toujours la même ambiance depuis maintenant plus de 17 ans. Je me souviens de cet après-midi ou j'avais rencontré Céline comme si c'était hier. Après m'avoir dragué alors que je regardais des jongleurs et des cracheurs de feux sur la place, elle m'avait entraîné ici. Nous avons ri, papoté, parlé de tout et de rien toute l'après-midi à cette table, ignorant le monde autour de nous. Et puis mes yeux ont plongé dans les siens et elle dans les miens et nous nous sommes tus avec, sur notre bouille, l'expression de celui, de celle qui sait. Nos mains, hors de contrôle, se sont touchées comme pour confirmer la naissance de notre passion." Avec le recul, il se remémore "Oh! Je sais maintenant qu'elle était en mission pour le Service avec pour impératif de me recruter, moi le membre des commandos d'élite de la Marine. Mais ce sont les aléas des opérations et l'amour est un facteur qu'il est impossible à contrôler." 9 Opération Amaryllis Sentant une larme venir dans le coin de l'œil, il saisit la tasse est boit une première gorgée. Ensuite il sort de son emballage la noisette entourée de chocolat et la met à sa bouche. Le sucre, lui rappel tous les bons moments avec elle, la complicité, les partages, la communion de tous les jours. Bon il idéalise un peu mais après 13 ans sans elle, il ne reste plus que les meilleurs moments. Il se rappelle aussi et surtout de cet autre après-midi où ils se sont retrouvés à cette même table et où, tenant sa main dans les siennes, il lui a déclaré "Mademoiselle Céline voulais vous me prendre moi, David, comme époux ?" et elle de répondre en rougissant "Au plus profond de moi, Oui, David ! J'attendais que tu me le demandes." Mais un mois après, Céline est bombardée en urgence sur une mission. Les précautions de rigueur n'ont pas été prises, les sources d'informations non vérifiées et elle se fait abattre par le Client qu'elle devait éliminer. Un malheur n'arrivant jamais seul il apprend, par la mère de Céline, qu'elle était enceinte. "Pourquoi ne m'a-t-elle rien dit. Je l'aurais empêchée de partir." se dit-il "Son départ a laissé désolation et sécheresse dans ma vie. Par pure vengeance je suis rentré dans le Service pour finir son travail et ça m'a condamné à être un tueur à gage autorisé à la solde du Service. Mais que pouvaisje faire d'autre ?" Il sent une larme venir, il prend alors une grosse gorgée en espérant que l'amertume du café chasse sa faiblesse, indigne d'un homme. Son téléphone beep, un texto à lire, le message: le Service vous attend David se lève et quitte le café. La tenancière n'ayant pas loupé du coin de l'œil la détresse de David, s'écrit "Vous avez vu ce grand dadet sur le point de 10 š Pas de sentiments ici › pleurer !". Son mari se retourne et d'un air qui ne laisse place à aucune réplique lui assène un "Ferme là, connasse." 11 A bout de fric Vous revoilà! Désolé de n'avoir pu vous laisser flâner plus longtemps dans les rues de la Butte mais les événements se précipitent Rive Gauche et notre dernier acteur de l'histoire s'apprête à commettre l'irréparable. En effet, celui-ci est maintenant sur le Pont des Arts. Et par cette fin d'après-midi, alors que l'obscurité est déjà bien présente, il se demande s'il ne devrait pas mettre fin à sa vie en se jetant par-dessus la balustrade. Quatre mètres plus bas, la Seine particulièrement haute et tourmentée du fait de la pluie incessante de ces dernières semaines, ne ferait qu'une bouché de lui. Mais avant de vous laisser seul avec son désespoir, je vous fais un rapide rappel de la situation. Alex, ou plutôt Alexandre, est un blond d'1m86, 29 ans, que l'on croirait tout droit venu de Suède. Allure athlétique, belle gueule d'amour, et un regard bleu comme les glaciers, lui ont valu de poser de nombreuses fois dans les magazines fashion de la planète. Toujours très classe, il aime sa garde-robe “ Hugo Boss ”, les voitures de sports et les femmes. Les belles femmes cela va s'en dire ou alors celles qui lui résistent, qui disent non malgré son physique, son charme et son aisance dans la parole. Tout est alors bon pour venir à bout de toute résistance. Mais cette belle tête n'est pas vide car c'est un amoureux de l'art, un inconditionnel de la peinture et un fin expert. Et d'ailleurs se retrouver aujourd'hui entre le Louvre et le quartier Odéon où il avait une galerie est hautement symbolique pour lui. Oui je dis bien où il avait car depuis ce matin tout a basculé. En effet notre Don Juan est un peu un magouilleur et un 13 Opération Amaryllis accumulateur de dettes, pour vivre à un tel niveau de vie il faut de l'argent. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, surtout quand elles sont illégales. Et à l'aube, la tête enfariné avec une folle envie de s'arracher les cheveux suite à la petite fête un peu trop arrosée de la veille, il a vu débarquer huissiers, policiers et déménageurs pour saisir tout sauf le strict minimum matelas, frigo, etc. Et encore il ne va pas pouvoir rester longtemps dans le duplex qu'il occupait car le propriétaire n'a pas tardé, suivi de peu dans ce cortège funéraire de ses associés de la galerie, de l'agent d'EDF. Enfin cerise sur le gâteau son bookmaker favori est venu lui rendre une pré-visite de contrôle comme il dit, juste amicale pour lui signifier qu'il avait une semaine pour le rembourser sous peine de voir Gaston le Ferrailleur et Lulu la Chignole lui rendre visite. --"Que vais-je bien pouvoir faire ?" marmonne-t-il en claquant des dents. Alex est là depuis plus d'une heure et la pluie commence à pénétrer son duffle-coat tout neuf. Le froid s'empare progressivement de lui mais pas à la même vitesse que ses angoisses. Un jeune type un peu nerveux et en survêtement, qui fait des vas et viens sur le pont s'approche alors de lui et lui glisse "Euh, m'sieur, tu veux du chichon ?Alex troublé dans ses pensés noires se retourne et lui assène un regard qui souffle le froid. Le jeune homme pas découragé pour un sous, lui lance alors "Hé! C’est d'la bonne." Alex attrape une oreille du dealer et lui insuffle d'une voix menaçante "Arraches toi de là vermine ou j'te balance à la flotte." "Oh! Arrête mec! Ail! T'es guedin! J'fais mon métier. Ok j'me casse!!!" 14 š A bout de fric › Alex le relâche et le type prend alors ses jambes à son cou en lançant un minable "Nique ta race, si on t'retouvre, parole, avec la bande on-t'met ta mère." "Rien ne m'aura été épargné décidément cette journée. Que vais-je bien pouvoir faire ? Plus personne vers qui me retourner. C'est marrant d'ailleurs, la nouvelle de mon désastre de ce matin c'est répandu comme une traînée de poudre parmi mes amis et bizarrement toutes les portes se sont claquées à ma face." pense-t-il. "Ma dernière conquête m'a annoncée par téléphone qu'elle me quittait pour un autre. Pour un autre?! Pour qui?! Pour Alberto... Putain! Alberto mon meilleur pot, mon confident, la personne en qui j'avais le plus confiance. On a été élevé ensemble, on a été à l'école ensemble, on a fait l'Armée ensemble. Et à voir comment l'autre elle gloussait au téléphone, il devait être en train de la tringler pendant que je parlais a cette salope." "Que vais-je bien pouvoir faire ? Je suis tombé trop bas cette fois, je n'ai plus d'espoir. Faut que j'en finisse." Alex lève les yeux au ciel tout en commençant à grimper sur le fin grillage, et l'athée qu'il est, balance vers les cieux "Ecoutes moi bien dieu, si tu existes, j'arrive et nous allons régler nos comptes..." C'est alors qu'arrive aux oreilles d'Alex, avec un fort accent anglo-saxon un "Excusez-moi, je suis un peu perdu." Alex se retourne et tombe nez à nez avec une superbe blonde. Il stoppe alors sa course vers ça fin, regarde à nouveau le ciel et dit "Toi là haut tu as eu de la chance." "Sorry?" dit la jeune femme. Lui sortant son plus beau sourire "Oh! Rien je disais que vous aviez de la chance, je connais Paris comme ma poche. Que puis-je pour vous ?" --15 Opération Amaryllis Ouf! Nous avons eut de la chance nous aussi, il ne s'est pas jeté à l'eau. J'aurais eu bien du mal à continuer mon histoire si Alex s'était suicidé. Bon maintenant je vais vous laisser en compagnie de ce trio, Annah, David et Alex. Après les présentations, place à l'intrigue. 16 Parfum de fleur au service La circulation était dense et David a au moins fait trois fois le tour du pâté de maison avant de pouvoir trouver une place pour se garer. Il est maintenant devant la porte d'entrée d'un vieil immeuble en plein Paris où entre les plaques de deux médecins et une kinée, il est possible de lire: Compagnie de Nettoyage et d'Eradication Internationale Siége social Ouverture de 8h-12h et 14h-20h 2ème étage A chaque fois qu'il passe devant cette plaque il ne peut s'empêcher de se dire qu'il y a des personnes qui ont de l'humour dans le Service. L'activité de la société couverture n'est pas si éloigné que ça de la réalité, à savoir la suppression des personnes gênantes pour le gouvernement français n'importe où dans le monde. Il entre et avale les marches de l'escalier deux par deux. Deuxième étage, il pousse la porte. Une hôtesse d'accueil, personne dans les couloirs, pas de client, pas de commerciaux. Il faut dire que la CNEI ne fait pas de publicité, n'est pas dans les pages jaunes et si par hasard un client venait à se présenter, les prix catalogues des services offerts sont suffisamment prohibitifs par rapport au marché pour refroidir son intérêt. "Bonjour Monsieur. Que puis-je pour vous ?" s'exclame l'hôtesse. "Bonjour Mademoiselle, je suis Paul V. et j'avais rendez-vous 17 Opération Amaryllis avec votre patron." Elle fait semblant de feuilleter un agenda, en surveillant du coin de l'œil une petite diode invisible des visiteurs. Au-dessus une caméra avec micro intégré est reliée à une vigie. La diode passe au vert, le matricule 1033 a été identifié physiquement et vocalement. "Oh oui, mais vous êtes en retard. Vous pouvez aller en salle trois au fond du couloir. Je vous annonce." "Je vous remercie." lui répond-il prenant la direction indiquée. Il ouvre une porte assez lourde et pénètre dans une pièce de 40m2 sans fenêtre. Au centre, une table ronde avec 4 fauteuils en cuir. Il retire sa veste et la pose sur le porte manteau. Instinctivement il va pour éteindre son portable mais pas de risque d'être dérangé par un appel, on ne capte pas. La pièce est étanche aux ondes de toutes sortes, y compris celle de la voix. Sur la table il repère un boîtier blanc avec une petite surface noir. Il pose le pouce par habitude sur cette surface. Quelque part dans le bâtiment, un écran indique que l'empreinte digitale du matricule 1033 a été validée. Il s'assit et patiente. Quelques minutes plus tard deux hommes rentrent avec des dossiers sous le bras. David les connaît, c'est le chef du Service et son adjoint. Il se lève pour les saluer. "Bonjour, vous êtes en retard." lance le chef. "Oui j'ai eut quelques problèmes pour me garer." et de continuer sur un ton moqueur "Il serait bon de prévoir un parking pour faciliter les choses si le Service vient à perdurer dans le coin." "Prenez les transports en commun la prochaine fois." lui rétorque-t-il. "Messieurs je vous en prie un peu de calme." interrompt l'adjoint. Le chef regarde son subalterne avec des yeux méprisant qui semblent dire "De quoi je me mêle, c'est qui le big boss ici." David s'aperçoit que l'animosité entre les deux hommes n'a 18 š Parfum de fleur au service › pas baissé d'un cran depuis la dernière fois, ce qui laisse penser que l'adjoint commence à avoir les dents longues. Pas de doute sur l'ambition de ce dernier à vouloir prendre le contrôle du Service. "Nous avons une mission pour vous un peu particulière, un de nos agents... a pris congé sans notre autorisation." indique le chef. "Hum! Ca se complique." pense David, car la phrase est sans ambiguïté. Un agent a décidé de stopper son travail pour le Service sans en avoir le droit. Cela représente un acte de désertion qui comme la trahison n'a qu'une seule issue possible pour le contrevenant. Ce n'est pas tellement de devoir éliminer un des siens qui gène David car ils ne se connaissent pas, mais c'est plutôt l'état de service de la cible. Qui dit agent, dit tueur expérimenté et donc tâche compliquée et dangereuse. Et très franchement même si sa vie n'est pas follement joyeuse, il n'a pas envie de mourir. L'adjoint pousse un dossier marqué confidentiel défense vers David. "Voici l'état de service et quelques informations." David ouvre le dossier et tombe sur une série de cliché d'une jeune femme. Il ne l'a jamais vue et alors qu'il l'observe attentivement pour mieux fixer son visage dans sa mémoire, il est victime d'une hallucination: le visage de sa défunte femme se substitue à celui de cette inconnue. David le souffle coupé, secoue alors presque imperceptiblement la tête en fermant les yeux comme pour chasser une mauvaise pensée. Pas assez discret dans sa réaction, l'adjoint lui demande "Quelque chose ne va pas ?" "Vous avez vu un fantôme #1033 ?!" ricane le chef. "Non, c'est juste que... c'est une femme. Vous savez que je n'aime pas cela suite au..." Le chef l'interrompant en frappant du poing sur la table "On se fout de vos goûts, y'a un travail à faire, point barre. Pour le reste je vous conseil d'aller le noyer dans quelques bières et 19 Opération Amaryllis de faire un tour aux chiottes après pour vous en débarrasser!" L'adjoint est outré et intervient avant que David ne laisse exploser sa colère "S'il vous plait, continuer la lecture du dossier." David récupère son sang-froid en inspirant et expirant un bon coup et passe au rapport de service de la cible. Celui-ci détail en plus des mensurations, états civil, études, etc., l'ensemble des compétences et faiblesses en combat, ainsi que la notation de ses supérieurs pour chaque mission. Par habitude, David trace rapidement le profil d'une tueuse à l'arme blanche de préférence, car elle n'aime pas les armes à feux, qui charme ces cibles pour pouvoir les approcher au plus prêt et leur faire la peau. "Pas une mission impossible," lui semble-t-il "mais voyons ce que je peux obtenir en échange, c'est le moment de se vendre." "Ce n'est pas une cible facile que vous me donnez là. Son état de service est particulièrement élogieux. Pas sûr que je serai capable." Le chef prend en charge la négociation d'un "Voyons #1033 vous êtes l'un de nos meilleurs éléments et vous avez déjà couvert des missions plus périlleuses." Nous planons en pleine hypocrisie et cirage de pompe pense David. "Sa notation est meilleure que la mienne et elle est plus jeune. Il y a tout de même un risque que j'y reste dans cette histoire !" "Tout est une question de motivation, et un bonus de 75% sur votre tarif habituel doit y contribuer." lance le chef d'un air complice. David sent qu'il peut gratter un peu plus et il lance un "Oui mais c'est une femme ! Et j'aime pas." histoire de faire monter dans les tours le chef en espérant faire intervenir l'adjoint. Ca ne loupe pas, le visage du chef passe violemment au rouge et avant que celui-ci ne déverse un flot d'insulte, l'adjoint intervient. 20 š Parfum de fleur au service › "Puisque votre cible a pris la clef des champs sans nous le demander, je vous propose sa liberté en échange de la votre. Pour le tarif nous restons sur la base habituelle sans bonus. C'est notre dernier mot." David n'en revient pas mais ne laisse rien transparaître cette fois. "J'aurais 40 ans cette année, 40 ans est la possibilité de recommencer une nouvelle vie et de laisser derrière ce métier que j'ai pris par vengeance et continué par haine et obligation. Pour cela il suffit juste que je fasse une dernière mission, et je pourrai reprendre le contrôle de ma vie pour faire... Ah oui que vais-je bien pouvoir faire ? Peut importe nous verrons plus tard." pense-t-il. "Intéressant. J'accepte si bien sur tous les frais son à votre charge." "Oui bien sur !" martèle le chef pressé de reprendre son rôle. "Dernière chose, nous avons perdu la trace de l'agent." indique l'adjoint. "Ah! Je vais donc avoir besoin d'accéder à la bibliothèque. Si vous pouvez organiser une autorisation." "Demande acceptée." répond le chef qui joue le grand seigneur. "Est comment nomme-t-on l'opération ?" "Opération Amaryllis." lance aussitôt David inspiré par les photos de la jeune femme qu'il a encore devant lui. "Un nom de coquillage, pourquoi pas ?" Lance fièrement le chef. David et l'adjoint se regarde avec un regard qui dit "Quel con celui-la! Faudrait penser à le remplacer !" --AMARYLLIS [amarilis] n. f. Plante bulbeuse à grandes fleurs d'un rouge éclatant, d'odeur suave, dite lis Saint-Jacques. Fait partie de la famille des amaryllidacées comme la perce-neige, le 21 Opération Amaryllis narcisse, l'agave. Le bulbe est toxique. 22 Un ange va passer, passe, est passé Alex vient tout juste de se réveiller. La chambre de cet hôtel rue de Rivoli, dans laquelle il se trouve, baigne dans la lumière du soleil qui a finit par se frayer un chemin à travers les nuages dans ce dur hiver. A côté de lui la belle blonde du Pont des Arts dort encore. Il ne bouge pas, la regarde juste. C'est l'un des plus beaux moments et peut-être le seul qui fasse vibrer un temps soit peu son cœur dans le déroulement d'une relation. Avant, tout n'est que challenge, adrénaline et plaisir. Après, le stress, les complications et parfois les pleures prennent le pas. Il reste comme cela dix minutes ou peut-être une demi-heure ne regardant que le visage de l'ange endormi près de lui et ne pensant à rien. Je voulais en découdre avec l'au-delà, Le Gardien céleste ne souhaiter pas cela. Son doux messager sommeil à coté de moi, M'invitant à espérer une libération. Mais aussitôt que j'entendrai sa belle voix L'errance sans paix sera ma condamnation. "Il est temps que je me lève." souffle-t-il. Prenant soin de ne pas la réveiller, il se hisse hors du lit et nu, il se dirige vers la salle de bain. Il fait couler de l'eau froide pour s'en asperger la face afin de stimuler le réveil. Puis il retourne dans la chambre, serviette blanche autour du cou et passant devant un grand miroir il se regarde avec un certain plaisir "Hum je suis pas mal du tout comme mec !" puis pointant son doigt vers son image "You're the best, man !". La confiance est de retour, c'est déjà ça se dit-il. Rien de tel qu'une belle jeune femme pour vous remettre sur les rails. La veille au soir cette canadienne de passage à Paris pour 23 Opération Amaryllis affaire, souhaiter se rendre au Musée d'Orsay pour une nocturne après une visite du Louvre. Mais impossible de trouver un taxi, alors elle s'est mise en tête d'y aller à pied, et ne sachant qu'elle direction prendre, a demandé à Alex de l'aide. Notre homme ni une ni deux l'a alors accompagné et ils ont fait connaissance sur le chemin qui longe la Seine. Puis arrivés devant le musée, il lui a proposé de lui faire une visite guidée qu'elle a bien sûr acceptée sans aucune retenue. Alex, alors dans son environnent, a utilisé ses compétences en art pour l'impressionner. Enchantée de cette visite avec guide personnel, elle l'a invité à manger. Le coin regorge de tables de tout type allant du fast-food au grand palace, et notre Alex, s'adaptant à la situation, la conduite dans un petit restaurant de fine cuisine française au cadre intimiste et chaleureux. Beaucoup de paroles, souvent ponctuées par des rires provoqués par l'humour ravageur d'Alex, ont été échangées entre les deux au cours du repas, mais toujours en prenant soin de ne pas aborder la situation personnelle et familiale de chacun. L'ange d'un soir a insisté pour payer l'addition ce qui dans un sens arrangeait bien Alex. Protestant qu'il dormirait plus tranquille s'il s'assurait personnellement qu'elle arrive en chair et en os à son hôtel, il l'a reconduite. Sous le porche d'entrée, partant pour s'embrasser comme deux amis au moment de se séparer, il lui a habilement volé un baiser. Conquise depuis longtemps, elle n'a pas repoussé son avance voir même a engagé un second baiser plus fougueux et passionnel. C'est bien évidemment à deux qu'ils sont montés dans la chambre et pas que pour dormir sagement... Alex est maintenant à la fenêtre et il regarde dans le jardin des Tuileries où deux enfants jouent au ballon avec une personne qui est probablement leur père tandis qu'une femme, leur mère, assise sur une des chaises vertes les encourage. Belle scène familiale qui met de la tristesse dans le cœur d'Alex et lui rappelle la situation dans laquelle il se trouve. 24 š Un ange va passer, passe, est passé › "Je n'ai jamais eut le droit à tout cela moi, l'enfant abandonné sous le porche d'une église." pense-t-il. "Combien de bons moments de ce type j'ai pu manquer. Où que soient mes parents aujourd'hui, je les hais profondément pour m'avoir amené dans ce monde où je ne trouve pas ma place et où chaque jour je m'enterre un peu plus." Mais il sait très bien que cela ne sert à rien de chialer, il faut avancer et pour l'instant ce qui doit dominer son esprit c'est comment réussir à rembourser son bookmaker et le reste suivra. D'ailleurs il a déjà son idée. Ca ne l'enchante guerre, mais il n'a pas le choix, il va falloir qu'il renoue le lien avec un vieux complice travaillant pour un milieu où la seule chose qui soit blanc comme neige, c'est la coke. En attendant, il se remémore la soirée passée en se disant que c'est rarement aussi facile, mais il faut croire que chacun était à la recherche d'une relation simple entre deux adultes consentants. Derrière lui, la jeune femme se réveille et s'étant. Alex se retourne et à la vision du corps féminin aux courbes très agréables, il sent une érection doucement s'amorcer. Elle, alors maintenant parfaitement réveillée, note cet engouement et lui lance en riant "Alex, you're an incredible bastard!!! Après tout ce que nous avons fait cette nuit, tu es encore à fond sur les toasters." "Ah pardonne moi, mais je ne suis qu'un homme." dit-il d'un air de celui qui n'y peut rien. "Alors vient un peu ici bel étalon, j'ai des envies de chevauché les plaines de l'amour, cheveux au vent !" dit-elle vicieusement. --Il est midi, Alex sort de l'hôtel avec un visage serein. "Vraiment merveilleuse cette petite," se dit-il "comme tombée du ciel. Elle 25 Opération Amaryllis ne m'a même pas fait un scandale quand je lui ai dit que je partais. Et en plus elle a tout payé. Vraiment les temps changent ou alors elle m'a pris pour un gigolo." "En avant !" se lance-t-il "Il faut que je reprenne les choses en main." Il jette un coup d'œil dans le parc, la petite famille est partie semble-t-il, certainement en train de déjeuner tous ensembles. Puis il prend la direction de la place de la Concorde, yeux baissés, pour ensuite s'engouffrer dans le métro vers une destination qui n'est pas sans danger. 26 Y'a comme une odeur de cramé Equipé d'un tablier, David est chez lui, dans sa cuisine où il se prépare un dessert. Dans le four, une pizza maison est en train de cuire. Il tient beaucoup à tout faire par lui-même, plus naturel, il sait ce qu'il y met dedans alors que dans les plats préparés ou tout surgelés on ne sait jamais. Et puis de toute manière, il faut toujours rajouter. Comme à son habitude dans ces moments solitaires mais privilégiés, il se parle "Alors voyons voir, j'ai mis la farine, le sucre, le beurre et quelques grammes de levure chimique. Il ne me reste plus qu'à mettre l'épice." Reposant son livre qui est à la page d'une recette pour un crumble, il regarde sa rangée de bocaux Ducros et sélectionne le quatre-épices. Il saupoudre très largement le reste des ingrédients déjà dans le saladier en verre et très rapidement une odeur très caractéristique lui arrive aux narines, supplantant celle des pommes qu'il a pris soin de faire revenir avant avec de la cannelle et de flamber au calvados. Il repose le bocal à sa place et se met à malaxer le mélange du saladier pour agglomérer les composants de ce simple mais très succulent dessert. Il adore faire cela, le toucher de la texture de la pâte, l'odeur qu'il ne fait que développer par son travail. Cuisiner pour lui est un plaisir et un bon moyen de mettre à part ses problèmes. Bizarre d'ailleurs, dès qu'il se met aux fourneaux plus rien n'existe autour, il fait le vide dans sa tête et ne pense qu'à suivre scrupuleusement les indications. Enfin pas si sérieusement que ça car comme tout le monde le sais, il faut souvent adapter les recettes. Après quelques minutes, satisfait de la structure de gravier, il stoppe et va pour se laver 27 Opération Amaryllis les mains. Ensuite il repartit, professionnellement et de façon égale, sa pâte sur les pommes. "Voila, plus qu'à mettre au four." Dehors, un coup de puissant klaxon attire son attention et le fait sortir de sa bulle. Il se dirige vers la fenêtre de sa chambre. "Ce n'est rien, encore un livreur pressé. Ils me font rire ces parisiens," pense-t-il "il faudrait passer de 0 à 50km/h à la microseconde suivant le passage au vert." "Maudit feux rouges" s'exclame-t-il regardant le poteau incriminé. "Encore passé une mauvaise nuit à cause de toi !" Il faut dire que la circulation devant chez lui est plutôt importante à toutes les heures de la journée et ce feu amène son lot de freinages, accélérations, klaxons et vibrations de moteur que la nuit ne fait qu'amplifier. Enfin ce n'est pas si sûr que ce soit uniquement le bruit qui l'ait empêché de dormir cette nuit mais plutôt l'inquiétude vis à vis de la nouvelle mission et la somme de questions que celle-ci soulève. Que vais-je faire quand je serais libéré de mon contrat ? Y a-t-il vraiment une retraite pour un tueur ? Y a-t-il un piége ? Etc. Il a eut beau ce dire à plusieurs reprise "Allez maintenant il faut dormir.", son cerveau n'a rien voulu entendre et a mouliné toute la nuit ou presque. Levé à l'aube avec la gueule des mauvais jours, il a pris un léger petit-déjeuner avant d'aller courir ses 10km de jogging quotidien, suivis de son heure de musculation et d'étirements. Pour ponctuer l'ensemble et en guise de remède pour sa mauvaise nuit, il a fini avec une séance de yoga. Contrôle de l'esprit, force et souplesse sont les clefs de sa réussite dans le métier. Mais alors qu'il est maintenant accouder au montant de sa fenêtre et malgré toute cette dépense physique, toutes les questions de la nuit ressurgissent et il n'a pas une bribe de réponse à offrir. "Masturbation de l'esprit que tout cela." murmure-t-il. 28 š Y'a comme une odeur de cramé › Il reste comme cela pendant un moment, le regard perdu dans la vie qui s'agite en bas. Puis soudain une alarme dans le coin de son cerveau retentit, une odeur acre très rapidement identifiée comme venant de la cuisine assaille son odora. "Merde la pizza !!!" hurle-t-il se ruant vers le four. Leçon numéro uno en cuisine, rester concentrer sinon c'est la catastrophe et David contemple maintenant le résultat fumant de l'oublie de ce principe. "Y'a comme une odeur de cramé." dit-il ironiquement "Ouais, une odeur de cramé comme celle que dégage cette nouvelle mission." 29 Le naturel reprend le dessus Annah revient du marché toujours accompagnée par Isidore et leur bateau s'arrête au bout du ponton. "Thanks a lot to you for driving me to the town. It's really a pleasure to go by the sea." Toujours aussi souriant, il répond "You welcome, m'zelle." et l'aide à sortir du bateau ainsi que ses emplettes. "Now I've to go, my two grand-children are waiting for me." "How wonderful! Are they here for some holidays ?" "Yes, they are. But..." lui hésitant "if you want to meet them, you can come at 4 for the tea." avant de clôturer avec les yeux en bas comme ceux qui ont peur de gêner "And it could be great if you draw a picture of them with me." "Oh! Yes of course I will come, it's really a nice idea." s'exclame Annah les yeux brillants à l'idée d'avoir des volontaires pour poser mais surtout d'être en contact avec des enfants. "So, see you at 4." dit-il les yeux remplie de joie, la main déjà sur les gaz de son navire. Tandis qu'il s'éloigne, elle lui fait un au revoir de la main qu'il retourne, puis elle ramasse ses commissions et se dirige vers son chez-elle. Crevettes, cuisses de poulet, riz, yogourts vanille, pain, patates douces, chouchoux, bananes et litchis, tout est vite rangé ou presque. Une mangue bien mure, qui a fait saliver Annah depuis le matin, va bien servir de dessert. Il faut dire que les samoussas et les bouchons qu'elle a mangés dans une petite case près du port n’était pas mauvais mais il lui manque un petit goût de sucré pour finir le repas. Elle 31 Opération Amaryllis sectionne le fruit en deux et en retire le gros noyau sans résistance aucune avant d'attaquer une première moitié à la petite cuillère. Le goût à la fois sucré et poivré du fruit est à la hauteur de l'odeur agréable qu'il dégageait. Un "hum" langoureux s'échappe de la bouche d'Annah tout en fermant les yeux. "J'aurais du en prendre deux." dit-elle avec gourmandise alors qu'elle saisit seulement la deuxième moitié. Après ce festin, elle se sert un verre de citronnade et prend place dans le hamac ou elle sirote paisiblement. Le verre une fois posé à terre, Annah se laisse tranquillement sombrer dans une sieste totalement crapuleuse sans aucun remord. --Avant d'arriver à la maison d'Isidore, Annah est passé à la petite boutique qui se trouve sur le chemin pour prendre des bonbons pour les bambins. Un geste simple qui lèvera toutes réticences s'il y a et puis c'est tout de même mieux de ne pas arriver les mains vides chez celui qui lui donne tant depuis qu'elle est arrivée et en plus sans arrière pensée. La bâtisse est très grande, de quoi accueillir une grande famille, et principalement en bois. La végétation est luxuriante et très variés, certainement pour conserver une certaine fraîcheur et pour s'offrir les plaisirs des arbres fruitiers au grès des saisons. Alors qu'elle s'avance vers la porte principale, deux fillettes d'à peu près le même age, c'est à dire 5-6 ans, sortent du côté gauche de la maison à quelques mètres. Elles se figent un instant devant Annah comme pétrifiées, cette dernière leur fait un sourire avec un "Hello!", et les deux gamines se sauvent alors en riant. "Très déroutant comme première rencontre! Il va falloir que je travaille mon approche." se lance-t-elle avec une petite moue de la bouche. 32 š Le naturel reprend le dessus › "I see that you have already meet my two little children." "Yes Isidore but I'm afraid I've scare them too!" "Oh no, those two ladies are just a little bit shy. Come on in the house and just wait." Annah entre dans la maison et comme chez elle, la première pièce est aussi un salon qui fait toute la profondeur de l'architecture et les autres pièces s'articulent autour de celle-ci, certainement une habitude locale de convivialité. Elle est invitée à s'asseoir sur une chaise en osier. Elle en profite pour poser ses ustensiles de dessin sur un coin de la table. Tandis qu'Isidore prépare le thé, les deux filles entrent par la baie vitrée. "Hello!" essaye à nouveau Annah avant de pousser en direction de la cuisine "Do they speak English ?" "Yes of course, they both live in California with one of my three sons." dit-il revenant dans la pièce avec un plateau remplit. Les deux petites se collent à leur grand-père semblant très intimidés comme peuvent l'être les enfants. Annah décide de sortir sa botte secrète. "Hey kids I've got some sweeties for you, just have a look." tendant le paquet de sucre candi. Le résultat est immédiat, un grand sourire éclaire leur visage et elles se ruent sur le paquet, remerciant très poliment Annah pour le présent, avant de se sauver pour jouer à l'extérieur. Les discussions d'adultes prennent place autour d'une tasse de thé vert. Isidore explique que deux de ses garçons vivent aux USA et que le troisième est resté sur l'île pour reprendre l'atelier de charpentier. Il décrit la vie de chacun avec beaucoup de fierté, celle d'un père. Il évoque aussi sans mélancolie ni fatalité la disparition de sa femme arrachée à la vie par un cancer il y a de cela maintenant deux ans. Il parle avec beaucoup de tendresse et de passion de sa femme rendant presque palpable l'amour qui devait exister entre les deux. Forcément il arrive un moment où il lui pose des 33 Opération Amaryllis questions sur sa vie. Annah ne veut pas s'exposer de trop. Elle explique juste qu'elle est venue sur l'île pour fuir son passé, réapprendre à vivre, redécouvrir les sentiments et les petits bonheurs simples, en quelque sorte réparer son âme. Elle avoue que sa vie peu sembler très oisif se souciant peu du lendemain mais que pour l'instant elle ne se sent pas prête à faire des plans pour l'avenir. Isidore comprend et ne cherche pas à en savoir plus, en matière de confidence, il faut savoir prendre ce que l'autre a à donner. Les deux gamines sont maintenant de retour et leur grandpère leur propose de leur lire une histoire, moment propice pour une séance de dessin. Ainsi, pendant qu'il raconte une aventure sortie d'un vieux bouquin aux deux petites captivées assis dans la balancelle sur la terrasse, Annah crayon de mine en main croque ce doux moment. 34 Le prêcheur Alex après le métro a pris un RER direction la banlieue pour rencontrer un contact qui peut certainement lui trouver un boulot dans le but de rembourser ses dettes, voir recommencer une nouvelle vie. Ca fait bien longtemps qu'il n'a pas pris les transports en commun. Et lui, l'habitué du confort des voitures de luxe, il se trouve un peu comme un cheveu dans la soupe dans ce wagon qui est le quotidien de bon nombre de parisien. Des tagueurs qui n'ont rien d'artiste ceux-la, se sont amusés à répandre leur pseudo sur toutes les surfaces, tandis que sur les vitres ont peut lire un FUCK LES POULETS graver avec on ne sait qu'elle ustensile. Coté odeur aussi c'est la fête: pisse, nourritures diverses et avariées, transpiration, parfum forment un lourd cocktail. "C'est pas possible il avance pas ce train." pense-t-il plutôt presser d'arriver à destination. "C'est pas vrai, il passe son temps à freiner pour marquer l'arrêt." Il regarde le plan et se dit "Encore sept stations. J'ai oublié qu'il valait mieux prendre des directs." En face de lui, une jeune fille pas vraiment à son goût, mâche un chewing-gum d'une façon très suggestive à son encontre. "Pauvre fille, même avec un sac à patate sur la tête t'est pas baisable." pense-t-il très fort. A côté une vieille femme très bien sur elle, sert très fort tout contre son sac. Au fond une bande de jeune gars hurlent, jacassent au point de déranger tout le monde sauf un p’tit bonhomme qui, tête contre la fenêtre, dort, ouvrier ayant fini ses trois-huit ou alors l'alcool. Seule lueur de soleil dans ce 35 Opération Amaryllis train, un couple s'embrasse, se cajole, se titille. Ils sont deux seuls au monde et la terre autour d'eux peut bien s'arrêter de tourner que ça n'y changerait pas grand chose. Soudain la porte entre-wagon s'ouvre attirant l'attention de tout le petit peuple, ou presque. "Contrôle des titres de transport." hululent en cœur trois contrôleurs au sourire sadique, crayons et contraventions en main. Le trio est suivi par deux molosses de la police du rail dont les tronches foutent la frousse. L'un d'eux joue bizarrement avec sa matraque laissant penser qu'en dehors du service elle doit avoir une autre fonction, tandis que l'autre matte l'inscription sur la vitre, muscle de la mâchoire tendue. Pas très jolie tout ça mais au moins le silence est revenu. Enfin la dernière station, Alex descend et prend à pied la direction du groupement d'immeubles semblables qui jurent dans le paysage. Très rapidement il arrive au bâtiment C, et alors qu'il monte les escaliers pour entrer dans le hall, une bande de cinq adolescents/adultes ouvrent la porte d'un grand coup de pied. "What the fuck! Je rêve ou bien ?! Regardes le fils de puta que voila." Alex surpris s'arrête pour mieux regarder et appréhender les choses. "Oh! Oh! Imprévu à l'horizon." pense-t-il "C'est le jeune du pont qui voulait me vendre ça merde." "Mon gars j'vais t'faire la peau." menace le dealer. "Yeah!" sifflent les quatre autres, couteaux à cran d'arrêt déjà déployés. Un rapide tour de la situation laisse deux solutions à Alex: il peut prendre la poudre d'escampette mais il y a une bonne chance pour que les merdeux en Nike et Lacoste le rattrapent. Ou alors ils les affrontent ce qu'il a déjà fait à d'autres occasions. "Ah jeune homme je vois que tu n'as pas compris la leçon." lance courageusement Alex. "Vient un peu ici que je t'apprenne les bonnes manières." fait-il suivre les poings déjà près à frapper. 36 š Le prêcheur › La bande se rue sur lui mais très rapidement, ils stoppent leur route. Derrière Alex une grosse Mercedes noir s'arrête et un africain d'une cinquantaine d'années vêtue d'une djellaba et d'une paire de sandales Méphisto en débarque avec deux types très nerveux. Mains au ciel il s'exclame "Mes enfants! Mes enfants ! Que faites-vous donc ?!" et se dirigeant vers le dealer lui choppe l'oreille, "André, André, André, j'ai déjà dis que je ne voulais pas voir de violence dans ce lieu. Cherches-tu à entacher la bonne réputation de cette cité ? Le fruit de mon travail. Tu me déçois fortement André." "OUI, mais c'est le type..." lâche le jeune qui se contorsionne pour limiter la douleur. "Tut! Tut! Tut! Je ne veux rien entendre." s'acharnant de bas en haut, d'avant en arrière sur l'oreille du malheureux. "La seule chose qui m'intéresse c'est le calme. Retournes chez toi donner un coup de main à ta vielle mère, plutôt que de gâcher ton énergie ainsi. Et vous je vous confisque cet attirail." "Oh non alors!" pleurnichent presque les quatre autres. Tandis que les jeunes se dispersent rapidement, Alex lance à l'homme qui lui tourne le dos "Quelle main de fer Abdel!" "Oh tu sais la violence amène les flics et ça ce n'est pas bon pour le business, pas bon du tout." Il se retourne alors avec un très large sourire puis se dirige pour enlacer son hôte "Comment vas-tu Alexandre? Cela fait bien longtemps que je ne t'ai pas vu." De grandes clapes dans le dos. Les deux gardes du corps se relaxent. "Ca va, on survit, ou tout du moins on essaye." "Ah! Je vois, ce n'est donc pas une visite de simple courtoisie que tu me fais là. Telle la brebis égarée tu cherches à retrouver ton chemin et tu comptes sur le bon vouloir de Papa Abdel pour cela!" 37 Opération Amaryllis "Je sais mais..." "Tut! Tut! Tut! Pas de mais. Papa Abdel est un homme généreux et sage. Suis-moi mon fils." patronise l'Africain. Les quatre hommes montent les escaliers. Dans le hall d'entrée, l'un des protecteurs appel l'ascenseur. Quelques secondes après, les portes de celui ci s'ouvrent et une femme assez âgée en sort. Le maître des lieux offre un "Bonjour madame Michaud, vous avez une très belle mine! Quel teint de jeune fille!" Et l'octogénaire de répondre en rougissant un peu "Bonjour Abdel, vous êtes un filou vous s'avez bien que cet age là est bien révolu maintenant." "Ah non je vous assure, c'est sincère. Bonne après-midi au parc." lance l'ensorceleur alors qu'il s'engouffre avec Alex dans l'ascenseur. Une fois les portes fermées, et l'étage sélectionné, il concède un "C'est de la relation publique." à l'œil questionneur d'Alex. Neuvième, tout le monde descend et Abdel ouvre une des portes. A cet instant des petits pas se font entendre suivit d'un "Papa!" très joyeux. Le vieil homme s'abaisse et une petite fille très trognon lui saute au cou. "Bonjour ma princesse! Cours rejoindre ta mère, papa a du travail." La gamine lâche son père et repart dans l'autre sens. Il ouvre une porte fermée à clef et y invite Alex tandis que les deux autres restent sur le palier. Le bureau sans fenêtre est très petit et se compose d'une planche sur tréteau où repose un ordinateur, une imprimante et quelques crayons. Sous la table un coffre et un déchiqueteur. "Dans quel niveau de pétrin es-tu ce coup-ci ?" Lance Abdel d'un œil inquisiteur. "Il ne me reste plus que quelques jours pour rembourser une très grosse somme sous peine de voir le Ferrailleur et la Chignole me tomber dessus." plaide Alex. 38 š Le prêcheur › "Les grosses pointures du clan des tueurs à gage, je vois. Combien de fois je t'ai déjà dit de ne pas fréquenter les bookmakers..." "Abdel," interrompt Alex se voyant partir pour un long prêche "j'ai besoin d'aide très rapidement. Et tu es ma seule chance. Aides moi." "Je vois, Je vois." se touchant le menton. "Hum, j'ai peut être une solution pour toi. J'ai reçu par Internet une demande de chasse à l'homme pour une raison de vengeance. Je peux contacter le commanditaire, arranger pour qu'il paye ta dette plus un petit bonus et toi, en échange, tu lui fais le sal boulot." "Autrement dis la vie d'une autre personne contre la mienne." l'air un peu dégoûté. "Tout à fait mais tu as déjà fait cela dans le passé alors une fois de plus ou de moins, ça ne change rien." Abdel sort une feuille de papier de l'imprimante et tend un crayon à Alex. "Notes moi ton numéro de téléphone ici et je m'arrange pour le reste." Alex n'a pas vraiment le choix s'il veut s'en sortir et il savait ce qu'il allait trouver ici. Il ne lui faut donc pas un très long moment pour se décider. Il note son numéro de portable sur la feuille. "Félicitation! Tu viens de t'octroyer un délai supplémentaire." Les deux hommes se serre la main, puis Alex est raccompagné sur le palier. A nouveau une embrassade confraternelle et les deux hommes se séparent. 39 Requin à la diète Salle de rédaction d'un grand journal d'information, une porte sur laquelle il est possible de lire Rédacteur en Chef s’ouvre très énergiquement. Un mec chemise, jean, basquet légèrement écarlate en sort comme une bourrasque et Vlan! Il la referme avec une certaine violence faisant trembler les parois du bureau préfabriqué. Toutes les personnes présentes sur la plate-forme lèvent leur tête de leur travail en direction de l'énergumène. "Quoi y'a un problème ?!" lance l'homme énervé par tous ces regards portés sur lui. Aussitôt tout le monde se remet au travail telles des abeilles dans une ruche. L'homme visiblement en colère s'élance ensuite en direction de son box manquant de bousculer une demi-douzaine d'employés sur son passage. Il stoppe brutalement devant un bureau où une femme est en train de se limer les ongles. "Apportez-moi tout de suite un carton, j'ai un dossier à classer. Et que ça saute, on ne vous paye pas comme assistante pour vous manucurer à longueur de journée que diable!" La femme le regarde et lui répond "Oui Monsieur, tout de suite." tout en pensant très fort "Pauvre type, je ne suis pas ta boniche." Mais elle sait trop où se trouve le pouvoir et ne souhaite pas se retrouver à la porte avec deux enfants à charge. Et puis, mis à part ses variations d'humeur et ses dents longues, il est correct ce boss là dans le sens où il n'a pas encore essayé de lui mettre la main au panier. Lui est maintenant dans son fauteuil tout cuir, où en ruminant, il empile divers dossiers et jaquettes. 41 Opération Amaryllis L'assistante se présente très rapidement avec le carton attendu et le dépose sur le bureau. "Mais que se passe-t-il, chef ?" "Oh! Très simple, moi le grand journaliste, on me demande de clôturer mon investigation sur les dérives de certains services de l'état, pour me redéployer sur les malversations financières des partis. Plus rentable il parait. Pourquoi pas faire la rubrique des chiens écrasés pendant qu'ils y sont... maudis conseil d'administration." Après avoir fait le tour de tous ses tiroirs, il saisit la pile de documents et le place dans le carton. Celui-ci est ensuite scellé et la femme l'emporte vers la zone d'archivage. 42 Vous reprendrez bien un peu de piment Beep! Beep! Le portable d'Alex indique l'arrivée d'un texto. Il déverrouille le clavier et presse le bouton de lecture: rdv job place D terne 15h. aporT bouké rose 3color kom sign dist1ctif Il regarde sa montre, il lui reste une heure. Il bloque son téléphone et le replace dans la poche de son costume. Il finit rapidement son sandwich et le fait passer avec une bière. Une fois sortie du fast-food, Alex fait signe à un taxi, il en a un peu sa claque des transports en commun. --Alex comme indiqué a acheté un bouquet de roses rouges, jaunes et blanches simplement et délicatement protégées par du papier kraft chez un des fleuristes de cette charmante place. Il fait les quatre-cent pas sur le trottoir, son rendez-vous est en retard de dix minutes, quand soudain une limousine blanche aux vitres teintées s'arrête. Le chauffeur sort alors du véhicule, pas vraiment le type facile, pour ouvrir la porte en faisant signe d'entrer. Alex se glisse sans protester. A l'intérieur une femme plutôt BCBG sans age apparent, habillée tout en blanc l'accueille froidement "Bonjour Alexandre, prenez place." Elle est assise en face de lui. La portière se referme, il pose son bouquet à sa droite. "Bonjour... pardon je n'ai pas saisi votre nom ?" 43 Opération Amaryllis "Mon nom n'a pas vraiment d'importance pour ce que nous avons à voir. Max voulez-vous bien tourner sur la place de l'Etoile, nous n'allons pas en avoir pour long." Le gorille s'exécute aussitôt en s'introduisant dans la circulation. Il presse un bouton qui actionne une vitre l'isolant de sa maîtresse et de son hôte. Pendant ce temps, Alex n'ose pas répondre, cette femme dégage une puissance malfaisante qui force au silence. "Alexandre j'ai pris en charge tous vos problèmes d'argent et remboursé votre bookmaker, vous êtes donc maintenant totalement blanc comme neige financièrement parlant." "Je vous remercie pour..." L'interrompant "Voulez bien rester attentif jusqu'au bout, je vous prie." Elle lui tend un paquet enrobé de papier journal en ajoutant "Voici 25000 euros pour vous permettre de couvrir vos frais pour ce travail." et de continuer sur un ton plat "Vous recevrez 50000 euros une fois la tâche accomplie. Cette offre est non discutable." Alex porte sa main à son menton et fronce les sourcils pour montrer sans parler que cela l'intéresse déjà. "Pour le reste, voyez-vous Alexandre, un tueur à gage de votre espèce a assassiné mon bien aimé marie et je souhaite en parfaite épouse une vengeance." "Je suis désolé pour votre marie." dit-il simulant une compassion. "Oh! Par Saint James ne le soyez pas!" dit-elle d'un ton moqueur "Je ne le regrette pas, ce n'était qu'une façade à mon business, et j'ai perdu dans cette affaire beaucoup plus d'argent que je n'ai ressenti de douleur. Le milieu dans lequel j'évolue est très difficile et l'on n'y fait pas confiance à une femme. Il n'était qu'un pantin qui agissait à ma guise. Les hommes sont tellement faciles à contrôler, satisfaisiez ce qu'ils ont entre les jambes et vous êtes sûre qu'ils viennent vous 44 š Vous reprendrez bien un peu de piment › manger dans les mains." Alex comprend ce qu'elle implique. Lui-même est assez troublé par cette femme puissante, autoritaire, fatale et très stricte. Un cocktail qui dégage un attrait sexuel qui ne le laisse pas lui-même de marbre. "Mais à quelque chose malheur est bon, et je compte bien utilisé cette nouvelle donne pour renforcer ma position. Montrer de quoi je suis capable au milieu. C'est pour cela que je veux la tête de ce tueur et c'est vous qui allez me l'apporter, Alexandre." Ces derniers mots soufflent le froid sur les ardeurs et fantasmes de notre homme et alors qu'il ouvre la bouche pour poser une question, elle dit "Je ne sais pas encore où ce cache le misérable bâtard que vous devez abattre, mais d'ici quelques jours vous recevrez un nouveau texto avec vos consignes. Alexandre, nous voici donc associé." Alors qu'elle se prépare à actionner un interphone, Alex calme depuis le début commence à en avoir un peu assez de se faire mener à la baguette et il ose d'un ton résolut "Et si je refuse ?" La veuve se met à éclater d'un rire cynique "Mais mon cher Alexandre, vous n'avez pas le choix. Je n'ai pas remboursé votre bookmaker juste pour vous faire plaisir." Et d'une voix soufflant sécheresse et désolation "Si vous refusez ou essayez de me doubler, vous finirez en pièces détachées. Excellent moyen de faire disparaître les corps en cette époque et puis si vous saviez combien les gens sont prêt à payer pour un cœur, un poumon ou une cornée, je suis presque certain de rentrer dans mes frais." Et utilisant l'interphone "Max nous avons fini, merci de déposer mon associé devant la “ Fnac ” des Champs Elysées." Le chauffeur quitte la place où il a eut le temps de faire quinze fois le tour de l'Arc de Triomphe pour descendre la plus belle avenue du Monde. La voiture s'arrête, le molosse descend pour ouvrir la porte à un Alex livide et pale car il sait qu'elle ne 45 Opération Amaryllis plaisante pas. "Une dernière chose, reprenez vos fleurs s'il vous plait, j'ai horreur des roses." Le molosse attrape le bouquet et le plaque dans les bras d'Alex qui ouvre la bouche pour dire "Mais dans le message..." Il n'a pas le temps de finir sa phrase que la porte se claque, et une fois le chauffeur de retour à sa place, la voiture repart pour aller très vite se perdre dans le trafic. Il reste là bouche bée pendant au moins une bonne minute, le regard dans le vide. "Ho, le joli bouquet! Elle a de la chance votre amie." murmure une douce voix féminine. Alex regarde la fille, puis son bouquet, puis la fille, puis le ciel en se disant "Encore un ange, je suis béni." Et tel le marcheur, ayant erré pendant une semaine dans le désert, il s'avance vers son oasis avec la même excitation et la même joie sur le visage "Pas tout à fait, ces fleurs sont pour vous. Je vous attendais." La belle et totale inconnue rougie, et notre Roméo est de retour sur son territoire de chasse. 46 La bibliothèque Le composant indispensable à la réussite d'une mission, comme d'une guerre d'ailleurs, par les temps qui courent, c'est l'information. A ce niveau le CNEI dispose d'une base de données et de liens assez impressionnants capable de faire attraper une syncope à tout membre de la CNIL. Les différents gouvernements qui se sont succédés depuis la création de cet organe ont très largement bafoué les lois informatiques et liberté au nom de la sûreté de l'état français. Il est bien évident que si tout cela arrivait aux oreilles du peuple, celui-ci ne comprendrait pas. Il est donc primordial de cacher cette base de façon efficace. Et le meilleur moyen de cacher un élément sensible, c'est souvent de le mettre parmi un ensemble d'éléments de même nature et en plus grand nombre si possible. Ainsi pour noyer dans la masse leurs données, les créateurs ont choisi la base d'informations de la Bibliothèque de France. Bien sûr n'accède pas au thème 'Nettoyage des lieux publics de 1800 à nos jours' qui veut, il faut en effet montrer patte blanche. Et puis même pour les agents y ayant accès, il y a en permanence des restrictions à la mission uniquement en place. Difficile aussi de sortir des documents à l'extérieur car les impressions sont limitées aux notes de l'agent et puis pas question non plus de faire de modification ou de falsification. Tout a bien été pensé pour se protéger des fuites, des chantages, de la création de preuve de l'existence d'un tel centre. Et puis le lieu offre une certaine discrétion pour les agents. Etudiants, professeur, chercheurs et bibliothécaires vaquent à leurs occupations sans vraiment faire attention les uns aux autres trop concentrés dans leur activité. 47 Opération Amaryllis --Comme prévu, David en ce début d'après-midi est de visite à la Bibliothèque pour tenter de trouver la planque de ça cible. Il sait que la tâche va être ardue et qu'il a peu de temps pour réussir car plus les jours passent, plus les risques que les pistes s'estompent, sont fortes. Et puis, ce sera la première fois qu'il doit pister un collègue. Cependant en vieux renard il est certain d'y arriver. Il n'a eut aucun problème pour rentrer avec son badge de chercheur en cognition. Il s’est installé à une table à la fois proche d'une imprimante et à l'abri des regards autant que possible. Pour se fondre au milieu, il sort un carnet de notes, un stylo plume et quelques documents quelconques qu'il étale sur le mobilier moderne et agréable. Il saisit ensuite son identifiant et son mot de passe à l'aide du clavier et en quelques coups de souris, il se retrouve dans la section qu'il recherchait. L'ordinateur a déjà fait en automatique un ensemble de premières recherches sur tous les dossiers en rapport avec la cible. Cela va de la reproduction du bulletin de terminal à la dernière Carte Bleue débitée sur le compte bancaire, en passant par les réservations de vacances, la liste des appels opérés avec le mobile, les missions, etc.. A la vue de tout cela, David sent un petit frisson le traverser de part en part. "Et dire qu'ils ont certainement le même type d'informations sur moi, ça fait froid dans le dos." pense-t-il. "Impressionnant!" murmure-t-il quand il tombe sur la géolocalisation du portable de l'agent qui le mène tout droit dans le bureau du CNEI. "Sans difficulté ils savent peut être même la couleur du caleçon que je porte aujourd'hui." grimasse-t-il. "Il fallait s'attendre à ce qu'elle se débarrasse de son portable." "Voyons voir un peu les comptes." Une étude a déjà été faite 48 š La bibliothèque › sur ce point et elle montre qu'il n'y a pas eut de débit depuis la disparition et en remontant dans les mois précédents, il est possible de voir que 4 billets de train ont été achetés. Une remarque indique que les destinations étaient Madrid, Bruxelles, Londres, Milan. "Mouais, plutôt de la poudre aux yeux tout cela, elle a très bien pu se rendre à Lausanne ou à Berlin." David note tout de même sur son carnet les quatre villes sans trop d'espoir. L'inconvénient du train par rapport à l’avion, il n'y a pas d'enregistrement, donc pas moyen de savoir si le train a bien été pris. Et puis de toute façon elle a très bien pu utiliser un faux passeport ce qui est monnaie courante dans la profession. Un peu déçu mais pas tellement étonné de l'échec sur le mobile et la carte bleue, David passe à d'autres dossiers. Le premier indique qu'une fouille minutieuse de son appartement et de sa voiture a été faite mais qu'il n'y rien à signaler. Une note faite par un inspecteur indique 'Elle a même pris le temps de vider son réfrigérateur et donnée les plantes vertes à la voisine!'. Le dossier suivant passe au crible le courrier qui arrive encore au fil du temps: factures diverses, magazines TV, catalogue UCPA Horizon Lointain, brochure d'un office de tourisme quelque part dans le pacifique, des cartes postales d'amis d'un peu partout sur la planète, une invitation pour un vernissage, avis de premier tiers pour l'impôt sur le revenu. Rien de bien terrible. Un autre dossier se compose d'une série de rapports sur des interviews d'amis et du voisinage mais encore une foi c'est un échec. "Tiens il n'y a pas de relatif dans les interviews. N'a-telle pas de famille ?!" Il clique sur la section pour s'apercevoir qu'il ne reste que son père de vivant, sa mère étant morte d'un cancer du sein lorsque la fille unique avait 8 ans. David à la recherche d'information sur le père, tombe sur un mur: les informations sont classées Secret Militaire Données 49 Opération Amaryllis Inaccessibles. "Je comprends le père est un barbouze des renseignements, peu de chance qu'il donne sa fille même avec un interrogatoire aux petits oignons et puis cela mettrait probablement en place une guerre des services." se lance-t-il avant de noter que le père peut offrir une base logistique. Un commentaire indique qu'il a été possible de mettre en place une écoute téléphonique et une interception du courrier, mais pour le moment aucune tentative de contact. "Ok, concentrons nous sur le nerf de la guerre c'est à dire le fric." En revenant sur les soldes des différents comptes, il s'étonne du fait qu'ils sont tous très bas, voir vide. David lance l'affichage des mouvements sur ces comptes et s'aperçoit que de gros virements ont été faits vers un autre compte dans la même banque il y a de cela plusieurs mois. "Ingénieux! De tels mouvements vers un compte étranger auraient probablement fait retentir quelques alarmes. Voyons qui se cache derrière ce numéro." Après un délai de quelques secondes, les yeux de David s'animent avec la même énergie que le fox-terrier qui a mis le nez sur une bonne piste. "Le père bien sûr!" Une analyse de ce compte montre des mouvements de retrait en espèces assez importants et réguliers. Notre limier sait bien qu'il est impossible de transmettre autant d'argent dans une simple lettre et puis après les euros ne sont pas encore les dollars, il faut les convertir. Il repense à la pub 'Avec nous vous transmettez beaucoup plus que de l'argent'. "Voyons voir si je peux faire une recherche sur les organismes qui prennent en compte ce type de transaction." Il pose sa requête par rapport à la période, les montants, et la ville la plus proche du village où le père habite, de tels envois dans un petit village feraient jaser. Après lancement de celle-ci, la machine mouline dix bonnes minutes pendant que David réfléchi aux scénarios possibles en regardant dans le vide. La machine rend son verdict, trop de réponses et donc totalement inexploitable. "Hum! Il fallait si 50 š La bibliothèque › attendre, trop compliqué comme demande. Appliquons le plan B." Il sait qu'elle n'a pu fixer à l'avance le moyen et le lieu pour lui faire parvenir de l'argent et que donc elle doit contacter son père pour lui donner ses instructions. La chance est mince, car il y a tellement d'autres moyens, mais David lance une requête pour connaître tous les numéros du village où habite le père qui auraient pu recevoir le mois dernier un appel de l'étranger. Au bout de quinze bonnes minutes d'angoisse, l'ordinateur crache une liste assez courte. Il commence par réciter dans sa tête la colonne continent "Europe, Europe, Afrique, Asie, Pacifique, Europe, Amérique... pas évident." Il regarde une autre colonne correspondant au nom de l'appelé et soudain il se fixe sur plusieurs lignes indiquant une cabine téléphonique et toujours la même. Il redemande l'analyse avec pour restriction cette cabine et sur plusieurs mois. Après une nouvelle attente, il lit le nouveau résultat qui dispose de plus d'information "Europe (Espagne), Pacifique (St Agathe Island), Pacifique (St Agathe Island)...". La même ligne apparaît plusieurs fois de suite, il jette un coup d'œil sur son bloc note et il pense "Elle avait pris un billet pour Madrid, voyons voir les dates." Les dates se suivent à deux jours près. "Pacifique, ça me rappel un truc... mais oui bien sûr le prospectus touristique." Il réaffiche avec une certaine fièvre le dossier concernant la surveillance du courrier. Et il laisse échapper un "Bingo!" qui attire le regard des autres personnes autour de lui, un "Chut!" se fait même entendre. Le pays correspond, reste pour lui à confirmer sa théorie sur les échanges d'argent en relançant la requête avec cette nouvelle restriction. Le résultat est positif. --Dans une des pièces du CNEI, une imprimante matricielle 51 Opération Amaryllis délivre un message en crépitant: opération amaryllis - stop - trouve cible - stop - a pris train pour espagne - stop - puis avion vers st agathe island - stop utilise probablement faux passeport - stop - père transfert argent régulier - stop - dernier transfert hier - stop - part de suite pour extermination - stop 52 Le traître Il est 23h45, sur les quais de la rive droite. La Lune au premier quart, à bien du mal à illuminer les zones non couvertes par l'éclairage urbain, surtout que des nuages évoluant à vive allure cachent Paris régulièrement de sa lumière blanche. Le froid, amplifié par ce vent qui à l'habitude de s'engouffrer dans le sillon sans obstacles que représente la Seine, pique et glace jusqu'aux os. Les conditions sont défavorables à la balade et il faudra attendre quelques mois avant de voir refleurir les couples s'offrant une balade nocturne ou les groupes d'amis se retrouvant sur les bords de Seine pour un dîner improvisé. Pour le moment, il n'y a personne ou presque. Dans un coin sombre, à la sortie d'un pont un individu semble attendre. Impossible de voir le moindre trait de son visage. Sa carrure et sa gestuelle laisse seulement deviner que nous avons affaire à un homme. Pour la troisième fois un flash suivit d'une faible lumière chaude apparaît discrètement au creux de ses mains. Probablement une allumette, qu'il porte à son visage pour amorcer une cigarette. La lumière éphémère et faible n'aide pas à l'identification. Soudain l'homme jette à terre sa cigarette et l'écrase vivement avec sa chaussure. Quelques secondes après deux inconnus émergent de dessous le pont, l'un est plutôt mastoc et définitivement un homme, l'autre est plus fin et gracieux, probablement une femme. --"Vous avez l'information ?" questionne la femme. "Oui et vous, vous avez mon blé ?" rétorque l'homme. "Évidemment! Voici." lui tendant une enveloppe qu'elle sort de 53 Opération Amaryllis son sac. L'homme ouvre l'enveloppe et comme il ne peut compter le contenu, vu le manque de lumière, il s'assure par son odora qu'il a bien affaire à des billets. Qui a dit que l'argent n'avait pas d'odeur! "Je vous fais confiance, le compte doit y être." La femme un peu énervée et très certainement pressée de retourner chez elle lui lance "Abrégeons voulez-vous, donnez moi ce que j'attends." A son tour il sort une enveloppe de la poche droite de son manteau et le transmet à la femme qui la glisse dans son sac. L'homme d'un ton moqueur "J'irai bien me boire une ou deux bières pour m'affranchir de ce business." "Voulez vous m'accompagner ?" questionne-t-il connaissant déjà la réponse. "Certainement pas!" ricane-t-elle avant de s'engouffrer à nouveau sous le pont avec la troisième personne. "Et par Saint-James, la prochaine fois choisissez un autre endroit, j'ai horreur de ces lieux qui sentent la pisse." lance-t-elle en ponctuation finale à ce rendez-vous. 54 Tourisme vert Après avoir transmit son rapport au Service, David n'a pas perdu de temps. Ca cible était très certainement encore sur son île au moment de sa découverte mais pour combien de temps. Ca il n'en savait rien et ne voulait pas prendre le risque de la voir s'envoler. Il s'est donc attaché à recueillir le plus d'informations possibles, comment y aller, comment en revenir, situation politique, mode de vie, etc.. En quelques heures il a passé en revue une foule de détails, fait des réservations et pris ses titres de transport. Ensuite il est rentré chez lui pour préparer sa valise ou plutôt son sac à dos car il a décidé de jouer les randonneurs comme couverture. Chaussure de randonnée, GPS portable, appareil photo, short, T-shirt, chaussettes épaisses, habits chauds pour le cas où il devrait faire de la surveillance de nuit, enfin le pack classique pour tenir quinze jours dans la nature. Et le lendemain matin après une nuit agitée, il partait pour St Agathe Island. --"Here we are, Sir." indique le pilote du biplace en montrant du doigt un petit point de terre perdu dans l'océan. Après presque quarante-huit heures de transport incluant deux escales à Los Angeles et Honolulu, David voit enfin se dessiner devant lui les côtes de St Agathe Island. "Enfin !" pense-t-il "Mais je ne suis pas encore vraiment en sécurité." En effet, il lui faut encore passer le contrôle douanier à son arrivée sur l'île et il ne voudrait pas que son automatique soit découvert. Il a acheté cette arme à Honolulu à un contact qui l'attendait à la sortie de l'aéroport comme convenu à l'avance. 55 Opération Amaryllis Avec la paranoïa régnant aux USA, il est maintenant hors de question de partir avec ses instruments de travail, il faut se débrouiller sur place. Il n'a eut aucun contrôle en partant du cinquantième Etat Américain, grâce au recours à un aéro-club et à quelques billets savamment distribués. Jusque là tout ce passe comme il l'avait prévu. Une Vingtaine de minutes plus tard le petit avion se pose sur la piste et va se positionner au plus près des trois bâtiments et de la petite tour de contrôle qui forme l'aérodrome. David ouvre la porte de son côté pour bondir sur le tarmac noir. L'effet est instantané, la combinaison de la chaleur intenable et de l'humidité plaque ses vêtements sur lui, comme collé et pas vraiment agréable. Il s'empare de son sac qui est à l'arrière du cockpit, salut son pilote et se dirige vers le porche portant l'inscription 'arrival - welcome to St Agathe Island'. Il va très vite être fixé sur son sort. Une fois à l'intérieur du bâtiment, un agent de police local se dirige vers lui avec un sourire. "C'est déjà un bon début." pense-t-il offrant en retour un sourire amical malgré la fatigue qui le tiraille. "Hello sir. Is it possible to have some ID ?" questionne très courtoisement le représentant de l'ordre. "Hello, yes of course, here they are." lui tendant son vrai-faux passeport Français. "French! We've got a lot of your citizens in our beautiful country. Are you here on holiday ?" "Yes, I'm, for a fortnight." offre David avec beaucoup d'enthousiasme. "Ayons l'air d'un touriste emballé par la découverte de ce pays." pense-t-il. "Where are you staying ?" "Let me check, please." répond David, pendant qu'il déplie une feuille qui se trouvait dans son portefeuille. "Mama Cecilia." "Really a good choice. She's going to look after you like a son." dit l'agent le sourire en banane analysant le passeport 56 š Tourisme vert › avant de lever les yeux et de dire "Welcome and enjoy this paradise." "Thanks a lot." offre David qui se dirige vers la sortie. Un taxi l'aborde rapidement et lui propose de le conduire. Il se débarrasse de son bagage à l'arrière de ce qui ressemble à une jeep peinte en jaune et grimpe ensuite à l'avant selon l'indication de son chauffeur. Alors que le véhicule se dirige à vive allure vers sa pension, il peut enfin souffler un peu. La première partie de son plan à fonctionner. Gageons que sa tenue, grosses chaussures de randonnée, chaussettes épaisses, short, chemise à fleur bleue et bob l'ont bien aidé dans son rôle de touriste. Avec le soulagement vient la fatigue de l'expédition qui jusqu'ici était maintenue à l'écart par l'adrénaline et la présence du danger. Maintenant les deux seules choses qu'il a envie c'est une bonne douche et douze heures de nuit dans un vrai lit. "Je commence à me faire vieux pour ces conneries" marmonne-til. 57 Y'a pas que les innocents qui sont chanceux "Thanks a lot for choosing our Island, Sir." "Your welcome." lance Alex sortant de la Capitainerie. Il vient de faire enregistrer son voilier et réserver un emplacement pour deux semaines même s'il espère que cette opération prendra moins de temps. Mais bon il va tout de même essayer de profiter un peu du charme de ce pays lointain. "Le bateau est confortable et spacieux et me permettra d'agir à ma guise et en tout anonymat." pense-t-il avant de s'exclamer en se frottant les mains "Los Angeles me revoilà." Il y a de cela cinq ans, au sommet de sa carrière, il était le mannequin exclusif pour une grande enseigne de vêtements de sport qui souhaitait renforcer son image sur la Californie. Pour cela, la firme avait pris soin de tous les détails, y compris privés, pour montrer une certaine excellence. Et donc comme logement, Alex c'était vu proposé un bateau. Au départ il avait été très réticent, mais c'est vrai que d'arriver en Porche et de se garer devant son voilier ça fait tout de suite très chic, très classe, très lui. Donc pendant la durée de son contrat, il a vécu sur la mer en profitant au passage pour passer son permis histoire de savoir répondre oui et avec une certaine fierté à chaque fois qu'on lui demandait s'il savait naviguer. Le bateau dont il dispose aujourd'hui lui a été prêté par un couple d'une agence de photographes d'Hawaï. Ils ont travaillé ensemble sur une série de clichés pour une marque de maillot de bain neuf ans auparavant. L'entente avait été très bonne à tout niveau. Il faut dire qu'un beau mec pas farouche qui débarque dans un couple d'échangiste, cela ouvre certaines 59 Opération Amaryllis opportunités. Lorsque de Paris, il leurs a annoncé qu'il comptait prendre quelques vacances par chez eux et faire un peu de bateau, c'est avec un certain enthousiasme qu'ils lui ont proposé de lui prêter leur voilier. Ils lui devaient bien ça après tout, le résultat de la séance avait permis de faire sortir leur agence de l'ombre et très certainement de payer le bateau. Et donc une fois la conversation terminée, c'est dans le jet privé affrété par la commanditaire qu'il a quitté la France. Une escale pour le ravitaillement en kérosène à Mexico, une soirée avec ces relations, une matinée de préparation au voyage et deux jours de haute mer et le voilà à Saint Agathe Island. Alors qu'il s'apprête à monter sur la passerelle qui mène à son navire, son instinct naturel l'invite à prêter attention à une barque en approche qui ralentie. L'embarcation se fige et une jeune femme se hisse sur le ponton avec un cabas à la main. Elle fait un petit salut de la main au pilote et se dirige vers le bourg. Les yeux cacher par ses lunettes de soleil, Alex la dévisage de la tête aux pieds, chignon dans les cheveux, chemise blanche légère voir transparente, pantalon pirate beige moulant, sandalettes. Puis il regarde sa démarche et laisse échapper "C'est mignon tout plein cela!". C'est à ce moment là qu'elle tourne son visage vers lui une seconde, lui laissant croire qu'elle l'aurait entendu. Mais non, il n'en est rien semble-t-il, car ce visage qu'il a devant lui ne marque aucune réaction particulière. Alors qu'elle continue son chemin sans plus se retourner, Alex porte la main dans sa veste et en sort une photo. "Oh! Oh! Il semble que je sois chanceux. Sans avoir eut besoin de chercher, je tombe sur l'objet de toutes les rancœurs de ma cliente." pense-t-il "Voir même doublement chanceux," dit-il en portant un regard coquin sur la femme aux jolies formes qui s'éloigne "rien ne m'empêche de joindre l'utile à l'agréable." 60 š Y'a pas que les innocents qui sont chanceux › Avant de la perdre définitivement des yeux, il s'élance dans sa direction. 61 Intéressant Comme tous les matins depuis son arrivée, David est assis à une table d'un des deux café qui surplombent le marché. Ils offrent aussi une vue sur l'entrée de la plus grosse supérette du coin et surtout sur celle de la poste principale. C'est une position stratégique par rapport à sa théorie. En effet l'île est bien trop grande pour qu'il entame une recherche de sa cible. Il ne peut pas non plus prendre le risque de laisser la chance intervenir, d'ailleurs pour lui cela n'existe pas. Et enfin, hors de question de faire la moindre investigation, un touriste qui pose trop de question n'est plus un touriste. Alors il est parti sur le principe de dire qu'elle va avoir besoin à un moment donnée de se ravitailler ou de percevoir l'argent en provenance de France. Donc depuis cinq jours, il suit la même routine. Tout d'abord, il se lève à l'aube et va courir quelques kilomètres le long de la plage. Rien à voir avec son quotidien parisien, ici il peut faire son jogging pieds nus dans le sable en respirant l'air marin tonifiant. En fin de parcours, il exécute abdos et flexions avant de finir avec ses habituels étirements pour garantir à son corps une parfaite souplesse. Ensuite, il se pose au bout d'un ponton en bois, les pieds dans le vide et il regarde paisiblement le soleil sortir comme par magie de la mer en exaltant une palette de couleur chaude. De retour à sa pension il va prendre une douche tiède, puis volontairement froide et fait sa toilette. Pendant ce temps, sa doudou d'amour, comprenez la maîtresse de maison, lui a préparé un petit déjeuner copieux. Celui-ci se compose d'un jus de fruits goyave ou marracuja, 63 Opération Amaryllis d'une coupole de morceaux d'ananas, de confiture maison parfums tamarin ou banane par exemple qu'il étale sur des galettes et d'un ensemble varié de fruits séchés. Il lui manque juste son yaourt, mais comme le camembert, c'est une denrée inconnue sur ce territoire. Une fois repus, il prend congé, avec toute la politesse requise, des attentions de Mama Cecilia qui voudrait bien que son joli cœur prenne un peu de poids. Après avoir pris son sac à dos, il quitte son confortable logis et se dirige vers son poste de guet. En chemin il s'arrête dans un débit de tabac pour prendre le canard local, et entre 8 heure 30 et 9 heure, il prend place à l'affût tout en lisant le journal ou un bouquin. La longue attente, qu'il fait heureusement à l'ombre d'un flamboyant, dure jusque midi, heure de fermeture du marché et de la poste. Il prend sont déjeuner dans une de ses échoppes qui ne payent pas de mine, mais qui sont très prisées. Au menu samoussas et beignets attirent l'attention. L'après-midi laisse place à la balade et à l'exploration de l'île, enfin il essaye de ne pas trop s'évader loin de la civilisation, il a un travail à faire avant tout. De retour avant la tombé de la nuit, il raconte à son hôtesse sa journée tout en sirotant un p'tit punch. Il glisse ensuite les pieds sous la table et se laisse envoûter par la cuisine épicée et savoureuse. Une ballade digestive jusqu'au port et il est bon pour une nuit de sommeil. --"Woman search black woman for entertainment with European husband. Please leave msg..." lit David avant de marmonner en secouant la tête "J'en suis réduit à lire les petites annonces. Vivement qu'il y ai un peu d'action sinon je vais mourir d'ennui." C'est vrai que l'actualité n'est jamais très croustillante dans cette île bien calme et il sent que le journal fait ce qu'il peut 64 š Intéressant › pour remplir ses colonnes. Alors qu'il referme les pages, il tombe sur l'évènement majeure de la veille, qui fait la une, à savoir 'A man under the control of alcohol insult a policeman'. "Eh bien heureusement qu'il n'a pas frappé le policier sinon nous avions le droit à un dossier spécial!" ironise-t-il en reposant son journal sur la table à côté de sa tasse de café. Son voisin de table lance un "Hic! Pleazzzz, anofer oine! Hic!" en faisant signe à une serveuse terrifiée pour réclamer un troisième planteur. "Il est 10h30, il attaque dur au rhum, tout va bien." pense-t-il avec un air dubitatif. Sans grand espoir et pour la nième fois, il inspecte l'espace qu'il doit surveiller avant de résumer sa vision sur son livre pour entamer un nouveau chapitre. Mais tout d'un coup une petite voix au fond de lui crie "Tu as loupé quelque chose! Regardes mieux." Il relève alors violemment son regard et passe au crible la foule. Une femme, type européen, cheveux châtain, la trentaine se dirige vers le marché. Sans la quitter des yeux, il ouvre son sac à dos et en extrait son appareil photo. Il place dans la mire l'inconnue et règle son objectif à 300mm avant d'opérer une légère pression du déclencheur pour laisser l'autofocus faire la mise au point. "Intéressant," lance-t-il de vive voix " il semble que la patience du trappeur à encore fait merveille." Il vient de basculer en phase trois de son plan, l'étude de sa cible pour frapper au moment le plus propice, le plus sûr. L'identification étant faite, il pose son appareil sur la table. Il observe que la jeune femme passe en revue les étales de fruits, d'épices, de gâteaux. Elle semble faire le tour comme pour trouver le plus beau produit au meilleur prix. Au niveau de la zone réservée à l'artisanat, elle s'arrête devant un ensemble de tableaux. Un autre détail retient soudainement l'attention de David, un grand blond avec une veste de marin semble suivre 65 Opération Amaryllis sa cible. Il va même à sa rencontre. "Playboy en approche, contact, abordage réussi." pense-t-il avant de finir par "Intéressant, très intéressant tout cela." 66 Ca c'est une entrée Annah vient de passer d'agréables journées en compagnie des fillettes, profitant de chaque instant. Ballades, édification de châteaux de sable, jeux de plein-air, atelier dessins, course aux crabes, cuisine ou plus simplement baignades résume l'agenda du trio pendant une semaine. Elle a pu faire aussi de très nombreux croquis des gamines et ceci pour son plus grand plaisir. Pendant ce temps, le grand-père c'est occupé de l'approvisionnement, trop comptant d'avoir ses petites-filles occupées et la présence féminine d'Annah. Mais hier c'était le grand départ. La séparation a été difficile avec d'un côté les fillettes perdues entre l'excitation de retrouver leurs parents et le fait de devoir quitter leur nouvelle amie et leur grand-père et de l'autre une Annah angoissée à la vue du vide que va laisser cet adieu. En ce matin, dans l'espoir de se changer les idées et surtout parce qu'il faut bien reprendre les habitudes et son autonomie, elle est venue au bourg principal pour faire son marché. Elle n'a pas d'idée fixe sur ce qu'elle veut et préfère se laisser guider par ses envies. Et puis elle ne s'attache pas vraiment à un commerçant en particulier. Non, en bonne ménagère de moins de cinquante ans non lobotomisé par la télévision, elle fait le tour, repère les prix mais surtout la qualité avant d'acheter quoique ce soit. "Ils m'ont l'air très alléchant ces pâtisseries." se dit-elle en regardant un étalage de gâteau de patate douce, de manioc et de maïs. "Certainement un peut étouffe belle-mère, mais avec un bon verre de jus de fruit ça doit passer." Elle continue sa déambulation en se promettant de repasser par ce pâtissier. 67 Opération Amaryllis "Tiens des letchis bien gros et rouges, ça c'est une autre idée." pense-t-elle "Et les oranges ne sont pas chères. Bon continuons et allons voir ce que nous pouvons trouver côté viande. Je me verrais bien manger un bon poulet grillé avec les doigts." Pour aller dans la partie où se trouve la viande, la volaille et le poisson, elle doit passer par une allée bordée de marchant de souvenirs et de petits artisans. En avançant, elle repère une exposition de peinture qu'elle n'avait pas encore remarquée jusqu'à ce jour. L'artiste a saisi sur ses toiles des scènes de la vie quotidienne de l'île et ceci de façon très réaliste. Il est presque possible de croire qu'elle a affaire à une photographie de loin. Elle prend le temps d'apprécier chaque oeuvres. Quelques minutes passent quand soudain une voix venue de derrière elle l'interroge "Very realist! It looks like a photograph, don't you think miss ?" Annah sans se retourner répond "Yes indeed! I was thinking of that too." "Vous avez un petit accent, mademoiselle. Seriez-vous française ?" lance l'homme. Elle se retourne alors pour voir son interlocuteur et tombe nez à nez avec un beau et grand blond. Très rapidement ces yeux se verrouillent dans ceux de cet inconnu au regard qui dégage 100 000 volts. Elle se trouve comme électrisée et pendant quelques secondes muette. Finalement un oui s'échappe. "Et une connaisseuse de l'art semble-t-il ?" enchaîne aussitôt l'homme qui conclue par un grand sourire. Annah a maintenant repris le contrôle de sa parole et le sourire aux lèvres, lui répond "Pas vraiment, mais je pratique moi aussi le dessin et c'est vrai qu'arriver à un tel niveau de réalisme c'est tout à fait impressionnant." "Oh! Une artiste, j'adore les artistes." lui euphorique. Il porte sa main dans la poche intérieure de sa veste pour sortir son porte-feuille d'où il extrait une carte de visite qu'il 68 š Ca c'est une entrée › tend à Annah et continue à battre le fer pendant qu'il est chaud "Je suis à la recherche de nouveaux talents dans le domaine des arts plastiques pour des clients européens et américains à travers le monde entier. Est-t-il possible de voir votre travail ?" Annah regarde attentivement le morceau de carton sur lequel il est marqué 'Spécialiste et conseil en art' avant de rétorquer sans agressivité "Non, je suis désolé mais je ne cherche pas à les vendre." "Je connais aussi quelques galeries qui pourraient être juste..." Elle l'interrompt "Je ne pense pas avoir vraiment de talent. Je fais juste cela pour le plaisir, c'est tout." "D'accord, je comprends," dit-il chaleureusement "je ne vous embête pas plus avec cela. Mais si jamais, juste pour le plaisir de mes yeux, vous voulez me montrer vos dessins, n'hésitez surtout pas. Je suis actuellement dans la marina sur le bateau Marry I, emplacement C3." Pour ne pas être trop dur car il a été très agréable elle rétorque "Je vais y réfléchir." "Très bien et merci d'avance. En attendant, je vous souhaite une bonne journée." "Bonne journée à vous aussi." dit-elle pendant qu'elle regarde l'inconnue s'éloigner tranquillement en direction du port. "Il a l'air très charmant cet Alexandre." marmonne-t-elle. 69 Intervention sur le destin Je suis assis sur une jetée du port et j'écoute le bruit que fond quelques dizaine de milliers de galets qui roulent sous l'effet du ressac. J'ai l'impression qu'elle me parle, me conseil. J'ai besoin d'elle car l'heure est grave, je dois prendre une décision, choisir un chemin. Je profite de la pause réglementaire de mon narrateur pour vous faire partager, chère lectrice ou lecteur, de la profonde indécision qui m'habite. Plus j'avance dans l'écriture de cette histoire et plus je m'attache à mon héroïne, la belle, douce et sensuelle Annah. J'en deviens accros comme sous l'effet d'un stupéfiant, un héroïnomane en quelque sorte. J'avais construit autour d'elle des murailles pour la protéger et lui permettre de s'épanouir dans un milieu harmonieux et réparateur. Mais il semble qu'une dépression tropicale à tendance cyclonique se rapproche promettant de détruire tout sur son passage. De là où je suis assis, je vois cette jeune femme souriante et insoucieuse. Et pendant qu'elle attend Isidore qui la ramènera du marché, j'ai envie de courir vers elle, la serrer dans mes bras, lui dire combien je l'adore et l'encourager à fuir le danger, loin, le plus loin possible avec moi pourquoi pas. Après tout j'en ai bien le droit, je suis l'auteur de cette histoire et tel le Bon Dieu je fais la pluie et le beau temps dans mon monde. Mais je ne suis pas sûr qu'elle comprendrait, un inconnu qui lui saute au cou, la connaît mieux que peut-être elle ne se connaît elle-même, et lui parlerait des dangers qui l'attendent. Non, elle me prendrait pour un cingler, un mec qui n'a pas la 71 Opération Amaryllis lumière à tous les étages et c'est moi qu'elle fuirait à mon grand désespoir. Et puis agir d'une telle façon serait mettre à mort cette histoire et je ne souhaite pas vous laisser sur votre faim, vous qui êtes resté jusqu'ici. Je ne suis même plus sûr d'être encore le propriétaire de cette aventure tant il est certain qu'à chaque lignes que vous lisez1, c'est un peu l'histoire que vous vous appropriez avec vos espoirs, vos interrogations, vos fantasmes, votre curiosité. Non, elle a raison la mer, je ne dois pas intervenir sur le destin d'Annah. De toute façon il est déjà trop tard, Isidore est là. J'entant le narrateur qui revient de sa pause, signe qu'il est temps pour moi de retourner à mon clavier et à mon petit carnet rouge. Bonne continuation. 1 mon ego aurait préféré le verbe dévorer en lieu et place de lire, mais il faut être réaliste. 72 Troubles au plus profond de l'âme Deux jours après la rencontre du marché, Annah est à nouveau sur le chemin du bourg. Mais cette fois elle n'y va pas uniquement pour s'approvisionner car elle a pris avec elle sa grande pochette de dessins. Elle ne va pas voir une galerie ou même tenter de faire une exposition à la sauvette. Non. Elle a décidé de rendre visite à cet Alexandre. Ses réticences n'ont pas résisté à la curiosité d'avoir un avis professionnel sur son travail mais surtout de revoir le très intrigant et mignon spécialiste en art. "Après tout je risque quoi !" c'était-elle écriée levant les bras au ciel en fin d'argumentation. Cette fois ci, Isidore arrime le bateau une fois arrivé, il va en profiter pour voir son fils qui est sur la réparation de la coque d'un bateau. "When you want to go back home, just come near the boat miss, I will be able to see you." "You are nice. See you." répond-elle avec un large sourire. Elle prend la direction de la passerelle C, sa pochette sous le bras. Elle se perd un peu dans le dédale d'allées, mais fini après 10 minutes par trouver l'emplacement C3. Pas de surprise, la Marry I est bien à quai et l'Alexandre bronze sur le pont avant. Il ne porte qu'un short mi-long bleu marine et Annah en profite pour le mater discrètement. "Hum! Quel corps!" rugit en elle son côté diablotin. "Ho hé du bateau." finit-elle par crier pour attirer l'attention. Alexandre se relève pour voir qui l'a interpellé et un grand sourire généreux illumine son visage à la vue d'Annah. Il se relève complètement et elle n'en loupe pas une goutte. "Dos en V, plaque de chocolat, pectoraux... Oh mon dieu," pense-t73 Opération Amaryllis elle "quel mâle !" "Bonjour. Que me vaut le plaisir de votre visite ?" "Je..." elle essaye de reprendre son esprit "J'ai réfléchi et je me suis dit que ce n'était peut-être pas une si mauvaise idée de vous montrer mes croquis." "Ah c'est génial. Montez." et il lui tend la main pour l'aider délicatement à monter à bord. "Installez-vous sur la table..." et la regardant en attendant son prénom. "Annah!" offre-t-elle. "Enchanté Annah, je me prénomme Alex. Mettez-vous à votre aise. Je descends enfiler quelque chose d'un peu plus décent et je reviens." Il s'engouffre dans le bateau et en ressort 2 minutes plus tard avec une chemise ample de la même couleur que son short. "Puis-je vous offrir quelque chose de rafraîchissant, un coca, un jus de fruit ?" "Partante pour un jus de fruit." "Alors deux jus de fruit bien frais, c'est parti!" lance-t-il "Juste le temps d'aller cueillir les fruits et je reviens." Tous les deux rigolent alors qu'il s'éclipse un instant avant de ressortir avec deux verres qu'il dépose sur la table et il s'assit à son côté sous une bâche qui les protège du soleil. Trinquant "Alors chère Annah que faites-vous dans ce paradis terrestre ?" "Disons que je suis venue pour me reposer avant tout, renouer avec l'inspiration. Et vous ?" "En vacance, mais toujours un peu à la recherche de nouveau talent. D'ailleurs voyons un peu vos croquis." "N'oubliez pas que je cherche juste un avis, pas question de vendre." "Oui, c'est vrai. Pardonnez-moi, je suis probablement trop enthousiaste." confesse-t-il. Ils passent la demi-heure qui suit à parcourir croquis par croquis, elle expliquant la scène, lui commentant la technique, 74 š Troubles au plus profond de l'âme › approuvant et félicitant. Des discussions plus banales prennent la suite ponctuées de beaucoup de rires. Et puis à un moment, alors que l'échange était très cordial, il décide de prendre sa main pendant qu'il fixe ses yeux. Mais la réaction n'est pas celle qu'il attendait car le visage d'Annah passe d'un large sourire, à l'expression de la peur ou d'un égarement pendant une demi-seconde avant de se figer avec des yeux noirs. Elle se met alors à ranger ses dessins. Lui tente de corriger l'improbable situation "Je... je suis désolé Annah... j'avoue que depuis avant-hier je suis troublé. Tu es tellement..." Et elle de l'interrompre avec force "Pourquoi ? L'échange était amical, pourquoi tout gâcher ? Pourquoi vous les hommes vous ne pouvez pas vous contenter d'une relation simple ?" "Parce que Annah quand nous tombons sur une femme comme toi..." lui d'une voix douce et demandant la compréhension. "Mais vous ne me connaissez même pas !" l'interrompant à la limite de l'hystérie "Nous nous sommes vus deux fois !" Lui maintenant plus ferme "Oui c'est vrai, il faut des années pour comprendre et apprécier une personne, mais il ne faut parfois que quelques secondes pour l'aimer à tout jamais." "Aimer ! Ha! Ha! Ha! Faites moi rire monsieur." et de conclure très froidement et en colère "Vous voulez dire que vous les hommes, il ne vous faut que quelques secondes pour savoir si oui ou non vous avez envie de coucher. Et rien d'autre. Au revoir." Elle se retire rapidement de sa place et se retrouve sur le ponton avant même qu'il est pu réagir et se sauve. Lui reste assis et au-delà de toute prévision est abattu. 75 Molosse sadique Fait peu habituel à l'aérodrome, un petit hélicoptère se pose. C'est assez rare car les îles voisines sont trop éloignées par rapport à l'autonomie de ce type d'engin volant. Il vient très certainement d'un bateau au large et comme l'identification n'est pas militaire, il appartient probablement à un navire privé. Avec l'arrêt de la rotation des palmes, le bruit assourdissant s'estompe et il est possible de voir un grand type assez costaud et massif tenter de s'extirper avant de courir ouvrir sans élégance la porte à une femme vêtue de blanc, chapeau compris. Elle prend la direction de l'arrivée, pendant que son subalterne s'active laborieusement à sortir les nombreux bagages Hermès. Une fois l'ensemble récupéré, il emboîte le pas de sa maîtresse qui s'impatiente "Par Saint-James dépêchez-vous un peu, le soleil me brûle chaque pore de la peau. C'est extrêmement désagréable. Et faites attention aux bagages." Faisant son tour de garde, un maître-chien et son compagnon croisent le chemin de ce qui semble être un larbin. Un regard du type, limite sadique et dégoulinant de sueur, glace le cœur du policier, tandis que son chien queue entre les jambes, tire en retraite en gémissant. 77 Sensibilité Annah est assise sur un rocher qui surplombe la plage où elle a l'habitude de venir. La vue est superbe avec cette mer forte dont les vagues se heurtent à un vent tout aussi belliqueux qui transforme leur crête en gerbe de gouttelettes. Les rayons du soleil, qui règnent dans un ciel uniformément bleu, y rajoutent des reflets dorés du plus bel effet. Mais Annah n'y fait pas attention, la seule chose qu'elle regarde c'est le désordre qui règne en elle. Après la rencontre de ce matin, elle c'est très vite sauvée ne voulant pas voir la haine s'installer. Comme convenu, une fois au bateau, Isidore n'a pas tardé à revenir. Son expérience parlant pour lui, il a dut s'apercevoir de son état de stress car il n'a pas cherché à parler de tout et de rien comme ils le font habituellement. Il a respecté le silence dont elle avait besoin. D'autres auraient voulu savoir ce qu'elle avait, la questionnant, lui offrant des solutions. Lui c'est impliqué silencieusement en offrant juste un peu plus d'attentions. Elle lui en est reconnaissante car c'est tout ce dont elle avait besoin pour le moment. Une fois dans son gîte, cette situation de tension l'ayant totalement épuisée, elle s'est endormie sur son lit. Au réveil la fatigue était passée mais pas le trouble et les questions. Et la voila maintenant perchée, cherchant une explication à cette peur qui la prise à la george. Elle espère juste qu'il n'a pas eut le temps de noter celle-ci. Pas question d'être faible face à un homme. Par son travail elle a appris à les séduire, à les utiliser, à satisfaire leurs attentes. Et ceci sans le moindre sentiment et avec le détachement le plus total. Cela était 79 Opération Amaryllis d'autant plus facile que plus elle voyait d'hommes, plus le vrai elle avait envie de s'en écarter. Mais cette fois elle a eut peur car elle n'a pas pu suivre cette logique et revêtir sa carapace avec Alexandre. Pourquoi ? Il est mignon, a la carrure d'un beau mâle et le visage d'un ange. Il présente une certaine classe dans ses gestes comme elle a put observer au marché. Il a beaucoup de charme et de contrôle dans son langage. Il est loin d'être idiot et a un emploi artistique. Mais elle a déjà eut affaire à ce genre de types qui derrière de belles vitrines, étaient capables de vous battre à mort juste pour le plaisir. Pourquoi ? Sa nouvelle vie aurait-elle une influence ? Elle est libre maintenant et les hommes qu'elle croise ne lui sont plus imposés. Elle ne travaille plus, elle s’est retirée. Son indifférence n'a plus lieu d'être. Pourquoi ? Aurait-il activé une partie de son âme non encore découverte à ce jour ? Aurait-il stimulé une zone insensible jusqu'ici ? Est-il l'élu capable de submergé la muraille où elle s'est réfugiée et de percer l'armure qu'elle s'est forgée ? Peutêtre bien. Maintenant elle se remémore la scène de dispute, la tendresse de son geste et la force de son regard. La douceur de sa voix malgré les interruptions, les piques et les attaques qu'elle lui a offerts en retour. Elle l'a totalement méprisé et rangé dans les généralités. Elle se sent mal. Le trouble laisse maintenant la place au doute d'être passé sur un élément essentiel de sa vie et au remord de ne pas avoir laissé Alexandre s'expliquer surtout. Elle ne peut en rester là, vivre en sachant qu'elle a tué dans l’œuf une chance est une chose. Mais vivre avec le remord en est une autre. Elle n'a pas le choix, il va falloir qu'elle lui présente ses excuses même si l'essentiel est probablement mort. Son autre elle doit s'en retourner dans sa tombe. "Oh! Mon dieu!" laisse-t-elle échappé avant de pincer ses 80 š Sensibilité › lèvres tandis que les larmes commencent à abonder. 81 Une voix dans la nuit Du côté de la marina, Alexandre est resté scotché un instant à son siége avant de retrouver le contrôle. Mais trop tard pour réagir, elle était déjà bien loin quand il est arrivé au bout du ponton. Et force est de constaté que sa première tentative a été un fiasco. Lui qui pensait régler l'affaire très rapidement après un premier contact positif, se retrouve à la case départ avec un sérieux handicap. Mais tout n'est pas perdu, car il lui semble avoir vue quelque chose une fraction de seconde avant qu'elle ne commence à le pilonner. Une faiblesse donc un point d'entrée possible à exploiter. La rencontrer à nouveau ne devrait pas poser de difficulté. Par contre l'approche ressemblera à de la haute-voltige sans filé, s'il se loupe, elle ne lui pardonnera pas et alors au revoir toute idée de l'avoir dans son lit. Même s'il n'a pas l'habitude d'essuyer de tels revers sans vraiment réagir et retourner la situation à son avantage, il sait qu'il faut souvent se battre et prend cette nouvelle donne comme un challenge pour son ego. Il pense arriver à regagner des points auprès d'elle en mettant son masque de la sincérité et en plaidant coupable. Si cela ne suffit pas il sortira sa panoplie de l'homme blessé parce qu'elle ne l'a pas écouté et l'a mal jugé. Si après ça elle n'a pas de remords, il sera encore temps de passer à autre chose. Et puis après tout le fait de ne pas arriver à l'accrocher à son tableau de chasse ne l'empêchera pas de la tuer. Il a avant tout un contrat à exécuter même si mêler l'utile à l'agréable n'est pas pour lui déplaire. Une petite ruelle vide ou une 83 Opération Amaryllis bousculade au sein d'une foule sont autant d'occasions d'agir. Pour lui pas besoin, de faire une longue étude de la cible, il faut juste être là au bon moment. Après l'altercation, il est retourné à son bateau pour finir sa séance d'exposition au soleil avant de partir manger au port. Il a ensuite passé le reste de la journée à traîner dans la ville ou à roupiller sur la plage. Retour à la marina pour se changer et faire un brin de toilette avant d'aller dîner dans une pizzeria du centre. Puis direction le 'Samy Bar', histoire de faire quelques pas de samba avec une belle créole peu farouche. Mais attention, pas touche! Il ne veut pas prendre le risque que celle qu'il vise le voie dans les bras d'une autre. Enfin il a terminé sa viré par un pub à écouter un petit groupe de rock reprendre des standards. Il est maintenant 2h du matin passé quand il prend le chemin de retour vers son bateau. Il se met à parler tout seul "Je me suis fait avoir comme un bleu. Cette fille m'a presque désarmé. Aurait-elle usé d'un charme particulier ?" et faisant une moue de dédain, il ajoute "Nah! Pas possible, personne n'ensorcelle le grand Alex." L'obscurité est bien présente lorsqu'il arrive à son embarcation et l'éclairage urbain n'est pas très fort à cet endroit. Mis à part les bruits habituels d'un port, clapotis de l'eau sur les coques, vent qui souffle dans les cordages et mats, et cliquetis métalliques, l'endroit est silencieux et paisible. Ces proches voisins sont probablement endormis. Il dispose sa veste sur l'une des chaises à l'arrière du bateau afin de laisser l'air frais dissiper l'odeur de tabac froid avant de rentrer dans la cabine. A peine a-t-il finit de descendre l'escalier, qu'une main l'agrippe et le projette violemment au sol. En bout de chute il va se cogner le front sur une chaise. "Ail!" laisse-t-il échapper. Il tente de se relever le plus rapidement possible mais son agresseur et déjà sur lui. Un bon coup dans les reins le fait mettre à genoux et lui coupe le 84 š Une voix dans la nuit › souffle. L'autre continue son supplice en attrapant sa tignasse et en lui collant une grande gifle qui l'aurait fait voler s'il n'était pas retenu par les cheveux. "Mais bordel que voulez-vous ?" essaye-t-il d'articuler. Mais la brute épaisse reste sans réponse et attrape Alex par le col de sa chemise pour le faire se lever. S'en suit un coup de poing dans le bas du ventre qui lui donne aussitôt envie de vomir et de se plier. Tandis qu'il tient maintenant Alex par le cou en lui coupant presque la respiration, le malabar sort un objet de son veston. Un clic se fait entendre et alors qu'il commence à craindre le pire comme un couteau, Alex entend une voix féminine enregistrée "Bonsoir Alexandre. Je voulais juste vous rappeler qu'il y a un travail à faire et que contrairement à ce que j'ai entendu à votre sujet, cette fois ci j'attends un travail propre. J'espère que mon messager ne vous a pas trop incommodé. Je lui ai demandé d'être ferme mais sans trop vous abîmer pour que dès demain matin vous soyez en parfait état pour votre mission. Je sais qu'il a parfois tendance à avoir la main lourde, vous lui pardonnerez. Je vous souhaite une bonne continuation et par Saint-James ne me décevez pas." Un autre clic et le dictaphone a terminé de délivrer son message et son porteur asséne le coup de grâce à l'arrière de la nuque. Alex s'écroule en position du fœtus, il entant ensuite son agresseur s'enfuir en faisant tomber la chaise. Après c'est le vide, il perd connaissance. 85 Comme c'est touchant Comme décidé la veille, Annah est revenue en ville en ce début de matinée pour présenter au moins ses excuses et pour écouter ce qu'il avait à dire. Cela ne dérange pas trop Isidore, qui de toute façon vient chaque jour pour donner un coup de main à son fils. Arrivée à l'emplacement, Alexandre n'est pas visible sur le bateau mais la porte de la cabine est ouverte. "Hé ho la Marry I, il y a quelqu'un ?" mais son interrogation reste sans réponse. Elle scrute autour d'elle dans l'espoir de le voir, mais non, aucune trace. "Il ne doit pas être loin. Je peux toujours aller faire un tour au marché et revenir plus tard." Pense-t-elle. Elle est sur le point de partir quand elle remarque une chaise renversée et une veste prête à tomber à l'eau. Instinctivement elle va pour la ramasser mais s'arrête dans sa course. "Que va-t-il dire s'il me trouve sur son bateau ?" pense-t-elle. Elle regarde à nouveau autour d'elle, personne. "Et puis après tout nous verrons bien." d'un ton confident. Une fois sur l'embarcation, elle retire la veste de sa situation précaire et la défroisse. Elle redresse la chaise et y dépose l'habit. Annah décide ensuite de regagner l'allée C, quand sa curiosité la force à jeter un oeil dans la cabine. "Oh! Mon dieu!" laisse-t-elle échapper de stupeur quand elle voit deux jambes au sol. Elle se précipite à l'intérieur, pour découvrir le corps d'Alex sans mouvement, allongé sur le côté. Son visage est couvert de sang mais la frayeur diminue quand elle s'aperçoit qu'il respire encore. La pièce est plutôt en désordre, avec des 87 Opération Amaryllis gouttes de sang ici ou là et surtout pas de bouteille. "Il a dut surprendre un voleur, " pense-t-elle "j'ai eut peur que ce soit un retour difficile d'alcoolique." --Annah est à genoux et secoue gentiment puis plus énergiquement le corps inanimé en répétant "Alex! Alex! Réveillez-vous." mais cela ne semble pas donner de résultat. "Pourvu qu'il ne soit pas tombé dans le coma." dit-elle angoissé. Mais sa persévérance finit par payer et Alex reprend ses esprits peu à peu. Tout d'abord il commence par bafouiller quelques mots "Laissez-moi... j'vous est rien fait... non... non... " Puis il ouvre les yeux désorientés. Elle lui chuchote d'une voix douce et en passant sa main dans ses cheveux "Chut! Chut! Chut! Tout va bien maintenant. C'est finit." A ces mots et la voyant, il se calme et reprend ses repères. Elle l'aide à se relever même si seule sa tête lui fait mal et il s'assoit sur une chaise qu'elle lui glisse. Pendant qu'il s'étire pour élimer les courbatures du fait qu'il a dormi à terre, elle se dirige à l'avant du bateau à la recherche de la salle de bain. Elle revient une minute plus tard avec un kit de premier soin qu'elle pose sur la table et une serviette. Elle mouille un carré de la serviette avec l'eau d'une bouteille et commence à nettoyer le visage d'Alex. La coupure au front n'est que superficielle. Elle attrape la bombe de désinfectant du kit et en vaporise un peu sur la blessure. Cela pique et le visage de son patient le montre. Elle souffle dessus pour diminuer la sensation désagréable. Puis elle prend un pansement pour protéger. "Je suis passé pour m'excuser pour hier et je vous ais trouvé sans vie au sol. Que s’est-il passé ?" 88 š Comme c'est touchant › "Oh! Je ne sais pas trop," long silence "peut-être un voleur que j'ai surpris." "Il vous a passé un sale savon. Mais mis à part ce petit bobo, il n'y a rien de grave semble-t-il." "Oui effectivement, rien de grave, " répond-il tout en ajoutant pour lui "pour le moment." Elle tient maintenant son visage avec sa main gauche tandis que l'autre continue le nettoyage. Elle se penche pour se rapprocher de lui et ainsi mieux s'appliquer. Alors qu'elle termine par ses lèvres, les yeux qui ne s'étaient pas croisés jusqu'ici se rencontrent. Elle se fige dans son geste pendant quelques secondes sans fin. La serviette lui glisse des mains et puis poussée par une force que la raison ne serait expliquer, elle l'embrasse. Son partenaire apparemment dans le même état, lui répond. Il se lève et la serre dans ses bras alors que le baiser devient de plus en plus fougueux. Les gestes s'enchaînent très vite. Elle lui déboutonne sa chemise blanche et passe ses mains sur son buste musclé tandis qu'il dégrafe la petite robe noire qui glisse au pied de la belle. Puis très frénétiquement les chaussures sont enlevées, une paire de chaussettes et un pantalon volent. Lui est maintenant en boxer noir très viril tandis qu'elle ne porte plus qu'un ensemble soutien-gorge et culotte très sensuelle en broderie fine blanche. Elle entame de se mettre à nu mais lui, l'interrompt d'une voix qui souffle le chaud "Non, attends. Prenons le temps, profitons de ce premier moment." Il lui attrape une main et l'entraîne vers la chambre. Il la fait ensuite se coucher sur le lit tout en se mettant à ses côtés. Sa main sur sa joue, les yeux dans les yeux et le même sourire, il lui murmure "Laisses moi faire. Laisses moi te découvrir." Elle ne dit mot mais sa moue indique son improbation. Alors il commence par la couvrir de petit bizou tandis que ses mains l'effleurent partout où il n'y a pas de tissus. Il parcourt ainsi la nuque, les épaules, l'abdomen et les longues jambes. Puis il 89 Opération Amaryllis remonte. Une main dans le bas du dos la fait s'arc-bouter tandis qu'il alterne baisés, souffles et jeux de langue au niveau du nombril. L'autre main effleure le soutient-gorge, en trace le contour pour finir par caresser les seins à travers la texture délicate et agréable au toucher. Elle se laisse faire, ferme les yeux, se pince parfois les lèvres et pousse quelques râles de plaisir encourageant. Il délaisse le nombril et remonte au niveau du visage pour un long french-kiss. Puis il lui murmure à l'oreille "Tu es belle, tu es une belle femme". Elle ouvre les yeux et alors le regard l'un dans l'autre, il entame de dévoiler sa poitrine. Une main retire délicatement une bretelle, puis l'autre et enfin glisse dans le dos pour finir l'opération. Toujours sans la quitter des yeux et avec son aide, la fine protection est retirée. Alors seulement il visualise ce qui depuis longtemps mène les hommes par le bout du nez, deux seins fermes et de taille correcte à en voir l'éclaircissement sur son visage. Les aréoles ont une belle circonférence et leur pigmentation les détache bien du reste des seins. Il porte alors son attention sur ceux-ci en mordillant, aspirant, léchant le mamelon ou décrivant avec une langue ferme des cercles autour de celui-ci. L'autre n'est pas en reste avec des doigts qui le malaxent soigneusement, pincent ou caressent. Il prend son temps car elle semble demandeuse. Puis la main quitte le sein pour plonger vivement vers le bas du ventre mais stoppe sa course dès qu'il touche la culotte pour ensuite prendre la direction du flanc. Elle émet un son qui semble dire "Pourquoi n'as-tu pas été plus loin ?". Mais lui continue sur les seins tandis que la main se lance dans un va-et-vient. L'ayant compris, il lui chuchote "Patience généreuse demoiselle. Patience" et ils s'embrassent. A nouveau il fait plonger sa main, à la façon d'un raz-de-marée qui emporte tout sur son passage. Et cette fois-ci elle ne s'arrête pas et part explorer la partie intime et humide de la jeune femme. Il la caresse doucement et lentement puis fait progresser vers un rythme 90 š Comme c'est touchant › plus soutenu et plus entreprenant. Elle apprécie, le baiser devient plus fougueux, les mains caressant jusque là le dos de son amant, pincent et griffent passionnellement. Quelques minutes s'écoulent, et il ressort sa main comme elle était venue. Il veut maintenant retirer la dernière protection et comme pour le soutien-gorge, il plante son profond regard dans celle de sa partenaire. Là aussi elle l'aide et il peut maintenant regarder avec satisfaction le pubis de sa partenaire, probablement content de voir qu'elle n'a pas succombé à la mode qui veut que tous les poils soient rasés. Il est temps maintenant d'aller goûter au fruit défendu. Il lui remonte les genoux et lui écarte les jambes tandis que c'est au tour de sa tête de plonger. Là encore une fois il joue de l'alternance sur la vitesse et les effets que sa bouche peut offrir. Elle est au ange, râle, mord ses doigts ou caresse les cheveux d'Alex et parfois tout en même temps. Des frisons la parcours. Puis les deux mains, alors positionnées sur les flancs, commencent à la sentir vibrer. Elle est probablement prête maintenant et d'ailleurs elle lui dit avec un ton presque implorant "Alex, maintenant!". Alors il s'arrête, sort du lit et prend dans le chevet un préservatif. Elle pendant ce temps s'est relevée aussi et lui lance coquinement "Je souhaite le faire." Il se retourne vers elle très content "Très volontiers." Elle glisse ses mains dans son boxeur de chaque côté et tout en se baissant lui retire. Elle regarde le pénis libéré de son entrave finir son érection tandis qu'elle attrape le préservatif. Une légère masturbation pour l'aider à pleinement durcir et puis elle déploie le latex. Elle se relève ensuite et ils s'enlacent en s'embrassant. Délicatement ils tombent tous les deux sur le lit et puis il s'introduit en elle et entame un langoureux va-etvient qui n'a plus rien de suggestif. Cet échange ne dur pas très longtemps, tous les deux étant déjà très excités, mais l'orgasme est presque atteint à l'unisson. 91 Opération Amaryllis --Dans la marina, la vie suit son cours. Bruit de moteur des bateaux qui sortent en mer, claquement des voiles, discussions plus ou moins animés, bruit de cuisine, pas sur le ponton en bois, divers bruit de l'eau et puis les mouettes qui rient bien de tout cela. Quant à Annah et Alex, ils ont décidé de rester au lit dans les bras l'un de l'autre pour profiter pleinement de ce qu'ils viennent de vivre. Quand au monde qui les entoure, très égoïstement comme peu l'être un jeune couple d'amants, ils s'en moquent. 92 Les loups sont dans la bergerie Cela fait plusieurs jours que David suit de près son petit monde à savoir sa cible, le vieux local et puis cet inconnu qui est rentré en contact avec elle. Mais il n'a toujours pas réussi à trouver le lieu de résidence de la femme car elle ne se déplace qu'en barque. Le temps avance mais il reste confiant, il va bien y avoir une opportunité simple. Sinon il ne lui restera qu'à louer une embarcation et faire une poursuite discrète. Ca lui rappellera son armée. Mais après la scène de ce midi, sur la Marry I, il n'a pas de doute de l'issue. En effet après la dispute de la veille, la séparation a été beaucoup plus chaleureuse et difficile. Ils ont eut du mal à stopper un baiser, lui l'enlaçant comme pour la protéger et elle sur la pointe des pieds. Baiser d'amants sans nul doute. Mais toute chose ayant une fin, elle est repartie avec son accompagnateur. En cette fin d'après midi, il est toujours en poste avec une bonne vue sur l'embarcadère C, dans l'un des nombreux cafés qui entoure la marina. "Tiens voilà notre Don Juan." murmure-t-il "Et en plus habillé comme un cador." David n'a pas de doute de la destination de celui-ci. Il règle sa consommation et se prépare à suivre le marin. "J'espère qu'il ne va pas prendre le bateau lui aussi." pense-t-il. Le blond passe devant lui et prend la direction de la ville. Et contrairement à ce que David a pu observer les autres soirs, il va vers la gare routière. "Bingo, pas de resto ce soir, il va chercher un taxi." pense-t-il. Il se lève alors et file ce qui pourrait bien être son entrée vers 93 Opération Amaryllis sa cible. Il en profite pour sortir son système GPS portable. "Si j'arrive à coller l'émetteur sur la voiture, c'est gagné." se répéte-t-il. Il sait pourtant que cela ne va pas être facile même s'il a déjà une bonne pratique de cette méthode. Et de toute façon si ça ne marche pas, il pourra toujours sortir la bonne vieille réplique de film 'Suivez ce taxi!'. L'appât va droit vers la tête d'attente. Plus d'hésitation à avoir, David fait un rapide tour de la situation "Ok, s'il veut quitter le parking, il doit prendre cette unique sortie." Au niveau de celle-ci, un bus s'est garé pour embarquer et débarquer des locaux. Il règne une certaine pagaille pour récupérer les bagages. "C'est le spot." lance-t-il et va se positionner pour agir. Comme prévu, l'inconnue a pris le premier taxi et celui-ci se retrouve coincé. Klaxon et discussion haute en noms d'oiseau entre chauffeur mettent un peu plus d'énergie dans cette scène. "L'inconnue regarde avec attention la dispute, c'est le moment." se dit-il. Passant par l'arrière du véhicule, il y colle son mouchard et s'éloigne. Il a pris soin de prendre note du numéro de licence pour pouvoir récupérer son matériel. Quelques minutes plus tard, le taxi peut enfin prendre la route et sa trajectoire commence à apparaître sur l'écran à cristaux liquides du récepteur. David se trouve alors un endroit tranquille pour la suivre. La trace progresse pendant une bonne demi-heure et puis soudain se fige avant de reprendre sa course mais en sens inverse. Il mémorise la longitude et latitude du point qui l'intéresse. Il ne reste plus qu'à le positionner sur sa carte ce soir dans sa chambre. Un jeu d'enfant. 94 Massage et gourmandise Comme à son habitude Alex est le premier réveillé et il regarde comme il aime le faire, Annah qui dort encore. Ses cheveux sont étalés sur l'oreiller et elle offre un visage innocent. Il y a presque un sourire. Il se remémore chaque courbes de ce corps gracieux et féminin qui repose sous le drap blanc. Il capte encore la chaleur et l'enivrante odeur qu'elle dégage. Il suit sa respiration et y cale la sienne. Il s'étonne aussi de la tournure des événements où tout va très vite depuis leur rencontre. Hier soir ils se sont retrouvés chez elle pour un dîner aux chandelles. Le menu était agréable, simple et elle avait même fait l'effort de trouver une bouteille de champagne pourtant rare dans le pays. La discussion était classique, celle de deux personnes qui cherchent à se découvrir, à savoir famille, études, travail, vie sentimentale, etc. Il a l'habitude de ce genre d'échange et ne laisse transparaître que ce qui peut faire plaisir à sa convoité, arrangeant souvent la vérité. Mais là s'en savoir pourquoi il lui a parlé de beaucoup trop de choses comme le fait qu'il ait été abandonné ou qu'il ne sait pas trop ce qu'il fait dans ce monde. A la fin du repas, ils se sont retrouvés sur la terrasse à jouer à une sorte de jeux de la vérité, lui posant des questions légères, elle plus ciblées pour connaître l'individu. Et puis les interrogations des deux côtés se sont faites plus coquines et à nouveau c'est elle qui à pris l'initiative. Elle s'est approchée de lui, lui a transmis un petit baiser sur le coin de la bouche avant de se reculer rapidement. Ensuite le regardant droit dans les yeux, elle a retiré les broches libérant ses cheveux. Puis elle a fait tomber sa robe de soie rouge et jeté dans sa direction 95 Opération Amaryllis soutien-gorge et slip de la même couleur. Alex est resté scotché au fauteuil d'osier comme si c'était la première fois qu'il voyait une femme nue. Son immobiliste a mal été interprété par Annah qui a cru qu'elle avait fait une erreur. Peur et gène se sont lu sur son visage. Lui, retrouvant ses esprits, c'est alors levé en lui demandant pardon, ou plutôt la remerciant de l'avoir troublé. Il l'a pris dans ses bras la serrant fort pour la rassurer. La consolation a laissé la place à un baiser passionnel tandis qu'elle s'est agrippée à lui en l'enserrant avec les bras et les jambes. Il l'a alors transportée jusqu'à la chambre où c'est elle qui a pris la dominance du rapport. Il se demande bien ce qui lui arrive, lui le conquérant, se retrouve troublé par une femme au point de perdre le contrôle de ses pensées, de ses paroles, de ses gestes. Il la regarde encore et encore, ne bougeant pas de peur de la réveiller. Plus que pour les autres fois, il voudrait que ce moment dure pour toujours. Un nouveau messager sommeil à mes côtés. Il brille et m'illumine de sa bonté. Et déjà cœur, âme et esprit s'unissent Pour libérer tout mon être de ses chaînes. Est-ce un sursaut avant que je périsse, Ou bien le droit à une remise de peine ? "Bonjour!" dit-elle chaleureusement "A quoi penses-tu ?" Lui pourtant surpris dans sa réflexion lui dit limpidement "Je pense à toi mon ange. Au positif trouble dans mon cœur. A l'attraction que tu exerces sur moi. A ton pouvoir et tes faiblesses. A ta beauté. A nous." "Ho! Ho! Cela est-il d'un bon présage, mon amour ?" C'est la première fois que le mot interdit est prononcé entre eux deux. D'habitude il aurait esquivé, remis les choses à leur 96 š Massage et gourmandise › place ou aurait pris les jambes à son cou. Mais là avant d'avoir pu appliquer une quelconque censure "Oui, je pense. Je pense que je t'aime." et en plus il baisse la tête comme s'il n'y pouvait rien. Le Don Juan en lui crie au scandale. Elle en profite pour l'embrasser et lui dire "Je t'aime aussi." Ensuite elle s'étire et dit "Une nouvelle journée commence et plein de choses agréables à vivre. Qu'en penses-tu ?" Lui de répondre "Tu as raison. Et que dirais-tu d'un petit massage pour commencer la journée ? Après la nuit mouvementée que nous avons eut..." Elle agréablement surprise par l'idée "Et en prévision de la prochaine. Hum! Très bonne suggestion." "Où veux-tu que je te masse ?" "Euh... Si j'osais, je dirais... partout." offre-t-elle très coquine et sans ambiguïté. "Madame est gourmande." répond-il en prenant une voix très digne. Il retire le drap et ajoute "Allez, retournes toi, je vais commencer par le dos et si tu es sage..." 97 Même les durs ont le droit de pleurer David à pu profiter tout de même des attraits de l’île, même si depuis quelques jours il ne fait pour ainsi dire que de la filature et de la planque. Il s’est baladé principalement proche de la mer qu’il aime tant et pris de nombreuses photos pour construire son alibi, mais surtout pour son plaisir personnel. Il attend avec impatience de pouvoir rentrer sur la France pour retrouver la Bretagne car ici la mer est trop calme, le temps trop clément et les côtes trop sagement découpées. Ce qu’il aime c’est quand elle se déchaîne, quand les vagues vont se briser violemment et avec un bruit de tonnerre sur les rochers déchiquetés et usés. Il aime les bourrasques des jours de tempête qui font remonter vers le haut des falaises l’écume. Il aime regarder l’affrontement titanesque que se livrent les océans et les mers lorsqu’ils se rencontrent comme à la Pointe du Raz. Il aime marcher parmi le granite et la bruyère un jour de bruine. Il laisse alors couler sur son visage les gouttes pour cacher ses larmes. Il a honte d’avoir conscience que parfois ça lui arrive de pleurer. Mais il y a des douleurs et des blessures que l’honneur, l’entraînement et le fait d’être un homme ne peuvent cacher. Elle, sa Céline, lui manque terriblement. Maintenant que l’heure est venue de prendre sa retraite, il espère pouvoir faire son deuil et surtout bannir la haine qu’il a en lui et que son travail n’a fait qu’entretenir. Mais avant, il doit finir sa mission pour pouvoir commencer une nouvelle vie. Pour le moment il a réussi à trouver un petit sommet qui surplombe la maison de sa cible. Avec l’aide de son appareil photo, il peut surveiller les allés et venues, par la terre ou par 99 Opération Amaryllis la mer en toute discrétion. Et justement cela fait maintenant une bonne dizaine de minutes que le marin a quitté les lieux. Elle est toujours à l’intérieur, sans possibilité de partir en ville car David a vu le papi prendre le large seul avec sa barque. Il lui semble que c’est la meilleure fenêtre s’il veut agir sans recours à son arme et faire ainsi cela en silence. Au large un groupe de trois oiseaux en file indienne, volent à grande vitesse et à quelques centimètres de la surface. David prend le trio en photo, la dernière photo. L’appareil se rembobine automatiquement et il sort ensuite la pellicule qu’il place dans la poche haute gauche de sa veste beige. Il range ensuite son appareil dans son sac et planque ce dernier à l’abris des regards. Il sort son automatique de sa poche intérieur droite et le vérifie avant de l’armer. Il espère ne pas en avoir besoin. "Il est temps d’en finir" se lance-t-il avant de prendre la direction de la villa. 100 Loin d’elle Début d’après-midi, Alex est de retour à son bateau. Assis amène le sol de son pont avant, il réfléchit. Mon corps se réchauffe au contact de sa peau, Loin d'elle j'ai les sens gelés comme dans un frigo. Mon esprit vogue au large en sa présence, Loin d'elle je reste à quai sans espérance. Mon âme s'ébranle selon ses réactions, Loin d'elle le vide m'isole des vibrations. Et cela fait à peine deux heures qu’il a quitté sa dulcinée et moins de soixante-douze heures qu'ils se connaissent. 101 C'était mon héros David est à l'arrière de la maison. Un coup d'œil rapide par la baie vitrée lui indique qu'il n'y a personne dans la pièce principale. Il ouvre celle-ci lentement et silencieusement et se glisse tel un chat à l'intérieur. Il entend une personne qui chantonne, elle est apparemment dans la chambre. Son cerveau qui fonctionne à plein régime cherche la meilleure place pour surprendre sa cible. "Pas d'angle mort au niveau de la porte de la chambre et en plus elle est ouverte. Ce n'est pas une position exploitable." pense-t-il "Par contre dans la cuisine américaine, l'effet de surprise peut être maximum." Il se cache à genoux et ouvre l'oreille. Dehors une brise un peu plus forte que les autres meut un pendule fait de tubes métalliques en suspension. "J'aurais peut-être dû fermer la fenêtre." réfléchit-il. Mais trop tard, des pas viennent dans sa direction. --Annah chantonne joyeusement dans sa chambre. Elle se prépare pour ce soir car Alexandre l'a invitée à sortir en ville. L'occasion de se faire un repas en tête-à-tête et puis après elle espère qu'il l'emmènera danser. Elle a mis une légère robe fleurie bleue, une paire de sandalette et un pendentif fait de pierres précieuses et multicolores pour la mettre en valeur. Elle a pris le temps de se vernir les ongles et mis un rouge à lèvres pour mettre plus de volume à sa délicate bouche. Elle apporte la dernière touche en se coiffant quand elle 103 Opération Amaryllis entend un peu plus fort que d'habitude son carillon s'agiter au vent. Intriguée, elle se rend dans la pièce principale, regarde en direction de baie vitrée et elle constate son ouverture. "Je suis sûr de l'avoir fermée pourtant." dit-elle en fronçant les sourcils. C'est son habitude, quand elle prend soin d'elle ou lorsqu'elle est dans la salle de bain pour ne pas être dérangée. Alerte, son expérience reprend le dessus. Elle attrape le ballet qu'elle a utilisé pour nettoyer ce matin et en dévisse l'embout pour ne garder que le manche en bois. Elle avance ensuite pas à pas vers la fenêtre avec son arme près à frapper. Arrivée au niveau de la cuisine, David surgie. Tous les deux sont surpris, lui de la voir avec un bâton et elle par la présence de cet inconnu venu de nul part. Mais c'est Annah qui réagit le plus rapidement en écrasant d'un grand coup de manche les orteils de David qui instinctivement se baisse en lâchant un "Ouille!". Elle continue sur sa lancée en abattant violemment sur le dos le bâton et reprend aussitôt pour frapper avec le bout de celui-ci directement dans le ventre. Mais David plutôt malmené jusqu'ici se ressaisit et l'attrape à deux mains avant qu'il ne touche son estomac. Ensuite il applique toute sa force et projette Annah qui va s'écraser dans le canapé sans sa précieuse arme. Celle-ci est maintenant dans les mains de David qui avec un visage marqué par la détermination se prépare à battre à mort sa cible. Mais soudain la porte principale s'ouvre attirant l'attention des deux protagonistes. "Merde le marin !" lâche de rage David quand il voit Alexandre arme au poing. Il tente de prendre son automatique mais il n'est pas assez rapide et prend une balle. Il s'écroule sur luimême avec un grand crie de douleur. Annah se relève et laisse exploser sa joie à la vue de son amant et de son sauveur. Elle se précipite bras ouverts vers son héros souriant en disant "Alex! Alex! Merci mon Dieu tu 104 š C'était mon héros › m'as sauvé de cette brute!" Mais en lieu et place de la chaleur et du réconfort qu'elle espérait, il lui asséne une violente gifle. Elle perd l'équilibre et se retrouve au sol. Du sang coule de sa bouche et elle regarde complètement perdue et hébétée Alex. "Surprise!" crie-t-il avant de plonger dans un profond rire sadique. Sanglotant, le regard implorant, elle demande "Pourquoi Alex ?" "Pourquoi ! Pourquoi ! Tu veux s'avoir pourquoi ?" lui très euphorique "Parce que ma cocote, j'ai un boulot à faire. Figures toi qu'on m'a demandé de t'abattre et pour cela je vais toucher un beau paquet de pognon." "Non ne dit pas cela, nous nous…" Il interrompt "Nous quoi ? Nous nous aimons ! Tu crois que parce que nous avons baisé ensemble deux fois cela veut dire que Cupidon est passé par-là." Et secouant la tête il ajoute "Tu es trop naïve. J'ai juste utilisé mon charme pour mieux t'approcher." Elle n'en revient pas de se retrouver aujourd'hui piégée par sa propre méthode, un retour de boomerang de la vie en quelque sorte. Blessée dans ce qu'elle avait de plus chère et qu'elle a donné sans retenu à Alexandre, c'est à dire son amour, elle n'a plus la force de se battre. Elle a juste le courage de lever le bras pour protéger son visage quand elle voit son bourreau s'approcher d'elle. Lui, attrape ce bras et d'un geste vif l'oblige à se retourner. Bras dans le dos elle ne peu plus rien faire que de suivre la volonté d'Alex. "D'ailleurs comme on dit, jamais deux sans trois, je baiserai bien une…." Elle hurle à l'écoute de ce dernier affront "Non! Non! Par pitié pas ça Alex!" Il lui attrape les cheveux et approchant lui chuchote "Profites ma mignonne après tout c'est la dernière fois. Et puis j'ai bien 105 Opération Amaryllis le droit de voir ce que tu m'avais réservé pour ce soir." Il la force à se mettre à genoux et la plaque la tête dans le canapé pour ne plus entendre les pleures. Ensuite l'homme qui avait été capable d'une grande tendresse arrache en deux coups la robe avec sa main libre. "Dis donc ma cochonne t'avais pas mis de soutien-gorge, ça c'est excitant. Et ce slip brésilien bleu est très sexy." dit-il avec un regard très content. Il baisse sans aucune douceur la culotte de sa proie et commence à déboutonner son pantalon. 106 Pour comprendre Mes fidèles lecteurs, pour conserver tout le suspens et donc la saveur de la scène précédente, j’ai été obligé d’omettre une partie de la réflexion d’Alexandre. Mais conscient qu’elle vous est probablement indispensable à la compréhension de son acte, il me faut vous la transmettre. J’espère que vous ne m’en voudrez pas de trop. Mon corps se réchauffe au contact de sa peau, Loin d'elle j'ai les sens gelés comme dans un frigo. Mon esprit vogue au large en sa présence, Loin d'elle je reste à quai sans espérance. Mon âme s'ébranle selon ses réactions, Loin d'elle le vide m'isole des vibrations. A quoi bon vouloir briser certaines chaînes, Si maintenant de l'autre je dois dépendre. Quant à choisir entre l'amour et la haine, Le second au moins je sais à quoi m'attendre. 107 Oh! C'est pas beau Pour venir à la maison d'Annah, Alex a pris un taxi. Trop sûr de lui il n'a pas prêté suffisamment attention sur le chemin qu'un 4x4 le suivait. --Alex est sur le point de s'introduire quand la porte principale s'ouvre à nouveau avec un grand fracas. Un type pas vraiment sympathique surgie à l'intérieur en pointant dans sa direction une arme et en criant "Bouge pas! Un geste et je t'explose la tête". "Qu'est ce qu'il vient faire ici ce guignol me privant d'un bon moment." pense Alex encore l'esprit complètement dans l'excitation du viol qu'il allait commettre. Mais cette masse de muscle en face de lui, qui lui rappel quelque chose, et l'arme le ramène sur terre très rapidement. Suivant de quelques secondes son homme de main, une femme, plus exactement celle pour qui il est sensé tuer Annah entre dans la maison. "Par Saint-James! Je vous demande de faire un boulot proprement et regardez, je vous trouve la queue à la main! Vous me décevez énormément." lance-t-elle sévèrement et d'ajouter "C'est dommage, je suis certain que nous aurions pu travailler plus étroitement sur d'autre sujet." Du coté d'Alex c'est la totale débandade, il est piégé comme un rat. Sa position est telle qu'il ne peu rien tenter et surtout pas de reprendre son pistolet pour riposter. Quant à Annah, elle a sombré dans le vide, plus rien n'existe autour d'elle, elle est sans réaction. 109 Retour de l'au-delà Après le vide, il a commencé à entendre de plus en plus distinctivement des gens discuter autour de lui. Puis le noir dans lequel il était plongé, a laissé la place à la lumière quant il a ouvert les yeux. Et enfin la douleur dans la poitrine est apparue au point d'avoir envie de hurler. Mais heureusement l'instinct de survie allié à la volonté lui a permis de rester comme mort. Il a serré les dents très fort. David ne comprend pas encore pourquoi mais il est en vie. Enfin pour le moment car la situation dans lequel il est, est plutôt instable. Il imagine très bien si comme lui, ils ont l'habitude de faire le ménage après, ils pourraient veiller cette fois à ce qu'il soit effectivement passé dans l'au-delà. Il a fait les comptes, pour lui il y a quatre personnes dans la pièce: deux femmes et deux hommes qu'il va devoir abattre pour survivre. Il a aussi réussi à les situer géographiquement. Enfin à entendre les discussions, il a pu en déduire que sa cible et le marin son plutôt en mauvaise posture. Reste donc deux personnes vraiment dangereuses. Il devra les tuer en premier s'il décide d'intervenir maintenant. En effet deux solutions s'offrent à lui: ils les laissent s'entretuer réduisant ainsi le nombre de cibles mais alors dans ce cas il risque de perdre le contrôle d'une situation qu'il ne maîtrise déjà pas; ou alors il intervient de suite mais le danger est plus grand du fait du nombre d'individus à éliminer. A bien y réfléchir, il préfère opter pour la deuxième et puis avec la surprise il peut arriver à s'affranchir du surnombre dans le camp adverse. Discrètement il glisse sa main dans la poche de veste et s'empare de son automatique. Il n'a pas le droit à l'erreur, alors 111 Opération Amaryllis avant de se relever, il se concentre et rassemble toutes ses forces. Il commence le compte à rebours dans sa tête "Trois, deux, un, …" Il relève son buste et à genoux, il fixe directement sa vue sur les deux objectifs primaires. "Un armé, l'autre pas." analyse son cerveau en automatique. Le premier coup de feux percute un colosse en pleine tête qui n'a pas eut le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Le deuxième, à deux secondes d'intervalle, touche la femme en blanc dans la poitrine figeant au silence le "Oh!" d'horreur qu'elle allait vociférer. "Objectifs primaires au sol." Il se tourne maintenant vers ses cibles secondaires. "Un objectif en mouvement.". Alex c'est en effet projeté sur le côté en portant la main sur son arme avec toute la vélocité et la hargne que peut rassembler une personne qui veut survivre. Mais pas assez rapide, il se prend une première balle dans la main l'obligeant à lâcher son pistolet avant qu'une deuxième aille faire des ricochets dans sa boîte crânienne. "Recherche objectif ultime.'' commande le cerveau de David réagissant en vrai robot tueur. Mais en fait d'objectif il n'a qu'un corps de femme dénudée dont il ne voit qu'une paire de fesses. Pointant son arme dans la direction de ce qui semble être une tragédie humaine et un acte odieux, il se met sur ses jambes et s'avance avec beaucoup de précaution. Ne la quittant pas de vue, il commence par vérifier que les autres sont bien morts. Puis il se dirige vers elle, pose la main libre sur l'épaule d'Annah pour la redresser. Il découvre un visage figé par la peur et totalement désorienté qui semble presque l'implorer pour mourir. David pointe son arme sur le front de la femme. "Une seule pression de la gâchette et j'aurais accompli ma mission. Je serais libre." pense-t-il. Mais les remords le prennent à la gorges car il n'aime pas tuer 112 š Retour de l'au-delà › les femmes et surtout quand elles sont totalement désarmées, impuissantes et blessées comme est cette pauvre Annah. "Mais si je ne fais rien, c'est moi qui suis un homme mort." Il hésite pendant de longues minutes quand soudain, comme pendant l'entretien avec ses chefs, le visage de sa Céline souriante se substitue à celle de sa cible. Encore une hallucination, peut-être faut-il y voir un signe. "Non, je ne peu pas." dit-il à haute voix "Il est encore temps de tout changer et de chasser cette haine qui m'habite pour autre chose." Il laisse tomber son bras armé. La douleur dans sa poitrine a repris le dessus et avec l'énergie que lui a demandée l'élimination des trois autres, il s'écroule dans le canapé, mais cette fois conscient. 113 Pour une pellicule Annah, jambes contre le torse, tête sur les genoux, et David sont restés un petit moment immobiles, prostrés, comme vidés de toute énergie par ce qu'ils venaient de vivre. Mais maintenant David renoue avec la réalité et son moral prend le dessus sur la douleur. Et puis c'est un professionnel entraîné à ce type de situation. Il doit penser à ne pas se faire submerger par les événements. "Il faut remettre un peu d'ordre dans ce cauchemar avant que cela n'empire." dit-il en ajoutant "Et en premier lieu je dois m'occuper de vous, Annah." Mais aucune réponse, alors il se lève, glisse un bras dans son dos et sous ses jambes et il la soulève délicatement. Il la conduit ensuite dans la chambre et la dépose sur le lit. Il quitte la pièce pour la salle de bain et en revient avec un peignoir blanc et une serviette espérant rendre un peu de dignité à cette femme molestée au delà de ce qui est admissible. "Il faut que je vous passe ce peignoir, mademoiselle. Mais je ne pourrai le faire sans votre aide." dit-il calmement en prenant une main pour l'aider. Mais elle hurle "Aille!" Lâchant la main complètement désemparé par cette réaction, il offre "Pardon, je voulais juste… " Elle d'une voix à peine perceptible "Non, c'est Al… c'est l'autre qui m'a fait mal." Elle se met sur ses jambes en s'aidant de son bon bras. David passe le peignoir en commençant par le bras douloureux. Il la fait s'asseoir sur le bord du lit et avec la serviette éponge qu'il a pris soin d'humidifier, il nettoie le sang qui a coulé de la 115 Opération Amaryllis bouche de sa protégée. Il jette ensuite l'éponge hors de vue. Il s'agenouille en face d'elle et lui prenant la main "Je vous demande pardon pour tout ce chaos. Et je sais ça va vous paraître complètement absurde, mais j'ai besoin que vous me fassiez confiance. Et ceci malgré ce que j'ai essayé de vous faire." Il ajoute avec toute la sincérité "J'ai fait beaucoup de chose comparable dans ma vie par haine. Il est encore temps de changer le cours des évènements, j'ai beaucoup à réparer." Enfin avec un regard chaleureux "Allez-vous m'aider Annah ?" Quelques secondes interminables s'écoulent avant qu'elle offre un timide hochement de la tête, lèvres serrées et yeux au sol. Puis elle lève son regard et se focalise sur le trou dans la veste. "Ah, oui! J'ai bien cru que j'étais mort moi aussi." dit-il rigolant presque. Il met à nu sa poitrine et par surprise, il n'y a pas de sang mais la trace d'un impact qui commence à tourner au violet. Il insère sa main dans la poche haute et en ressort un objet difforme. Sans trop de difficulté il en extrait la balle de 9mm. En rigolant plus franchement "Il semble que je doive mon salut à une pellicule. Moi qui me croyais devenu immortelle je suis déçu." Simulant l'agacement, il ajoute "Par contre ce qui est sûr c'est que mes photos sont perdues." Sur le visage d'Annah il peut alors voir un léger sourire apparaître et disparaître, comme un chaud rayon de soleil ayant réussi à percer par un fort orage. "Le mieux et que vous vous reposiez un peu. J'ai quelques points à régler et après nous verrons ensemble ce qu'il est possible de faire." dit-il rassurant. En geste de bonne volonté elle se couche tandis que lui quitte la pièce en fermant la porte. "Il faut que je fasse vite maintenant pour ne pas trop la laisser seule." pense-t-il "Après un tel choc, on ne peut jamais 116 š Pour une pellicule › présumer des réactions." 117 Partir loin Si à l'arrivée le résultat de sa mission est très loin de ce qui était prévu, il n'en reste pas moins que certains paramètres sont restés les mêmes. En particulier laisser le moins de traces possible et disparaître en toute sécurité. Il a donc commencé par se débarrasser des cadavres. Pour cela il a appliqué le plan tel qu'il avait prévu à savoir prendre la barque d'Annah et larguer en pleine mer les corps bien lestés. Avec un peu de chance des requins passerons par-là avant que ce ne soit une équipe de plongeur. Mais quoi qu'il arrive, ils seront loin si jamais découverte il y a. Sauf qu'à la base l'opération était prévue pour une et légère personne. Et si mettre la commanditaire dans le gommier a été relativement facile, il en a été autrement pour Alexandre et le garde du corps beaucoup plus lourds. Il a perdu énormément de temps sur la réalisation de cette désagréable tâche. Ensuite il est allé récupérer son sac à dos dans les fourrés. Un l'intérieur une précieuse bouteille d'eau oxygénée et un produit de nettoyage lui ont permis de remettre l'intérieur au propre, en supprimant toutes traces visibles de sang et en replaçant les meubles. Pour éviter tous risque de rapide identification, il a retiré tous les papiers de ses victimes pour les brûler sauf les ceux du 4x4 qui lui servira plus tard pour les ramener en ville. La soirée était déjà bien commencée quand il a eut terminé. L'heure idéale pour passer un coup de fils en France et ainsi mettre en marche la phase fuite et protection de son plan. Il a alors quitté la maison à la recherche d'une cabine téléphonique. 119 Opération Amaryllis --Il est maintenant de retour et il découvre une Annah affairé à écrire une lettre. Elle s'est changée en une tenue passe partout: basquets, jeans, chemise blanche ample et cheveux tiré en arrière. A côté de la porte il trouve une valise. "Etes-vous prêtes à partir ?" demande-t-il. "Oui, je termine juste un petit mot et oui nous pourrons partir." répond-elle en le regardant, le visage calme et serein. "Et toi ?" Montrant une paire de clef, il dit "Une voiture nous attend dès que tu le souhaites." Après deux minutes, elle plie sa lettre la glisse dans une enveloppe et la dépose sur une pochette à dessin disposée sur la table basse. Elle se lève, attrape son sac à main et sa valise et indique "Nous pouvons y aller." Ils sortent alors de la maison et se dirigent vers la voiture garée à l'extérieur de la propriété. A mi-parcours et avant que la végétation ne cache tout, elle se retourne vers cette maison qui aura été son nid douillé pendant plusieurs semaines où elle a bâtit tant d'espoirs. Ce sentiment est d'autant plus fort qu'elle ne sait pas trop ce que le destin lui réserve. 120 Pièce de premier choix pour requin affamé Assis à son bureau, un journaliste n’en revient toujours pas du dossier qu’il a dans ses mains, de la vrai dynamite pour lui, la pièce essentiel qui lui manquait, sa clef pour accéder au titre du meilleur journaliste de l’année. Il se voit déjà après la parution de son article, en rédacteur en chef d’un grand canard ou peut-être à un poste à la télévision comme journaliste de terrain. Il a l’image de sa tête sur les petits écrans des ménagères de moins de cinquante ans, rapportant les honteux abus de pouvoir de l’état. Il se voit en pourfendeur de gouvernement aliénateur. Ce matin alors qu’il s’était mis à éplucher des notes sur un possible détournement financier sans importance d'un élu, il a reçu un appel. Lui: L'inconnu: Lui: L'inconnu: "Oui, que puis-je pour vous ?" "Avez-vous de quoi noter ?" "Oui bien sûr, mais qui êtes-vous ?" "Je suis votre ange gardien. Voulez-vous faire un papier au moins aussi bon que tout ce que vous avez fait jusqu'ici ?" Lui: "Oui, bien sûr mais…" L'inconnu: "Alors taisez-vous et notez. Poste centrale de Boulogne-Billancourt, boite 521, code 6868, un dossier vous attend." Lui: "Ok, mais qui me dit que ce n'est pas un trac nard ?" L'inconnu: "Faites votre boulot de journaliste et vérifiez vos sources." 121 Opération Amaryllis Lui: "Quel est votre motivation ?" L'inconnu: "La plus belle, monsieur, protégez une femme en mémoire d'une autre. Au revoir." Aussitôt l'appel terminé et trop content d'avoir une raison de se sauver de son dossier soporifique, il a enfilé son manteau et pris la direction de la sortie. En chemin sa secrétaire l'a stoppé en lui demandant "Mais où allez-vous, vous avez réunion avec votre chef dans 5 minutes ?" Et lui de répondre "J'ai un métier à faire. Annulez." Elle a insisté "Que va-t-il dire ? Il va être rouge de colère." Et lui de clôturer en franchissant la porte du plateau "dites-lui de sucer de la glace, ça le calmera!" Il a ensuite pris son 4x4 Porsche direction La Poste à la recherche de la fameuse boîte. Il l'a trouvé sans problème et ouvert la porte sans difficulté avec le code. Il c'est alors emparé d'un dossier de dix centimètres emballé dans du papier kraft. Puis, plus excité qu'un môme à l'ouverture de ses cadeaux le jour de Noël, il s'est précipité vers sa voiture et a arraché le papier. Il a commencé à lire tranquillement puis de plus en plus fiévreusement les premières pages avant de refermer l'ensemble en criant "Bordel!". Il a remis le contact, pris la route et le voilà donc maintenant dans la salle de rédaction avec le dossier brûlant entre les mains. Il ouvre un tiroir de son bureau, en sort une fiole de cognac et se prend une bonne rasade. A ce moment son chef entre dans son box plus que furieux "On boit au bureau maintenant !? Et expliquer moi un peu c'est quoi cette histoire de glace !? Ca va vous coûter cher." Le journaliste ignorant totalement l'état de son chef "Nous verrons ça plus tard. Posez votre arrière train et matez-moi ça plutôt. Il faut recouper les infos mais ça a vraiment l'air d'être du solide." Il lui tend le fameux dossier avant de lancer à sa secrétaire "récupérez-moi le carton que nous avions mis au 122 š Pièce de premier choix pour requin affamé › archive s'il vous plait." Et le patron d'ajouter après un rapide coup d'œil au document "Et faites-nous du café ma petite, je pense que nous ne sommes pas couché." "Mais où avez-vous trouvé cela ?" questionne le boss. Le journaliste très modestement "Patron, c'est le fruit du travail, de la sueur et toute la pugnacité du brave et mal payé journaliste que vous avez devant vous." 123 Le service est mort, vive le service La révélation de l'existence de la CNEI et d'une cellule de renseignement au sein de la Grande Bibliothèque de France a eut l'effet d'une bombe. Cette information a multiplié, dans les premiers jours, par trois les ventes du journal à l'origine de l'investigation. Mais les autres canards ne sont pas restés inertes commençant tout d'abord, très jalousement, par critiquer leur confrère sur la véracité du dossier. Puis voyant les preuves indéniables, ils ont rebondi en ressortant de vielles archives, lançant des accusations sur des intuitions plutôt que sur des faits, questionnant les politiques, sondant les citoyens, et s'interrogeant comme pour savoir si oui ou non il ne faudrait pas donner plus de pouvoir à la Commission Informatique et Liberté. Ils ont fait leurs choux-gras de cette situation pendant deux semaines avant de retourner à d'autre sujet plus important comme savoir si les soldes ne sont pas mortes cette année ou l'apport intellectuelle de la télé-réalité. Le lendemain de la première publication, la CNEI a déposé le bilan et fermé ces portes. Le système informatique de la GBF a essuyé une panne suite à un virus. Bien commode. Officiellement, le gouvernement s'est ému d'apprendre l'existence d'un tel organisme dans l'Etat de Droit Français rejetant la faute sur le gouvernement précédent. Officieusement, la CNEI et ses forces ont été redéployés vers une autre entité et son chef limogé. Une investigation pour trahison serait même en cours après la découverte de son train de vie. --125 Opération Amaryllis Dans un bureau de la nouvelle entité, le chef et son adjoint passent une dernière fois en revue le dossier CNEI afin de le clôturer. "Avez-vous pu savoir comment #1033 a eu la possibilité d'accumuler autant de preuves compromettantes ? Les sécurités n'étaient-elles pas actives ?" demande le chef. "Oui, il semble qu'il a profité d'une backdoor dans le software de la société DocGuard. Celle-ci aurait été découverte par un hacker Hollandais et publié sur le Net. #1033 a pris connaissance de cette faille lui permettant de devenir root." répond l'adjoint, très fier de son expertise. Visiblement énervé de ne pas comprendre, le chef lance sèchement "Gardez votre jargon de pré-pubère pour un autre et énoncez-moi les faits clairement, voulez-vous!" "Tiens, il était pourtant cool avant. Le fait de devenir chef rendt-il aigri ?" pense l'adjoint avant de répondre "Le logiciel gérant la Bibliothèque avait une faille connue qui a permis à #1033 d'ouvrir et d'imprimer les dossiers à sa convenance." "Avons-nous plus d'information sur #1033 et sa cible ? Les corps repêchés par une équipe de plongeurs sur St Agathe Island ont-ils parlé ?" L'adjoint lui indique "Les services secrets présents sur place auraient découvert leur identité par croisement ADN, toutes autres identifications étant impossibles." L'adjoint, lui-même plongeur, imagine la scène macabre pour ces vacanciers venus admirer les grands fonds. Il ajoute "Nous aurions une femme influente du milieu, son garde du corps et un malfrat connu de la police. Donc pas de trace de nos fugitifs. Lançons-nous une nouvelle opération ?" "Ils n'ont jamais existés." répond le chef. "Mais, pour l'exemple il faudrait… " Le chef interrompt "Non, il n'y aura aucune poursuite. #1033 a joué très finement la partie, ne révélant que des affaires franco-françaises, limitant l'impact mais lançant un signal fort. 126 š Le service est mort, vive le service › Je ne veux pas voir demain un scandale diplomatique éclaté. Car croyez-moi, il en a fait des choses pour nous pas très avouables." Et de continuer "Et à bien y réfléchir, il a contribué à faire baisser la criminalité en liquidant trois malfrats et ça ils aiment bien là haut ce genre de statistiques." Et puis pour lui, il ajoute "En plus il m'a permis de devenir chef et rien que pour cela il mérite mon pardon." "Donc nous classons le dossier ?" "Oui, affaire classée." 127 Adieux Après cinq jours sans avoir de nouvelles d'Annah, Isidore est venu s'assurer par lui-même de la bonne santé de cette dernière. N'ayant pas de réponse à ses appels, il décide alors de rentrer à l'intérieur pour trouver le gîte inoccupé et vide de toute trace de la jeune femme à l'exception d'une large pochette et d'une lettre. En s'approchant, il peu lire 'For Isidore'. Il s'empare alors de celle-ci pour en extraire une correspondance et $200. Il parcourt la note. Dear Isidore, When you will find this letter, I will be far away from this paradise. I'm sorry I was obliged to get away without kissing you bye-bye. But there was no other way but to go as soon as possible. Thanks a lot for all you have done for me. You make my life easy and pleasant. Be with you or with your great-children was always a great pleasure. I will, in fact I already miss you and this incredible place. I can't explain why I've to go without putting you in some troubles. Let's say that I've done some bad things in the past. I've tried hard to hide it but the past come back with more power and desolation. 129 Opération Amaryllis I've put some money. It's not to buy you anything as I own you too much but it's for the children when they will come back, just to buy them sweets. Forgive me. Yours sincerely, Annah. Après une première lecture, Isidore s'assoie car l'aveu de ce départ lui a coupé les jambes. Il dépose la lettre sur le canapé et entreprend d'ouvrir la pochette pour découvrir le portrait terminé qu'elle avait fait de ses petits-enfants et de lui. Il se rappel de cet après-midi où dans la balancelle, il leurs avait raconté une histoire. Annah était restée discrète à les croquer. Un sourire de plaisir s'affiche sur son visage même si son cœur est dévasté par ce départ. Elle va lui manquer c'est sûr. Regardant dans la direction de la mer, il murmure "Good luck miss Annah." 130 Chacun sa vision Et maintenant je suis certain que vous vous demandez ce qu'ont pu devenir Annah et David. Et bien chère lectrice et lecteur, je n'en sais guère plus que vous. La dernière fois où je les ais vus, ils partaient ensemble sur le Marry II. Mais pour quelle destination, je ne sais pas. Et très sincèrement je n'ais pas voulu savoir. Pendant plusieurs semaines j'ai vécu avec eux, les espionnant, jouant au voyeur dans les moments les plus intimes et allant même jusqu'à lire dans leurs pensées. Il me semblait grand temps de les laisser vivre leur propre vie et de vivre la mienne avant que je ne sombre dans une relation malsaine. Bien sûr vous auriez aimé une fin plus mâchée, prédigérée qu'il suffit d'ingurgité rapidement pour ensuite refermer ce livre et passer au suivant sans plus y penser. Et bien non! A vous de l'imaginer cette fin, laissez parler votre imagination et vos fantasmes ne serait-ce que cinq minutes. Rêvez quoi! C'est l'une des rares choses inestimables que personne ne peut nous voler. Mais je vois déjà la pression du lobby des adeptes de la cuisine Marie, m'accuser de les exclure. Je ne puis me résoudre à sacrifier une partie de mon auditoire sur l'autel de mes convictions. Car c'est vous, lecteurs, qui faites vivre et mourir les histoires. Alors il faut vous dorloter. Ainsi donc à vous de choisir la saveur: - à l'américaine: Annah et David eurent beaucoup d'enfants et vécurent heureux longtemps. Un genre très apprécié, parfois insipide; - blague carambar: Annah et David sont sur un bateau. Annah 131 Opération Amaryllis pouce David à l'eau. Qui reste-t-il ? Bon ça c'est pour les momes, enfin faudra voir à supprimer certain chapitre; - la très religieuse: le bon dieu les punis pour l'ensemble des meurtres commis en faisant chavirer le bateau au cours d'une grande tempête. Ils meurent noyés. - l'humanitaire: ils partent en direction de la forêt amazonienne pour aller aider Sting à sauver la forêt et ses habitants; - etc. Ma préférée ? J'aime à penser que Annah et David ont trouvé un lieu paisible pour vivre et s'épanouir. Ils sont devenus des amis, de très bons amis, et s'entraident dans leur nouvelle vie pour la rendre un peu plus agréable chaque jour. Il profite du temps qui passe loin du stress pour se connaître et apprendre du monde qui les entoure. Et puis plus tard… Mais j'arrête là, le reste m'appartient. Au revoir. 132