Operation Amaryllis

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Operation Amaryllis
FABRICE NICIEJA
OPERATION AMARYLLiS
Copyright © 2004 Fabrice Nicieja
Cet ouvrage ne peut être reproduit, même partiellement, sous quelque
forme que ce soit sans une autorisation écrite de l'auteur.
Tout droits d'adaptation, de traduction et de reproduction réservés pour
tous pays.
Ce livre est un travail de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les
événements sont une production de l'imagination de l'auteur ou sont
utilisés de façon fictive. Toute ressemblance avec des personnes vivantes
ou mortes, des événements ou lieux serait une pure coïncidence.
A ma délicieuse et merveilleuse amie,
Anne-Cécile
Femme libérée
Le premier personnage de cette histoire nous emmène sur
une île située au beau milieu du pacifique sud, perdue parmi
une constellation d'autres îles plus ou moins habitées. Nous
sommes ici sur une ancienne colonie britannique devenue
indépendante et il ne reste plus guère que la langue et
quelques vielles bâtisses pour rappeler 203 ans d'occupation à
des fins purement militaire. Mis à part la pêche, quelques
champs de bananes et de cannes à sucre, l'île dépend
entièrement de ses voisines et du passage mensuel d'un
cargo en provenance du continent américain. Mais St Agathe
Island a un atout sur les autres: sur ses 1960km2 de superficie
règne plus d'une centaine de micro climats dus principalement
à un relief très varié. Cela favorise une végétation très
diversifiée et abondante. Et grâce à cela, cette perle verte
dans un écrin d'un bleu profond, a su plaire à un tourisme vert
modéré. Les chemins de randonnées sont nombreux et
passent par divers panoramas et paysages comme des
plaines volcaniques, la jungle humide et autres vallées cornes
d'abondance. Les grands complexes hôteliers n'ont pas le
droit de citer, le gouvernement ayant préféré privilégier les
petits gîtes certes moins rentables financièrement mais
tellement plus agréable pour s'imprégner réellement du pays
et faire participer la population au demeurant très chaleureuse.
Utopie ou développement durable, le futur le dira. Vous
ajoutez à tout cela une température qui oscille entre 20° et
34°, un soleil bien présent et vous avez tout le charme de ce
paradis pour vadrouilleur adepte de la marche à pied. Pour
venir deux solutions, le petit aérodrome ou alors le port de
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Opération Amaryllis
plaisance construit à la place de l'ancien embarcadère de la
Royal Navy à St Agathe, la seule ville du pays. Une route
principale fait le tour d’île et pour le reste il faut emprunter les
chemins en terre battue pour joindre les petits villages ce qui
explique la présence de nombreux 4x4. Mais là encore tout est
fait pour réglementer leur utilisation et leur prolifération.
Partons maintenant vers l'un de ces petits gîtes situés sur la
cote. Le voisinage est discret et la végétation faite de
magnolias, frangipaniers, palmiers et autres yuccas, offre un
espace de vie privatif très appréciable. Au bout d'un chemin
laissant à peine la place pour le passage d'une voiture, une
maison style colonial tout en bois vous accueille. Le
bougainvillier jaune et violet c'est très largement répandu sur
la structure. Nous entrons tout d'abord dans une grande pièce
principale claire qui couvre toute la profondeur de la
construction. Nous nous dirigeons vers la baie vitrée au fond,
tout en longeant à gauche une chambre puis une salle de bain
et à droite un débarras et une cuisine à l'américaine. Très peu
d'ameublement mais il semble offrir un confort de première
qualité: lit deux places, canapé, tabouret, armoire.
L'occupant des lieux a laissé sa trace en disposant ici ou là
quelques bougies, deux vases avec des anthuriums et oiseaux
de paradis fraîchement coupés, une pile de bouquin au pied
du sofa. Des croquis au crayon gris, signé AK, d'enfant et de
femmes sont disposés sur la table basse ainsi qu'une petite
trousse bleue. Il règne dans la pièce une douce est agréable
odeur de bois et de cannelle, et ont distingue aussi l'odeur
d'un parfum envoûtant. Plus de doute, une femme,
probablement une artiste à en juger par la qualité des dessins,
occupe les lieux.
Nous ouvrons la baie et une légère brise marine nous
accueille sur une petite terrasse couverte où entre deux piliers
flotte un hamac, invitation au songe. Notre regard attiré par le
bruit des vaguelettes, suit un chemin très court, puis un ponton
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š Femme libérée ›
en bois qui rentre très largement dans l'eau d'un vert bouteille
limpide. Un gommier de couleur rouge et bleu y est arrimé.
Au bout de la plate-forme une jeune femme d'à peine 30ans
semble attendre. Ses yeux sont cachés derrière une paire de
lunette noire, un chapeau de paille protége du soleil une
longue chevelure châtain foncé restreinte par un chouchou
noir et enfin un paréo couvre des formes qui sont
définitivement féminines. Alors qu'au loin une barque s'avance
à vive allure, la jeune inconnue agite une main et abaisse ses
lunettes de l'autre pour laisser apparaître deux yeux marrons
qui donnent de l'intensité à ce visage qu'une bouche finement
tracée rend particulièrement sensuel. La barque verte et jaune
pilotée par un local d'une cinquantaine d'année se stoppe et
malgré c'est 1m80, elle prend position dans le bateau avec
beaucoup de grâce. Elle emporte un sac de plage. Le bateau
repart.
Il est temps pour moi de vous abandonner en sa compagnie et
nous nous retrouvons au prochain chapitre.
--"Halo m'zelle, where do you want to go this m'ning ?" lance le
pilote avec un sourire généreux qui laisse apparaître une dent
manquante donnant un air comique à son visage.
Elle avec un accent français "Hi, please Isidore go to the small
natural island in the centre of the sea, you show me last time."
"And please call me Annah, we know both of us now."
murmure-t-elle.
"As you want, m'zelle Annah, here we go."
Le bateau s'élance et Annah retire son chapeau et ses
lunettes. L'air induit par la vitesse de l'embarcation, lui
chatouille le visage et lui masse le cuir chevelu. Un de ses
plaisirs simples qui lui rappel son enfance, au temps bénit où
la clim. n'existait pas encore et où il fallait ouvrir les fenêtres
3
Opération Amaryllis
en grand de la voiture pour se rafraîchir.
"Quel chemin parcouru et de souffrances endurées depuis ce
temps" pense-t-elle. Mais aujourd'hui c'est fini, elle s’est
arrêtée avant de se détruire totalement et son dernier client lui
a rapporté plus d'argent que tous ces clients précédents. La
fuite était sa seule chance. Elle est libre de ses mouvements,
de son corps, de ses émotions, plus simplement de sa vie.
Pendant le court trajet elle s'adonne à la rêvasserie. Le
ralentissement du bateau et le bruit de la chaîne de l'ancre la
ramène à la réalité. Elle ouvre les yeux et se retrouve avec
une certaine joie au abord d'un petit îlot de 100m2 de sable
blanc et de palmiers en plein océan. "Isidore, is it ok to stay
here for 2hours, is it not a problem for you ?"
"Oh no m'zelle, I've take some item with me to help past the
time." dit-il lui faisant un clin d’œil et brandissant une bouteille
de rhum.
En toute confiance parce qu'elle sait qu'il va uniquement boire
une gorgée et ensuite faire un somme elle lui répond "You
incredible! I'm happy to know you."
Elle retire son paréo laissant apparaître un deux pièces en
madras sexy mais très correct et une fine chaîne en or. Elle
range son paréo, lunette et chapeau dans son sac puis Isidore
lui tant une main ferme pour l'aider à se glisser dans l'eau où
elle a pied.
"The water is delicious, why don't you come on the beach ?"
"Nah I'm too old for that now." avec un léger air de quelqu'un
qui a peur de mettre le pied dans l'eau.
"As you want and have a good nap."
"Ha! Ha! Ha! Thanks m'zelle."
Le sac sur une de ses épaules pour ne pas le mouiller, elle se
dirige vers la plage ou seule un jeune couple est présent.
Serviette de bain et lotion solaire sont extirpées du sac. Après
une rapide vérification elle s'exclame "Hum! Pas mal du tout
ce bronzage. Un petit saut à l'eau et je vais me peaufiner
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š Femme libérée ›
cela."
Avant d'enchaîner l'action à la parole, elle se protége
copieusement "Allez une bonne couche parce que je le vaux
bien, hi! Hi! Hi!"
Après un court mais tonifiant séjour dans l'eau, elle s'allonge.
Très rapidement le soleil la sèche et une légère brise vient la
caresser tout en gardant une température très supportable. Le
bruit des vagues au loin commence à la bercer tranquillement.
"Je suis heureuse, je suis libre..." dit-elle d'une voix chaude et
douce.
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Pas de sentiments ici
Après ce passage par les îles, nous changeons totalement de
latitude pour nous retrouver à Paris en plein hiver... Ah! Je
sens parmi vous des déçus. Et oui comme vous je serais bien
resté au chaud mais que voulez-vous l'histoire est l'histoire et il
faut bien aller là où se trouve l'action. Et puis, en plus, je vous
gâte car en ce début d'après-midi frisquet, il pleut. Oh la! Je
sens que je vous perds mais ne partez pas encore, car tout de
même nous sommes dans le quartier de Montmartre, le village
comme le nomment ses habitants avec une certaine fierté. Un
coin très sympathique même par temps humide avec ses
pavés, ses ateliers de peintres reconvertis en maison, ses
arbres, son Sacré-Cœur, ses petites places, son panorama
inoubliable sur cette jolie capitale. Et puis c'est agréable de
déambuler dans ses rues vidées des pseudo-dessinateurs et
autres vendeurs à la sauvette attirés par l'appât du gain que
représentent les touristes étrangers qui viennent ici par bus
entiers. Nous sommes totalement hors saison et le Parisien
peut se réapproprier la place. Et puis il y a de la vie dans ce
quartier et du contraste avec ses sexe-shop et autres palais
faisant l'apologie du sexe, ses églises et toute une ribambelle
de commerçants qui n'hésitent pas à crier "Goûtez ma p'tite
dame mes bonnes fraises bien rouges et fraîches. Ah! Elles
sont bonnes mes fraises avec leur chaire ferme. Goûtez mes
fraises, Goûtez mes bonnes fraises..."
Et puis Montmartre c'est les restos sympas aussi,
gastronomique ou encore de cuisine fine. Un petit magret de
canard au miel et romarin ça ne vous fait pas de suite saliver,
une tatin de tomates confites... mais je m'égare et il est temps
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Opération Amaryllis
de retourner à nos blancs moutons.
Prenons donc la direction d'un café pas très loin de la place
des Abbesses. Sa façade un peu vieillotte dégage un air rétro
et nostalgique que la grisaille ambiante amplifie. Vous entrez
"Chez Lucien", et le patron, un grand gaillard essuyant
délicatement une choppe de bière avec un chiffon blanc, vous
accueille avec un timide sourire de bienvenue. En opposition
sa femme accoudée au zinc, interrompt deux secondes la
conversation qu'elle dirigeait avec deux vieillards, pour vous
examiner de la tête aux pieds et se fait une idée de vous à une
vitesse qui ferait rougir de jalousie un physionomiste de boîte
de nuit. Elle reprend sa conversation, ouf! Vous pouvez aller
vous asseoir et commander un demi.
Mis à part cette odeur commune à tous les bistrots, mélange
de tabac froid et d'alcool, le cadre est particulier et chaleureux
de par la présence du bois et par aussi les nombreuses photos
qui couvrent les murs. Ici ou là vous reconnaissait une
personne, mais il y a surtout des photos d'équipes de Rugby et
de joyeuse troisième mi-temps. Les maillots arborant fièrement
le coq, coupes, plaques et les ballons dédicacés donnent le
thème du bar. Sur chaque table, qui est recouverte d'une
nappe en tissu tout de même plus agréable que le plastique,
outre le cendrier traditionnel, ici de forme ovale, un petit vase
contient quelques œillets.
Alors que vous vous apprêter à ingurgiter votre première
rasade de votre spiritueux préféré, un homme athlétique et
dégageant une impression de force entre. Réglée comme un
automate, la patronne scanne les 1m75 du type au peigne fin.
Chemise à carreaux bleus sous une veste en cuir, pantalon de
velours beige et chaussure de ville noire. La tête de ce blond
semble honnête et la tenue est correcte. Il n'y aura pas de
scandale.
A peine rentré, lui, c'est sur une table près de la fenêtre qu'il a
jeté son dévolu et le faite qu'elle soit libre, a imprimé une sorte
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š Pas de sentiments ici ›
de soulagement sur son visage. Après avoir dézipé son cuir, il
s'y assoit avec beaucoup de souplesse et de contrôle dans
ses gestes comme si tout était calculé. Son regard vert olive
fait le tour de la pièce pour se figer sur celui de Lucien pendant
quelques secondes. C'est un regard particulier qui est
échangé entre ces deux hommes, celui de deux personnes ne
se connaissant pas mais qui se sont déjà vu à mainte reprise.
Le patron, d'un visage neutre et solennel, acquiesce et
prépare un café serré sans qu'aucunes paroles n'aient été
échangées avant de l'apporté sur la table de cet inconnu.
Et il est temps pour moi de vous laissez un temps avec ce
dernier pour faire plus ample connaissance.
--"Merci beaucoup."
"Je vous en prie."
"Cela fait un an que je ne suis pas venu dans ce café," penset-il "et il y a toujours la même ambiance depuis maintenant
plus de 17 ans. Je me souviens de cet après-midi ou j'avais
rencontré Céline comme si c'était hier. Après m'avoir dragué
alors que je regardais des jongleurs et des cracheurs de feux
sur la place, elle m'avait entraîné ici. Nous avons ri, papoté,
parlé de tout et de rien toute l'après-midi à cette table, ignorant
le monde autour de nous. Et puis mes yeux ont plongé dans
les siens et elle dans les miens et nous nous sommes tus
avec, sur notre bouille, l'expression de celui, de celle qui sait.
Nos mains, hors de contrôle, se sont touchées comme pour
confirmer la naissance de notre passion."
Avec le recul, il se remémore "Oh! Je sais maintenant qu'elle
était en mission pour le Service avec pour impératif de me
recruter, moi le membre des commandos d'élite de la Marine.
Mais ce sont les aléas des opérations et l'amour est un facteur
qu'il est impossible à contrôler."
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Opération Amaryllis
Sentant une larme venir dans le coin de l'œil, il saisit la tasse
est boit une première gorgée. Ensuite il sort de son emballage
la noisette entourée de chocolat et la met à sa bouche. Le
sucre, lui rappel tous les bons moments avec elle, la
complicité, les partages, la communion de tous les jours. Bon il
idéalise un peu mais après 13 ans sans elle, il ne reste plus
que les meilleurs moments.
Il se rappelle aussi et surtout de cet autre après-midi où ils se
sont retrouvés à cette même table et où, tenant sa main dans
les siennes, il lui a déclaré "Mademoiselle Céline voulais vous
me prendre moi, David, comme époux ?" et elle de répondre
en rougissant "Au plus profond de moi, Oui, David ! J'attendais
que tu me le demandes."
Mais un mois après, Céline est bombardée en urgence sur
une mission. Les précautions de rigueur n'ont pas été prises,
les sources d'informations non vérifiées et elle se fait abattre
par le Client qu'elle devait éliminer. Un malheur n'arrivant
jamais seul il apprend, par la mère de Céline, qu'elle était
enceinte.
"Pourquoi ne m'a-t-elle rien dit. Je l'aurais empêchée de
partir." se dit-il "Son départ a laissé désolation et sécheresse
dans ma vie. Par pure vengeance je suis rentré dans le
Service pour finir son travail et ça m'a condamné à être un
tueur à gage autorisé à la solde du Service. Mais que pouvaisje faire d'autre ?"
Il sent une larme venir, il prend alors une grosse gorgée en
espérant que l'amertume du café chasse sa faiblesse, indigne
d'un homme. Son téléphone beep, un texto à lire, le message:
le Service vous attend
David se lève et quitte le café.
La tenancière n'ayant pas loupé du coin de l'œil la détresse de
David, s'écrit "Vous avez vu ce grand dadet sur le point de
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š Pas de sentiments ici ›
pleurer !". Son mari se retourne et d'un air qui ne laisse place
à aucune réplique lui assène un "Ferme là, connasse."
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A bout de fric
Vous revoilà! Désolé de n'avoir pu vous laisser flâner plus
longtemps dans les rues de la Butte mais les événements se
précipitent Rive Gauche et notre dernier acteur de l'histoire
s'apprête à commettre l'irréparable. En effet, celui-ci est
maintenant sur le Pont des Arts. Et par cette fin d'après-midi,
alors que l'obscurité est déjà bien présente, il se demande s'il
ne devrait pas mettre fin à sa vie en se jetant par-dessus la
balustrade. Quatre mètres plus bas, la Seine particulièrement
haute et tourmentée du fait de la pluie incessante de ces
dernières semaines, ne ferait qu'une bouché de lui. Mais avant
de vous laisser seul avec son désespoir, je vous fais un rapide
rappel de la situation.
Alex, ou plutôt Alexandre, est un blond d'1m86, 29 ans, que
l'on croirait tout droit venu de Suède. Allure athlétique, belle
gueule d'amour, et un regard bleu comme les glaciers, lui ont
valu de poser de nombreuses fois dans les magazines fashion
de la planète. Toujours très classe, il aime sa garde-robe “
Hugo Boss ”, les voitures de sports et les femmes. Les belles
femmes cela va s'en dire ou alors celles qui lui résistent, qui
disent non malgré son physique, son charme et son aisance
dans la parole. Tout est alors bon pour venir à bout de toute
résistance. Mais cette belle tête n'est pas vide car c'est un
amoureux de l'art, un inconditionnel de la peinture et un fin
expert. Et d'ailleurs se retrouver aujourd'hui entre le Louvre et
le quartier Odéon où il avait une galerie est hautement
symbolique pour lui. Oui je dis bien où il avait car depuis ce
matin tout a basculé.
En effet notre Don Juan est un peu un magouilleur et un
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Opération Amaryllis
accumulateur de dettes, pour vivre à un tel niveau de vie il faut
de l'argent. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, surtout
quand elles sont illégales. Et à l'aube, la tête enfariné avec
une folle envie de s'arracher les cheveux suite à la petite fête
un peu trop arrosée de la veille, il a vu débarquer huissiers,
policiers et déménageurs pour saisir tout sauf le strict
minimum matelas, frigo, etc. Et encore il ne va pas pouvoir
rester longtemps dans le duplex qu'il occupait car le
propriétaire n'a pas tardé, suivi de peu dans ce cortège
funéraire de ses associés de la galerie, de l'agent d'EDF. Enfin
cerise sur le gâteau son bookmaker favori est venu lui rendre
une pré-visite de contrôle comme il dit, juste amicale pour lui
signifier qu'il avait une semaine pour le rembourser sous peine
de voir Gaston le Ferrailleur et Lulu la Chignole lui rendre
visite.
--"Que vais-je bien pouvoir faire ?" marmonne-t-il en claquant
des dents.
Alex est là depuis plus d'une heure et la pluie commence à
pénétrer son duffle-coat tout neuf. Le froid s'empare
progressivement de lui mais pas à la même vitesse que ses
angoisses. Un jeune type un peu nerveux et en survêtement,
qui fait des vas et viens sur le pont s'approche alors de lui et
lui glisse "Euh, m'sieur, tu veux du chichon ?Alex troublé dans ses pensés noires se retourne et lui assène
un regard qui souffle le froid. Le jeune homme pas découragé
pour un sous, lui lance alors "Hé! C’est d'la bonne."
Alex attrape une oreille du dealer et lui insuffle d'une voix
menaçante "Arraches toi de là vermine ou j'te balance à la
flotte."
"Oh! Arrête mec! Ail! T'es guedin! J'fais mon métier. Ok j'me
casse!!!"
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š A bout de fric ›
Alex le relâche et le type prend alors ses jambes à son cou en
lançant un minable "Nique ta race, si on t'retouvre, parole,
avec la bande on-t'met ta mère."
"Rien ne m'aura été épargné décidément cette journée. Que
vais-je bien pouvoir faire ? Plus personne vers qui me
retourner. C'est marrant d'ailleurs, la nouvelle de mon désastre
de ce matin c'est répandu comme une traînée de poudre parmi
mes amis et bizarrement toutes les portes se sont claquées à
ma face." pense-t-il.
"Ma dernière conquête m'a annoncée par téléphone qu'elle me
quittait pour un autre. Pour un autre?! Pour qui?! Pour
Alberto... Putain! Alberto mon meilleur pot, mon confident, la
personne en qui j'avais le plus confiance. On a été élevé
ensemble, on a été à l'école ensemble, on a fait l'Armée
ensemble. Et à voir comment l'autre elle gloussait au
téléphone, il devait être en train de la tringler pendant que je
parlais a cette salope."
"Que vais-je bien pouvoir faire ? Je suis tombé trop bas cette
fois, je n'ai plus d'espoir. Faut que j'en finisse."
Alex lève les yeux au ciel tout en commençant à grimper sur le
fin grillage, et l'athée qu'il est, balance vers les cieux "Ecoutes
moi bien dieu, si tu existes, j'arrive et nous allons régler nos
comptes..."
C'est alors qu'arrive aux oreilles d'Alex, avec un fort accent
anglo-saxon un "Excusez-moi, je suis un peu perdu."
Alex se retourne et tombe nez à nez avec une superbe blonde.
Il stoppe alors sa course vers ça fin, regarde à nouveau le ciel
et dit "Toi là haut tu as eu de la chance."
"Sorry?" dit la jeune femme.
Lui sortant son plus beau sourire "Oh! Rien je disais que vous
aviez de la chance, je connais Paris comme ma poche. Que
puis-je pour vous ?"
--15
Opération Amaryllis
Ouf! Nous avons eut de la chance nous aussi, il ne s'est pas
jeté à l'eau. J'aurais eu bien du mal à continuer mon histoire si
Alex s'était suicidé. Bon maintenant je vais vous laisser en
compagnie de ce trio, Annah, David et Alex. Après les
présentations, place à l'intrigue.
16
Parfum de fleur au service
La circulation était dense et David a au moins fait trois fois le
tour du pâté de maison avant de pouvoir trouver une place
pour se garer. Il est maintenant devant la porte d'entrée d'un
vieil immeuble en plein Paris où entre les plaques de deux
médecins et une kinée, il est possible de lire:
Compagnie de Nettoyage et d'Eradication Internationale
Siége social
Ouverture de 8h-12h et 14h-20h
2ème étage
A chaque fois qu'il passe devant cette plaque il ne peut
s'empêcher de se dire qu'il y a des personnes qui ont de
l'humour dans le Service. L'activité de la société couverture
n'est pas si éloigné que ça de la réalité, à savoir la
suppression des personnes gênantes pour le gouvernement
français n'importe où dans le monde.
Il entre et avale les marches de l'escalier deux par deux.
Deuxième étage, il pousse la porte. Une hôtesse d'accueil,
personne dans les couloirs, pas de client, pas de
commerciaux. Il faut dire que la CNEI ne fait pas de publicité,
n'est pas dans les pages jaunes et si par hasard un client
venait à se présenter, les prix catalogues des services offerts
sont suffisamment prohibitifs par rapport au marché pour
refroidir son intérêt.
"Bonjour Monsieur. Que puis-je pour vous ?" s'exclame
l'hôtesse.
"Bonjour Mademoiselle, je suis Paul V. et j'avais rendez-vous
17
Opération Amaryllis
avec votre patron."
Elle fait semblant de feuilleter un agenda, en surveillant du
coin de l'œil une petite diode invisible des visiteurs. Au-dessus
une caméra avec micro intégré est reliée à une vigie. La diode
passe au vert, le matricule 1033 a été identifié physiquement
et vocalement.
"Oh oui, mais vous êtes en retard. Vous pouvez aller en salle
trois au fond du couloir. Je vous annonce."
"Je vous remercie." lui répond-il prenant la direction indiquée.
Il ouvre une porte assez lourde et pénètre dans une pièce de
40m2 sans fenêtre. Au centre, une table ronde avec 4 fauteuils
en cuir. Il retire sa veste et la pose sur le porte manteau.
Instinctivement il va pour éteindre son portable mais pas de
risque d'être dérangé par un appel, on ne capte pas. La pièce
est étanche aux ondes de toutes sortes, y compris celle de la
voix. Sur la table il repère un boîtier blanc avec une petite
surface noir. Il pose le pouce par habitude sur cette surface.
Quelque part dans le bâtiment, un écran indique que
l'empreinte digitale du matricule 1033 a été validée. Il s'assit et
patiente. Quelques minutes plus tard deux hommes rentrent
avec des dossiers sous le bras. David les connaît, c'est le chef
du Service et son adjoint. Il se lève pour les saluer.
"Bonjour, vous êtes en retard." lance le chef.
"Oui j'ai eut quelques problèmes pour me garer." et de
continuer sur un ton moqueur "Il serait bon de prévoir un
parking pour faciliter les choses si le Service vient à perdurer
dans le coin."
"Prenez les transports en commun la prochaine fois." lui
rétorque-t-il.
"Messieurs je vous en prie un peu de calme." interrompt
l'adjoint.
Le chef regarde son subalterne avec des yeux méprisant qui
semblent dire "De quoi je me mêle, c'est qui le big boss ici."
David s'aperçoit que l'animosité entre les deux hommes n'a
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š Parfum de fleur au service ›
pas baissé d'un cran depuis la dernière fois, ce qui laisse
penser que l'adjoint commence à avoir les dents longues. Pas
de doute sur l'ambition de ce dernier à vouloir prendre le
contrôle du Service.
"Nous avons une mission pour vous un peu particulière, un de
nos agents... a pris congé sans notre autorisation." indique le
chef.
"Hum! Ca se complique." pense David, car la phrase est sans
ambiguïté. Un agent a décidé de stopper son travail pour le
Service sans en avoir le droit. Cela représente un acte de
désertion qui comme la trahison n'a qu'une seule issue
possible pour le contrevenant. Ce n'est pas tellement de devoir
éliminer un des siens qui gène David car ils ne se connaissent
pas, mais c'est plutôt l'état de service de la cible. Qui dit agent,
dit tueur expérimenté et donc tâche compliquée et
dangereuse. Et très franchement même si sa vie n'est pas
follement joyeuse, il n'a pas envie de mourir.
L'adjoint pousse un dossier marqué confidentiel défense vers
David. "Voici l'état de service et quelques informations."
David ouvre le dossier et tombe sur une série de cliché d'une
jeune femme. Il ne l'a jamais vue et alors qu'il l'observe
attentivement pour mieux fixer son visage dans sa mémoire, il
est victime d'une hallucination: le visage de sa défunte femme
se substitue à celui de cette inconnue. David le souffle coupé,
secoue alors presque imperceptiblement la tête en fermant les
yeux comme pour chasser une mauvaise pensée.
Pas assez discret dans sa réaction, l'adjoint lui demande
"Quelque chose ne va pas ?"
"Vous avez vu un fantôme #1033 ?!" ricane le chef.
"Non, c'est juste que... c'est une femme. Vous savez que je
n'aime pas cela suite au..."
Le chef l'interrompant en frappant du poing sur la table "On se
fout de vos goûts, y'a un travail à faire, point barre. Pour le
reste je vous conseil d'aller le noyer dans quelques bières et
19
Opération Amaryllis
de faire un tour aux chiottes après pour vous en débarrasser!"
L'adjoint est outré et intervient avant que David ne laisse
exploser sa colère "S'il vous plait, continuer la lecture du
dossier."
David récupère son sang-froid en inspirant et expirant un bon
coup et passe au rapport de service de la cible. Celui-ci détail
en plus des mensurations, états civil, études, etc., l'ensemble
des compétences et faiblesses en combat, ainsi que la
notation de ses supérieurs pour chaque mission. Par habitude,
David trace rapidement le profil d'une tueuse à l'arme blanche
de préférence, car elle n'aime pas les armes à feux, qui
charme ces cibles pour pouvoir les approcher au plus prêt et
leur faire la peau. "Pas une mission impossible," lui semble-t-il
"mais voyons ce que je peux obtenir en échange, c'est le
moment de se vendre."
"Ce n'est pas une cible facile que vous me donnez là. Son état
de service est particulièrement élogieux. Pas sûr que je serai
capable."
Le chef prend en charge la négociation d'un "Voyons #1033
vous êtes l'un de nos meilleurs éléments et vous avez déjà
couvert des missions plus périlleuses."
Nous planons en pleine hypocrisie et cirage de pompe pense
David.
"Sa notation est meilleure que la mienne et elle est plus jeune.
Il y a tout de même un risque que j'y reste dans cette histoire !"
"Tout est une question de motivation, et un bonus de 75% sur
votre tarif habituel doit y contribuer." lance le chef d'un air
complice.
David sent qu'il peut gratter un peu plus et il lance un "Oui
mais c'est une femme ! Et j'aime pas." histoire de faire monter
dans les tours le chef en espérant faire intervenir l'adjoint. Ca
ne loupe pas, le visage du chef passe violemment au rouge et
avant que celui-ci ne déverse un flot d'insulte, l'adjoint
intervient.
20
š Parfum de fleur au service ›
"Puisque votre cible a pris la clef des champs sans nous le
demander, je vous propose sa liberté en échange de la votre.
Pour le tarif nous restons sur la base habituelle sans bonus.
C'est notre dernier mot."
David n'en revient pas mais ne laisse rien transparaître cette
fois. "J'aurais 40 ans cette année, 40 ans est la possibilité de
recommencer une nouvelle vie et de laisser derrière ce métier
que j'ai pris par vengeance et continué par haine et obligation.
Pour cela il suffit juste que je fasse une dernière mission, et je
pourrai reprendre le contrôle de ma vie pour faire... Ah oui que
vais-je bien pouvoir faire ? Peut importe nous verrons plus
tard." pense-t-il.
"Intéressant. J'accepte si bien sur tous les frais son à votre
charge."
"Oui bien sur !" martèle le chef pressé de reprendre son rôle.
"Dernière chose, nous avons perdu la trace de l'agent."
indique l'adjoint.
"Ah! Je vais donc avoir besoin d'accéder à la bibliothèque. Si
vous pouvez organiser une autorisation."
"Demande acceptée." répond le chef qui joue le grand
seigneur. "Est comment nomme-t-on l'opération ?"
"Opération Amaryllis." lance aussitôt David inspiré par les
photos de la jeune femme qu'il a encore devant lui.
"Un nom de coquillage, pourquoi pas ?" Lance fièrement le
chef.
David et l'adjoint se regarde avec un regard qui dit "Quel con
celui-la! Faudrait penser à le remplacer !"
--AMARYLLIS [amarilis] n. f. Plante bulbeuse à
grandes fleurs d'un rouge éclatant, d'odeur suave,
dite lis Saint-Jacques. Fait partie de la famille des
amaryllidacées comme la perce-neige, le
21
Opération Amaryllis
narcisse, l'agave. Le bulbe est toxique.
22
Un ange va passer, passe, est passé
Alex vient tout juste de se réveiller. La chambre de cet hôtel
rue de Rivoli, dans laquelle il se trouve, baigne dans la lumière
du soleil qui a finit par se frayer un chemin à travers les
nuages dans ce dur hiver. A côté de lui la belle blonde du Pont
des Arts dort encore. Il ne bouge pas, la regarde juste. C'est
l'un des plus beaux moments et peut-être le seul qui fasse
vibrer un temps soit peu son cœur dans le déroulement d'une
relation. Avant, tout n'est que challenge, adrénaline et plaisir.
Après, le stress, les complications et parfois les pleures
prennent le pas. Il reste comme cela dix minutes ou peut-être
une demi-heure ne regardant que le visage de l'ange endormi
près de lui et ne pensant à rien.
Je voulais en découdre avec l'au-delà,
Le Gardien céleste ne souhaiter pas cela.
Son doux messager sommeil à coté de moi,
M'invitant à espérer une libération.
Mais aussitôt que j'entendrai sa belle voix
L'errance sans paix sera ma condamnation.
"Il est temps que je me lève." souffle-t-il.
Prenant soin de ne pas la réveiller, il se hisse hors du lit et nu,
il se dirige vers la salle de bain. Il fait couler de l'eau froide
pour s'en asperger la face afin de stimuler le réveil. Puis il
retourne dans la chambre, serviette blanche autour du cou et
passant devant un grand miroir il se regarde avec un certain
plaisir "Hum je suis pas mal du tout comme mec !" puis
pointant son doigt vers son image "You're the best, man !". La
confiance est de retour, c'est déjà ça se dit-il. Rien de tel
qu'une belle jeune femme pour vous remettre sur les rails.
La veille au soir cette canadienne de passage à Paris pour
23
Opération Amaryllis
affaire, souhaiter se rendre au Musée d'Orsay pour une
nocturne après une visite du Louvre. Mais impossible de
trouver un taxi, alors elle s'est mise en tête d'y aller à pied, et
ne sachant qu'elle direction prendre, a demandé à Alex de
l'aide. Notre homme ni une ni deux l'a alors accompagné et ils
ont fait connaissance sur le chemin qui longe la Seine. Puis
arrivés devant le musée, il lui a proposé de lui faire une visite
guidée qu'elle a bien sûr acceptée sans aucune retenue. Alex,
alors dans son environnent, a utilisé ses compétences en art
pour l'impressionner. Enchantée de cette visite avec guide
personnel, elle l'a invité à manger. Le coin regorge de tables
de tout type allant du fast-food au grand palace, et notre Alex,
s'adaptant à la situation, la conduite dans un petit restaurant
de fine cuisine française au cadre intimiste et chaleureux.
Beaucoup de paroles, souvent ponctuées par des rires
provoqués par l'humour ravageur d'Alex, ont été échangées
entre les deux au cours du repas, mais toujours en prenant
soin de ne pas aborder la situation personnelle et familiale de
chacun. L'ange d'un soir a insisté pour payer l'addition ce qui
dans un sens arrangeait bien Alex. Protestant qu'il dormirait
plus tranquille s'il s'assurait personnellement qu'elle arrive en
chair et en os à son hôtel, il l'a reconduite. Sous le porche
d'entrée, partant pour s'embrasser comme deux amis au
moment de se séparer, il lui a habilement volé un baiser.
Conquise depuis longtemps, elle n'a pas repoussé son avance
voir même a engagé un second baiser plus fougueux et
passionnel. C'est bien évidemment à deux qu'ils sont montés
dans la chambre et pas que pour dormir sagement...
Alex est maintenant à la fenêtre et il regarde dans le jardin des
Tuileries où deux enfants jouent au ballon avec une personne
qui est probablement leur père tandis qu'une femme, leur
mère, assise sur une des chaises vertes les encourage. Belle
scène familiale qui met de la tristesse dans le cœur d'Alex et
lui rappelle la situation dans laquelle il se trouve.
24
š Un ange va passer, passe, est passé ›
"Je n'ai jamais eut le droit à tout cela moi, l'enfant abandonné
sous le porche d'une église." pense-t-il. "Combien de bons
moments de ce type j'ai pu manquer. Où que soient mes
parents aujourd'hui, je les hais profondément pour m'avoir
amené dans ce monde où je ne trouve pas ma place et où
chaque jour je m'enterre un peu plus."
Mais il sait très bien que cela ne sert à rien de chialer, il faut
avancer et pour l'instant ce qui doit dominer son esprit c'est
comment réussir à rembourser son bookmaker et le reste
suivra. D'ailleurs il a déjà son idée. Ca ne l'enchante guerre,
mais il n'a pas le choix, il va falloir qu'il renoue le lien avec un
vieux complice travaillant pour un milieu où la seule chose qui
soit blanc comme neige, c'est la coke.
En attendant, il se remémore la soirée passée en se disant
que c'est rarement aussi facile, mais il faut croire que chacun
était à la recherche d'une relation simple entre deux adultes
consentants.
Derrière lui, la jeune femme se réveille et s'étant. Alex se
retourne et à la vision du corps féminin aux courbes très
agréables, il sent une érection doucement s'amorcer. Elle,
alors maintenant parfaitement réveillée, note cet engouement
et lui lance en riant "Alex, you're an incredible bastard!!! Après
tout ce que nous avons fait cette nuit, tu es encore à fond sur
les toasters."
"Ah pardonne moi, mais je ne suis qu'un homme." dit-il d'un air
de celui qui n'y peut rien.
"Alors vient un peu ici bel étalon, j'ai des envies de chevauché
les plaines de l'amour, cheveux au vent !" dit-elle
vicieusement.
--Il est midi, Alex sort de l'hôtel avec un visage serein. "Vraiment
merveilleuse cette petite," se dit-il "comme tombée du ciel. Elle
25
Opération Amaryllis
ne m'a même pas fait un scandale quand je lui ai dit que je
partais. Et en plus elle a tout payé. Vraiment les temps
changent ou alors elle m'a pris pour un gigolo."
"En avant !" se lance-t-il "Il faut que je reprenne les choses en
main."
Il jette un coup d'œil dans le parc, la petite famille est partie
semble-t-il, certainement en train de déjeuner tous ensembles.
Puis il prend la direction de la place de la Concorde, yeux
baissés, pour ensuite s'engouffrer dans le métro vers une
destination qui n'est pas sans danger.
26
Y'a comme une odeur de cramé
Equipé d'un tablier, David est chez lui, dans sa cuisine où il se
prépare un dessert. Dans le four, une pizza maison est en
train de cuire. Il tient beaucoup à tout faire par lui-même, plus
naturel, il sait ce qu'il y met dedans alors que dans les plats
préparés ou tout surgelés on ne sait jamais. Et puis de toute
manière, il faut toujours rajouter.
Comme à son habitude dans ces moments solitaires mais
privilégiés, il se parle "Alors voyons voir, j'ai mis la farine, le
sucre, le beurre et quelques grammes de levure chimique. Il
ne me reste plus qu'à mettre l'épice."
Reposant son livre qui est à la page d'une recette pour un
crumble, il regarde sa rangée de bocaux Ducros et sélectionne
le quatre-épices. Il saupoudre très largement le reste des
ingrédients déjà dans le saladier en verre et très rapidement
une odeur très caractéristique lui arrive aux narines,
supplantant celle des pommes qu'il a pris soin de faire revenir
avant avec de la cannelle et de flamber au calvados. Il repose
le bocal à sa place et se met à malaxer le mélange du saladier
pour agglomérer les composants de ce simple mais très
succulent dessert. Il adore faire cela, le toucher de la texture
de la pâte, l'odeur qu'il ne fait que développer par son travail.
Cuisiner pour lui est un plaisir et un bon moyen de mettre à
part ses problèmes. Bizarre d'ailleurs, dès qu'il se met aux
fourneaux plus rien n'existe autour, il fait le vide dans sa tête et
ne pense qu'à suivre scrupuleusement les indications. Enfin
pas si sérieusement que ça car comme tout le monde le sais, il
faut souvent adapter les recettes. Après quelques minutes,
satisfait de la structure de gravier, il stoppe et va pour se laver
27
Opération Amaryllis
les mains. Ensuite il repartit, professionnellement et de façon
égale, sa pâte sur les pommes. "Voila, plus qu'à mettre au
four."
Dehors, un coup de puissant klaxon attire son attention et le
fait sortir de sa bulle. Il se dirige vers la fenêtre de sa chambre.
"Ce n'est rien, encore un livreur pressé. Ils me font rire ces
parisiens," pense-t-il "il faudrait passer de 0 à 50km/h à la
microseconde suivant le passage au vert."
"Maudit feux rouges" s'exclame-t-il regardant le poteau
incriminé. "Encore passé une mauvaise nuit à cause de toi !"
Il faut dire que la circulation devant chez lui est plutôt
importante à toutes les heures de la journée et ce feu amène
son lot de freinages, accélérations, klaxons et vibrations de
moteur que la nuit ne fait qu'amplifier. Enfin ce n'est pas si sûr
que ce soit uniquement le bruit qui l'ait empêché de dormir
cette nuit mais plutôt l'inquiétude vis à vis de la nouvelle
mission et la somme de questions que celle-ci soulève. Que
vais-je faire quand je serais libéré de mon contrat ? Y a-t-il
vraiment une retraite pour un tueur ? Y a-t-il un piége ? Etc. Il
a eut beau ce dire à plusieurs reprise "Allez maintenant il faut
dormir.", son cerveau n'a rien voulu entendre et a mouliné
toute la nuit ou presque.
Levé à l'aube avec la gueule des mauvais jours, il a pris un
léger petit-déjeuner avant d'aller courir ses 10km de jogging
quotidien, suivis de son heure de musculation et d'étirements.
Pour ponctuer l'ensemble et en guise de remède pour sa
mauvaise nuit, il a fini avec une séance de yoga. Contrôle de
l'esprit, force et souplesse sont les clefs de sa réussite dans le
métier.
Mais alors qu'il est maintenant accouder au montant de sa
fenêtre et malgré toute cette dépense physique, toutes les
questions de la nuit ressurgissent et il n'a pas une bribe de
réponse à offrir. "Masturbation de l'esprit que tout cela."
murmure-t-il.
28
š Y'a comme une odeur de cramé ›
Il reste comme cela pendant un moment, le regard perdu dans
la vie qui s'agite en bas. Puis soudain une alarme dans le coin
de son cerveau retentit, une odeur acre très rapidement
identifiée comme venant de la cuisine assaille son odora.
"Merde la pizza !!!" hurle-t-il se ruant vers le four.
Leçon numéro uno en cuisine, rester concentrer sinon c'est la
catastrophe et David contemple maintenant le résultat fumant
de l'oublie de ce principe. "Y'a comme une odeur de cramé."
dit-il ironiquement "Ouais, une odeur de cramé comme celle
que dégage cette nouvelle mission."
29
Le naturel reprend le dessus
Annah revient du marché toujours accompagnée par Isidore et
leur bateau s'arrête au bout du ponton.
"Thanks a lot to you for driving me to the town. It's really a
pleasure to go by the sea."
Toujours aussi souriant, il répond "You welcome, m'zelle." et
l'aide à sortir du bateau ainsi que ses emplettes.
"Now I've to go, my two grand-children are waiting for me."
"How wonderful! Are they here for some holidays ?"
"Yes, they are. But..." lui hésitant "if you want to meet them,
you can come at 4 for the tea." avant de clôturer avec les yeux
en bas comme ceux qui ont peur de gêner "And it could be
great if you draw a picture of them with me."
"Oh! Yes of course I will come, it's really a nice idea."
s'exclame Annah les yeux brillants à l'idée d'avoir des
volontaires pour poser mais surtout d'être en contact avec des
enfants.
"So, see you at 4." dit-il les yeux remplie de joie, la main déjà
sur les gaz de son navire.
Tandis qu'il s'éloigne, elle lui fait un au revoir de la main qu'il
retourne, puis elle ramasse ses commissions et se dirige vers
son chez-elle.
Crevettes, cuisses de poulet, riz, yogourts vanille, pain,
patates douces, chouchoux, bananes et litchis, tout est vite
rangé ou presque. Une mangue bien mure, qui a fait saliver
Annah depuis le matin, va bien servir de dessert. Il faut dire
que les samoussas et les bouchons qu'elle a mangés dans
une petite case près du port n’était pas mauvais mais il lui
manque un petit goût de sucré pour finir le repas. Elle
31
Opération Amaryllis
sectionne le fruit en deux et en retire le gros noyau sans
résistance aucune avant d'attaquer une première moitié à la
petite cuillère. Le goût à la fois sucré et poivré du fruit est à la
hauteur de l'odeur agréable qu'il dégageait. Un "hum"
langoureux s'échappe de la bouche d'Annah tout en fermant
les yeux. "J'aurais du en prendre deux." dit-elle avec
gourmandise alors qu'elle saisit seulement la deuxième moitié.
Après ce festin, elle se sert un verre de citronnade et prend
place dans le hamac ou elle sirote paisiblement. Le verre une
fois posé à terre, Annah se laisse tranquillement sombrer dans
une sieste totalement crapuleuse sans aucun remord.
--Avant d'arriver à la maison d'Isidore, Annah est passé à la
petite boutique qui se trouve sur le chemin pour prendre des
bonbons pour les bambins. Un geste simple qui lèvera toutes
réticences s'il y a et puis c'est tout de même mieux de ne pas
arriver les mains vides chez celui qui lui donne tant depuis
qu'elle est arrivée et en plus sans arrière pensée.
La bâtisse est très grande, de quoi accueillir une grande
famille, et principalement en bois. La végétation est luxuriante
et très variés, certainement pour conserver une certaine
fraîcheur et pour s'offrir les plaisirs des arbres fruitiers au grès
des saisons.
Alors qu'elle s'avance vers la porte principale, deux fillettes d'à
peu près le même age, c'est à dire 5-6 ans, sortent du côté
gauche de la maison à quelques mètres. Elles se figent un
instant devant Annah comme pétrifiées, cette dernière leur fait
un sourire avec un "Hello!", et les deux gamines se sauvent
alors en riant.
"Très déroutant comme première rencontre! Il va falloir que je
travaille mon approche." se lance-t-elle avec une petite moue
de la bouche.
32
š Le naturel reprend le dessus ›
"I see that you have already meet my two little children."
"Yes Isidore but I'm afraid I've scare them too!"
"Oh no, those two ladies are just a little bit shy. Come on in the
house and just wait."
Annah entre dans la maison et comme chez elle, la première
pièce est aussi un salon qui fait toute la profondeur de
l'architecture et les autres pièces s'articulent autour de celle-ci,
certainement une habitude locale de convivialité.
Elle est invitée à s'asseoir sur une chaise en osier. Elle en
profite pour poser ses ustensiles de dessin sur un coin de la
table.
Tandis qu'Isidore prépare le thé, les deux filles entrent par la
baie vitrée. "Hello!" essaye à nouveau Annah avant de
pousser en direction de la cuisine "Do they speak English ?"
"Yes of course, they both live in California with one of my three
sons." dit-il revenant dans la pièce avec un plateau remplit.
Les deux petites se collent à leur grand-père semblant très
intimidés comme peuvent l'être les enfants.
Annah décide de sortir sa botte secrète. "Hey kids I've got
some sweeties for you, just have a look." tendant le paquet de
sucre candi. Le résultat est immédiat, un grand sourire éclaire
leur visage et elles se ruent sur le paquet, remerciant très
poliment Annah pour le présent, avant de se sauver pour jouer
à l'extérieur.
Les discussions d'adultes prennent place autour d'une tasse
de thé vert. Isidore explique que deux de ses garçons vivent
aux USA et que le troisième est resté sur l'île pour reprendre
l'atelier de charpentier. Il décrit la vie de chacun avec
beaucoup de fierté, celle d'un père. Il évoque aussi sans
mélancolie ni fatalité la disparition de sa femme arrachée à la
vie par un cancer il y a de cela maintenant deux ans. Il parle
avec beaucoup de tendresse et de passion de sa femme
rendant presque palpable l'amour qui devait exister entre les
deux. Forcément il arrive un moment où il lui pose des
33
Opération Amaryllis
questions sur sa vie. Annah ne veut pas s'exposer de trop. Elle
explique juste qu'elle est venue sur l'île pour fuir son passé,
réapprendre à vivre, redécouvrir les sentiments et les petits
bonheurs simples, en quelque sorte réparer son âme. Elle
avoue que sa vie peu sembler très oisif se souciant peu du
lendemain mais que pour l'instant elle ne se sent pas prête à
faire des plans pour l'avenir. Isidore comprend et ne cherche
pas à en savoir plus, en matière de confidence, il faut savoir
prendre ce que l'autre a à donner.
Les deux gamines sont maintenant de retour et leur grandpère leur propose de leur lire une histoire, moment propice
pour une séance de dessin. Ainsi, pendant qu'il raconte une
aventure sortie d'un vieux bouquin aux deux petites captivées
assis dans la balancelle sur la terrasse, Annah crayon de mine
en main croque ce doux moment.
34
Le prêcheur
Alex après le métro a pris un RER direction la banlieue pour
rencontrer un contact qui peut certainement lui trouver un
boulot dans le but de rembourser ses dettes, voir
recommencer une nouvelle vie. Ca fait bien longtemps qu'il n'a
pas pris les transports en commun. Et lui, l'habitué du confort
des voitures de luxe, il se trouve un peu comme un cheveu
dans la soupe dans ce wagon qui est le quotidien de bon
nombre de parisien.
Des tagueurs qui n'ont rien d'artiste ceux-la, se sont amusés à
répandre leur pseudo sur toutes les surfaces, tandis que sur
les vitres ont peut lire un FUCK LES POULETS graver avec on ne
sait qu'elle ustensile. Coté odeur aussi c'est la fête: pisse,
nourritures diverses et avariées, transpiration, parfum forment
un lourd cocktail.
"C'est pas possible il avance pas ce train." pense-t-il plutôt
presser d'arriver à destination. "C'est pas vrai, il passe son
temps à freiner pour marquer l'arrêt."
Il regarde le plan et se dit "Encore sept stations. J'ai oublié
qu'il valait mieux prendre des directs."
En face de lui, une jeune fille pas vraiment à son goût, mâche
un chewing-gum d'une façon très suggestive à son encontre.
"Pauvre fille, même avec un sac à patate sur la tête t'est pas
baisable." pense-t-il très fort.
A côté une vieille femme très bien sur elle, sert très fort tout
contre son sac. Au fond une bande de jeune gars hurlent,
jacassent au point de déranger tout le monde sauf un p’tit
bonhomme qui, tête contre la fenêtre, dort, ouvrier ayant fini
ses trois-huit ou alors l'alcool. Seule lueur de soleil dans ce
35
Opération Amaryllis
train, un couple s'embrasse, se cajole, se titille. Ils sont deux
seuls au monde et la terre autour d'eux peut bien s'arrêter de
tourner que ça n'y changerait pas grand chose.
Soudain la porte entre-wagon s'ouvre attirant l'attention de tout
le petit peuple, ou presque. "Contrôle des titres de transport."
hululent en cœur trois contrôleurs au sourire sadique, crayons
et contraventions en main.
Le trio est suivi par deux molosses de la police du rail dont les
tronches foutent la frousse. L'un d'eux joue bizarrement avec
sa matraque laissant penser qu'en dehors du service elle doit
avoir une autre fonction, tandis que l'autre matte l'inscription
sur la vitre, muscle de la mâchoire tendue.
Pas très jolie tout ça mais au moins le silence est revenu.
Enfin la dernière station, Alex descend et prend à pied la
direction du groupement d'immeubles semblables qui jurent
dans le paysage. Très rapidement il arrive au bâtiment C, et
alors qu'il monte les escaliers pour entrer dans le hall, une
bande de cinq adolescents/adultes ouvrent la porte d'un grand
coup de pied. "What the fuck! Je rêve ou bien ?! Regardes le
fils de puta que voila."
Alex surpris s'arrête pour mieux regarder et appréhender les
choses. "Oh! Oh! Imprévu à l'horizon." pense-t-il "C'est le
jeune du pont qui voulait me vendre ça merde."
"Mon gars j'vais t'faire la peau." menace le dealer.
"Yeah!" sifflent les quatre autres, couteaux à cran d'arrêt déjà
déployés.
Un rapide tour de la situation laisse deux solutions à Alex: il
peut prendre la poudre d'escampette mais il y a une bonne
chance pour que les merdeux en Nike et Lacoste le rattrapent.
Ou alors ils les affrontent ce qu'il a déjà fait à d'autres
occasions. "Ah jeune homme je vois que tu n'as pas compris
la leçon." lance courageusement Alex. "Vient un peu ici que je
t'apprenne les bonnes manières." fait-il suivre les poings déjà
près à frapper.
36
š Le prêcheur ›
La bande se rue sur lui mais très rapidement, ils stoppent leur
route. Derrière Alex une grosse Mercedes noir s'arrête et un
africain d'une cinquantaine d'années vêtue d'une djellaba et
d'une paire de sandales Méphisto en débarque avec deux
types très nerveux.
Mains au ciel il s'exclame "Mes enfants! Mes enfants ! Que
faites-vous donc ?!" et se dirigeant vers le dealer lui choppe
l'oreille, "André, André, André, j'ai déjà dis que je ne voulais
pas voir de violence dans ce lieu. Cherches-tu à entacher la
bonne réputation de cette cité ? Le fruit de mon travail. Tu me
déçois fortement André."
"OUI, mais c'est le type..." lâche le jeune qui se contorsionne
pour limiter la douleur.
"Tut! Tut! Tut! Je ne veux rien entendre." s'acharnant de bas
en haut, d'avant en arrière sur l'oreille du malheureux.
"La seule chose qui m'intéresse c'est le calme. Retournes
chez toi donner un coup de main à ta vielle mère, plutôt que
de gâcher ton énergie ainsi. Et vous je vous confisque cet
attirail."
"Oh non alors!" pleurnichent presque les quatre autres.
Tandis que les jeunes se dispersent rapidement, Alex lance à
l'homme qui lui tourne le dos "Quelle main de fer Abdel!"
"Oh tu sais la violence amène les flics et ça ce n'est pas bon
pour le business, pas bon du tout."
Il se retourne alors avec un très large sourire puis se dirige
pour enlacer son hôte "Comment vas-tu Alexandre? Cela fait
bien longtemps que je ne t'ai pas vu."
De grandes clapes dans le dos. Les deux gardes du corps se
relaxent.
"Ca va, on survit, ou tout du moins on essaye."
"Ah! Je vois, ce n'est donc pas une visite de simple courtoisie
que tu me fais là. Telle la brebis égarée tu cherches à
retrouver ton chemin et tu comptes sur le bon vouloir de Papa
Abdel pour cela!"
37
Opération Amaryllis
"Je sais mais..."
"Tut! Tut! Tut! Pas de mais. Papa Abdel est un homme
généreux et sage. Suis-moi mon fils." patronise l'Africain.
Les quatre hommes montent les escaliers. Dans le hall
d'entrée, l'un des protecteurs appel l'ascenseur. Quelques
secondes après, les portes de celui ci s'ouvrent et une femme
assez âgée en sort. Le maître des lieux offre un "Bonjour
madame Michaud, vous avez une très belle mine! Quel teint
de jeune fille!"
Et l'octogénaire de répondre en rougissant un peu "Bonjour
Abdel, vous êtes un filou vous s'avez bien que cet age là est
bien révolu maintenant."
"Ah non je vous assure, c'est sincère. Bonne après-midi au
parc." lance l'ensorceleur alors qu'il s'engouffre avec Alex
dans l'ascenseur.
Une fois les portes fermées, et l'étage sélectionné, il concède
un "C'est de la relation publique." à l'œil questionneur d'Alex.
Neuvième, tout le monde descend et Abdel ouvre une des
portes. A cet instant des petits pas se font entendre suivit d'un
"Papa!" très joyeux. Le vieil homme s'abaisse et une petite fille
très trognon lui saute au cou.
"Bonjour ma princesse! Cours rejoindre ta mère, papa a du
travail."
La gamine lâche son père et repart dans l'autre sens. Il ouvre
une porte fermée à clef et y invite Alex tandis que les deux
autres restent sur le palier. Le bureau sans fenêtre est très
petit et se compose d'une planche sur tréteau où repose un
ordinateur, une imprimante et quelques crayons. Sous la table
un coffre et un déchiqueteur.
"Dans quel niveau de pétrin es-tu ce coup-ci ?" Lance Abdel
d'un œil inquisiteur.
"Il ne me reste plus que quelques jours pour rembourser une
très grosse somme sous peine de voir le Ferrailleur et la
Chignole me tomber dessus." plaide Alex.
38
š Le prêcheur ›
"Les grosses pointures du clan des tueurs à gage, je vois.
Combien de fois je t'ai déjà dit de ne pas fréquenter les
bookmakers..."
"Abdel," interrompt Alex se voyant partir pour un long prêche
"j'ai besoin d'aide très rapidement. Et tu es ma seule chance.
Aides moi."
"Je vois, Je vois." se touchant le menton. "Hum, j'ai peut être
une solution pour toi. J'ai reçu par Internet une demande de
chasse à l'homme pour une raison de vengeance. Je peux
contacter le commanditaire, arranger pour qu'il paye ta dette
plus un petit bonus et toi, en échange, tu lui fais le sal boulot."
"Autrement dis la vie d'une autre personne contre la mienne."
l'air un peu dégoûté.
"Tout à fait mais tu as déjà fait cela dans le passé alors une
fois de plus ou de moins, ça ne change rien."
Abdel sort une feuille de papier de l'imprimante et tend un
crayon à Alex. "Notes moi ton numéro de téléphone ici et je
m'arrange pour le reste."
Alex n'a pas vraiment le choix s'il veut s'en sortir et il savait ce
qu'il allait trouver ici. Il ne lui faut donc pas un très long
moment pour se décider. Il note son numéro de portable sur la
feuille.
"Félicitation! Tu viens de t'octroyer un délai supplémentaire."
Les deux hommes se serre la main, puis Alex est
raccompagné sur le palier. A nouveau une embrassade
confraternelle et les deux hommes se séparent.
39
Requin à la diète
Salle de rédaction d'un grand journal d'information, une porte
sur laquelle il est possible de lire Rédacteur en Chef s’ouvre
très énergiquement. Un mec chemise, jean, basquet
légèrement écarlate en sort comme une bourrasque et Vlan! Il
la referme avec une certaine violence faisant trembler les
parois du bureau préfabriqué.
Toutes les personnes présentes sur la plate-forme lèvent leur
tête de leur travail en direction de l'énergumène. "Quoi y'a un
problème ?!" lance l'homme énervé par tous ces regards
portés sur lui. Aussitôt tout le monde se remet au travail telles
des abeilles dans une ruche.
L'homme visiblement en colère s'élance ensuite en direction
de son box manquant de bousculer une demi-douzaine
d'employés sur son passage. Il stoppe brutalement devant un
bureau où une femme est en train de se limer les ongles.
"Apportez-moi tout de suite un carton, j'ai un dossier à classer.
Et que ça saute, on ne vous paye pas comme assistante pour
vous manucurer à longueur de journée que diable!"
La femme le regarde et lui répond "Oui Monsieur, tout de
suite." tout en pensant très fort "Pauvre type, je ne suis pas ta
boniche."
Mais elle sait trop où se trouve le pouvoir et ne souhaite pas
se retrouver à la porte avec deux enfants à charge. Et puis,
mis à part ses variations d'humeur et ses dents longues, il est
correct ce boss là dans le sens où il n'a pas encore essayé de
lui mettre la main au panier.
Lui est maintenant dans son fauteuil tout cuir, où en ruminant,
il empile divers dossiers et jaquettes.
41
Opération Amaryllis
L'assistante se présente très rapidement avec le carton
attendu et le dépose sur le bureau.
"Mais que se passe-t-il, chef ?"
"Oh! Très simple, moi le grand journaliste, on me demande de
clôturer mon investigation sur les dérives de certains services
de l'état, pour me redéployer sur les malversations financières
des partis. Plus rentable il parait. Pourquoi pas faire la
rubrique des chiens écrasés pendant qu'ils y sont... maudis
conseil d'administration."
Après avoir fait le tour de tous ses tiroirs, il saisit la pile de
documents et le place dans le carton. Celui-ci est ensuite
scellé et la femme l'emporte vers la zone d'archivage.
42
Vous reprendrez bien un peu de piment
Beep! Beep! Le portable d'Alex indique l'arrivée d'un texto. Il
déverrouille le clavier et presse le bouton de lecture:
rdv job place D terne 15h. aporT bouké rose 3color kom sign
dist1ctif
Il regarde sa montre, il lui reste une heure. Il bloque son
téléphone et le replace dans la poche de son costume. Il finit
rapidement son sandwich et le fait passer avec une bière. Une
fois sortie du fast-food, Alex fait signe à un taxi, il en a un peu
sa claque des transports en commun.
--Alex comme indiqué a acheté un bouquet de roses rouges,
jaunes et blanches simplement et délicatement protégées par
du papier kraft chez un des fleuristes de cette charmante
place. Il fait les quatre-cent pas sur le trottoir, son rendez-vous
est en retard de dix minutes, quand soudain une limousine
blanche aux vitres teintées s'arrête. Le chauffeur sort alors du
véhicule, pas vraiment le type facile, pour ouvrir la porte en
faisant signe d'entrer. Alex se glisse sans protester. A
l'intérieur une femme plutôt BCBG sans age apparent, habillée
tout en blanc l'accueille froidement "Bonjour Alexandre, prenez
place."
Elle est assise en face de lui. La portière se referme, il pose
son bouquet à sa droite.
"Bonjour... pardon je n'ai pas saisi votre nom ?"
43
Opération Amaryllis
"Mon nom n'a pas vraiment d'importance pour ce que nous
avons à voir. Max voulez-vous bien tourner sur la place de
l'Etoile, nous n'allons pas en avoir pour long."
Le gorille s'exécute aussitôt en s'introduisant dans la
circulation. Il presse un bouton qui actionne une vitre l'isolant
de sa maîtresse et de son hôte. Pendant ce temps, Alex n'ose
pas répondre, cette femme dégage une puissance malfaisante
qui force au silence.
"Alexandre j'ai pris en charge tous vos problèmes d'argent et
remboursé votre bookmaker, vous êtes donc maintenant
totalement blanc comme neige financièrement parlant."
"Je vous remercie pour..."
L'interrompant "Voulez bien rester attentif jusqu'au bout, je
vous prie."
Elle lui tend un paquet enrobé de papier journal en ajoutant
"Voici 25000 euros pour vous permettre de couvrir vos frais
pour ce travail." et de continuer sur un ton plat "Vous recevrez
50000 euros une fois la tâche accomplie. Cette offre est non
discutable."
Alex porte sa main à son menton et fronce les sourcils pour
montrer sans parler que cela l'intéresse déjà.
"Pour le reste, voyez-vous Alexandre, un tueur à gage de votre
espèce a assassiné mon bien aimé marie et je souhaite en
parfaite épouse une vengeance."
"Je suis désolé pour votre marie." dit-il simulant une
compassion.
"Oh! Par Saint James ne le soyez pas!" dit-elle d'un ton
moqueur "Je ne le regrette pas, ce n'était qu'une façade à mon
business, et j'ai perdu dans cette affaire beaucoup plus
d'argent que je n'ai ressenti de douleur. Le milieu dans lequel
j'évolue est très difficile et l'on n'y fait pas confiance à une
femme. Il n'était qu'un pantin qui agissait à ma guise. Les
hommes sont tellement faciles à contrôler, satisfaisiez ce qu'ils
ont entre les jambes et vous êtes sûre qu'ils viennent vous
44
š Vous reprendrez bien un peu de piment ›
manger dans les mains."
Alex comprend ce qu'elle implique. Lui-même est assez
troublé par cette femme puissante, autoritaire, fatale et très
stricte. Un cocktail qui dégage un attrait sexuel qui ne le laisse
pas lui-même de marbre.
"Mais à quelque chose malheur est bon, et je compte bien
utilisé cette nouvelle donne pour renforcer ma position.
Montrer de quoi je suis capable au milieu. C'est pour cela que
je veux la tête de ce tueur et c'est vous qui allez me l'apporter,
Alexandre."
Ces derniers mots soufflent le froid sur les ardeurs et
fantasmes de notre homme et alors qu'il ouvre la bouche pour
poser une question, elle dit "Je ne sais pas encore où ce
cache le misérable bâtard que vous devez abattre, mais d'ici
quelques jours vous recevrez un nouveau texto avec vos
consignes. Alexandre, nous voici donc associé."
Alors qu'elle se prépare à actionner un interphone, Alex calme
depuis le début commence à en avoir un peu assez de se faire
mener à la baguette et il ose d'un ton résolut "Et si je refuse ?"
La veuve se met à éclater d'un rire cynique "Mais mon cher
Alexandre, vous n'avez pas le choix. Je n'ai pas remboursé
votre bookmaker juste pour vous faire plaisir." Et d'une voix
soufflant sécheresse et désolation "Si vous refusez ou
essayez de me doubler, vous finirez en pièces détachées.
Excellent moyen de faire disparaître les corps en cette époque
et puis si vous saviez combien les gens sont prêt à payer pour
un cœur, un poumon ou une cornée, je suis presque certain
de rentrer dans mes frais."
Et utilisant l'interphone "Max nous avons fini, merci de déposer
mon associé devant la “ Fnac ” des Champs Elysées."
Le chauffeur quitte la place où il a eut le temps de faire quinze
fois le tour de l'Arc de Triomphe pour descendre la plus belle
avenue du Monde. La voiture s'arrête, le molosse descend
pour ouvrir la porte à un Alex livide et pale car il sait qu'elle ne
45
Opération Amaryllis
plaisante pas.
"Une dernière chose, reprenez vos fleurs s'il vous plait, j'ai
horreur des roses."
Le molosse attrape le bouquet et le plaque dans les bras
d'Alex qui ouvre la bouche pour dire "Mais dans le message..."
Il n'a pas le temps de finir sa phrase que la porte se claque, et
une fois le chauffeur de retour à sa place, la voiture repart
pour aller très vite se perdre dans le trafic. Il reste là bouche
bée pendant au moins une bonne minute, le regard dans le
vide.
"Ho, le joli bouquet! Elle a de la chance votre amie." murmure
une douce voix féminine.
Alex regarde la fille, puis son bouquet, puis la fille, puis le ciel
en se disant "Encore un ange, je suis béni."
Et tel le marcheur, ayant erré pendant une semaine dans le
désert, il s'avance vers son oasis avec la même excitation et la
même joie sur le visage "Pas tout à fait, ces fleurs sont pour
vous. Je vous attendais."
La belle et totale inconnue rougie, et notre Roméo est de
retour sur son territoire de chasse.
46
La bibliothèque
Le composant indispensable à la réussite d'une mission,
comme d'une guerre d'ailleurs, par les temps qui courent, c'est
l'information. A ce niveau le CNEI dispose d'une base de
données et de liens assez impressionnants capable de faire
attraper une syncope à tout membre de la CNIL. Les différents
gouvernements qui se sont succédés depuis la création de cet
organe ont très largement bafoué les lois informatiques et
liberté au nom de la sûreté de l'état français. Il est bien évident
que si tout cela arrivait aux oreilles du peuple, celui-ci ne
comprendrait pas. Il est donc primordial de cacher cette base
de façon efficace. Et le meilleur moyen de cacher un élément
sensible, c'est souvent de le mettre parmi un ensemble
d'éléments de même nature et en plus grand nombre si
possible. Ainsi pour noyer dans la masse leurs données, les
créateurs ont choisi la base d'informations de la Bibliothèque
de France. Bien sûr n'accède pas au thème 'Nettoyage des
lieux publics de 1800 à nos jours' qui veut, il faut en effet
montrer patte blanche. Et puis même pour les agents y ayant
accès, il y a en permanence des restrictions à la mission
uniquement en place. Difficile aussi de sortir des documents à
l'extérieur car les impressions sont limitées aux notes de
l'agent et puis pas question non plus de faire de modification
ou de falsification. Tout a bien été pensé pour se protéger des
fuites, des chantages, de la création de preuve de l'existence
d'un tel centre. Et puis le lieu offre une certaine discrétion pour
les agents. Etudiants, professeur, chercheurs et bibliothécaires
vaquent à leurs occupations sans vraiment faire attention les
uns aux autres trop concentrés dans leur activité.
47
Opération Amaryllis
--Comme prévu, David en ce début d'après-midi est de visite à
la Bibliothèque pour tenter de trouver la planque de ça cible. Il
sait que la tâche va être ardue et qu'il a peu de temps pour
réussir car plus les jours passent, plus les risques que les
pistes s'estompent, sont fortes. Et puis, ce sera la première
fois qu'il doit pister un collègue. Cependant en vieux renard il
est certain d'y arriver.
Il n'a eut aucun problème pour rentrer avec son badge de
chercheur en cognition. Il s’est installé à une table à la fois
proche d'une imprimante et à l'abri des regards autant que
possible. Pour se fondre au milieu, il sort un carnet de notes,
un stylo plume et quelques documents quelconques qu'il étale
sur le mobilier moderne et agréable. Il saisit ensuite son
identifiant et son mot de passe à l'aide du clavier et en
quelques coups de souris, il se retrouve dans la section qu'il
recherchait. L'ordinateur a déjà fait en automatique un
ensemble de premières recherches sur tous les dossiers en
rapport avec la cible. Cela va de la reproduction du bulletin de
terminal à la dernière Carte Bleue débitée sur le compte
bancaire, en passant par les réservations de vacances, la liste
des appels opérés avec le mobile, les missions, etc.. A la vue
de tout cela, David sent un petit frisson le traverser de part en
part. "Et dire qu'ils ont certainement le même type
d'informations sur moi, ça fait froid dans le dos." pense-t-il.
"Impressionnant!" murmure-t-il quand il tombe sur la
géolocalisation du portable de l'agent qui le mène tout droit
dans le bureau du CNEI. "Sans difficulté ils savent peut être
même la couleur du caleçon que je porte aujourd'hui."
grimasse-t-il. "Il fallait s'attendre à ce qu'elle se débarrasse de
son portable."
"Voyons voir un peu les comptes." Une étude a déjà été faite
48
š La bibliothèque ›
sur ce point et elle montre qu'il n'y a pas eut de débit depuis la
disparition et en remontant dans les mois précédents, il est
possible de voir que 4 billets de train ont été achetés. Une
remarque indique que les destinations étaient Madrid,
Bruxelles, Londres, Milan. "Mouais, plutôt de la poudre aux
yeux tout cela, elle a très bien pu se rendre à Lausanne ou à
Berlin." David note tout de même sur son carnet les quatre
villes sans trop d'espoir. L'inconvénient du train par rapport à
l’avion, il n'y a pas d'enregistrement, donc pas moyen de
savoir si le train a bien été pris. Et puis de toute façon elle a
très bien pu utiliser un faux passeport ce qui est monnaie
courante dans la profession.
Un peu déçu mais pas tellement étonné de l'échec sur le
mobile et la carte bleue, David passe à d'autres dossiers. Le
premier indique qu'une fouille minutieuse de son appartement
et de sa voiture a été faite mais qu'il n'y rien à signaler. Une
note faite par un inspecteur indique 'Elle a même pris le temps
de vider son réfrigérateur et donnée les plantes vertes à la
voisine!'.
Le dossier suivant passe au crible le courrier qui arrive encore
au fil du temps: factures diverses, magazines TV, catalogue
UCPA Horizon Lointain, brochure d'un office de tourisme
quelque part dans le pacifique, des cartes postales d'amis d'un
peu partout sur la planète, une invitation pour un vernissage,
avis de premier tiers pour l'impôt sur le revenu. Rien de bien
terrible.
Un autre dossier se compose d'une série de rapports sur des
interviews d'amis et du voisinage mais encore une foi c'est un
échec. "Tiens il n'y a pas de relatif dans les interviews. N'a-telle pas de famille ?!" Il clique sur la section pour s'apercevoir
qu'il ne reste que son père de vivant, sa mère étant morte d'un
cancer du sein lorsque la fille unique avait 8 ans. David à la
recherche d'information sur le père, tombe sur un mur: les
informations sont classées Secret Militaire Données
49
Opération Amaryllis
Inaccessibles. "Je comprends le père est un barbouze des
renseignements, peu de chance qu'il donne sa fille même avec
un interrogatoire aux petits oignons et puis cela mettrait
probablement en place une guerre des services." se lance-t-il
avant de noter que le père peut offrir une base logistique. Un
commentaire indique qu'il a été possible de mettre en place
une écoute téléphonique et une interception du courrier, mais
pour le moment aucune tentative de contact.
"Ok, concentrons nous sur le nerf de la guerre c'est à dire le
fric." En revenant sur les soldes des différents comptes, il
s'étonne du fait qu'ils sont tous très bas, voir vide. David lance
l'affichage des mouvements sur ces comptes et s'aperçoit que
de gros virements ont été faits vers un autre compte dans la
même banque il y a de cela plusieurs mois. "Ingénieux! De tels
mouvements vers un compte étranger auraient probablement
fait retentir quelques alarmes. Voyons qui se cache derrière ce
numéro." Après un délai de quelques secondes, les yeux de
David s'animent avec la même énergie que le fox-terrier qui a
mis le nez sur une bonne piste. "Le père bien sûr!" Une
analyse de ce compte montre des mouvements de retrait en
espèces assez importants et réguliers. Notre limier sait bien
qu'il est impossible de transmettre autant d'argent dans une
simple lettre et puis après les euros ne sont pas encore les
dollars, il faut les convertir.
Il repense à la pub 'Avec nous vous transmettez beaucoup
plus que de l'argent'. "Voyons voir si je peux faire une
recherche sur les organismes qui prennent en compte ce type
de transaction." Il pose sa requête par rapport à la période, les
montants, et la ville la plus proche du village où le père habite,
de tels envois dans un petit village feraient jaser. Après
lancement de celle-ci, la machine mouline dix bonnes minutes
pendant que David réfléchi aux scénarios possibles en
regardant dans le vide. La machine rend son verdict, trop de
réponses et donc totalement inexploitable. "Hum! Il fallait si
50
š La bibliothèque ›
attendre, trop compliqué comme demande. Appliquons le plan
B."
Il sait qu'elle n'a pu fixer à l'avance le moyen et le lieu pour lui
faire parvenir de l'argent et que donc elle doit contacter son
père pour lui donner ses instructions. La chance est mince, car
il y a tellement d'autres moyens, mais David lance une requête
pour connaître tous les numéros du village où habite le père
qui auraient pu recevoir le mois dernier un appel de l'étranger.
Au bout de quinze bonnes minutes d'angoisse, l'ordinateur
crache une liste assez courte. Il commence par réciter dans sa
tête la colonne continent "Europe, Europe, Afrique, Asie,
Pacifique, Europe, Amérique... pas évident." Il regarde une
autre colonne correspondant au nom de l'appelé et soudain il
se fixe sur plusieurs lignes indiquant une cabine téléphonique
et toujours la même. Il redemande l'analyse avec pour
restriction cette cabine et sur plusieurs mois. Après une
nouvelle attente, il lit le nouveau résultat qui dispose de plus
d'information "Europe (Espagne), Pacifique (St Agathe Island),
Pacifique (St Agathe Island)...". La même ligne apparaît
plusieurs fois de suite, il jette un coup d'œil sur son bloc note
et il pense "Elle avait pris un billet pour Madrid, voyons voir les
dates."
Les dates se suivent à deux jours près. "Pacifique, ça me
rappel un truc... mais oui bien sûr le prospectus touristique."
Il réaffiche avec une certaine fièvre le dossier concernant la
surveillance du courrier. Et il laisse échapper un "Bingo!" qui
attire le regard des autres personnes autour de lui, un "Chut!"
se fait même entendre. Le pays correspond, reste pour lui à
confirmer sa théorie sur les échanges d'argent en relançant la
requête avec cette nouvelle restriction. Le résultat est positif.
--Dans une des pièces du CNEI, une imprimante matricielle
51
Opération Amaryllis
délivre un message en crépitant:
opération amaryllis - stop - trouve cible - stop - a pris train
pour espagne - stop - puis avion vers st agathe island - stop utilise probablement faux passeport - stop - père transfert
argent régulier - stop - dernier transfert hier - stop - part de
suite pour extermination - stop
52
Le traître
Il est 23h45, sur les quais de la rive droite. La Lune au premier
quart, à bien du mal à illuminer les zones non couvertes par
l'éclairage urbain, surtout que des nuages évoluant à vive
allure cachent Paris régulièrement de sa lumière blanche. Le
froid, amplifié par ce vent qui à l'habitude de s'engouffrer dans
le sillon sans obstacles que représente la Seine, pique et
glace jusqu'aux os. Les conditions sont défavorables à la
balade et il faudra attendre quelques mois avant de voir
refleurir les couples s'offrant une balade nocturne ou les
groupes d'amis se retrouvant sur les bords de Seine pour un
dîner improvisé. Pour le moment, il n'y a personne ou presque.
Dans un coin sombre, à la sortie d'un pont un individu semble
attendre. Impossible de voir le moindre trait de son visage. Sa
carrure et sa gestuelle laisse seulement deviner que nous
avons affaire à un homme. Pour la troisième fois un flash suivit
d'une faible lumière chaude apparaît discrètement au creux de
ses mains. Probablement une allumette, qu'il porte à son
visage pour amorcer une cigarette. La lumière éphémère et
faible n'aide pas à l'identification. Soudain l'homme jette à terre
sa cigarette et l'écrase vivement avec sa chaussure. Quelques
secondes après deux inconnus émergent de dessous le pont,
l'un est plutôt mastoc et définitivement un homme, l'autre est
plus fin et gracieux, probablement une femme.
--"Vous avez l'information ?" questionne la femme.
"Oui et vous, vous avez mon blé ?" rétorque l'homme.
"Évidemment! Voici." lui tendant une enveloppe qu'elle sort de
53
Opération Amaryllis
son sac.
L'homme ouvre l'enveloppe et comme il ne peut compter le
contenu, vu le manque de lumière, il s'assure par son odora
qu'il a bien affaire à des billets. Qui a dit que l'argent n'avait
pas d'odeur! "Je vous fais confiance, le compte doit y être."
La femme un peu énervée et très certainement pressée de
retourner chez elle lui lance "Abrégeons voulez-vous, donnez
moi ce que j'attends."
A son tour il sort une enveloppe de la poche droite de son
manteau et le transmet à la femme qui la glisse dans son sac.
L'homme d'un ton moqueur "J'irai bien me boire une ou deux
bières pour m'affranchir de ce business."
"Voulez vous m'accompagner ?" questionne-t-il connaissant
déjà la réponse.
"Certainement pas!" ricane-t-elle avant de s'engouffrer à
nouveau sous le pont avec la troisième personne. "Et par
Saint-James, la prochaine fois choisissez un autre endroit, j'ai
horreur de ces lieux qui sentent la pisse." lance-t-elle en
ponctuation finale à ce rendez-vous.
54
Tourisme vert
Après avoir transmit son rapport au Service, David n'a pas
perdu de temps. Ca cible était très certainement encore sur
son île au moment de sa découverte mais pour combien de
temps. Ca il n'en savait rien et ne voulait pas prendre le risque
de la voir s'envoler. Il s'est donc attaché à recueillir le plus
d'informations possibles, comment y aller, comment en
revenir, situation politique, mode de vie, etc.. En quelques
heures il a passé en revue une foule de détails, fait des
réservations et pris ses titres de transport. Ensuite il est rentré
chez lui pour préparer sa valise ou plutôt son sac à dos car il a
décidé de jouer les randonneurs comme couverture.
Chaussure de randonnée, GPS portable, appareil photo, short,
T-shirt, chaussettes épaisses, habits chauds pour le cas où il
devrait faire de la surveillance de nuit, enfin le pack classique
pour tenir quinze jours dans la nature. Et le lendemain matin
après une nuit agitée, il partait pour St Agathe Island.
--"Here we are, Sir." indique le pilote du biplace en montrant du
doigt un petit point de terre perdu dans l'océan.
Après presque quarante-huit heures de transport incluant deux
escales à Los Angeles et Honolulu, David voit enfin se
dessiner devant lui les côtes de St Agathe Island. "Enfin !"
pense-t-il "Mais je ne suis pas encore vraiment en sécurité."
En effet, il lui faut encore passer le contrôle douanier à son
arrivée sur l'île et il ne voudrait pas que son automatique soit
découvert. Il a acheté cette arme à Honolulu à un contact qui
l'attendait à la sortie de l'aéroport comme convenu à l'avance.
55
Opération Amaryllis
Avec la paranoïa régnant aux USA, il est maintenant hors de
question de partir avec ses instruments de travail, il faut se
débrouiller sur place. Il n'a eut aucun contrôle en partant du
cinquantième Etat Américain, grâce au recours à un aéro-club
et à quelques billets savamment distribués. Jusque là tout ce
passe comme il l'avait prévu.
Une Vingtaine de minutes plus tard le petit avion se pose sur
la piste et va se positionner au plus près des trois bâtiments et
de la petite tour de contrôle qui forme l'aérodrome. David
ouvre la porte de son côté pour bondir sur le tarmac noir.
L'effet est instantané, la combinaison de la chaleur intenable et
de l'humidité plaque ses vêtements sur lui, comme collé et pas
vraiment agréable. Il s'empare de son sac qui est à l'arrière du
cockpit, salut son pilote et se dirige vers le porche portant
l'inscription 'arrival - welcome to St Agathe Island'. Il va très
vite être fixé sur son sort.
Une fois à l'intérieur du bâtiment, un agent de police local se
dirige vers lui avec un sourire. "C'est déjà un bon début."
pense-t-il offrant en retour un sourire amical malgré la fatigue
qui le tiraille.
"Hello sir. Is it possible to have some ID ?" questionne très
courtoisement le représentant de l'ordre.
"Hello, yes of course, here they are." lui tendant son vrai-faux
passeport Français.
"French! We've got a lot of your citizens in our beautiful
country. Are you here on holiday ?"
"Yes, I'm, for a fortnight." offre David avec beaucoup
d'enthousiasme. "Ayons l'air d'un touriste emballé par la
découverte de ce pays." pense-t-il.
"Where are you staying ?"
"Let me check, please." répond David, pendant qu'il déplie une
feuille qui se trouvait dans son portefeuille. "Mama Cecilia."
"Really a good choice. She's going to look after you like a
son." dit l'agent le sourire en banane analysant le passeport
56
š Tourisme vert ›
avant de lever les yeux et de dire "Welcome and enjoy this
paradise."
"Thanks a lot." offre David qui se dirige vers la sortie. Un taxi
l'aborde rapidement et lui propose de le conduire. Il se
débarrasse de son bagage à l'arrière de ce qui ressemble à
une jeep peinte en jaune et grimpe ensuite à l'avant selon
l'indication de son chauffeur.
Alors que le véhicule se dirige à vive allure vers sa pension, il
peut enfin souffler un peu. La première partie de son plan à
fonctionner. Gageons que sa tenue, grosses chaussures de
randonnée, chaussettes épaisses, short, chemise à fleur bleue
et bob l'ont bien aidé dans son rôle de touriste. Avec le
soulagement vient la fatigue de l'expédition qui jusqu'ici était
maintenue à l'écart par l'adrénaline et la présence du danger.
Maintenant les deux seules choses qu'il a envie c'est une
bonne douche et douze heures de nuit dans un vrai lit. "Je
commence à me faire vieux pour ces conneries" marmonne-til.
57
Y'a pas que les innocents qui sont chanceux
"Thanks a lot for choosing our Island, Sir."
"Your welcome." lance Alex sortant de la Capitainerie.
Il vient de faire enregistrer son voilier et réserver un
emplacement pour deux semaines même s'il espère que cette
opération prendra moins de temps. Mais bon il va tout de
même essayer de profiter un peu du charme de ce pays
lointain.
"Le bateau est confortable et spacieux et me permettra d'agir à
ma guise et en tout anonymat." pense-t-il avant de s'exclamer
en se frottant les mains "Los Angeles me revoilà." Il y a de
cela cinq ans, au sommet de sa carrière, il était le mannequin
exclusif pour une grande enseigne de vêtements de sport qui
souhaitait renforcer son image sur la Californie. Pour cela, la
firme avait pris soin de tous les détails, y compris privés, pour
montrer une certaine excellence. Et donc comme logement,
Alex c'était vu proposé un bateau. Au départ il avait été très
réticent, mais c'est vrai que d'arriver en Porche et de se garer
devant son voilier ça fait tout de suite très chic, très classe,
très lui. Donc pendant la durée de son contrat, il a vécu sur la
mer en profitant au passage pour passer son permis histoire
de savoir répondre oui et avec une certaine fierté à chaque
fois qu'on lui demandait s'il savait naviguer.
Le bateau dont il dispose aujourd'hui lui a été prêté par un
couple d'une agence de photographes d'Hawaï. Ils ont travaillé
ensemble sur une série de clichés pour une marque de maillot
de bain neuf ans auparavant. L'entente avait été très bonne à
tout niveau. Il faut dire qu'un beau mec pas farouche qui
débarque dans un couple d'échangiste, cela ouvre certaines
59
Opération Amaryllis
opportunités.
Lorsque de Paris, il leurs a annoncé qu'il comptait prendre
quelques vacances par chez eux et faire un peu de bateau,
c'est avec un certain enthousiasme qu'ils lui ont proposé de lui
prêter leur voilier. Ils lui devaient bien ça après tout, le résultat
de la séance avait permis de faire sortir leur agence de l'ombre
et très certainement de payer le bateau.
Et donc une fois la conversation terminée, c'est dans le jet
privé affrété par la commanditaire qu'il a quitté la France. Une
escale pour le ravitaillement en kérosène à Mexico, une soirée
avec ces relations, une matinée de préparation au voyage et
deux jours de haute mer et le voilà à Saint Agathe Island.
Alors qu'il s'apprête à monter sur la passerelle qui mène à son
navire, son instinct naturel l'invite à prêter attention à une
barque en approche qui ralentie. L'embarcation se fige et une
jeune femme se hisse sur le ponton avec un cabas à la main.
Elle fait un petit salut de la main au pilote et se dirige vers le
bourg.
Les yeux cacher par ses lunettes de soleil, Alex la dévisage de
la tête aux pieds, chignon dans les cheveux, chemise blanche
légère voir transparente, pantalon pirate beige moulant,
sandalettes. Puis il regarde sa démarche et laisse échapper
"C'est mignon tout plein cela!". C'est à ce moment là qu'elle
tourne son visage vers lui une seconde, lui laissant croire
qu'elle l'aurait entendu. Mais non, il n'en est rien semble-t-il,
car ce visage qu'il a devant lui ne marque aucune réaction
particulière.
Alors qu'elle continue son chemin sans plus se retourner, Alex
porte la main dans sa veste et en sort une photo. "Oh! Oh! Il
semble que je sois chanceux. Sans avoir eut besoin de
chercher, je tombe sur l'objet de toutes les rancœurs de ma
cliente." pense-t-il "Voir même doublement chanceux," dit-il en
portant un regard coquin sur la femme aux jolies formes qui
s'éloigne "rien ne m'empêche de joindre l'utile à l'agréable."
60
š Y'a pas que les innocents qui sont chanceux ›
Avant de la perdre définitivement des yeux, il s'élance dans sa
direction.
61
Intéressant
Comme tous les matins depuis son arrivée, David est assis à
une table d'un des deux café qui surplombent le marché. Ils
offrent aussi une vue sur l'entrée de la plus grosse supérette
du coin et surtout sur celle de la poste principale. C'est une
position stratégique par rapport à sa théorie.
En effet l'île est bien trop grande pour qu'il entame une
recherche de sa cible. Il ne peut pas non plus prendre le
risque de laisser la chance intervenir, d'ailleurs pour lui cela
n'existe pas. Et enfin, hors de question de faire la moindre
investigation, un touriste qui pose trop de question n'est plus
un touriste.
Alors il est parti sur le principe de dire qu'elle va avoir besoin à
un moment donnée de se ravitailler ou de percevoir l'argent en
provenance de France.
Donc depuis cinq jours, il suit la même routine. Tout d'abord, il
se lève à l'aube et va courir quelques kilomètres le long de la
plage. Rien à voir avec son quotidien parisien, ici il peut faire
son jogging pieds nus dans le sable en respirant l'air marin
tonifiant. En fin de parcours, il exécute abdos et flexions avant
de finir avec ses habituels étirements pour garantir à son corps
une parfaite souplesse. Ensuite, il se pose au bout d'un ponton
en bois, les pieds dans le vide et il regarde paisiblement le
soleil sortir comme par magie de la mer en exaltant une
palette de couleur chaude. De retour à sa pension il va
prendre une douche tiède, puis volontairement froide et fait sa
toilette. Pendant ce temps, sa doudou d'amour, comprenez la
maîtresse de maison, lui a préparé un petit déjeuner copieux.
Celui-ci se compose d'un jus de fruits goyave ou marracuja,
63
Opération Amaryllis
d'une coupole de morceaux d'ananas, de confiture maison
parfums tamarin ou banane par exemple qu'il étale sur des
galettes et d'un ensemble varié de fruits séchés. Il lui manque
juste son yaourt, mais comme le camembert, c'est une denrée
inconnue sur ce territoire. Une fois repus, il prend congé, avec
toute la politesse requise, des attentions de Mama Cecilia qui
voudrait bien que son joli cœur prenne un peu de poids. Après
avoir pris son sac à dos, il quitte son confortable logis et se
dirige vers son poste de guet. En chemin il s'arrête dans un
débit de tabac pour prendre le canard local, et entre 8 heure
30 et 9 heure, il prend place à l'affût tout en lisant le journal ou
un bouquin. La longue attente, qu'il fait heureusement à
l'ombre d'un flamboyant, dure jusque midi, heure de fermeture
du marché et de la poste.
Il prend sont déjeuner dans une de ses échoppes qui ne
payent pas de mine, mais qui sont très prisées. Au menu
samoussas et beignets attirent l'attention. L'après-midi laisse
place à la balade et à l'exploration de l'île, enfin il essaye de
ne pas trop s'évader loin de la civilisation, il a un travail à faire
avant tout. De retour avant la tombé de la nuit, il raconte à son
hôtesse sa journée tout en sirotant un p'tit punch. Il glisse
ensuite les pieds sous la table et se laisse envoûter par la
cuisine épicée et savoureuse. Une ballade digestive jusqu'au
port et il est bon pour une nuit de sommeil.
--"Woman search black woman for entertainment with European
husband. Please leave msg..." lit David avant de marmonner
en secouant la tête "J'en suis réduit à lire les petites annonces.
Vivement qu'il y ai un peu d'action sinon je vais mourir
d'ennui."
C'est vrai que l'actualité n'est jamais très croustillante dans
cette île bien calme et il sent que le journal fait ce qu'il peut
64
š Intéressant ›
pour remplir ses colonnes. Alors qu'il referme les pages, il
tombe sur l'évènement majeure de la veille, qui fait la une, à
savoir 'A man under the control of alcohol insult a policeman'.
"Eh bien heureusement qu'il n'a pas frappé le policier sinon
nous avions le droit à un dossier spécial!" ironise-t-il en
reposant son journal sur la table à côté de sa tasse de café.
Son voisin de table lance un "Hic! Pleazzzz, anofer oine! Hic!"
en faisant signe à une serveuse terrifiée pour réclamer un
troisième planteur.
"Il est 10h30, il attaque dur au rhum, tout va bien." pense-t-il
avec un air dubitatif.
Sans grand espoir et pour la nième fois, il inspecte l'espace
qu'il doit surveiller avant de résumer sa vision sur son livre
pour entamer un nouveau chapitre. Mais tout d'un coup une
petite voix au fond de lui crie "Tu as loupé quelque chose!
Regardes mieux."
Il relève alors violemment son regard et passe au crible la
foule. Une femme, type européen, cheveux châtain, la
trentaine se dirige vers le marché. Sans la quitter des yeux, il
ouvre son sac à dos et en extrait son appareil photo. Il place
dans la mire l'inconnue et règle son objectif à 300mm avant
d'opérer une légère pression du déclencheur pour laisser
l'autofocus faire la mise au point.
"Intéressant," lance-t-il de vive voix " il semble que la patience
du trappeur à encore fait merveille." Il vient de basculer en
phase trois de son plan, l'étude de sa cible pour frapper au
moment le plus propice, le plus sûr. L'identification étant faite,
il pose son appareil sur la table.
Il observe que la jeune femme passe en revue les étales de
fruits, d'épices, de gâteaux. Elle semble faire le tour comme
pour trouver le plus beau produit au meilleur prix. Au niveau de
la zone réservée à l'artisanat, elle s'arrête devant un ensemble
de tableaux. Un autre détail retient soudainement l'attention de
David, un grand blond avec une veste de marin semble suivre
65
Opération Amaryllis
sa cible. Il va même à sa rencontre. "Playboy en approche,
contact, abordage réussi." pense-t-il avant de finir par
"Intéressant, très intéressant tout cela."
66
Ca c'est une entrée
Annah vient de passer d'agréables journées en compagnie
des fillettes, profitant de chaque instant. Ballades, édification
de châteaux de sable, jeux de plein-air, atelier dessins, course
aux crabes, cuisine ou plus simplement baignades résume
l'agenda du trio pendant une semaine. Elle a pu faire aussi de
très nombreux croquis des gamines et ceci pour son plus
grand plaisir. Pendant ce temps, le grand-père c'est occupé de
l'approvisionnement, trop comptant d'avoir ses petites-filles
occupées et la présence féminine d'Annah. Mais hier c'était le
grand départ. La séparation a été difficile avec d'un côté les
fillettes perdues entre l'excitation de retrouver leurs parents et
le fait de devoir quitter leur nouvelle amie et leur grand-père et
de l'autre une Annah angoissée à la vue du vide que va laisser
cet adieu.
En ce matin, dans l'espoir de se changer les idées et surtout
parce qu'il faut bien reprendre les habitudes et son autonomie,
elle est venue au bourg principal pour faire son marché. Elle
n'a pas d'idée fixe sur ce qu'elle veut et préfère se laisser
guider par ses envies. Et puis elle ne s'attache pas vraiment à
un commerçant en particulier. Non, en bonne ménagère de
moins de cinquante ans non lobotomisé par la télévision, elle
fait le tour, repère les prix mais surtout la qualité avant
d'acheter quoique ce soit.
"Ils m'ont l'air très alléchant ces pâtisseries." se dit-elle en
regardant un étalage de gâteau de patate douce, de manioc et
de maïs. "Certainement un peut étouffe belle-mère, mais avec
un bon verre de jus de fruit ça doit passer." Elle continue sa
déambulation en se promettant de repasser par ce pâtissier.
67
Opération Amaryllis
"Tiens des letchis bien gros et rouges, ça c'est une autre idée."
pense-t-elle "Et les oranges ne sont pas chères. Bon
continuons et allons voir ce que nous pouvons trouver côté
viande. Je me verrais bien manger un bon poulet grillé avec
les doigts."
Pour aller dans la partie où se trouve la viande, la volaille et le
poisson, elle doit passer par une allée bordée de marchant de
souvenirs et de petits artisans. En avançant, elle repère une
exposition de peinture qu'elle n'avait pas encore remarquée
jusqu'à ce jour. L'artiste a saisi sur ses toiles des scènes de la
vie quotidienne de l'île et ceci de façon très réaliste. Il est
presque possible de croire qu'elle a affaire à une photographie
de loin. Elle prend le temps d'apprécier chaque oeuvres.
Quelques minutes passent quand soudain une voix venue de
derrière elle l'interroge "Very realist! It looks like a photograph,
don't you think miss ?"
Annah sans se retourner répond "Yes indeed! I was thinking of
that too."
"Vous avez un petit accent, mademoiselle. Seriez-vous
française ?" lance l'homme.
Elle se retourne alors pour voir son interlocuteur et tombe nez
à nez avec un beau et grand blond. Très rapidement ces yeux
se verrouillent dans ceux de cet inconnu au regard qui dégage
100 000 volts. Elle se trouve comme électrisée et pendant
quelques secondes muette. Finalement un oui s'échappe.
"Et une connaisseuse de l'art semble-t-il ?" enchaîne aussitôt
l'homme qui conclue par un grand sourire.
Annah a maintenant repris le contrôle de sa parole et le
sourire aux lèvres, lui répond "Pas vraiment, mais je pratique
moi aussi le dessin et c'est vrai qu'arriver à un tel niveau de
réalisme c'est tout à fait impressionnant."
"Oh! Une artiste, j'adore les artistes." lui euphorique.
Il porte sa main dans la poche intérieure de sa veste pour
sortir son porte-feuille d'où il extrait une carte de visite qu'il
68
š Ca c'est une entrée ›
tend à Annah et continue à battre le fer pendant qu'il est chaud
"Je suis à la recherche de nouveaux talents dans le domaine
des arts plastiques pour des clients européens et américains à
travers le monde entier. Est-t-il possible de voir votre travail ?"
Annah regarde attentivement le morceau de carton sur lequel
il est marqué 'Spécialiste et conseil en art' avant de rétorquer
sans agressivité "Non, je suis désolé mais je ne cherche pas à
les vendre."
"Je connais aussi quelques galeries qui pourraient être juste..."
Elle l'interrompt "Je ne pense pas avoir vraiment de talent. Je
fais juste cela pour le plaisir, c'est tout."
"D'accord, je comprends," dit-il chaleureusement "je ne vous
embête pas plus avec cela. Mais si jamais, juste pour le plaisir
de mes yeux, vous voulez me montrer vos dessins, n'hésitez
surtout pas. Je suis actuellement dans la marina sur le bateau
Marry I, emplacement C3."
Pour ne pas être trop dur car il a été très agréable elle
rétorque "Je vais y réfléchir."
"Très bien et merci d'avance. En attendant, je vous souhaite
une bonne journée."
"Bonne journée à vous aussi." dit-elle pendant qu'elle regarde
l'inconnue s'éloigner tranquillement en direction du port.
"Il a l'air très charmant cet Alexandre." marmonne-t-elle.
69
Intervention sur le destin
Je suis assis sur une jetée du port et j'écoute le bruit que fond
quelques dizaine de milliers de galets qui roulent sous l'effet
du ressac. J'ai l'impression qu'elle me parle, me conseil. J'ai
besoin d'elle car l'heure est grave, je dois prendre une
décision, choisir un chemin.
Je profite de la pause réglementaire de mon narrateur pour
vous faire partager, chère lectrice ou lecteur, de la profonde
indécision qui m'habite.
Plus j'avance dans l'écriture de cette histoire et plus je
m'attache à mon héroïne, la belle, douce et sensuelle Annah.
J'en deviens accros comme sous l'effet d'un stupéfiant, un
héroïnomane en quelque sorte. J'avais construit autour d'elle
des murailles pour la protéger et lui permettre de s'épanouir
dans un milieu harmonieux et réparateur. Mais il semble
qu'une dépression tropicale à tendance cyclonique se
rapproche promettant de détruire tout sur son passage.
De là où je suis assis, je vois cette jeune femme souriante et
insoucieuse. Et pendant qu'elle attend Isidore qui la ramènera
du marché, j'ai envie de courir vers elle, la serrer dans mes
bras, lui dire combien je l'adore et l'encourager à fuir le
danger, loin, le plus loin possible avec moi pourquoi pas.
Après tout j'en ai bien le droit, je suis l'auteur de cette histoire
et tel le Bon Dieu je fais la pluie et le beau temps dans mon
monde.
Mais je ne suis pas sûr qu'elle comprendrait, un inconnu qui lui
saute au cou, la connaît mieux que peut-être elle ne se
connaît elle-même, et lui parlerait des dangers qui l'attendent.
Non, elle me prendrait pour un cingler, un mec qui n'a pas la
71
Opération Amaryllis
lumière à tous les étages et c'est moi qu'elle fuirait à mon
grand désespoir.
Et puis agir d'une telle façon serait mettre à mort cette histoire
et je ne souhaite pas vous laisser sur votre faim, vous qui êtes
resté jusqu'ici. Je ne suis même plus sûr d'être encore le
propriétaire de cette aventure tant il est certain qu'à chaque
lignes que vous lisez1, c'est un peu l'histoire que vous vous
appropriez avec vos espoirs, vos interrogations, vos
fantasmes, votre curiosité.
Non, elle a raison la mer, je ne dois pas intervenir sur le destin
d'Annah. De toute façon il est déjà trop tard, Isidore est là.
J'entant le narrateur qui revient de sa pause, signe qu'il est
temps pour moi de retourner à mon clavier et à mon petit
carnet rouge. Bonne continuation.
1
mon ego aurait préféré le verbe dévorer en lieu et place de lire, mais il
faut être réaliste.
72
Troubles au plus profond de l'âme
Deux jours après la rencontre du marché, Annah est à
nouveau sur le chemin du bourg. Mais cette fois elle n'y va pas
uniquement pour s'approvisionner car elle a pris avec elle sa
grande pochette de dessins. Elle ne va pas voir une galerie ou
même tenter de faire une exposition à la sauvette. Non. Elle a
décidé de rendre visite à cet Alexandre. Ses réticences n'ont
pas résisté à la curiosité d'avoir un avis professionnel sur son
travail mais surtout de revoir le très intrigant et mignon
spécialiste en art. "Après tout je risque quoi !" c'était-elle écriée
levant les bras au ciel en fin d'argumentation.
Cette fois ci, Isidore arrime le bateau une fois arrivé, il va en
profiter pour voir son fils qui est sur la réparation de la coque
d'un bateau.
"When you want to go back home, just come near the boat
miss, I will be able to see you."
"You are nice. See you." répond-elle avec un large sourire.
Elle prend la direction de la passerelle C, sa pochette sous le
bras. Elle se perd un peu dans le dédale d'allées, mais fini
après 10 minutes par trouver l'emplacement C3. Pas de
surprise, la Marry I est bien à quai et l'Alexandre bronze sur le
pont avant. Il ne porte qu'un short mi-long bleu marine et
Annah en profite pour le mater discrètement. "Hum! Quel
corps!" rugit en elle son côté diablotin.
"Ho hé du bateau." finit-elle par crier pour attirer l'attention.
Alexandre se relève pour voir qui l'a interpellé et un grand
sourire généreux illumine son visage à la vue d'Annah. Il se
relève complètement et elle n'en loupe pas une goutte. "Dos
en V, plaque de chocolat, pectoraux... Oh mon dieu," pense-t73
Opération Amaryllis
elle "quel mâle !"
"Bonjour. Que me vaut le plaisir de votre visite ?"
"Je..." elle essaye de reprendre son esprit "J'ai réfléchi et je
me suis dit que ce n'était peut-être pas une si mauvaise idée
de vous montrer mes croquis."
"Ah c'est génial. Montez." et il lui tend la main pour l'aider
délicatement à monter à bord. "Installez-vous sur la table..." et
la regardant en attendant son prénom.
"Annah!" offre-t-elle.
"Enchanté Annah, je me prénomme Alex. Mettez-vous à votre
aise. Je descends enfiler quelque chose d'un peu plus décent
et je reviens."
Il s'engouffre dans le bateau et en ressort 2 minutes plus tard
avec une chemise ample de la même couleur que son short.
"Puis-je vous offrir quelque chose de rafraîchissant, un coca,
un jus de fruit ?"
"Partante pour un jus de fruit."
"Alors deux jus de fruit bien frais, c'est parti!" lance-t-il "Juste le
temps d'aller cueillir les fruits et je reviens."
Tous les deux rigolent alors qu'il s'éclipse un instant avant de
ressortir avec deux verres qu'il dépose sur la table et il s'assit
à son côté sous une bâche qui les protège du soleil. Trinquant
"Alors chère Annah que faites-vous dans ce paradis terrestre
?"
"Disons que je suis venue pour me reposer avant tout, renouer
avec l'inspiration. Et vous ?"
"En vacance, mais toujours un peu à la recherche de nouveau
talent. D'ailleurs voyons un peu vos croquis."
"N'oubliez pas que je cherche juste un avis, pas question de
vendre."
"Oui, c'est vrai. Pardonnez-moi, je suis probablement trop
enthousiaste." confesse-t-il.
Ils passent la demi-heure qui suit à parcourir croquis par
croquis, elle expliquant la scène, lui commentant la technique,
74
š Troubles au plus profond de l'âme ›
approuvant et félicitant. Des discussions plus banales
prennent la suite ponctuées de beaucoup de rires. Et puis à un
moment, alors que l'échange était très cordial, il décide de
prendre sa main pendant qu'il fixe ses yeux. Mais la réaction
n'est pas celle qu'il attendait car le visage d'Annah passe d'un
large sourire, à l'expression de la peur ou d'un égarement
pendant une demi-seconde avant de se figer avec des yeux
noirs. Elle se met alors à ranger ses dessins.
Lui tente de corriger l'improbable situation "Je... je suis désolé
Annah... j'avoue que depuis avant-hier je suis troublé. Tu es
tellement..."
Et elle de l'interrompre avec force "Pourquoi ? L'échange était
amical, pourquoi tout gâcher ? Pourquoi vous les hommes
vous ne pouvez pas vous contenter d'une relation simple ?"
"Parce que Annah quand nous tombons sur une femme
comme toi..." lui d'une voix douce et demandant la
compréhension.
"Mais vous ne me connaissez même pas !" l'interrompant à la
limite de l'hystérie "Nous nous sommes vus deux fois !"
Lui maintenant plus ferme "Oui c'est vrai, il faut des années
pour comprendre et apprécier une personne, mais il ne faut
parfois que quelques secondes pour l'aimer à tout jamais."
"Aimer ! Ha! Ha! Ha! Faites moi rire monsieur." et de conclure
très froidement et en colère "Vous voulez dire que vous les
hommes, il ne vous faut que quelques secondes pour savoir si
oui ou non vous avez envie de coucher. Et rien d'autre. Au
revoir."
Elle se retire rapidement de sa place et se retrouve sur le
ponton avant même qu'il est pu réagir et se sauve.
Lui reste assis et au-delà de toute prévision est abattu.
75
Molosse sadique
Fait peu habituel à l'aérodrome, un petit hélicoptère se pose.
C'est assez rare car les îles voisines sont trop éloignées par
rapport à l'autonomie de ce type d'engin volant. Il vient très
certainement d'un bateau au large et comme l'identification
n'est pas militaire, il appartient probablement à un navire privé.
Avec l'arrêt de la rotation des palmes, le bruit assourdissant
s'estompe et il est possible de voir un grand type assez
costaud et massif tenter de s'extirper avant de courir ouvrir
sans élégance la porte à une femme vêtue de blanc, chapeau
compris. Elle prend la direction de l'arrivée, pendant que son
subalterne s'active laborieusement à sortir les nombreux
bagages Hermès. Une fois l'ensemble récupéré, il emboîte le
pas de sa maîtresse qui s'impatiente "Par Saint-James
dépêchez-vous un peu, le soleil me brûle chaque pore de la
peau. C'est extrêmement désagréable. Et faites attention aux
bagages."
Faisant son tour de garde, un maître-chien et son compagnon
croisent le chemin de ce qui semble être un larbin. Un regard
du type, limite sadique et dégoulinant de sueur, glace le cœur
du policier, tandis que son chien queue entre les jambes, tire
en retraite en gémissant.
77
Sensibilité
Annah est assise sur un rocher qui surplombe la plage où elle
a l'habitude de venir. La vue est superbe avec cette mer forte
dont les vagues se heurtent à un vent tout aussi belliqueux qui
transforme leur crête en gerbe de gouttelettes. Les rayons du
soleil, qui règnent dans un ciel uniformément bleu, y rajoutent
des reflets dorés du plus bel effet. Mais Annah n'y fait pas
attention, la seule chose qu'elle regarde c'est le désordre qui
règne en elle.
Après la rencontre de ce matin, elle c'est très vite sauvée ne
voulant pas voir la haine s'installer. Comme convenu, une fois
au bateau, Isidore n'a pas tardé à revenir. Son expérience
parlant pour lui, il a dut s'apercevoir de son état de stress car il
n'a pas cherché à parler de tout et de rien comme ils le font
habituellement. Il a respecté le silence dont elle avait besoin.
D'autres auraient voulu savoir ce qu'elle avait, la questionnant,
lui offrant des solutions. Lui c'est impliqué silencieusement en
offrant juste un peu plus d'attentions. Elle lui en est
reconnaissante car c'est tout ce dont elle avait besoin pour le
moment. Une fois dans son gîte, cette situation de tension
l'ayant totalement épuisée, elle s'est endormie sur son lit. Au
réveil la fatigue était passée mais pas le trouble et les
questions.
Et la voila maintenant perchée, cherchant une explication à
cette peur qui la prise à la george. Elle espère juste qu'il n'a
pas eut le temps de noter celle-ci. Pas question d'être faible
face à un homme. Par son travail elle a appris à les séduire, à
les utiliser, à satisfaire leurs attentes. Et ceci sans le moindre
sentiment et avec le détachement le plus total. Cela était
79
Opération Amaryllis
d'autant plus facile que plus elle voyait d'hommes, plus le vrai
elle avait envie de s'en écarter. Mais cette fois elle a eut peur
car elle n'a pas pu suivre cette logique et revêtir sa carapace
avec Alexandre.
Pourquoi ? Il est mignon, a la carrure d'un beau mâle et le
visage d'un ange. Il présente une certaine classe dans ses
gestes comme elle a put observer au marché. Il a beaucoup
de charme et de contrôle dans son langage. Il est loin d'être
idiot et a un emploi artistique. Mais elle a déjà eut affaire à ce
genre de types qui derrière de belles vitrines, étaient capables
de vous battre à mort juste pour le plaisir.
Pourquoi ? Sa nouvelle vie aurait-elle une influence ? Elle est
libre maintenant et les hommes qu'elle croise ne lui sont plus
imposés. Elle ne travaille plus, elle s’est retirée. Son
indifférence n'a plus lieu d'être.
Pourquoi ? Aurait-il activé une partie de son âme non encore
découverte à ce jour ? Aurait-il stimulé une zone insensible
jusqu'ici ? Est-il l'élu capable de submergé la muraille où elle
s'est réfugiée et de percer l'armure qu'elle s'est forgée ? Peutêtre bien.
Maintenant elle se remémore la scène de dispute, la tendresse
de son geste et la force de son regard. La douceur de sa voix
malgré les interruptions, les piques et les attaques qu'elle lui a
offerts en retour. Elle l'a totalement méprisé et rangé dans les
généralités.
Elle se sent mal. Le trouble laisse maintenant la place au
doute d'être passé sur un élément essentiel de sa vie et au
remord de ne pas avoir laissé Alexandre s'expliquer surtout.
Elle ne peut en rester là, vivre en sachant qu'elle a tué dans
l’œuf une chance est une chose. Mais vivre avec le remord en
est une autre. Elle n'a pas le choix, il va falloir qu'elle lui
présente ses excuses même si l'essentiel est probablement
mort. Son autre elle doit s'en retourner dans sa tombe.
"Oh! Mon dieu!" laisse-t-elle échappé avant de pincer ses
80
š Sensibilité ›
lèvres tandis que les larmes commencent à abonder.
81
Une voix dans la nuit
Du côté de la marina, Alexandre est resté scotché un instant à
son siége avant de retrouver le contrôle. Mais trop tard pour
réagir, elle était déjà bien loin quand il est arrivé au bout du
ponton. Et force est de constaté que sa première tentative a
été un fiasco.
Lui qui pensait régler l'affaire très rapidement après un premier
contact positif, se retrouve à la case départ avec un sérieux
handicap. Mais tout n'est pas perdu, car il lui semble avoir vue
quelque chose une fraction de seconde avant qu'elle ne
commence à le pilonner. Une faiblesse donc un point d'entrée
possible à exploiter.
La rencontrer à nouveau ne devrait pas poser de difficulté. Par
contre l'approche ressemblera à de la haute-voltige sans filé,
s'il se loupe, elle ne lui pardonnera pas et alors au revoir toute
idée de l'avoir dans son lit. Même s'il n'a pas l'habitude
d'essuyer de tels revers sans vraiment réagir et retourner la
situation à son avantage, il sait qu'il faut souvent se battre et
prend cette nouvelle donne comme un challenge pour son
ego. Il pense arriver à regagner des points auprès d'elle en
mettant son masque de la sincérité et en plaidant coupable. Si
cela ne suffit pas il sortira sa panoplie de l'homme blessé
parce qu'elle ne l'a pas écouté et l'a mal jugé. Si après ça elle
n'a pas de remords, il sera encore temps de passer à autre
chose.
Et puis après tout le fait de ne pas arriver à l'accrocher à son
tableau de chasse ne l'empêchera pas de la tuer. Il a avant
tout un contrat à exécuter même si mêler l'utile à l'agréable
n'est pas pour lui déplaire. Une petite ruelle vide ou une
83
Opération Amaryllis
bousculade au sein d'une foule sont autant d'occasions d'agir.
Pour lui pas besoin, de faire une longue étude de la cible, il
faut juste être là au bon moment.
Après l'altercation, il est retourné à son bateau pour finir sa
séance d'exposition au soleil avant de partir manger au port. Il
a ensuite passé le reste de la journée à traîner dans la ville ou
à roupiller sur la plage. Retour à la marina pour se changer et
faire un brin de toilette avant d'aller dîner dans une pizzeria du
centre. Puis direction le 'Samy Bar', histoire de faire quelques
pas de samba avec une belle créole peu farouche. Mais
attention, pas touche! Il ne veut pas prendre le risque que celle
qu'il vise le voie dans les bras d'une autre. Enfin il a terminé sa
viré par un pub à écouter un petit groupe de rock reprendre
des standards.
Il est maintenant 2h du matin passé quand il prend le chemin
de retour vers son bateau.
Il se met à parler tout seul "Je me suis fait avoir comme un
bleu. Cette fille m'a presque désarmé. Aurait-elle usé d'un
charme particulier ?" et faisant une moue de dédain, il ajoute
"Nah! Pas possible, personne n'ensorcelle le grand Alex."
L'obscurité est bien présente lorsqu'il arrive à son embarcation
et l'éclairage urbain n'est pas très fort à cet endroit. Mis à part
les bruits habituels d'un port, clapotis de l'eau sur les coques,
vent qui souffle dans les cordages et mats, et cliquetis
métalliques, l'endroit est silencieux et paisible. Ces proches
voisins sont probablement endormis.
Il dispose sa veste sur l'une des chaises à l'arrière du bateau
afin de laisser l'air frais dissiper l'odeur de tabac froid avant de
rentrer dans la cabine. A peine a-t-il finit de descendre
l'escalier, qu'une main l'agrippe et le projette violemment au
sol. En bout de chute il va se cogner le front sur une chaise.
"Ail!" laisse-t-il échapper. Il tente de se relever le plus
rapidement possible mais son agresseur et déjà sur lui. Un
bon coup dans les reins le fait mettre à genoux et lui coupe le
84
š Une voix dans la nuit ›
souffle. L'autre continue son supplice en attrapant sa tignasse
et en lui collant une grande gifle qui l'aurait fait voler s'il n'était
pas retenu par les cheveux. "Mais bordel que voulez-vous ?"
essaye-t-il d'articuler. Mais la brute épaisse reste sans
réponse et attrape Alex par le col de sa chemise pour le faire
se lever. S'en suit un coup de poing dans le bas du ventre qui
lui donne aussitôt envie de vomir et de se plier.
Tandis qu'il tient maintenant Alex par le cou en lui coupant
presque la respiration, le malabar sort un objet de son veston.
Un clic se fait entendre et alors qu'il commence à craindre le
pire comme un couteau, Alex entend une voix féminine
enregistrée "Bonsoir Alexandre. Je voulais juste vous rappeler
qu'il y a un travail à faire et que contrairement à ce que j'ai
entendu à votre sujet, cette fois ci j'attends un travail propre.
J'espère que mon messager ne vous a pas trop incommodé.
Je lui ai demandé d'être ferme mais sans trop vous abîmer
pour que dès demain matin vous soyez en parfait état pour
votre mission. Je sais qu'il a parfois tendance à avoir la main
lourde, vous lui pardonnerez. Je vous souhaite une bonne
continuation et par Saint-James ne me décevez pas."
Un autre clic et le dictaphone a terminé de délivrer son
message et son porteur asséne le coup de grâce à l'arrière de
la nuque. Alex s'écroule en position du fœtus, il entant ensuite
son agresseur s'enfuir en faisant tomber la chaise. Après c'est
le vide, il perd connaissance.
85
Comme c'est touchant
Comme décidé la veille, Annah est revenue en ville en ce
début de matinée pour présenter au moins ses excuses et
pour écouter ce qu'il avait à dire. Cela ne dérange pas trop
Isidore, qui de toute façon vient chaque jour pour donner un
coup de main à son fils.
Arrivée à l'emplacement, Alexandre n'est pas visible sur le
bateau mais la porte de la cabine est ouverte.
"Hé ho la Marry I, il y a quelqu'un ?" mais son interrogation
reste sans réponse. Elle scrute autour d'elle dans l'espoir de le
voir, mais non, aucune trace.
"Il ne doit pas être loin. Je peux toujours aller faire un tour au
marché et revenir plus tard." Pense-t-elle.
Elle est sur le point de partir quand elle remarque une chaise
renversée et une veste prête à tomber à l'eau. Instinctivement
elle va pour la ramasser mais s'arrête dans sa course. "Que
va-t-il dire s'il me trouve sur son bateau ?" pense-t-elle.
Elle regarde à nouveau autour d'elle, personne. "Et puis après
tout nous verrons bien." d'un ton confident.
Une fois sur l'embarcation, elle retire la veste de sa situation
précaire et la défroisse. Elle redresse la chaise et y dépose
l'habit. Annah décide ensuite de regagner l'allée C, quand sa
curiosité la force à jeter un oeil dans la cabine.
"Oh! Mon dieu!" laisse-t-elle échapper de stupeur quand elle
voit deux jambes au sol.
Elle se précipite à l'intérieur, pour découvrir le corps d'Alex
sans mouvement, allongé sur le côté. Son visage est couvert
de sang mais la frayeur diminue quand elle s'aperçoit qu'il
respire encore. La pièce est plutôt en désordre, avec des
87
Opération Amaryllis
gouttes de sang ici ou là et surtout pas de bouteille.
"Il a dut surprendre un voleur, " pense-t-elle "j'ai eut peur que
ce soit un retour difficile d'alcoolique."
--Annah est à genoux et secoue gentiment puis plus
énergiquement le corps inanimé en répétant "Alex! Alex!
Réveillez-vous." mais cela ne semble pas donner de résultat.
"Pourvu qu'il ne soit pas tombé dans le coma." dit-elle
angoissé.
Mais sa persévérance finit par payer et Alex reprend ses
esprits peu à peu. Tout d'abord il commence par bafouiller
quelques mots "Laissez-moi... j'vous est rien fait... non... non...
" Puis il ouvre les yeux désorientés.
Elle lui chuchote d'une voix douce et en passant sa main dans
ses cheveux "Chut! Chut! Chut! Tout va bien maintenant. C'est
finit."
A ces mots et la voyant, il se calme et reprend ses repères.
Elle l'aide à se relever même si seule sa tête lui fait mal et il
s'assoit sur une chaise qu'elle lui glisse. Pendant qu'il s'étire
pour élimer les courbatures du fait qu'il a dormi à terre, elle se
dirige à l'avant du bateau à la recherche de la salle de bain.
Elle revient une minute plus tard avec un kit de premier soin
qu'elle pose sur la table et une serviette. Elle mouille un carré
de la serviette avec l'eau d'une bouteille et commence à
nettoyer le visage d'Alex. La coupure au front n'est que
superficielle. Elle attrape la bombe de désinfectant du kit et en
vaporise un peu sur la blessure. Cela pique et le visage de son
patient le montre. Elle souffle dessus pour diminuer la
sensation désagréable. Puis elle prend un pansement pour
protéger.
"Je suis passé pour m'excuser pour hier et je vous ais trouvé
sans vie au sol. Que s’est-il passé ?"
88
š Comme c'est touchant ›
"Oh! Je ne sais pas trop," long silence "peut-être un voleur que
j'ai surpris."
"Il vous a passé un sale savon. Mais mis à part ce petit bobo, il
n'y a rien de grave semble-t-il."
"Oui effectivement, rien de grave, " répond-il tout en ajoutant
pour lui "pour le moment."
Elle tient maintenant son visage avec sa main gauche tandis
que l'autre continue le nettoyage. Elle se penche pour se
rapprocher de lui et ainsi mieux s'appliquer. Alors qu'elle
termine par ses lèvres, les yeux qui ne s'étaient pas croisés
jusqu'ici se rencontrent. Elle se fige dans son geste pendant
quelques secondes sans fin. La serviette lui glisse des mains
et puis poussée par une force que la raison ne serait
expliquer, elle l'embrasse. Son partenaire apparemment dans
le même état, lui répond. Il se lève et la serre dans ses bras
alors que le baiser devient de plus en plus fougueux. Les
gestes s'enchaînent très vite. Elle lui déboutonne sa chemise
blanche et passe ses mains sur son buste musclé tandis qu'il
dégrafe la petite robe noire qui glisse au pied de la belle. Puis
très frénétiquement les chaussures sont enlevées, une paire
de chaussettes et un pantalon volent. Lui est maintenant en
boxer noir très viril tandis qu'elle ne porte plus qu'un ensemble
soutien-gorge et culotte très sensuelle en broderie fine
blanche. Elle entame de se mettre à nu mais lui, l'interrompt
d'une voix qui souffle le chaud "Non, attends. Prenons le
temps, profitons de ce premier moment."
Il lui attrape une main et l'entraîne vers la chambre. Il la fait
ensuite se coucher sur le lit tout en se mettant à ses côtés. Sa
main sur sa joue, les yeux dans les yeux et le même sourire, il
lui murmure "Laisses moi faire. Laisses moi te découvrir."
Elle ne dit mot mais sa moue indique son improbation. Alors il
commence par la couvrir de petit bizou tandis que ses mains
l'effleurent partout où il n'y a pas de tissus. Il parcourt ainsi la
nuque, les épaules, l'abdomen et les longues jambes. Puis il
89
Opération Amaryllis
remonte. Une main dans le bas du dos la fait s'arc-bouter
tandis qu'il alterne baisés, souffles et jeux de langue au niveau
du nombril. L'autre main effleure le soutient-gorge, en trace le
contour pour finir par caresser les seins à travers la texture
délicate et agréable au toucher. Elle se laisse faire, ferme les
yeux, se pince parfois les lèvres et pousse quelques râles de
plaisir encourageant. Il délaisse le nombril et remonte au
niveau du visage pour un long french-kiss. Puis il lui murmure
à l'oreille "Tu es belle, tu es une belle femme". Elle ouvre les
yeux et alors le regard l'un dans l'autre, il entame de dévoiler
sa poitrine. Une main retire délicatement une bretelle, puis
l'autre et enfin glisse dans le dos pour finir l'opération.
Toujours sans la quitter des yeux et avec son aide, la fine
protection est retirée. Alors seulement il visualise ce qui depuis
longtemps mène les hommes par le bout du nez, deux seins
fermes et de taille correcte à en voir l'éclaircissement sur son
visage. Les aréoles ont une belle circonférence et leur
pigmentation les détache bien du reste des seins. Il porte alors
son attention sur ceux-ci en mordillant, aspirant, léchant le
mamelon ou décrivant avec une langue ferme des cercles
autour de celui-ci. L'autre n'est pas en reste avec des doigts
qui le malaxent soigneusement, pincent ou caressent. Il prend
son temps car elle semble demandeuse. Puis la main quitte le
sein pour plonger vivement vers le bas du ventre mais stoppe
sa course dès qu'il touche la culotte pour ensuite prendre la
direction du flanc. Elle émet un son qui semble dire "Pourquoi
n'as-tu pas été plus loin ?". Mais lui continue sur les seins
tandis que la main se lance dans un va-et-vient. L'ayant
compris, il lui chuchote "Patience généreuse demoiselle.
Patience" et ils s'embrassent. A nouveau il fait plonger sa
main, à la façon d'un raz-de-marée qui emporte tout sur son
passage. Et cette fois-ci elle ne s'arrête pas et part explorer la
partie intime et humide de la jeune femme. Il la caresse
doucement et lentement puis fait progresser vers un rythme
90
š Comme c'est touchant ›
plus soutenu et plus entreprenant. Elle apprécie, le baiser
devient plus fougueux, les mains caressant jusque là le dos de
son amant, pincent et griffent passionnellement. Quelques
minutes s'écoulent, et il ressort sa main comme elle était
venue. Il veut maintenant retirer la dernière protection et
comme pour le soutien-gorge, il plante son profond regard
dans celle de sa partenaire. Là aussi elle l'aide et il peut
maintenant regarder avec satisfaction le pubis de sa
partenaire, probablement content de voir qu'elle n'a pas
succombé à la mode qui veut que tous les poils soient rasés. Il
est temps maintenant d'aller goûter au fruit défendu. Il lui
remonte les genoux et lui écarte les jambes tandis que c'est au
tour de sa tête de plonger. Là encore une fois il joue de
l'alternance sur la vitesse et les effets que sa bouche peut
offrir. Elle est au ange, râle, mord ses doigts ou caresse les
cheveux d'Alex et parfois tout en même temps. Des frisons la
parcours. Puis les deux mains, alors positionnées sur les
flancs, commencent à la sentir vibrer. Elle est probablement
prête maintenant et d'ailleurs elle lui dit avec un ton presque
implorant "Alex, maintenant!". Alors il s'arrête, sort du lit et
prend dans le chevet un préservatif. Elle pendant ce temps
s'est relevée aussi et lui lance coquinement "Je souhaite le
faire."
Il se retourne vers elle très content "Très volontiers."
Elle glisse ses mains dans son boxeur de chaque côté et tout
en se baissant lui retire. Elle regarde le pénis libéré de son
entrave finir son érection tandis qu'elle attrape le préservatif.
Une légère masturbation pour l'aider à pleinement durcir et
puis elle déploie le latex. Elle se relève ensuite et ils s'enlacent
en s'embrassant. Délicatement ils tombent tous les deux sur le
lit et puis il s'introduit en elle et entame un langoureux va-etvient qui n'a plus rien de suggestif. Cet échange ne dur pas
très longtemps, tous les deux étant déjà très excités, mais
l'orgasme est presque atteint à l'unisson.
91
Opération Amaryllis
--Dans la marina, la vie suit son cours. Bruit de moteur des
bateaux qui sortent en mer, claquement des voiles,
discussions plus ou moins animés, bruit de cuisine, pas sur le
ponton en bois, divers bruit de l'eau et puis les mouettes qui
rient bien de tout cela. Quant à Annah et Alex, ils ont décidé
de rester au lit dans les bras l'un de l'autre pour profiter
pleinement de ce qu'ils viennent de vivre. Quand au monde qui
les entoure, très égoïstement comme peu l'être un jeune
couple d'amants, ils s'en moquent.
92
Les loups sont dans la bergerie
Cela fait plusieurs jours que David suit de près son petit
monde à savoir sa cible, le vieux local et puis cet inconnu qui
est rentré en contact avec elle. Mais il n'a toujours pas réussi à
trouver le lieu de résidence de la femme car elle ne se déplace
qu'en barque. Le temps avance mais il reste confiant, il va bien
y avoir une opportunité simple. Sinon il ne lui restera qu'à louer
une embarcation et faire une poursuite discrète. Ca lui
rappellera son armée.
Mais après la scène de ce midi, sur la Marry I, il n'a pas de
doute de l'issue. En effet après la dispute de la veille, la
séparation a été beaucoup plus chaleureuse et difficile. Ils ont
eut du mal à stopper un baiser, lui l'enlaçant comme pour la
protéger et elle sur la pointe des pieds. Baiser d'amants sans
nul doute. Mais toute chose ayant une fin, elle est repartie
avec son accompagnateur.
En cette fin d'après midi, il est toujours en poste avec une
bonne vue sur l'embarcadère C, dans l'un des nombreux cafés
qui entoure la marina.
"Tiens voilà notre Don Juan." murmure-t-il "Et en plus habillé
comme un cador."
David n'a pas de doute de la destination de celui-ci. Il règle sa
consommation et se prépare à suivre le marin. "J'espère qu'il
ne va pas prendre le bateau lui aussi." pense-t-il.
Le blond passe devant lui et prend la direction de la ville. Et
contrairement à ce que David a pu observer les autres soirs, il
va vers la gare routière. "Bingo, pas de resto ce soir, il va
chercher un taxi." pense-t-il.
Il se lève alors et file ce qui pourrait bien être son entrée vers
93
Opération Amaryllis
sa cible. Il en profite pour sortir son système GPS portable. "Si
j'arrive à coller l'émetteur sur la voiture, c'est gagné." se
répéte-t-il.
Il sait pourtant que cela ne va pas être facile même s'il a déjà
une bonne pratique de cette méthode. Et de toute façon si ça
ne marche pas, il pourra toujours sortir la bonne vieille réplique
de film 'Suivez ce taxi!'. L'appât va droit vers la tête d'attente.
Plus d'hésitation à avoir, David fait un rapide tour de la
situation "Ok, s'il veut quitter le parking, il doit prendre cette
unique sortie." Au niveau de celle-ci, un bus s'est garé pour
embarquer et débarquer des locaux. Il règne une certaine
pagaille pour récupérer les bagages. "C'est le spot." lance-t-il
et va se positionner pour agir.
Comme prévu, l'inconnue a pris le premier taxi et celui-ci se
retrouve coincé. Klaxon et discussion haute en noms d'oiseau
entre chauffeur mettent un peu plus d'énergie dans cette
scène. "L'inconnue regarde avec attention la dispute, c'est le
moment." se dit-il. Passant par l'arrière du véhicule, il y colle
son mouchard et s'éloigne. Il a pris soin de prendre note du
numéro de licence pour pouvoir récupérer son matériel.
Quelques minutes plus tard, le taxi peut enfin prendre la route
et sa trajectoire commence à apparaître sur l'écran à cristaux
liquides du récepteur. David se trouve alors un endroit
tranquille pour la suivre. La trace progresse pendant une
bonne demi-heure et puis soudain se fige avant de reprendre
sa course mais en sens inverse. Il mémorise la longitude et
latitude du point qui l'intéresse. Il ne reste plus qu'à le
positionner sur sa carte ce soir dans sa chambre. Un jeu
d'enfant.
94
Massage et gourmandise
Comme à son habitude Alex est le premier réveillé et il
regarde comme il aime le faire, Annah qui dort encore. Ses
cheveux sont étalés sur l'oreiller et elle offre un visage
innocent. Il y a presque un sourire. Il se remémore chaque
courbes de ce corps gracieux et féminin qui repose sous le
drap blanc. Il capte encore la chaleur et l'enivrante odeur
qu'elle dégage. Il suit sa respiration et y cale la sienne.
Il s'étonne aussi de la tournure des événements où tout va très
vite depuis leur rencontre. Hier soir ils se sont retrouvés chez
elle pour un dîner aux chandelles. Le menu était agréable,
simple et elle avait même fait l'effort de trouver une bouteille
de champagne pourtant rare dans le pays. La discussion était
classique, celle de deux personnes qui cherchent à se
découvrir, à savoir famille, études, travail, vie sentimentale,
etc. Il a l'habitude de ce genre d'échange et ne laisse
transparaître que ce qui peut faire plaisir à sa convoité,
arrangeant souvent la vérité. Mais là s'en savoir pourquoi il lui
a parlé de beaucoup trop de choses comme le fait qu'il ait été
abandonné ou qu'il ne sait pas trop ce qu'il fait dans ce
monde. A la fin du repas, ils se sont retrouvés sur la terrasse à
jouer à une sorte de jeux de la vérité, lui posant des questions
légères, elle plus ciblées pour connaître l'individu. Et puis les
interrogations des deux côtés se sont faites plus coquines et à
nouveau c'est elle qui à pris l'initiative. Elle s'est approchée de
lui, lui a transmis un petit baiser sur le coin de la bouche avant
de se reculer rapidement. Ensuite le regardant droit dans les
yeux, elle a retiré les broches libérant ses cheveux. Puis elle a
fait tomber sa robe de soie rouge et jeté dans sa direction
95
Opération Amaryllis
soutien-gorge et slip de la même couleur. Alex est resté
scotché au fauteuil d'osier comme si c'était la première fois
qu'il voyait une femme nue. Son immobiliste a mal été
interprété par Annah qui a cru qu'elle avait fait une erreur.
Peur et gène se sont lu sur son visage. Lui, retrouvant ses
esprits, c'est alors levé en lui demandant pardon, ou plutôt la
remerciant de l'avoir troublé. Il l'a pris dans ses bras la serrant
fort pour la rassurer. La consolation a laissé la place à un
baiser passionnel tandis qu'elle s'est agrippée à lui en
l'enserrant avec les bras et les jambes. Il l'a alors transportée
jusqu'à la chambre où c'est elle qui a pris la dominance du
rapport.
Il se demande bien ce qui lui arrive, lui le conquérant, se
retrouve troublé par une femme au point de perdre le contrôle
de ses pensées, de ses paroles, de ses gestes.
Il la regarde encore et encore, ne bougeant pas de peur de la
réveiller. Plus que pour les autres fois, il voudrait que ce
moment dure pour toujours.
Un nouveau messager sommeil à mes côtés.
Il brille et m'illumine de sa bonté.
Et déjà cœur, âme et esprit s'unissent
Pour libérer tout mon être de ses
chaînes.
Est-ce un sursaut avant que je périsse,
Ou bien le droit à une remise de peine ?
"Bonjour!" dit-elle chaleureusement "A quoi penses-tu ?"
Lui pourtant surpris dans sa réflexion lui dit limpidement "Je
pense à toi mon ange. Au positif trouble dans mon cœur. A
l'attraction que tu exerces sur moi. A ton pouvoir et tes
faiblesses. A ta beauté. A nous."
"Ho! Ho! Cela est-il d'un bon présage, mon amour ?"
C'est la première fois que le mot interdit est prononcé entre
eux deux. D'habitude il aurait esquivé, remis les choses à leur
96
š Massage et gourmandise ›
place ou aurait pris les jambes à son cou. Mais là avant d'avoir
pu appliquer une quelconque censure "Oui, je pense. Je pense
que je t'aime." et en plus il baisse la tête comme s'il n'y pouvait
rien. Le Don Juan en lui crie au scandale.
Elle en profite pour l'embrasser et lui dire "Je t'aime aussi."
Ensuite elle s'étire et dit "Une nouvelle journée commence et
plein de choses agréables à vivre. Qu'en penses-tu ?"
Lui de répondre "Tu as raison. Et que dirais-tu d'un petit
massage pour commencer la journée ? Après la nuit
mouvementée que nous avons eut..."
Elle agréablement surprise par l'idée "Et en prévision de la
prochaine. Hum! Très bonne suggestion."
"Où veux-tu que je te masse ?"
"Euh... Si j'osais, je dirais... partout." offre-t-elle très coquine et
sans ambiguïté.
"Madame est gourmande." répond-il en prenant une voix très
digne. Il retire le drap et ajoute "Allez, retournes toi, je vais
commencer par le dos et si tu es sage..."
97
Même les durs ont le droit de pleurer
David à pu profiter tout de même des attraits de l’île, même si
depuis quelques jours il ne fait pour ainsi dire que de la filature
et de la planque. Il s’est baladé principalement proche de la
mer qu’il aime tant et pris de nombreuses photos pour
construire son alibi, mais surtout pour son plaisir personnel. Il
attend avec impatience de pouvoir rentrer sur la France pour
retrouver la Bretagne car ici la mer est trop calme, le temps
trop clément et les côtes trop sagement découpées. Ce qu’il
aime c’est quand elle se déchaîne, quand les vagues vont se
briser violemment et avec un bruit de tonnerre sur les rochers
déchiquetés et usés. Il aime les bourrasques des jours de
tempête qui font remonter vers le haut des falaises l’écume. Il
aime regarder l’affrontement titanesque que se livrent les
océans et les mers lorsqu’ils se rencontrent comme à la Pointe
du Raz. Il aime marcher parmi le granite et la bruyère un jour
de bruine. Il laisse alors couler sur son visage les gouttes pour
cacher ses larmes. Il a honte d’avoir conscience que parfois ça
lui arrive de pleurer. Mais il y a des douleurs et des blessures
que l’honneur, l’entraînement et le fait d’être un homme ne
peuvent cacher. Elle, sa Céline, lui manque terriblement.
Maintenant que l’heure est venue de prendre sa retraite, il
espère pouvoir faire son deuil et surtout bannir la haine qu’il a
en lui et que son travail n’a fait qu’entretenir.
Mais avant, il doit finir sa mission pour pouvoir commencer
une nouvelle vie.
Pour le moment il a réussi à trouver un petit sommet qui
surplombe la maison de sa cible. Avec l’aide de son appareil
photo, il peut surveiller les allés et venues, par la terre ou par
99
Opération Amaryllis
la mer en toute discrétion.
Et justement cela fait maintenant une bonne dizaine de
minutes que le marin a quitté les lieux. Elle est toujours à
l’intérieur, sans possibilité de partir en ville car David a vu le
papi prendre le large seul avec sa barque. Il lui semble que
c’est la meilleure fenêtre s’il veut agir sans recours à son arme
et faire ainsi cela en silence.
Au large un groupe de trois oiseaux en file indienne, volent à
grande vitesse et à quelques centimètres de la surface. David
prend le trio en photo, la dernière photo. L’appareil se
rembobine automatiquement et il sort ensuite la pellicule qu’il
place dans la poche haute gauche de sa veste beige. Il range
ensuite son appareil dans son sac et planque ce dernier à
l’abris des regards.
Il sort son automatique de sa poche intérieur droite et le vérifie
avant de l’armer. Il espère ne pas en avoir besoin.
"Il est temps d’en finir" se lance-t-il avant de prendre la
direction de la villa.
100
Loin d’elle
Début d’après-midi, Alex est de retour à son bateau. Assis
amène le sol de son pont avant, il réfléchit.
Mon corps se réchauffe au contact de sa
peau,
Loin d'elle j'ai les sens gelés comme dans
un frigo.
Mon esprit vogue au large en sa présence,
Loin d'elle je reste à quai sans espérance.
Mon âme s'ébranle selon ses réactions,
Loin d'elle le vide m'isole des vibrations.
Et cela fait à peine deux heures qu’il a quitté sa dulcinée et
moins de soixante-douze heures qu'ils se connaissent.
101
C'était mon héros
David est à l'arrière de la maison. Un coup d'œil rapide par la
baie vitrée lui indique qu'il n'y a personne dans la pièce
principale. Il ouvre celle-ci lentement et silencieusement et se
glisse tel un chat à l'intérieur. Il entend une personne qui
chantonne, elle est apparemment dans la chambre. Son
cerveau qui fonctionne à plein régime cherche la meilleure
place pour surprendre sa cible.
"Pas d'angle mort au niveau de la porte de la chambre et en
plus elle est ouverte. Ce n'est pas une position exploitable."
pense-t-il "Par contre dans la cuisine américaine, l'effet de
surprise peut être maximum."
Il se cache à genoux et ouvre l'oreille. Dehors une brise un
peu plus forte que les autres meut un pendule fait de tubes
métalliques en suspension.
"J'aurais peut-être dû fermer la fenêtre." réfléchit-il. Mais trop
tard, des pas viennent dans sa direction.
--Annah chantonne joyeusement dans sa chambre. Elle se
prépare pour ce soir car Alexandre l'a invitée à sortir en ville.
L'occasion de se faire un repas en tête-à-tête et puis après elle
espère qu'il l'emmènera danser.
Elle a mis une légère robe fleurie bleue, une paire de
sandalette et un pendentif fait de pierres précieuses et
multicolores pour la mettre en valeur. Elle a pris le temps de
se vernir les ongles et mis un rouge à lèvres pour mettre plus
de volume à sa délicate bouche.
Elle apporte la dernière touche en se coiffant quand elle
103
Opération Amaryllis
entend un peu plus fort que d'habitude son carillon s'agiter au
vent. Intriguée, elle se rend dans la pièce principale, regarde
en direction de baie vitrée et elle constate son ouverture. "Je
suis sûr de l'avoir fermée pourtant." dit-elle en fronçant les
sourcils. C'est son habitude, quand elle prend soin d'elle ou
lorsqu'elle est dans la salle de bain pour ne pas être dérangée.
Alerte, son expérience reprend le dessus. Elle attrape le ballet
qu'elle a utilisé pour nettoyer ce matin et en dévisse l'embout
pour ne garder que le manche en bois. Elle avance ensuite
pas à pas vers la fenêtre avec son arme près à frapper.
Arrivée au niveau de la cuisine, David surgie. Tous les deux
sont surpris, lui de la voir avec un bâton et elle par la présence
de cet inconnu venu de nul part.
Mais c'est Annah qui réagit le plus rapidement en écrasant
d'un grand coup de manche les orteils de David qui
instinctivement se baisse en lâchant un "Ouille!". Elle continue
sur sa lancée en abattant violemment sur le dos le bâton et
reprend aussitôt pour frapper avec le bout de celui-ci
directement dans le ventre. Mais David plutôt malmené
jusqu'ici se ressaisit et l'attrape à deux mains avant qu'il ne
touche son estomac. Ensuite il applique toute sa force et
projette Annah qui va s'écraser dans le canapé sans sa
précieuse arme. Celle-ci est maintenant dans les mains de
David qui avec un visage marqué par la détermination se
prépare à battre à mort sa cible.
Mais soudain la porte principale s'ouvre attirant l'attention des
deux protagonistes.
"Merde le marin !" lâche de rage David quand il voit Alexandre
arme au poing. Il tente de prendre son automatique mais il
n'est pas assez rapide et prend une balle. Il s'écroule sur luimême avec un grand crie de douleur.
Annah se relève et laisse exploser sa joie à la vue de son
amant et de son sauveur. Elle se précipite bras ouverts vers
son héros souriant en disant "Alex! Alex! Merci mon Dieu tu
104
š C'était mon héros ›
m'as sauvé de cette brute!"
Mais en lieu et place de la chaleur et du réconfort qu'elle
espérait, il lui asséne une violente gifle. Elle perd l'équilibre et
se retrouve au sol. Du sang coule de sa bouche et elle regarde
complètement perdue et hébétée Alex.
"Surprise!" crie-t-il avant de plonger dans un profond rire
sadique.
Sanglotant, le regard implorant, elle demande "Pourquoi Alex
?"
"Pourquoi ! Pourquoi ! Tu veux s'avoir pourquoi ?" lui très
euphorique "Parce que ma cocote, j'ai un boulot à faire.
Figures toi qu'on m'a demandé de t'abattre et pour cela je vais
toucher un beau paquet de pognon."
"Non ne dit pas cela, nous nous…"
Il interrompt "Nous quoi ? Nous nous aimons ! Tu crois que
parce que nous avons baisé ensemble deux fois cela veut dire
que Cupidon est passé par-là." Et secouant la tête il ajoute "Tu
es trop naïve. J'ai juste utilisé mon charme pour mieux
t'approcher."
Elle n'en revient pas de se retrouver aujourd'hui piégée par sa
propre méthode, un retour de boomerang de la vie en quelque
sorte. Blessée dans ce qu'elle avait de plus chère et qu'elle a
donné sans retenu à Alexandre, c'est à dire son amour, elle
n'a plus la force de se battre. Elle a juste le courage de lever le
bras pour protéger son visage quand elle voit son bourreau
s'approcher d'elle. Lui, attrape ce bras et d'un geste vif l'oblige
à se retourner. Bras dans le dos elle ne peu plus rien faire que
de suivre la volonté d'Alex.
"D'ailleurs comme on dit, jamais deux sans trois, je baiserai
bien une…."
Elle hurle à l'écoute de ce dernier affront "Non! Non! Par pitié
pas ça Alex!"
Il lui attrape les cheveux et approchant lui chuchote "Profites
ma mignonne après tout c'est la dernière fois. Et puis j'ai bien
105
Opération Amaryllis
le droit de voir ce que tu m'avais réservé pour ce soir."
Il la force à se mettre à genoux et la plaque la tête dans le
canapé pour ne plus entendre les pleures. Ensuite l'homme
qui avait été capable d'une grande tendresse arrache en deux
coups la robe avec sa main libre.
"Dis donc ma cochonne t'avais pas mis de soutien-gorge, ça
c'est excitant. Et ce slip brésilien bleu est très sexy." dit-il avec
un regard très content.
Il baisse sans aucune douceur la culotte de sa proie et
commence à déboutonner son pantalon.
106
Pour comprendre
Mes fidèles lecteurs, pour conserver tout le suspens et donc la
saveur de la scène précédente, j’ai été obligé d’omettre une
partie de la réflexion d’Alexandre. Mais conscient qu’elle vous
est probablement indispensable à la compréhension de son
acte, il me faut vous la transmettre. J’espère que vous ne m’en
voudrez pas de trop.
Mon corps se réchauffe au contact de sa
peau,
Loin d'elle j'ai les sens gelés comme dans
un frigo.
Mon esprit vogue au large en sa présence,
Loin d'elle je reste à quai sans espérance.
Mon âme s'ébranle selon ses réactions,
Loin d'elle le vide m'isole des vibrations.
A quoi bon vouloir briser certaines
chaînes,
Si maintenant de l'autre je dois dépendre.
Quant à choisir entre l'amour et la haine,
Le second au moins je sais à quoi
m'attendre.
107
Oh! C'est pas beau
Pour venir à la maison d'Annah, Alex a pris un taxi. Trop sûr
de lui il n'a pas prêté suffisamment attention sur le chemin
qu'un 4x4 le suivait.
--Alex est sur le point de s'introduire quand la porte principale
s'ouvre à nouveau avec un grand fracas. Un type pas vraiment
sympathique surgie à l'intérieur en pointant dans sa direction
une arme et en criant "Bouge pas! Un geste et je t'explose la
tête".
"Qu'est ce qu'il vient faire ici ce guignol me privant d'un bon
moment." pense Alex encore l'esprit complètement dans
l'excitation du viol qu'il allait commettre. Mais cette masse de
muscle en face de lui, qui lui rappel quelque chose, et l'arme le
ramène sur terre très rapidement.
Suivant de quelques secondes son homme de main, une
femme, plus exactement celle pour qui il est sensé tuer Annah
entre dans la maison.
"Par Saint-James! Je vous demande de faire un boulot
proprement et regardez, je vous trouve la queue à la main!
Vous me décevez énormément." lance-t-elle sévèrement et
d'ajouter "C'est dommage, je suis certain que nous aurions pu
travailler plus étroitement sur d'autre sujet."
Du coté d'Alex c'est la totale débandade, il est piégé comme
un rat. Sa position est telle qu'il ne peu rien tenter et surtout
pas de reprendre son pistolet pour riposter.
Quant à Annah, elle a sombré dans le vide, plus rien n'existe
autour d'elle, elle est sans réaction.
109
Retour de l'au-delà
Après le vide, il a commencé à entendre de plus en plus
distinctivement des gens discuter autour de lui. Puis le noir
dans lequel il était plongé, a laissé la place à la lumière quant
il a ouvert les yeux. Et enfin la douleur dans la poitrine est
apparue au point d'avoir envie de hurler. Mais heureusement
l'instinct de survie allié à la volonté lui a permis de rester
comme mort. Il a serré les dents très fort.
David ne comprend pas encore pourquoi mais il est en vie.
Enfin pour le moment car la situation dans lequel il est, est
plutôt instable. Il imagine très bien si comme lui, ils ont
l'habitude de faire le ménage après, ils pourraient veiller cette
fois à ce qu'il soit effectivement passé dans l'au-delà.
Il a fait les comptes, pour lui il y a quatre personnes dans la
pièce: deux femmes et deux hommes qu'il va devoir abattre
pour survivre. Il a aussi réussi à les situer géographiquement.
Enfin à entendre les discussions, il a pu en déduire que sa
cible et le marin son plutôt en mauvaise posture. Reste donc
deux personnes vraiment dangereuses. Il devra les tuer en
premier s'il décide d'intervenir maintenant. En effet deux
solutions s'offrent à lui: ils les laissent s'entretuer réduisant
ainsi le nombre de cibles mais alors dans ce cas il risque de
perdre le contrôle d'une situation qu'il ne maîtrise déjà pas; ou
alors il intervient de suite mais le danger est plus grand du fait
du nombre d'individus à éliminer. A bien y réfléchir, il préfère
opter pour la deuxième et puis avec la surprise il peut arriver à
s'affranchir du surnombre dans le camp adverse.
Discrètement il glisse sa main dans la poche de veste et
s'empare de son automatique. Il n'a pas le droit à l'erreur, alors
111
Opération Amaryllis
avant de se relever, il se concentre et rassemble toutes ses
forces.
Il commence le compte à rebours dans sa tête "Trois, deux,
un, …"
Il relève son buste et à genoux, il fixe directement sa vue sur
les deux objectifs primaires. "Un armé, l'autre pas." analyse
son cerveau en automatique. Le premier coup de feux percute
un colosse en pleine tête qui n'a pas eut le temps de
comprendre ce qui lui arrivait. Le deuxième, à deux secondes
d'intervalle, touche la femme en blanc dans la poitrine figeant
au silence le "Oh!" d'horreur qu'elle allait vociférer. "Objectifs
primaires au sol."
Il se tourne maintenant vers ses cibles secondaires. "Un
objectif en mouvement.". Alex c'est en effet projeté sur le côté
en portant la main sur son arme avec toute la vélocité et la
hargne que peut rassembler une personne qui veut survivre.
Mais pas assez rapide, il se prend une première balle dans la
main l'obligeant à lâcher son pistolet avant qu'une deuxième
aille faire des ricochets dans sa boîte crânienne.
"Recherche objectif ultime.'' commande le cerveau de David
réagissant en vrai robot tueur. Mais en fait d'objectif il n'a qu'un
corps de femme dénudée dont il ne voit qu'une paire de
fesses. Pointant son arme dans la direction de ce qui semble
être une tragédie humaine et un acte odieux, il se met sur ses
jambes et s'avance avec beaucoup de précaution. Ne la
quittant pas de vue, il commence par vérifier que les autres
sont bien morts. Puis il se dirige vers elle, pose la main libre
sur l'épaule d'Annah pour la redresser. Il découvre un visage
figé par la peur et totalement désorienté qui semble presque
l'implorer pour mourir. David pointe son arme sur le front de la
femme.
"Une seule pression de la gâchette et j'aurais accompli ma
mission. Je serais libre." pense-t-il.
Mais les remords le prennent à la gorges car il n'aime pas tuer
112
š Retour de l'au-delà ›
les femmes et surtout quand elles sont totalement désarmées,
impuissantes et blessées comme est cette pauvre Annah.
"Mais si je ne fais rien, c'est moi qui suis un homme mort."
Il hésite pendant de longues minutes quand soudain, comme
pendant l'entretien avec ses chefs, le visage de sa Céline
souriante se substitue à celle de sa cible. Encore une
hallucination, peut-être faut-il y voir un signe.
"Non, je ne peu pas." dit-il à haute voix "Il est encore temps de
tout changer et de chasser cette haine qui m'habite pour autre
chose."
Il laisse tomber son bras armé.
La douleur dans sa poitrine a repris le dessus et avec l'énergie
que lui a demandée l'élimination des trois autres, il s'écroule
dans le canapé, mais cette fois conscient.
113
Pour une pellicule
Annah, jambes contre le torse, tête sur les genoux, et David
sont restés un petit moment immobiles, prostrés, comme vidés
de toute énergie par ce qu'ils venaient de vivre. Mais
maintenant David renoue avec la réalité et son moral prend le
dessus sur la douleur. Et puis c'est un professionnel entraîné à
ce type de situation. Il doit penser à ne pas se faire submerger
par les événements.
"Il faut remettre un peu d'ordre dans ce cauchemar avant que
cela n'empire." dit-il en ajoutant "Et en premier lieu je dois
m'occuper de vous, Annah."
Mais aucune réponse, alors il se lève, glisse un bras dans son
dos et sous ses jambes et il la soulève délicatement. Il la
conduit ensuite dans la chambre et la dépose sur le lit. Il quitte
la pièce pour la salle de bain et en revient avec un peignoir
blanc et une serviette espérant rendre un peu de dignité à
cette femme molestée au delà de ce qui est admissible.
"Il faut que je vous passe ce peignoir, mademoiselle. Mais je
ne pourrai le faire sans votre aide." dit-il calmement en prenant
une main pour l'aider.
Mais elle hurle "Aille!"
Lâchant la main complètement désemparé par cette réaction,
il offre "Pardon, je voulais juste… "
Elle d'une voix à peine perceptible "Non, c'est Al… c'est l'autre
qui m'a fait mal."
Elle se met sur ses jambes en s'aidant de son bon bras. David
passe le peignoir en commençant par le bras douloureux. Il la
fait s'asseoir sur le bord du lit et avec la serviette éponge qu'il
a pris soin d'humidifier, il nettoie le sang qui a coulé de la
115
Opération Amaryllis
bouche de sa protégée. Il jette ensuite l'éponge hors de vue.
Il s'agenouille en face d'elle et lui prenant la main "Je vous
demande pardon pour tout ce chaos. Et je sais ça va vous
paraître complètement absurde, mais j'ai besoin que vous me
fassiez confiance. Et ceci malgré ce que j'ai essayé de vous
faire."
Il ajoute avec toute la sincérité "J'ai fait beaucoup de chose
comparable dans ma vie par haine. Il est encore temps de
changer le cours des évènements, j'ai beaucoup à réparer."
Enfin avec un regard chaleureux "Allez-vous m'aider Annah ?"
Quelques secondes interminables s'écoulent avant qu'elle
offre un timide hochement de la tête, lèvres serrées et yeux au
sol. Puis elle lève son regard et se focalise sur le trou dans la
veste.
"Ah, oui! J'ai bien cru que j'étais mort moi aussi." dit-il rigolant
presque.
Il met à nu sa poitrine et par surprise, il n'y a pas de sang mais
la trace d'un impact qui commence à tourner au violet. Il insère
sa main dans la poche haute et en ressort un objet difforme.
Sans trop de difficulté il en extrait la balle de 9mm. En rigolant
plus franchement "Il semble que je doive mon salut à une
pellicule. Moi qui me croyais devenu immortelle je suis déçu."
Simulant l'agacement, il ajoute "Par contre ce qui est sûr c'est
que mes photos sont perdues."
Sur le visage d'Annah il peut alors voir un léger sourire
apparaître et disparaître, comme un chaud rayon de soleil
ayant réussi à percer par un fort orage.
"Le mieux et que vous vous reposiez un peu. J'ai quelques
points à régler et après nous verrons ensemble ce qu'il est
possible de faire." dit-il rassurant.
En geste de bonne volonté elle se couche tandis que lui quitte
la pièce en fermant la porte.
"Il faut que je fasse vite maintenant pour ne pas trop la laisser
seule." pense-t-il "Après un tel choc, on ne peut jamais
116
š Pour une pellicule ›
présumer des réactions."
117
Partir loin
Si à l'arrivée le résultat de sa mission est très loin de ce qui
était prévu, il n'en reste pas moins que certains paramètres
sont restés les mêmes. En particulier laisser le moins de
traces possible et disparaître en toute sécurité.
Il a donc commencé par se débarrasser des cadavres. Pour
cela il a appliqué le plan tel qu'il avait prévu à savoir prendre la
barque d'Annah et larguer en pleine mer les corps bien lestés.
Avec un peu de chance des requins passerons par-là avant
que ce ne soit une équipe de plongeur. Mais quoi qu'il arrive,
ils seront loin si jamais découverte il y a. Sauf qu'à la base
l'opération était prévue pour une et légère personne. Et si
mettre la commanditaire dans le gommier a été relativement
facile, il en a été autrement pour Alexandre et le garde du
corps beaucoup plus lourds. Il a perdu énormément de temps
sur la réalisation de cette désagréable tâche.
Ensuite il est allé récupérer son sac à dos dans les fourrés. Un
l'intérieur une précieuse bouteille d'eau oxygénée et un produit
de nettoyage lui ont permis de remettre l'intérieur au propre,
en supprimant toutes traces visibles de sang et en replaçant
les meubles.
Pour éviter tous risque de rapide identification, il a retiré tous
les papiers de ses victimes pour les brûler sauf les ceux du
4x4 qui lui servira plus tard pour les ramener en ville.
La soirée était déjà bien commencée quand il a eut terminé.
L'heure idéale pour passer un coup de fils en France et ainsi
mettre en marche la phase fuite et protection de son plan. Il a
alors quitté la maison à la recherche d'une cabine
téléphonique.
119
Opération Amaryllis
--Il est maintenant de retour et il découvre une Annah affairé à
écrire une lettre. Elle s'est changée en une tenue passe
partout: basquets, jeans, chemise blanche ample et cheveux
tiré en arrière. A côté de la porte il trouve une valise.
"Etes-vous prêtes à partir ?" demande-t-il.
"Oui, je termine juste un petit mot et oui nous pourrons partir."
répond-elle en le regardant, le visage calme et serein. "Et toi
?"
Montrant une paire de clef, il dit "Une voiture nous attend dès
que tu le souhaites."
Après deux minutes, elle plie sa lettre la glisse dans une
enveloppe et la dépose sur une pochette à dessin disposée
sur la table basse.
Elle se lève, attrape son sac à main et sa valise et indique
"Nous pouvons y aller."
Ils sortent alors de la maison et se dirigent vers la voiture
garée à l'extérieur de la propriété. A mi-parcours et avant que
la végétation ne cache tout, elle se retourne vers cette maison
qui aura été son nid douillé pendant plusieurs semaines où
elle a bâtit tant d'espoirs. Ce sentiment est d'autant plus fort
qu'elle ne sait pas trop ce que le destin lui réserve.
120
Pièce de premier choix pour requin affamé
Assis à son bureau, un journaliste n’en revient toujours pas du
dossier qu’il a dans ses mains, de la vrai dynamite pour lui, la
pièce essentiel qui lui manquait, sa clef pour accéder au titre
du meilleur journaliste de l’année. Il se voit déjà après la
parution de son article, en rédacteur en chef d’un grand
canard ou peut-être à un poste à la télévision comme
journaliste de terrain. Il a l’image de sa tête sur les petits
écrans des ménagères de moins de cinquante ans, rapportant
les honteux abus de pouvoir de l’état. Il se voit en pourfendeur
de gouvernement aliénateur.
Ce matin alors qu’il s’était mis à éplucher des notes sur un
possible détournement financier sans importance d'un élu, il a
reçu un appel.
Lui:
L'inconnu:
Lui:
L'inconnu:
"Oui, que puis-je pour vous ?"
"Avez-vous de quoi noter ?"
"Oui bien sûr, mais qui êtes-vous ?"
"Je suis votre ange gardien. Voulez-vous faire
un papier au moins aussi bon que tout ce que
vous avez fait jusqu'ici ?"
Lui:
"Oui, bien sûr mais…"
L'inconnu: "Alors taisez-vous et notez. Poste centrale de
Boulogne-Billancourt, boite 521, code 6868, un
dossier vous attend."
Lui:
"Ok, mais qui me dit que ce n'est pas un trac
nard ?"
L'inconnu: "Faites votre boulot de journaliste et vérifiez
vos sources."
121
Opération Amaryllis
Lui:
"Quel est votre motivation ?"
L'inconnu: "La plus belle, monsieur, protégez une femme
en mémoire d'une autre. Au revoir."
Aussitôt l'appel terminé et trop content d'avoir une raison de se
sauver de son dossier soporifique, il a enfilé son manteau et
pris la direction de la sortie. En chemin sa secrétaire l'a stoppé
en lui demandant "Mais où allez-vous, vous avez réunion avec
votre chef dans 5 minutes ?"
Et lui de répondre "J'ai un métier à faire. Annulez."
Elle a insisté "Que va-t-il dire ? Il va être rouge de colère."
Et lui de clôturer en franchissant la porte du plateau "dites-lui
de sucer de la glace, ça le calmera!"
Il a ensuite pris son 4x4 Porsche direction La Poste à la
recherche de la fameuse boîte. Il l'a trouvé sans problème et
ouvert la porte sans difficulté avec le code. Il c'est alors
emparé d'un dossier de dix centimètres emballé dans du
papier kraft. Puis, plus excité qu'un môme à l'ouverture de ses
cadeaux le jour de Noël, il s'est précipité vers sa voiture et a
arraché le papier. Il a commencé à lire tranquillement puis de
plus en plus fiévreusement les premières pages avant de
refermer l'ensemble en criant "Bordel!".
Il a remis le contact, pris la route et le voilà donc maintenant
dans la salle de rédaction avec le dossier brûlant entre les
mains. Il ouvre un tiroir de son bureau, en sort une fiole de
cognac et se prend une bonne rasade.
A ce moment son chef entre dans son box plus que furieux
"On boit au bureau maintenant !? Et expliquer moi un peu c'est
quoi cette histoire de glace !? Ca va vous coûter cher."
Le journaliste ignorant totalement l'état de son chef "Nous
verrons ça plus tard. Posez votre arrière train et matez-moi ça
plutôt. Il faut recouper les infos mais ça a vraiment l'air d'être
du solide." Il lui tend le fameux dossier avant de lancer à sa
secrétaire "récupérez-moi le carton que nous avions mis au
122
š Pièce de premier choix pour requin affamé ›
archive s'il vous plait."
Et le patron d'ajouter après un rapide coup d'œil au document
"Et faites-nous du café ma petite, je pense que nous ne
sommes pas couché."
"Mais où avez-vous trouvé cela ?" questionne le boss.
Le journaliste très modestement "Patron, c'est le fruit du
travail, de la sueur et toute la pugnacité du brave et mal payé
journaliste que vous avez devant vous."
123
Le service est mort, vive le service
La révélation de l'existence de la CNEI et d'une cellule de
renseignement au sein de la Grande Bibliothèque de France a
eut l'effet d'une bombe. Cette information a multiplié, dans les
premiers jours, par trois les ventes du journal à l'origine de
l'investigation. Mais les autres canards ne sont pas restés
inertes commençant tout d'abord, très jalousement, par
critiquer leur confrère sur la véracité du dossier. Puis voyant
les preuves indéniables, ils ont rebondi en ressortant de vielles
archives, lançant des accusations sur des intuitions plutôt que
sur des faits, questionnant les politiques, sondant les citoyens,
et s'interrogeant comme pour savoir si oui ou non il ne faudrait
pas donner plus de pouvoir à la Commission Informatique et
Liberté. Ils ont fait leurs choux-gras de cette situation pendant
deux semaines avant de retourner à d'autre sujet plus
important comme savoir si les soldes ne sont pas mortes cette
année ou l'apport intellectuelle de la télé-réalité.
Le lendemain de la première publication, la CNEI a déposé le
bilan et fermé ces portes. Le système informatique de la GBF
a essuyé une panne suite à un virus. Bien commode.
Officiellement, le gouvernement s'est ému d'apprendre
l'existence d'un tel organisme dans l'Etat de Droit Français
rejetant la faute sur le gouvernement précédent.
Officieusement, la CNEI et ses forces ont été redéployés vers
une autre entité et son chef limogé. Une investigation pour
trahison serait même en cours après la découverte de son
train de vie.
--125
Opération Amaryllis
Dans un bureau de la nouvelle entité, le chef et son adjoint
passent une dernière fois en revue le dossier CNEI afin de le
clôturer.
"Avez-vous pu savoir comment #1033 a eu la possibilité
d'accumuler autant de preuves compromettantes ? Les
sécurités n'étaient-elles pas actives ?" demande le chef.
"Oui, il semble qu'il a profité d'une backdoor dans le software
de la société DocGuard. Celle-ci aurait été découverte par un
hacker Hollandais et publié sur le Net. #1033 a pris
connaissance de cette faille lui permettant de devenir root."
répond l'adjoint, très fier de son expertise.
Visiblement énervé de ne pas comprendre, le chef lance
sèchement "Gardez votre jargon de pré-pubère pour un autre
et énoncez-moi les faits clairement, voulez-vous!"
"Tiens, il était pourtant cool avant. Le fait de devenir chef rendt-il aigri ?" pense l'adjoint avant de répondre "Le logiciel gérant
la Bibliothèque avait une faille connue qui a permis à #1033
d'ouvrir et d'imprimer les dossiers à sa convenance."
"Avons-nous plus d'information sur #1033 et sa cible ? Les
corps repêchés par une équipe de plongeurs sur St Agathe
Island ont-ils parlé ?"
L'adjoint lui indique "Les services secrets présents sur place
auraient découvert leur identité par croisement ADN, toutes
autres identifications étant impossibles." L'adjoint, lui-même
plongeur, imagine la scène macabre pour ces vacanciers
venus admirer les grands fonds.
Il ajoute "Nous aurions une femme influente du milieu, son
garde du corps et un malfrat connu de la police. Donc pas de
trace de nos fugitifs. Lançons-nous une nouvelle opération ?"
"Ils n'ont jamais existés." répond le chef.
"Mais, pour l'exemple il faudrait… "
Le chef interrompt "Non, il n'y aura aucune poursuite. #1033 a
joué très finement la partie, ne révélant que des affaires
franco-françaises, limitant l'impact mais lançant un signal fort.
126
š Le service est mort, vive le service ›
Je ne veux pas voir demain un scandale diplomatique éclaté.
Car croyez-moi, il en a fait des choses pour nous pas très
avouables." Et de continuer "Et à bien y réfléchir, il a contribué
à faire baisser la criminalité en liquidant trois malfrats et ça ils
aiment bien là haut ce genre de statistiques." Et puis pour lui, il
ajoute "En plus il m'a permis de devenir chef et rien que pour
cela il mérite mon pardon."
"Donc nous classons le dossier ?"
"Oui, affaire classée."
127
Adieux
Après cinq jours sans avoir de nouvelles d'Annah, Isidore est
venu s'assurer par lui-même de la bonne santé de cette
dernière. N'ayant pas de réponse à ses appels, il décide alors
de rentrer à l'intérieur pour trouver le gîte inoccupé et vide de
toute trace de la jeune femme à l'exception d'une large
pochette et d'une lettre. En s'approchant, il peu lire 'For
Isidore'. Il s'empare alors de celle-ci pour en extraire une
correspondance et $200. Il parcourt la note.
Dear Isidore,
When you will find this letter, I will be
far away from this paradise. I'm sorry I
was obliged to get away without kissing you
bye-bye. But there was no other way but to
go as soon as possible.
Thanks a lot for all you have done for me.
You make my life easy and pleasant. Be with
you or with your great-children was always
a great pleasure. I will, in fact I already
miss you and this incredible place.
I can't explain why I've to go without
putting you in some troubles. Let's say
that I've done some bad things in the past.
I've tried hard to hide it but the past
come back with more power and desolation.
129
Opération Amaryllis
I've put some money. It's not to buy you
anything as I own you too much but it's for
the children when they will come back, just
to buy them sweets.
Forgive me.
Yours sincerely,
Annah.
Après une première lecture, Isidore s'assoie car l'aveu de ce
départ lui a coupé les jambes. Il dépose la lettre sur le canapé
et entreprend d'ouvrir la pochette pour découvrir le portrait
terminé qu'elle avait fait de ses petits-enfants et de lui. Il se
rappel de cet après-midi où dans la balancelle, il leurs avait
raconté une histoire. Annah était restée discrète à les croquer.
Un sourire de plaisir s'affiche sur son visage même si son
cœur est dévasté par ce départ. Elle va lui manquer c'est sûr.
Regardant dans la direction de la mer, il murmure "Good luck
miss Annah."
130
Chacun sa vision
Et maintenant je suis certain que vous vous demandez ce
qu'ont pu devenir Annah et David. Et bien chère lectrice et
lecteur, je n'en sais guère plus que vous. La dernière fois où je
les ais vus, ils partaient ensemble sur le Marry II. Mais pour
quelle destination, je ne sais pas. Et très sincèrement je n'ais
pas voulu savoir. Pendant plusieurs semaines j'ai vécu avec
eux, les espionnant, jouant au voyeur dans les moments les
plus intimes et allant même jusqu'à lire dans leurs pensées. Il
me semblait grand temps de les laisser vivre leur propre vie et
de vivre la mienne avant que je ne sombre dans une relation
malsaine.
Bien sûr vous auriez aimé une fin plus mâchée, prédigérée
qu'il suffit d'ingurgité rapidement pour ensuite refermer ce livre
et passer au suivant sans plus y penser. Et bien non! A vous
de l'imaginer cette fin, laissez parler votre imagination et vos
fantasmes ne serait-ce que cinq minutes. Rêvez quoi! C'est
l'une des rares choses inestimables que personne ne peut
nous voler.
Mais je vois déjà la pression du lobby des adeptes de la
cuisine Marie, m'accuser de les exclure. Je ne puis me
résoudre à sacrifier une partie de mon auditoire sur l'autel de
mes convictions. Car c'est vous, lecteurs, qui faites vivre et
mourir les histoires. Alors il faut vous dorloter. Ainsi donc à
vous de choisir la saveur:
- à l'américaine: Annah et David eurent beaucoup d'enfants et
vécurent heureux longtemps. Un genre très apprécié, parfois
insipide;
- blague carambar: Annah et David sont sur un bateau. Annah
131
Opération Amaryllis
pouce David à l'eau. Qui reste-t-il ? Bon ça c'est pour les
momes, enfin faudra voir à supprimer certain chapitre;
- la très religieuse: le bon dieu les punis pour l'ensemble des
meurtres commis en faisant chavirer le bateau au cours d'une
grande tempête. Ils meurent noyés.
- l'humanitaire: ils partent en direction de la forêt amazonienne
pour aller aider Sting à sauver la forêt et ses habitants;
- etc.
Ma préférée ? J'aime à penser que Annah et David ont trouvé
un lieu paisible pour vivre et s'épanouir. Ils sont devenus des
amis, de très bons amis, et s'entraident dans leur nouvelle vie
pour la rendre un peu plus agréable chaque jour. Il profite du
temps qui passe loin du stress pour se connaître et apprendre
du monde qui les entoure. Et puis plus tard…
Mais j'arrête là, le reste m'appartient.
Au revoir.
132

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