ACADEMIE DE LILLE Recherche INRP « Bâtir l`école du XXIe siècle »

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ACADEMIE DE LILLE Recherche INRP « Bâtir l`école du XXIe siècle »
Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
ACADEMIE DE LILLE
Recherche INRP
« Bâtir l’école du XXIe siècle »
Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
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Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
SOMMAIRE
Introduction…………………………………………………………………………………………..2-3
I1.11.2-
Les cadres de référence
Une recherche exploratoire……………………………………………………………….……..4
Un regard des chercheurs non surplombant ………...………………………………………….4
II2.12.2-
L’échantillon
Les quotas de l’I.N.R.P…………………………………………………………………………..5
L’échantillon académique ……………………………………………………………….……5-6
III3.13.2-
L’équipe de chercheurs
Les différents partenaires ………………………………………………………………………7
Des regards croisés …………………………………………………………………………...…7
IV4.14.2-
Les modalités d’accompagnement
La disparité des traitements………………………………………………………………..…...10
Les stages de formation continue ……………………………………………………………...10
V5.15.2-
Les difficultés de la mise en route
La disparité des terrains ……………………………………………………………………..…11
L’émergence de la problématique ………………………………………………………...…...11
VI6.16.2-
Le colloque académique
Un temps fort ………………………………………………………………………………...12
Des questionnements pertinents, partagés, mais encore balbutiants ………………….….12-15
VII7.17.2-
La construction d’une méthodologie
Trois étapes passer du champ de l’action au champ de la recherche ………………………..16
Un outil pour entrer dans une posture de recherche ……………………………………....16-21
VIII- Les effets de l’accompagnement
8.1- Les effets sur la mise en équipe : glisser vers une posture de professionnel …………..…..22-24
8.2- Les effets sur la réflexion des équipes : glisser vers un recentrage
sur les apprentissages…………………………………...…………………………….…….25-28
8.3- Les effets de l’accompagnement sur l’innovation : glisser vers un changement doux,
mais concerté et motivé, des pratiques …………………………………………………….28-30
Conclusion : le temps de l’enseignant …………………………………………………………..31-32
Quelques propositions………………………………………………………….….32-33
Annexes
Annexe 1 : Le budget de la recherche ……………………………………………………………..…34
Annexe 2 : Les entrées des écoles dans la recherche………………………………………………35-67
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Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
Introduction
« Bâtir l’école du XXIe siècle », une recherche impulsée par l’INRP dont l’objectif est d’identifier les conditions
institutionnelles et pédagogiques qui favorisent la réalisation et la finalité de la charte1 : la collaboration entre les différents
intervenants au sein de l’école primaire et sous la responsabilité pédagogique des enseignants, pour favoriser la réussite de
tous les élèves.
Cette recherche s’est effectuée de 1999 à 2002 avec un échantillon d’écoles ayant en principe volontairement posé
leur candidature et qui ont été choisies selon des quotas prenant en compte leur taille et leur milieu géographique et socioéconomique.
Une équipe de chercheurs, constituée autour du chef de projet académique, a accompagné les équipes des écoles
concernées afin de comprendre « comment les activités pédagogiques et éducatives – organisées et articulées tout au long
de la journée et de la semaine de l’élève- favorisent-elles son développement et ses apprentissages scolaires ».
L’INRP écrivait, en 1999 : « L’issue de la recherche devra permettre de définir des indicateurs de pertinence
capables d’éclairer les enseignants et tous les autres décideurs, sur la manière d’organiser le travail des élèves et la vie à
l’école. les premières recommandations seront proposées en fonction des contextes spécifiques et des projets d’écoles ».
Livret d’accompagnement N°1. INRP. 1999.
Lorsque nous avons débuté cette recherche, nos interrogations étaient nombreuses et concernaient tous les aspects de
cette aventure :
Etait-ce une véritable recherche au sens où nous l’entendons habituellement ? Sans hypothèses de départ, sans
méthodologie rigoureusement établie, il nous semblait nous engager dans une aventure peu scientifique dont les
résultats ne pourraient s’apparenter qu’à une somme de cas particuliers dont il serait difficile de tirer la moindre
recommandation. Comment allions-nous mener des observations tout en accompagnant les acteurs qui les mettaient
en place ? Comment allions-nous prendre en compte l’influence de notre propre action, pourtant extérieure à l’école,
au moment de l’observation ?
Si ces interrogations apparaissent légitimes au chercheur oeuvrant en recherche fondamentale, quelle qu’en soit la
discipline, il n’en est pas de même pour le chercheur en didactique. En effet, une des manières d’appréhender la
didactique d’une discipline est de concevoir des situations d’apprentissage, de les mettre en œuvre dans une classe et
d’observer comment les élèves s’en approprient les différents éléments (consignes, documents), comment ils s’en
servent et comment ils apprennent (ou non). Chaque étape est observée, analysée, conduisant le didacticien à ajuster
les situations d’apprentissage afin de les rendre les plus opérationnelles possible au regard de la réussite des élèves.
C’est de cette manière que nous avons envisagé la recherche proposée par l’INRP : nous allions travailler avec les
enseignants pour voir comment fonctionnaient certains de leurs dispositifs, mais, le cas échéant, nous allions aussi
être amenés à accompagner la conception même de dispositifs nouveaux dans certaines écoles.
Qui seraient les chercheurs ? Parmi les personnes intéressées, relativement peu étaient des chercheurs au sens
universitaire du terme, c’est à dire des docteurs. Beaucoup pouvaient s’appuyer sur une expérience de recherche
vécue au cours de leurs études, beaucoup se montraient intéressés par une opération touchant le premier degré. Une
telle équipe pourrait-elle mener à bien cette mission si particulière ? Quels seraient les meilleurs profils pour ce type
ce type de recherche ? Fallait-il être plutôt de « bons » chercheurs universitaires ou fallait-il plutôt avoir une
connaissance fine de toutes les facettes de l’école ? Fallait-il plutôt une aptitude à établir le contact humain avec les
enseignants ou fallait-il plutôt une capacité à identifier rapidement et froidement toutes les composantes d’un
dispositif scolaire ?
Comment allions-nous définir l’accompagnement des équipes d’école ? Qui devait mener la recherche ? La
question était délicate puisqu’une des conditions énoncées par l’INRP était que les chercheurs ne devaient pas se
positionner en surplomb par rapport à des enseignants qui ne devaient en aucun cas être objet de recherche mais bien
partenaires dans la recherche. Devions-nous former ces enseignants à la recherche ? Devions-nous observer puis
analyser les modalités de leur travail scolaire et leur en rendre compte ? Les équipes volontaires offraient leurs
écoles voire leurs classes comme terrain de recherche, que pouvions-nous leur apporter en échange ? Une recherche
se doit de laisser une trace : qui se chargerait alors de l’écriture et selon quelles modalités ?
Le temps était un axe important de la charte, devait-on inciter les équipes à se construire des objets de recherche autour
du temps de l’enfant ? Les premiers livrets d’accompagnement de l’INRP mettaient un accent particulier sur l’articulation
entre les activités proposées aux élèves, allait-on commencer à inventorier les différentes activités vécues par un élève pour
mettre en évidence la présence ou l’absence d’articulations ? Qui se chargerait de ces observation fines en continu sur
plusieurs jours dans toutes les écoles de l’échantillon ? Que ferions-nous des observations ainsi accumulées ?
La collaboration entre les différents intervenants au sein de l’école était énoncée comme un postulat, facteur
de réussite des élèves. Devions-nous ne prendre en compte que les écoles où un travail d’équipe existait déjà ou
celles possédant un nombre significatif d’intervenants ? Que dire alors aux écoles dont l’équipe pédagogique (à
1
« Bâtir l’école du XXIe siècle ». Bulletin Officiel N° 13 du 26 novembre 1998.
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Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
laquelle, dans tous les cas s’adjoignait au moins un aide éducateur) n’avait encore mis en place de manière concertée
aucun fonctionnement concernant l’école dans son ensemble ?
On le voit, nos interrogations et nos doutes étaient grands. Beaucoup de nos collègues les partageaient et certains s’y
sont arrêtés, abandonnant l’aventure avant ses débuts. Nous regrettons que peu d’universitaires ne se soient intéressés à
cette forme de recherche, nous déplorons que très peu d’enseignants de l’IUFM y aient porté un regard. Une force plus
grande nous aurait sans doute portés plus loin notamment en ce qui concerne des évaluations qui n’ont pas partout eu le
temps d’aboutir. Il est en effet long de mettre en place à l’école des dispositifs favorisant la réussite des élèves et fondés sur
un travail d’équipe qui n’est pas dans la tradition de l’enseignement du premier degré.
Nous remercions les équipes d’écoles qui ont participé à cette recherche quelle que soit la durée de leur
appartenance à l’échantillon. Elles ont fourni des efforts parfois importants, les fonctionnements mis en œuvre ne sont pas
tous innovants au sens strict du terme mais sont toujours en rupture avec une routine et ont fait l’objet de véritables
réflexions approfondies qui, si elles ne sont pas toujours écrites, ont toutes contribué à modifier les pratiques des acteurs et
cela dans un objectif jamais démenti de permettre à tous les élèves de mieux réussir.
L’accompagnement n’a pas été à la hauteur de nos ambitions et certaines écoles n’ont vu des chercheurs que de loin. Ces
derniers ont mis leur énergie et leurs compétences au service des équipes enseignantes au travers de cette recherche et c’est davantage
à leur manque de disponibilité qu’à leur manque de conviction qu’il faut attribuer un accompagnement parfois en pointillé.
Cette recherche est parvenue à son terme dans notre académie, ce n’est pas le cas partout. Nous devons ici souligner le soutien
que nous a apporté Monsieur le Recteur FORTIER. Nous le remercions d’avoir permis qu’une telle recherche existe vraiment non
seulement parce que nous y avons beaucoup reçu de la part des maîtres mais surtout parce qu’au travers d’une telle opération, il a été
montré que les enseignants détiennent des solutions dignes d’intérêt et opérationnelles pour améliorer l’école.
Nous nous sommes impliquées dans cette recherche malgré toutes les difficultés rencontrées parce que nous avons toujours
cru qu’une telle opération pourrait véritablement profiter aux enseignants. Les moments de découragement ont été largement
gommés par ce que cette recherche nous a apporté. Le contact des enseignants dans leurs écoles ou au cours des stages, nous a
beaucoup appris.
« En tant que sociologue, j’ai recueilli les
représentations
qui
peuplent
la
culture
professionnelle du milieu enseignant ; j’en ai
identifié les réticences, les résistances mais
aussi les convictions et les adhésions qui
fondent
encore
certaines
formes
de
militantisme. J’ai exploré le rapport que les
enseignants entretiennent
à leur métier, à
l’institution
qui
les
emploie,
à
l’environnement auquel l’école doit s’ouvrir de
plus en plus. Confrontés à un public qui
change, exposés à des politiques fluctuantes,
contraints d’exécuter des directives qui ne
leur appartiennent pas et qui ne leur sont que
rarement explicitées, j’ai pu observer comment
ces
enseignants
résistent,
s’accrochent
à
d’anciennes
formes
d’identités
professionnelles, ou au contraire en inventent
de nouvelles.
En tant qu’enseignante du premier degré, j’ai
redécouvert le monde de l’école avec des
maîtres motivés, curieux, ouverts et disposés à
faire l’effort de construire une équipe centrée
sur la réussite des élèves.
Je quitte cette recherche riche d’un nouveau
regard, plus valorisant mais aussi avec de
nouvelles interrogations qui me permettront de
réfléchir
différemment
ma
pratique
professionnelle quotidienne, une fois de retour
dans ma classe, et de remesurer toute la
complexité de ce métier. »
« En tant que formatrice à l’IUFM j’ai beaucoup
apprécié
la
proximité
avec
des
équipes
d’enseignants qui ont bien voulu me faire la
confiance de s’exprimer librement. Parce que je
m’attachais surtout à la méthodologie du
travail en équipe et à la cohérence des
dispositifs construits ou en construction, j’ai
dû prendre en compte des composantes de l’école
qui
me
sont
moins
familières,
à
moi,
didacticienne en géographie : le langage des
touts petits, les résultats aux évaluations en
mathématiques et en français, l’organisation du
moment de restauration, les relations avec les
parents, le recours aux aides éducateurs pour
les apprentissages.
Cette prise en compte plus globale de l’école a
déjà pu modifier le contenu de certains de mes
cours aux stagiaires de seconde année
du
professorat des écoles. Il me semble en effet
important de former les jeunes enseignants en
leur permettant de se représenter l’école :
qu’attend-on de l’élève, qu’acceptons-nous de
représenter pour nos élèves, comment envisaget-on les parents ? Il me semble que l’IUFM
forme surtout à des contenus disciplinaires
sans prendre suffisamment en compte la réalité
sociologique de l’école.
Je termine ce travail en espérant que ma
contribution aura apporté quelque chose aux
équipes avec lesquelles j’ai pu avoir des
moments d’échanges. »
Sylvie Considère
Nicole Dubois
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Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
I Les cadres de référence
1.1 Une recherche exploratoire
La recherche s’effectue dans le cadre de la charte « bâtir l’école du XXIe siècle ». Elle a pour objectif d’identifier
les conditions qui favorisent la finalité de cette charte : une collaboration entre les différents intervenants au sein de l’école
pour la réussite de tous les élèves.
Livret d’accompagnement n°1. INRP.
Pour mieux définir cette recherche, nous reprendrons les propos tenus par Philippe Meirieu lors d’une réunion des
chefs de projet en juillet 1999.
La recherche liée à la charte du XXIe siècle représente une opération atypique. Ce n’est, ni le culte de l’innovation
spontanée et militante, ni la culture de la réforme. C’est une démarche d’exploration recherche régulée par l’évaluation.
Exploration
On fait l’hypothèse qu’il existe à l’école des pratiques non dominantes mais intéressantes. C’est l’exploration des
pratiques innovantes qui offre à la recherche un point d’appui. Il s’agit de trouver des lieux où il se passe des choses
particulières qui pourraient constituer des progrès éducatifs. On ne se situe pas dans un processus qui décrit la moyenne.
Recherche
Il ne s’agit pas d’effectuer des explorations sauvages dont l’objet serait de récolter de l’exotique mais bien,
d’observer des fonctionnements puis de confronter des modèles explicatifs qui permettent de comprendre comment et
pourquoi ça marche.
Régulation
On intègre au fur et à mesure de la pratique les résultats obtenus par la recherche. Cette démarche est différente de
celle qui part d’observations, émet des conclusions puis tente d’opérer une généralisation. On observe des fonctionnements
mais le chercheur ou l’accompagnant doit tenir compte de sa propre action dans le dispositif en oeuvre.
Evaluation
Elle est déterminante dans la mesure où elle permet de mesurer et d’objectiver les observations. Il s’agit de mettre en
place l’habitude de remettre en cause la conviction a priori et d’amener l’équipe à vérifier les résultats d’un fonctionnement
mis en place. Les outils de l’évaluation doivent être construits en collaboration avec tous les acteurs.
Cette recherche répond à trois objectifs :
- une visée pragmatique, en accordant une place première à l’action,
- une visée analytique, en permettant aux enseignants d’analyser leurs propres pratiques
- une visée praxéologique, en développant de nouvelles pratiques, ou en ajustant des pratiques existantes.
1.2 Un regard des chercheurs non surplombant
Les cadres énoncés par Philippe Meirieu conduisent à poser, dès le départ, le fait que les équipes d’enseignants
engagées dans cette recherche ne doivent pas être objet de la recherche mais bien aussi acteurs. Cette volonté nous a
contraints à ne pas d’emblée élaborer un objet de recherche qui aurait pu être le temps de l’enfant, le partenariat et
l’utilisation des aides éducateurs, les modalités d’amélioration des résultats aux évaluations, mais de voir comment les
préoccupations de chaque école pouvaient s’organiser dans une problématique de recherche dotée d’une cohérence.
Il nous a semblé important, dès le départ que chaque chercheur soit à même d’apporter un regard distancié qui ne se
situe jamais en « surplomb ». Le rôle des chercheurs est bien d’analyser avec les enseignants les fonctionnements mis en
place, de les amener à prendre du recul par rapport à leurs pratiques sans jamais porter de regard critique et sans jamais se
montrer prescriptifs.
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Rapport académique juin 2002
II Constitution de l’échantillon
2.1 Les quotas de l’I.N.R.P.
Après un appel à candidature (plusieurs fois lancé dans les deux départements), nous avons reçu de la part des
inspections académiques une liste d’écoles qui se portaient volontaires pour participer à ce que nous pouvions alors
nommer « recherche ».
L’INRP nous avait communiqué notre quota pour chaque département, quota qui ne prenait en compte que des
critères objectifs (figure 1).
Secteur
Ecole
Public
Public
Privé
Privé
Maternelle
Elémentaire
Maternelle
Elémentaire
Ecoles groupées en R.P.I.
Ecoles primaires
Total
Secteur
Ecole
Public
Public
Privé
Privé
Maternelle
Elémentaire
Maternelle
Elémentaire
Ecoles groupées en R.P.I.
Département du Nord
2 à 5 classes
Plus de 5 classes
Quota
Réel
Quota
Réel
21
5
20
6
16
22
12
34
1
0
0
0
3
7
1
0
5
2
6
4
2
41
34
2
44
44
Département du Pas-de-Calais
Classe unique
2 à 5 classes
Plus de 5 classes
Quota
Réel
Quota
Réel
Quota
Réel
2
12
3
0
6
3
7
14
11
0
6
27
Classe unique
Quota
Réel
0
0
2
0
0
0
0
0
0
0
1
Total
9
0
Total pour
l’académie
11
2
Total
Quota
Réel
26
26
40
46
1
0
10
1
5
12
77
90
Total
Quota
Réel
17
9
32
33
3
0
4
27
0
3
2
17
17
1
31
53
0
3
3
48
68
53
51
75
130
138
Ecoles primaires
Figure 1 : les quotas d’écoles demandés par l’INRP : 53 pour le Pas-de-Calais et 77 pour le Nord
soit un total de 130 écoles pour l’académie.
L’échantillon réel en 99 : 48 pour le Pas-de-Calais et 90 pour le Nord,
soit un total de 138 écoles pour l’académie.
Le nombre d’écoles dont nous avions reçu la candidature étant un peu supérieur à 130, nous avons dû effectuer un
choix. Nous avions 48 écoles dans le Pas-de-Calais et 121 dans le Nord. Nous avons choisi de conserver toutes les écoles
du Pas-de-Calais qui présentaient par ailleurs des caractéristiques apparaissant peu dans l’autre département : classes
uniques, ruralité, bassin minier, et regroupement pédagogique (RPI) dont l’INRP ne tenait pas compte mais qui sont
apparus comme des composantes importantes d’un échantillon d’écoles à l’échelle de l’académie. En ce qui concerne le
département du Nord nous avons d’abord cherché à retenir des écoles correspondant aux critère demandés ; cependant, il
nous a semblé important de nous préoccuper aussi des localisations géographiques, des circonscriptions d’origine ainsi que
des zones urbaines ou rurales dont étaient issues ces écoles. Le milieu socio- professionnel défini, sur les documents que
nous avions à notre disposition, comme précaire ou non nous est apparu comme indispensable à prendre en compte. Nous
avons donc réalisé l’échantillon académique sur des critères essentiellement quantitatifs, ce qui ne nous a gênés que lorsque
nous avons dû choisir entre 2 écoles présentant les mêmes caractéristiques.
2.2 L’échantillon académique
Malgré quelques difficultés de constitution, notre échantillon nous semble représentatif de la réalité académique.
Cependant, il n’en reste pas moins que les équipes des écoles ayant été exclues de ce dispositif selon une logique
rigoureusement quantitative n’ont pas toujours perçu cette décision comme étant objective. De même, certaines équipes
ayant été intégrées dans l’échantillon ont interprété leur prise en compte comme une sorte de label de qualité.
Dès la première année quelques écoles se sont désengagées de cette opération de recherche. Les raisons sont
diverses et pas toujours bien identifiées de notre part :
- des mutations ou des départs en retraite intervenus parmi les enseignants : les nouvelles équipes ne se
sentaient pas impliquées dans un dispositif auquel leurs prédécesseurs avaient adhéré ;
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Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
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l’illisibilité de la recherche qui a entraîné une réaction de méfiance, voire de contestation, parfois teintée
d’ironie, de la part des enseignants mais aussi de certains cadres de l’éducation nationale. On peut expliquer
ces réactions négatives par la confusion qui s’est installée entre la charte de l’école du XXIe siècle et la charte
des lycées qui, elle, était une réforme. Le rôle de L’INRP, peut-être insuffisamment défini dans les documents
d’accompagnement a été mal compris (l’institut apparaissait, pour certains, comme l’outil de réforme utilisé
par le ministère). Ces diverses incompréhensions ne trouvaient pas de réponses solides dans les
« flottements » qui ont existé entre la direction de l’INRP et le ministère (départ du ministre Allègre puis de
Philippe Meirieu) alors même que la recherche se voulait dissociée du politique ;
l’utilité de cette recherche n’a pas tout de suite été perçue. Lors de la lecture de la charte, beaucoup
d’enseignants ont déclaré ne pas avoir attendu le texte pour mettre en œuvre des pratiques visant la réussite
des élèves ;
la notion de recommandations auxquelles devait aboutir la recherche a suscité des soupçons quant à
l’utilisation qu’en ferait le ministère (évaluations, classement des écoles au regard de la plus ou moins bonne
réussite des élèves ?) :
Le décalage entre les attentes des écoles et le suivi effectif pour le moins chaotique a suscité des déceptions
justifiées. Certaines équipes qui espéraient de « véritables » chercheurs ont été surprises de l’arrivée de
personnes dont elles n’ont perçu que la casquette institutionnelle.
Ces désistements se sont opérés essentiellement la première année. Dès septembre 2000, l’échantillon était stabilisé.
Ajoutons que, si les écoles pouvaient le quitter, nous avons choisi de ne pas accepter les écoles qui demandaient à y entrer.
Ce choix a été dicté par le manque de personnes disponibles et volontaires pour accompagner cette recherche. Les équipes
qui sont restées dans cet échantillon sont celles dont les membres (parfois seulement le directeur) se sont convaincus
qu’une réflexion approfondie sur les fonctionnements de leur école ne pouvait qu’être bénéfique pour leurs pratiques et en
conséquence pour une meilleure réussite des élèves. Ne cachons pas que certaines écoles ne sont restées que par crainte de
se voir retirer les aides éducateurs et le matériel informatique dont elles avaient été dotées.
Secteur
Ecole
Public
Public
Privé
Privé
Maternelle
Elémentaire
Maternelle
Elémentaire
Ecoles groupées en R.P.I.
Ecoles primaires
Total
Secteur
Ecole
Public
Public
Privé
Privé
Maternelle
Elémentaire
Maternelle
Elémentaire
Ecoles groupées en R.P.I.
Département du Nord
Classe unique
2 à 5 classes
Plus de 5 classes
1999
2002
1999
2002
1999
2002
0
0
20
11
6
4
0
0
12
7
34
25
0
0
0
0
0
0
0
0
1
0
0
0
5
0
2
1
6
4
4
2
2
44
44
1
22
31
Département du Pas-de-Calais
Classe unique
1999
2002
0
0
0
0
0
0
Ecoles primaires
Total
0
0
Total pour
l’académie
2
1
2 à 5 classes
1999
2002
6
1
5
1
0
0
0
0
3
3
3
0
17
5
61
27
Plus de 5 classes
1999
2002
3
2
27
9
0
0
0
0
0
0
1
1
31
12
75
43
Total
1999
26
46
0
1
5
12
90
2002
15
32
0
0
0
7
54
Total
1999
9
32
0
0
3
4
48
2002
3
10
0
0
3
1
17
138
71
Figure2 :L’échantillon réel en 2002 : 17 pour le Pas-de-Calais et 54 pour le Nord,
soit un total de 71 écoles pour l’académie.
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Rapport académique juin 2002
III L’équipe des « chercheurs »
3.1 Les différents partenaires
Lors du lancement de cette opération de recherche, les chefs de projet ont été nommés par le recteur : Alain Natali,
enseignant à l’université Charles De Gaule Lille III et Directeur adjoint à l’I.U.F.M Nord-Pas-de-Calais, et Sylvie
CONSIDERE, maître de conférence en didactique de la géographie au centre I.U.F.M. de Lille. Charge à eux de s’entourer
d’une équipe de chercheurs. Différentes instances ont donc été contactées : les centres IUFM de l’académie, les inspections
académiques, les universités. Chacun de ces organismes a relayé la demande des chefs de projet auprès des personnes
jugées susceptibles d’être intéressées par, ou utiles à cette recherche. Une réunion d’information a regroupé des individus
venus d’horizons divers et aux statuts variés : universitaires, inspecteurs de circonscriptions, conseillers pédagogiques,
professeurs d’IUFM, enseignants du premier degré. Le caractère particulier de cette recherche a contribué à dissuader un
certain nombre de participants ; cependant, de nombreuses personnes se sont montrées intéressées, toutes volontaires et
toutes ayant déjà participé à des opérations de recherche à divers niveaux.
Dans chacun des 2 départements un correspondant assure l’indispensable interface entre recherche et administration
tout en étant aussi membre de l’équipe de chercheurs. Il s’agit pour le Nord de Michèle RACKELBOOM et pour le Pas-deCalais de Marc LOISON. Jean Louis DAUVEGIS, enseignant déchargé assurant le rôle de gestionnaire financier de la
formation continue pour le bassin de Cambrai a été chargé de gérer le budget attribué par l’académie à cette opération de
recherche (voir annexe). Nicole DUBOIS, enseignante du premier degré, par ailleurs docteur en sociologie à l’université de
Lille I, a pu bénéficier d’une décharge complète (un demi poste est pris en charge par l’I.N.R.P l’autre par l’inspection du
Nord) pour mettre ses compétences au service de cette recherche. Aux réflexions méthodologiques participe aussi
activement Cécile CARRA, maître de conférence en sociologie à l’I.U.F.M. D’autres universitaires suivent aussi cette
recherche, constituant des personnes ressources reconnues dans les milieux scientifiques pour leurs travaux concernant
l’enfance en milieu scolaire : Claire LECONTE, professeur des universités en chronobiologie. et le docteur Jacques
FORTIN, pédiatre au CHUR de Lille.
3.2 Des regards croisés
La volonté des chefs de projet a très vite été de constituer des équipes de recherche associant différentes
compétences. Les chercheurs comptaient initialement 40 personnes directement affectées au suivi des écoles sur le terrain.
Répartis en 13 groupes, ils devaient suivre les équipes enseignantes dans leurs travaux de réflexion. La constitution des
équipes a privilégié la diversité des regards en mêlant chercheurs universitaires (15), enseignants (10), conseillers
pédagogiques (5) et I.E.N. (12) auxquels on ajoute 9 personnes ressources et administratifs. Par leurs connaissances
disciplinaires, par leur expérience, et par leur lien privilégié avec le terrain, tous ont apporté une précieuse contribution à
cette recherche.
Le suivi des écoles s’est organisé avec les personnes volontaires réparties en petites équipes de 3 ou 4 (année 1999).
Nous avions cherché à avoir des complémentarités dans les compétences que représentaient ces équipes (un universitaire,
un inspecteur, un conseiller pédagogique, un maître formateur par exemple). Nous nous étions dotés d’une règle qui
voulait qu’aucun pouvoir hiérarchique ne puisse s’exercer. Les inspecteurs et les conseillers pédagogiques ne pouvaient
donc accompagner des écoles qu’en dehors de leur circonscription. Le budget mis à la disposition de cette opération nous
permettait de rembourser des frais de déplacement pour chacun, à hauteur de 4 à 6 visites dans les écoles par an.
Le nombre des « chercheurs » s’est progressivement amenuisé, nous conduisant à revoir les modalités
d’accompagnement. Les équipes se sont réduites à 1 ou 2 personnes, parfois elles ont même disparu. Compte tenu des
difficultés plus ou moins importantes dans un accompagnement reposant en grande partie sur le bénévolat, après 3 ans de
recherche, l’équipe de chercheurs compte encore 22 personnes (figure 3), dont certaines, passionnées, sont désireuses de
mener cette « aventure » à son terme en dépit des doutes et des incertitudes soulevés par ce nouveau type de recherche.
NOM
FONCTION
ECOLES SUIVIES
Cécile Carra
Maître de conférence
I.U.F.M. Douai
Maître formateur
I.U.F.M. Douai
Elémentaire Fouquereuil
Elémentaire Marles-les-Mines
Elémentaire Michelet-Chaptal Denain
Maternelle Branly Denain
Maternelle Barbusse Douchy-les-Mines
Elémentaire Curie Le cateau-Cambresis
Elémentaire Les Troisvilles
Maternelle Daudet Maubeuge
Elémentaire Gambetta Waziers
Elémentaire Ampère Lille
Maternelle Comte Lille
Elémentaire Ferry Roubaix
Maternelle Ronsard Roubaix
Marie-France Chapuis
Martine Dauchet
Directrice
Ecole maternelle Dolto Caudry
Sylvie Considère
Maître de conférence
I.U.F.M. Lille
Chef de projet
8
Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
Danièle Danglot
Bénédicte Delavenne
Florian Direndonck
Nicole Dubois
Jean-Marie Herbert
Isabelle Jacquet
Jean-Yves Jeannas
Maryvonne Langlet
Anne-Sophie Lasalle
Véronique Leys
Marc Loison
Alain Maréchaux
Philippe Masson
Patricia Wallyn
CPAIEN
IEN Roubaix Hem
E.M.F.
Directeur
Ecole Trulin Lille
Docteur en sociologie
Institutrice
Elémentaire Amfroipret
Elémentaire Préseau
Elémentaire Brassens Bruay-sur Escault
Elémentaire Curie Aulnoye-Aymeries
Elémentaire Verdun Avesnes-sur-Helpe
Maternelle les Lutins Avesnes-sur-Helpe
Elémentaire CayeuxAvesnes-sur-Helpe
Elémentaire Casanova Boussois
Elémentaire Carlin Boussois
Maternelle Blanche-Neige Fourmies
Elémentaire J. Guesde Auby
Elémentaire Voltaire Grands Arras
Elémentaire Rostand La Madeleine
Elémentaire Ferry Hem
Elémentaire Berteloot Liévin
Maternelle Berteloot Liévin
Elémentaire Kennedy Cambrai
Elémentaire Saint-Exupéry Méricourt
Elémentaire Brossolette Oignies
Elémentaire L. Lambert Coutiches
Elémentaire Andrieu Douai
Elémentaire Freinet Grande-Synthe
Maternelle Freinet Grande-Synthe
Elémentaire Pont de Pierre Gravelines
Maternelle Denvers Gravelines
Elémentaire West-Cappel
Elémentaire A. France Armentières
Elémentaire Prévert Villeneuve d’Ascq
Maternelle Prévert Villeneuve d’Ascq
Elémentaire O. de Serres Roubaix
Elémentaire P. Godin Sequedin
Elémentaire Chopin Villeneuve d’Ascq
Maternelle Chopin Villeneuve d’Ascq
Elémentaire du centre Escautpont
Maternelle Saint-Exupéry Petite Forêt
Elémentaire Pagnol Maubeuge
Elémentaire Gallieni Lambres-les Douai
Maternelle Auriol Wingles
Maternelle Péguy Arras
Elémentaire Salengro Courcelles-les-Lens
Psychologue
Ecole Corneille Villeneuve d’Ascq
PREPS
Elémentaire V. Duruy Lille
I.U.F.M. Douai
Maternelle P. de Comines Lille
Elémentaire Chopin Villeneuve d’Ascq
Maternelle Chopin Villeneuve d’Ascq
P.I.U.F.M.
Elémentaire Allesnes-les-Marais
I.U.F.M. Outreau
Elémentaire Ferry Roubaix
P.I.U.F.M.
Elémentaire Berteloot Liévin
I.U.F.M. Arras
Maternelle Berteloot Liévin
Maître de conférences
Elémentaire Langevin Saint-Laurent-Blangy
Université Lille3
Elémentaire Brossolette Oignies
C.P.C.
Elémentaire Zola Valenciennes
I.E.N. Marcq-en Baroeul
C.P.
Elémentaire Voltaire Grands Arras
Secrétariat général I.A. Arras
Maternelle Péguy Arras
Maître de conférences
Elémentaire J. Brel Mérignies
I.U.F.M. Arras
Elémentaire Durot Seclin
Maternelle Durot Seclin
Universitaire
Elémentaire Eluard Coudekerque-Branche
Université Lille 3
Elémentaire Pont de Pierre Gravelines
C.P.
Maternelle Denvers Gravelines
I.E.N. Grande-Synthe
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Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
Michèle Rackelboom
C.P.
I.A. Lille
Carlos Réant
C.P.
I.E.N. Aire-sur-la-Lys
Maître de conférences
Université Lille 3
C.P.C.
I.E.N. Boulogne-sur-Mer
Stéphane Rusinek
Jacques Vanhuysse
Maternelle Aicart Lille
Elémentaire Samin Lille
Elémentaire Trulin Lille
Maternelle Comte Lille
R.P.I. Enquin-les-Mines
Primaire Condorcet Heuringhem
Elémentaire Curie Courrières
Maternelle Auriol Wingles
R.P.I. Lottinghen
R.P.I. Menneville
Elémentaire Fruges
Figure 3 : La liste des chercheurs ainsi que les écoles qu’ils ont eu à suivre. Certaines écoles sont suivies par 2
chercheurs et certains chercheurs ont bien voulu prendre en charge les écoles « abandonnées » au cours de ces 3 années,
ce qui explique une répartition fort peu homogène.
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Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
IV Les modalités d’accompagnement
4.1 La disparité des traitements
Pour diverses raisons, les chercheurs volontaires restants n’ont pas tous pu montrer le même degré d’engagement.
Les écoles, elles, faisaient preuve d’une motivation plus ou moins prononcée. Certaines étaient fort désireuses de contacts
répétés avec des chercheurs qui eux, n’étaient pas toujours aussi disponibles qu’il l’eut fallû ; d’autres, plus réticentes
n’accueillaient les dits chercheurs qu’avec des questions concernant ce que cette recherche leur apporterait ; d’autres encore
se montrèrent rapidement déçues de ne pas voir arriver « de vrais chercheurs ». De plus, les disponibilités des uns et des
autres ont, depuis le départ, été très difficiles à concilier. Les enseignants n’étant libérés pour ce type de réflexion que sur
un temps « personnel » le soir, ou sur un temps institutionnel rare, les « chercheurs » étaient dans l’obligation de se rendre
libres à ces moments, ce qui a contribué à inscrire les heures passées sur cette recherche, pour les uns et les autres, dans un temps non
professionnel perçu à juste titre comme un supplément de travail. Cependant, pour reconnaître ce travail, l’Inspection académique et
l’INRP ont mis à disposition des heures HTD (voir annexe)
Dans ces conditions il devenait difficile de gérer l’échantillon des écoles : c’est pourquoi nous avons mis en place
d’autres modalités d’accompagnement sous la forme de stages qui, eux, s’inscrivent dans un temps de travail reconnu pour les
enseignants comme pour les chercheurs, mais qui représentent un suivi des écoles beaucoup moins souple.
4.2 Les stages de formation continue
Dans un premier temps nous avons mis en place des stages de 2 jours pour un représentant de chaque école. Nous
voulions ainsi permettre à toutes les écoles inscrites dans l’échantillon de participer à ces journées de réflexions (toutes les
écoles n’ont pas souhaité envoyer un représentant qui parfois n’était pas remplacé). Il s’agissait d’inciter un représentant de
l’école à devenir un relais qui pourrait transmettre les informations données mais aussi impulser les réflexions nécessaires à
la recherche. Nous avions pour objectif de guider la réflexion des représentants d'école présents de manière à ce qu'ils
puissent, de retour dans leur établissement, poursuivre cette réflexion en équipe, et dégager, à partir d'outils construits dans
les stages, une problématique de recherche, assortie d'hypothèses. Ce travail devait permettre à l’équipe de définir un objet de
recherche pour l'observation duquel ils pourraient solliciter la présence et le suivi d'un chercheur. Ces moments de stage ont été utiles
pour donner des informations mais le rôle de relais des participants ne s’est pas partout mis en place, les enseignants attendant qu’un
contact s’établisse avec un chercheur et cela avec toute l’équipe.
Pour fonctionner, ce moyen fondé sur des relais aurait eu besoin de consignes claires rapidement comprises, or, nous
mettions en ordre la problématique de recherche avec les données progressivement collectées au sein même de ces stages de 2
jours. Si notre perception de cette recherche s’éclaircissait peu à peu, au rythme des rencontres de l’équipe de chercheurs et des
réunions avec l’INRP, nous ne prétendrons pas ici avoir été clairs, dès le départ avec les enseignants.
L’année suivante (2000), nous avons mis en place des stages d’une semaine ouverts aux écoles de l’échantillon
mais obligeant tous les membres d’une équipe à s’inscrire pour un temps de réflexion et de recherche accompagné par un
ou plusieurs chercheurs. Même si ces stages représentaient du temps de réflexion demandé par les enseignants, nous avons
pu constater la réticence de certaines équipes à s’y inscrire ( nous ne souhaitons pas ici approfondir les raisons de ces
réticences). Ces stages, beaucoup plus efficaces, n’ont pu concerner la totalité des écoles de l’échantillon puisque, inscrits
au PAF, il étaient tributaires des moyens de remplacements qui leurs étaient alloués et qui demeuraient ou non disponibles.
Certains de ces stages ayant été supprimés en cours d’année, nous avons recherché d’autres moyens de remplacement et
nous nous sommes tournés vers les centres IUFM dont les professeurs des écoles stagiaires (PE2), titularisés vers début juin
peuvent être mis à disposition de la recherche en fin d’année. Nous avons, avec le concours des directeurs des centres
d’Arras, Douai et Lille pu offrir à des écoles de l’échantillon l’opportunité d’une semaine de réflexion et de recherche
accompagnée par des chercheurs dans la seconde moitié du mois de juin 2001. En juin 2002, ce dispositif est reconduit
avec le concours supplémentaire des centres de Gravelines, Outreau et Valenciennes.
Les stages d’une semaine reprennent les mêmes objectifs que les stages de 2 jours, mais laissent plus de temps aux
équipes pour préciser une problématique sur laquelle elles se sont déjà plus ou moins accordées, et éclaircir les hypothèses
et les indicateurs qui accompagnent leur recherche.
L’encadrement de tous les stages a été réalisé par Nicole Dubois et Sylvie Considère auxquelles se sont joints
ponctuellement des membres de l’équipe chercheurs.
2000 – 2001
Nord
Pas-de-Calais
Stages 2 jours
42 écoles
11 écoles
Stages d’une semaine (PAF) Stages d’une semaine (PE2)
6 pour 21 écoles
8 écoles
2 pour 9 écoles
4 écoles
2001 – 2002
Nord
Pas-de-Calais
Stages d’une semaine (PAF)
9 pour 16 écoles
4 pour 5 écoles
Stages d’une semaine (PE2)
22 écoles
9 écoles
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Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
V Les difficultés de la mise en route
5.1 Une disparité des terrains
Dès l’année 1999, nous effectuons des visites dans les écoles et nous découvrons des motivations fort différentes.
Les membres de l’équipe de chercheurs prennent contact avec les écoles qui leur font part d’axes de réflexion, de
préoccupations sur lesquels les enseignants souhaitaient faire porter leurs efforts, toujours dans un objectif sans cesse
présent, d’améliorer la réussite de leurs élèves. Il ne s’agit pas encore à proprement parler d’axes de recherche mais on peut
dès lors établir une grossière typologie des écoles engagées dans cette recherche en accédant aux raisons qui les ont
poussées à s’y intégrer. Certaines équipes enseignantes ont vu, dans la proposition de l’I.N.R.P, une opportunité de poursuivre et
d’affiner des travaux déjà fortement engagés, (souvent sur l’aménagement du temps de l’enfant). D’autres, ayant mis en place des
fonctionnements qui ne leur étaient pas habituels (décloisonnement fondé sur des groupes de besoins par exemple), souhaitent un
regard extérieur. Enfin d’autres écoles encore, se trouvent dans cette recherche sans que cela fasse l’unanimité au sein de l’équipe
enseignante. Leur candidature a été lancée peut-être dans le but de les inciter à engager une réflexion quant à des pratiques ou des
fonctionnements. Le rôle des chercheurs est, dans ces cas, relativement difficile. Il s’agit dans un premier temps d’expliquer ce qu’est
cette recherche puis de tenter de convaincre. Mais, le volontariat de l’ensemble de l’équipe étant la règle, le choix de poursuivre ou
non « l’aventure » appartient aux seules équipes enseignantes. On le voit, les écoles de l’échantillon n’ont pas les mêmes attentes
quant au rôle des chercheurs qui les accompagnent.
Les premiers contacts avec les chercheurs font aussi apparaître des degrés de réflexion divers. Certaines équipes, ayant déjà
une « tradition » de travail en commun cherchent à présenter un fonctionnement dont elles sont convaincues. Ces équipes ont perçu,
dans la recherche l’opportunité de mutualiser les pratiques, conformément à l’esprit du livret n°1 de l’INRP.
D’autres écoles, plus nombreuses, font état, lors des contacts avec les chercheurs, de difficultés auxquelles elles souhaitent
apporter remède. Ce remède est parfois demandé stricto sensu comme une prescription du chercheur considéré comme celui qui
détient des solutions. Beaucoup de ces équipes n’imaginent pas encore pouvoir elles-mêmes résoudre leurs difficultés.
Enfin, nous rencontrons aussi des équipes n’étant pas encore à même de mener une réflexion globale qui puisse
contribuer à faire émerger une préoccupation majeure sur laquelle faire porter la recherche.
La plupart des écoles font état de certaines réticences quant au temps de travail supplémentaire pris sur un temps
considéré comme temps personnel, travail supplémentaire que cette recherche est supposée occasionner.
5.2 L’émergence de la problématique
Devant la diversité des réalités des terrains et le peu de disposition des enseignants à consacrer du temps à cette recherche,
notre volonté est donc de partir des préoccupations de chaque école mais cela apparaît comme une difficulté importante. La
problématique doit alors s’élaborer autour de ces seules interrogations : « quels sont les fonctionnements qui permettent une meilleure
réussite des élèves, comment sont-ils mis en place et quel doit être le rôle de la concertation de l’équipe ? ». Nous nous efforçons
aussi de prendre en compte de manière exhaustive les questionnements de chaque école. Ainsi, les préoccupations des différentes
équipes, semblant éclater dans des directions différentes au premier regard, se trouvent englobées dans une cohérence reconstruite
dès lors que nous considérons l’école comme un système global en fonctionnement . Ce système peut s’appréhender comme une
unité comportant 4 entrées dont aucune n’est prééminente mais qui permettent toutes de parcourir l’ensemble du système (figure 4).
LES ELEVES
LES
SAVOIRS
Découvrir, notamment
avec les parents, en les
engageant
dans
la
réflexion, les conditions qui favorisent
l’articulation entre les
savoirs scolaires et les
savoirs extra scolaires
Découvrir, notamment avec les élèves, comment ceux-ci vivent
les activités proposées et la manière dont elles s’articulent.
La recherche
« bâtir l’école du XXIe siècle
»
LES
PARTENARIATS
Découvrir
ensemble
comment sont construits
les
partenariats
de
coopération et en définir
les conditions
Découvrir quelles sont les organisations propices à l’attention
et à l’appropriation des savoirs scolaires par tous les enfants
LE TEMPS ET LES ESPACES
Figure 4 : les entrées dans la recherche d’après le livret 2 de l’INRP (2000).
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Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
VI Le colloque académique
6.1 Un temps fort
Le samedi 21 octobre 2000, l’Université Charles de Gaulle à Villeneuve d’Ascq accueillait notre colloque
académique, que Monsieur le Recteur, et Messieurs les Inspecteurs d’académie ont réhaussé de leur présence.
Les ateliers ont rassemblé près de deux cents personnes . Durant cette journée, enseignants, conférenciers, venus
parfois de loin (ce fut le cas d’Anne-Marie Gioux, arrivée de Bordeaux), partenaires de l’école, parents, élus, conseillers
pédagogiques, représentants d’associations et de mouvements pédagogiques , inspecteurs de l’Education Nationale, aides
éducateurs, tous ont pu assister aux débats, présenter des fonctionnements, humbles mais riches, animer les ateliers ou tout
simplement écouter les témoignages croisés des uns et des autres.
L’I.N.R.P. fut représenté par Dominique Senore et Jean-Luc Duret, chargés de mission sur cette recherche.
Ouvrant le colloque, Monsieur Dunoyer, Inspecteur d’académie, souligne l’intérêt d’une recherche qui s’interroge
sur les élèves et sur les conditions d’apprentissages permettant la transmission des savoirs.
En reposant la question des missions du système éducatif, la recherche sert les intérêts mêmes de l’école publique,
qui risquerait à terme, si l’on n’y prend garde, de « n’être plus que le traitement de la pauvreté, de la précarité et de
l’exclusion », dans une région subissant déjà la concurrence du privé et des écoles belges, géographiquement toutes
proches.
Les chefs de projet relatent les difficultés de la mise en route, et le démarrage difficile de cette recherche.
Ils présentent ce colloque comme une journée de travail et d’étape, arrivant à un moment où les problématiques
émergent seulement pour certaines écoles, où les hypothèses présidant aux actions pédagogiques se construisent
progressivement et s’étayent lentement.
6.2 Des questionnements pertinents, partagés, mais encore balbutiants
Témoignages d’écoles volontaires, échanges et réflexion menée collectivement s’articulent, sous la conduite d’un
animateur, autour de six tables rondes, ayant chacune retenu l’un des thèmes suivants :
L’école et le temps de l’enfant (Témoignages des écoles Chopin de Villeneuve d’Ascq, et Marguerite Denvers de
Gravelines)
Quelle organisation du temps pour des apprentissages plus durables, des acquisitions mieux réinvesties, une
meilleure disponibilité aux apprentissages ? La réflexion s’articule autour du temps de l’élève mais aussi du temps de
l’enfant : temps scolaire et périscolaire.
Le témoignage du groupe scolaire Chopin présente des modalités d’accueil échelonné, le matin, pour les enfants de
la petite section au CE1, pour permettre aux uns de se réveiller en douceur, aux autres d’être tout de suite actifs, et pour
développer l’autonomie et la responsabilisation des enfants par l’inscription à des ateliers d’accueil.
A l’école maternelle M. Denvers, l’équipe s’interroge plutôt sur la légitimité de découper la journée de l’élève en
temps d’apprentissages juxtaposés : ne serait-il pas plus efficace de travailler par modules finalisés… même si cela doit
modifier l’organisation, éclater les structures, bouleverser les habitudes.
Claire Leconte, spécialiste de la chronobiologie, nous invite à beaucoup de précautions : l’enfant arrive le matin
avec une réserve de forces et d’énergie dans laquelle il devra puiser tout au long de la journée ; en qualité d’élève, il peut
faire tout ce que l’enseignant lui demande, à n’importe quel moment… mais à quel coût ! Il lui sera sans doute plus coûteux
de faire des maths à 13h.30 qu’à 10h. ou à 16h., surtout si l’on a omis de mesurer l’effort que nécessite l’exercice
mathématique en question !
Aussi, l’organisation de la journée nécessite-t-elle que l’on révise l’emploi du temps et les activités proposées aux
différents moments de la journée, non pas en termes de clivage simpliste disciplines essentielles/disciplines secondaires, les
premières étant souvent programmées le matin (on oublie alors que l’enfant a besoin d’une entrée douce dans les activités)
et les secondes l’après-midi (on oublie alors que les activités dites « moins scolaires » ont elles aussi un coût, quand elles
nécessitent un effort physique ou de concentration, ou quand elles mobilisent des facultés intellectuelles).
Il est donc impératif que les maîtres s’interrogent : quel niveau de compétence l’activité menée au moment t
nécessite-t-elle ? Quel niveau de compétence vise-t-elle ? Procède-t-elle bien par paliers ? Compte tenu de l’effort qu’elle
requiert, est-il pertinent de la programmer à cet instant t de la journée ?
L’observation attentive des enfants peut révéler des comportements co-latéraux qui sont des indicateurs de l’effort
que fournissent les élèves pour se ressaisir, se recentrer, se reconcentrer, repuiser dans des réserves, qui ne sont pas toujours
inépuisables... Des expériences, menées avec des enfants, d’autoévaluation de leur état de fatigue, de vigilance, ou de
lassitude, révèlent qu’ils sont tout à fait capables d’exprimer leurs sensations dans ce domaine.
Monsieur Keime, Inspecteur d’académie, démontre, par un calcul purement mathématique, que le temps passé à
l’école représente 1/9 du temps de l’enfant.
Si la liberté est laissée à l’enseignant d’organiser le temps et le découpage de la journée de classe (la journée scolaire
ne devant pas excéder 6 heures, et la durée de la pause méridienne pouvant varier entre une et deux heures), on peut
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Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
s’interroger sur la pertinence de programmer le temps de manière identique pour les enfants de cycle 1, de cycle 2 de cycle
3, ou de collège, dont on sait qu’ils ont des besoins et des rythmes biologiques différents.
L’école et les partenariats
L’école et les parents d’élèves (Témoignages des écoles Michelet de Boulogne-sur-Mer, Barbusse de Douchy-lesMines).
Dans quelles mesures l’action d’ouverture de l’école aux parents influe-t-elle sur les apprentissages et les
comportements des élèves ? Comment accorder la même écoute à tous les parents, aux parents « exigeants » comme aux
parents « effacés » ?
Avec Cristina Khüne, présidente départementale de la F.C.P.E. et Yves Poisson, président de la P.E.E.P., les
échanges s’orientent autour de trois questions :
- Pourquoi faut-il établir un partenariat Ecole/Parents ?
D’abord parce que les parents revendiquent le titre de premiers responsables de l’éducation de leurs enfants, et donc
le droit d’intervenir dans la scolarité de leurs enfants. Or, souvent jugés incompétents dans ce domaine, ils ne sont sollicités
que pour encadrer des sorties, ou intervenir en marge, et se déclarent rarement consultés, ni même écoutés.
Ensuite parce que l’implication des parents contribue à lutter contre l’échec scolaire, en construisant une cohérence
entre la vie scolaire de l’enfant et sa vie familiale.
- Comment définir le partenariat Ecole/Parents ?
Changer le regard des parents pour qu’il devienne valorisant pour l’enfant, considérer les parents comme des acteurs
dans l’apprentissage que mène leur enfant, reconnaître aux parents des compétences pédagogiques complémentaires,
supposent la communication et la collaboration. Ouvrir la classe aux parents, c’est leur permettre de découvrir et de vivre le
statut d’élève de leur enfant, les contraintes et les exigences auxquelles il est soumis. C’est les valoriser et les
responsabiliser.
- Comment faire face aux difficultés rencontrées ?
L’enfant vit-il toujours bien cette complicité Ecole-Famille ? Comment changer le regard des parents sur l’école,
quand ils ont eux-mêmes vécu un passé scolaire douloureux, ou quand ils se sentent dévalorisés par l’échec ou les
difficultés de leur enfant ? Comment fédérer toute l’équipe pédagogique autour de la nécessité de ce partenariat ? Comment
aménager le temps et les espaces pour mieux accueillir les parents à l’école, pour mieux les informer ?
Les témoignages des écoles décrivent de nombreuses initiatives en direction des parents : affichages, journal
scolaire, parents-relais, mamans lectrices, video, etc, autant d’expériences encourageantes.
L’école et les partenaires externes (Témoignages des écoles Barbusse de Douchy-les-Mines et groupe scolaire
Verhaeren de Lille).
Les expériences présentées (actions menées autour du livre, dispositif reposant sur des intervenants multiples et
émanant d’une certaine politique municipale) soulignent la nécessité de construire le projet par l’ensemble des acteurs
concernés, en définissant le rôle et la place de chacun, en s’accordant sur le contenu et les objectifs des activités, en
inscrivant l’action dans une durée, en l’évaluant pour la faire évoluer, en régulant les actions dans des instances et des
moments programmés qui permettent des bilans réguliers et fréquents.
S’il est objecté que l’école est parfois trop sollicitée, celle-ci doit savoir gérer les diverses propositions de
partenariats extérieurs pour éviter les dérives d’une trop grande consommation.
L’école et les aides éducateurs (Témoignages des écoles Léon Lambert de Coutiches, Rostand de La Madeleine et
Les Tilleuls de Raimbeaucourt)
Tous les témoignages convergent pour applaudir l’arrivée des aides éducateurs dans les écoles : leur présence a
permis la mise en place d’enseignements plus individualisés et de programmes de remédiation aux difficultés des élèves.
Leur intégration à l’école a pris du temps et nécessité des tâtonnements, mais elle est aujourd’hui effective et jugée
nécessaire.
Se pose alors la question de l’avenir de dispositifs reposant sur ces partenaires désormais devenus indispensables.
Monsieur le Recteur rappelle que si la modernisation de l’école passe, entre autre, par l’entremise de ces aides
éducateurs qui participent aux travaux d’équipe avec les maîtres, favorisent les relations des élèves à l’école, améliorent
l’acte éducatif et l’acte pédagogique, dans son sens le plus étroit de transmission des savoirs, la création d’emplois jeunes
s’est opérée dans un mouvement de solidarité nationale qui ne doit toutefois pas entretenir des fantasmes : l’emploi d’aide
éducateur est une opportunité que le jeune doit saisir pour se responsabiliser et préparer son devenir professionnel. Il ne
faut pas oublier que l’école a, à l’égard de ces jeunes, un rôle de formation.
Certaines dérives sont à éviter. La substitution des aides éducateurs aux enseignants est la plus grave ; si l’égalité
doit s’instaurer dans le respect que l’enfant doit à l’adulte, l’égalité des statuts est, quant à elle, impossible, même si la
frontière entre actes éducatifs et actes d’enseignement demeure très flottante. L’attachement de l’aide éducateur à un espace
spécifique doit disparaître au profit de son association à l’acte pédagogique dans des activités multiples et variées, toujours
menées sous la conduite des maîtres.
Par le biais des contrats éducatifs locaux, l’aide éducateur peut aussi participer à la vie entre l’école et
l’environnement : il peut être un vecteur d’expression dans la relation à la ville et aux parents, d’ouverture dans l’animation
culturelle et sociale.
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Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
« Apprendre la parole » à l’école (Témoignages des écoles du groupe scolaire Freinet de Grande-Synthe)
Que faire quand la parole à l’école pose problème ? Pourquoi la parole à l’école pose-t-elle problème ?
Que signifie « savoir parler » ? Quels outils d’évaluation construire ?
L’expérience relatée dans le témoignage des intervenants fait du langage un objectif d’apprentissage, fédérant les enseignants
d’un groupe scolaire, depuis la maternelle jusqu’au cycle 3 de l’école élémentaire : le langage n’est pas que l’affaire de la maternelle,
ni qu’un problème rencontré seulement chez les « 2 ans » : la continuité des apprentissages doit être assurée de la petite section au
cycle 3, voire au collège, en programmant ensemble les objectifs d’apprentissage à atteindre au terme de chaque cycle.
Le dispositif débute par le recensement de difficultés observées et identifiées et par la constitution de groupes de
besoins ; il repose sur l’intégration des aides éducateurs ainsi que sur l’utilisation et la mutualisation de toutes les
ressources matérielles et humaines disponibles au sein du groupe scolaire. Il exige beaucoup de temps de concertation pour
réajuster l’organisation, réviser la composition des groupes, construire de nouveaux outils d’évaluation, échanger sur les
contenus, les pratiques, les manières de faire, exprimer des doutes et s’encourager mutuellement.
Le problème de la parole à l’école réside dans le décalage entre la parole à l’école et la parole dans les familles, dans
le statut de la parole dans la famille, dans le statut de l’adulte, et donc de l’enseignant, au regard de l’enfant.
Anne-Marie Gioux, Inspectrice Pédagogique Régionale, souligne que les situations d’apprentissage sont souvent de
type injonctif : devant cette injonction à parler, les enfants peuvent être confrontés à une véritable tension psychologique
qu’ils résolvent, ou ne résolvent pas, en mettant en œuvre des stratégies, des résistances, qui sont, en soi, des signes
d’intelligence.
Le pédagogue doit s’interroger pour chaque activité qu’il propose : pourquoi l’enfant parlerait-il dans cette situation
précise ? Pour faire plaisir au maître ? Parce que le maître le lui demande ? Parce que le maître l’y contraint ? Parce que son
point de vue intéresse les autres ? Parce qu’il sait et que les autres ne savent pas ? Parce que le maître parle son langage ?
Autrement dit, quel sens y a-t-il pour le maître, mais surtout pour l’élève, à la prise de parole ?
D’où la nécessité pour les maîtres de recourir à des supports motivants. Les patrimoines constitués des chants,
contes et comptines qui fondent une culture commune, peuvent établir le lien entre le cycle 1 et le cycle 2 : cette culture
patrimoniale, transmise, accumulée, intériorisée, renforcée, fait lien si l’on décide que les enfants apprendront à lire sur ces
matériaux oralisés depuis la petite enfance. Au cycle 3, la chorale s’avère un exercice social de synchronisation du souffle
et de la parole, qui fait plaisir à tous.
Mais le maître peut aussi développer la parole pour les autres : au cycle 1 on peut parler de ce que l’on a vu, ou
vécu, à quelqu’un qui n’a pas été le témoin des mêmes événements ou expériences ; au cycle 2, on peut encourager
l’expression des différents points de vue ; enfin, au cycle 3, on peut développer la fonction référentielle du langage (parler
de quelque chose) tout en encourageant une position prédicative (en dire quelque chose), pragmatique ou conversationnelle
(en adaptant son discours aux différents types de public).
Enfin, le maître peut prévoir des temps et des espaces de parole, au sein de la vie de la classe : le « porte-parole »
ouvre à la citoyenneté.
Toutes ces pistes ne visent qu’à démonter le langage que l’on reçoit, que l’on fabrique, mais doivent surtout toujours
procurer du bonheur à parler.
L’école et l’individualisation des parcours (Témoignages des écoles Salengro de Courcelles, maternelle et élémentaire J.
Prévert de Villeneuve d’Ascq et de l’élémentaire de Fouquereuil)
Quelle articulation entre la création, l’expression, les activités de recherche, et les exercices de systématisation ?
Comment faire émerger des concepts en partant de l’expression et des remarques spontanées des enfants ?
Comment développer l’autonomie et la responsabilité dans la gestion des apprentissages ?
La nécessité s’impose de s’entendre sur la notion d’ « individualisation des parcours » : il s’agit d’accéder aux
connaissances par des voies différentes ; la différenciation doit donc porter sur les moyens déployés à destination de l’élève
et non sur les objectifs visés.
Les participants soulignent l’importance de la place laissée à la classe coopérative et à l’élaboration de lois dans la
classe qui doivent définir un espace de liberté et de travail, ainsi que des interactions entre des modalités de travail
individuel et des formes de travail collectif.
L’organisation effective de l’école en cycles est indispensable, puisque les parcours individuels s’articulent avec les
exigences de fin de cycle.
Selon les expériences présentées dans cet atelier, le maître est tantôt polyvalent et assure ainsi la transversalité
disciplinaire, tantôt spécialiste dans un domaine et approfondit alors la didactique disciplinaire.
Subsistent la question des indicateurs d’efficacité des dispositifs, et surtout celle, non moins préoccupante, de la
situation des élèves en difficulté : comment passer du suivi individualisé de ces élèves au pilotage, pour s’assurer de ne pas
creuser les écarts et renforcer ainsi une hétérogénéité que l’on voulait précisément combattre ?
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Rapport académique juin 2002
L’école et l’évaluation (Témoignages des écoles maternelle et élémentaire E. Zola de Valenciennes)
Quelles évaluations mettre en place ? Quels outils de remédiation construire ?
On est surpris par l’interdépendance, toutefois prévisible, de ce thème avec tous ceux retenus dans les autres ateliers.
On a souvent associé évaluation et prises en charge diversifiées, que permet souvent la présence d’aides éducateurs ;
évaluation et partenariat avec les parents, que l’on doit informer, et associer ; évaluation et nécessité de repenser le temps
de l’élève et les espaces (espaces à partager, à mutualiser, à aménager pour mieux accueillir) ; évaluation et difficultés à
mesurer les performances orales ; enfin, évaluation et orientation vers une individualisation des parcours.
L’évaluation est d’abord considérée comme un moyen de donner du sens aux pratiques des enseignants comme aux
apprentissages des élèves, car elle doit être une réponse aux difficultés à apprendre et son exploitation doit avoir une visée
didactique.
La pratique d’évaluation, si elle n’est pas érigée en culture de l’évaluation, suppose certaines précautions.
D’abord que les enseignants réfléchissent aux outils, aux indicateurs, bâtissent des épreuves en se montrant attentifs
à la formulation de consignes dont la compréhension s’avère déjà, pour certains élèves, constituer une difficulté
insurmontable ; puis qu’ils en analysent et décortiquent les résultats pour fixer des objectifs d’apprentissage et inventer des
dispositifs de remédiation. Ces dispositifs peuvent recourir à toutes les ressources humaines et matérielles disponibles et
impliquer l’élève.
Ensuite, il est pertinent de s’interroger sur le statut, la place et la pertinence de la note comme principe d’évaluation,
et de l’épreuve écrite comme modalité d’évaluation, la culture scolaire de l’écrit, quelquefois limitative, « oubliant »
d’évaluer l’oralité.
Enfin, la pratique de l’évaluation peut s’accompagner d’une volonté d’impliquer l’élève : il apparaît utile de
s’entretenir avec l’enfant en difficulté sur la manière dont celui-ci perçoit les prises en charge dont il fait l’objet : ne se
sent-il pas étiqueté, enfermé dans une catégorie ? Quel rapport entretient-il aux adultes qui s’occupent de lui ? Quelle
relation vit-il avec ses pairs ? Compétition, compétitivité, entraide, coopération, retrait, passivité, attentisme, exclusion ?
Les maîtres peuvent aussi marquer leur souhait d’associer les parents : il faut alors s’accorder sur la forme d’une
communication, lisible par les familles, des progrès de l’élève.
Les participants à cette table ronde évoquent la difficulté à appréhender et à évaluer les procédures utilisées par les
élèves, qui, de ce fait, échappent souvent à l’enseignant. Car, si l’on a beaucoup progressé sur la mesure de ce que l’enfant
a appris, la question de la manière dont l’élève apprend demeure entière : comment l’élève fait-il son apprentissage du
« métier d’élève » ? Evalue-t-on ce que l’enfant apprend à l’école ou bien les connaissances qu’il a pu acquérir en dehors
de l’école ?
Il est difficile de résumer la diversité et la richesse des interventions dans ces six ateliers. Les enseignants ont
exprimé leur satisfaction d’avoir pu confronter des expériences, des fonctionnements, des questionnements, mais aussi des
doutes, car aucune réponse n’a pu être avancée comme une solution, ou une recette. Et nous nous en garderons bien !
Nous remercions encore tous les participants à ce colloque et saluons le courage des écoles qui ont bien voulu
apporter leur témoignage devant un public hétérogène, donc non exclusivement composé de collègues, ce qui expose
inévitablement le narrateur à certaines interventions dont nous ne pouvons que condamner la virulence ou le ton prescriptif
pour le moins déplacés dans le cadre d’une journée d’étude.
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Rapport académique juin 2002
VII La construction d’une méthodologie
Les échanges et les réflexions que nous avons pu mener avec différentes équipes enseignantes (au cours des diverses
visites dans les écoles et surtout au cours des stages), nous ont conduits à proposer un outil visant à aider chaque école à
formuler une problématique de recherche qui parte véritablement de ses préoccupations et à entrer dans une posture de
recherche. Nous nous sommes appuyés sur le postulat qu’un enseignant, à un moment ou un autre de sa carrière est conduit
à transformer une pratique existante. Il peut s’agir de sa propre pratique (de classe par exemple), mais aussi d’une pratique
collective faisant intervenir une partie ou la totalité de l’équipe pédagogique.
Cette mise en œuvre de «nouvelles » actions pédagogiques nous semble, en général, s’appuyer sur une démarche
souvent empirique fondée sur une série d’intuitions qui sont le fruit du professionnalisme des enseignants.
Dans le cadre de notre recherche, il nous apparaît utile que chaque équipe prenne le temps de formuler tout ce qui
conduit à mettre en œuvre telle ou telle action ou série d’actions. Il s’agit pour nous de trouver des modalités permettant
aux équipes enseignantes de passer du champ de l'action au champ de la recherche.
7.1 Trois étapes pour passer du champ de l’action à celui de la recherche
a - Parler et s’écouter pour mieux s’entendre
Dans un premier temps, il nous semble intéressant que les membres de l’équipe échangent sur une action déjà mise
en place, ou qu'il faut encore construire, dont il va falloir penser, ou repenser la dynamique sous-jacente. C’est cette
dynamique, souvent demeurée ou reléguée dans l'implicite de chacun, qu'il va falloir expliciter. Se mettre dans cette
situation d’échange implique pour chacun d'écouter l’autre mais aussi d’oser exprimer ses propres idées, ses propres
pratiques ou même ses représentations au risque de s’exposer et de se « mettre en danger ».
b- dégager un objet de recherche
Il est souvent difficile à déterminer : il arrive que des équipes pensent que ce qu'elles font est trop banal, donc
« inintéressant » pour des chercheurs ; ou bien certains dispositifs sont si lourds et si complexes, qu'il est parfois
difficile d'opérer une brèche pour isoler un segment qui sera plus particulièrement observé. Très souvent,
l’accompagnement propose de retenir un axe du projet d’école et de le soumettre à une analyse rigoureuse : cette
démarche évite aux équipes engagées de se disperser dans une multitude de champs d’investigation et de multiplier les
concertations ; elle leur permet au contraire de se concentrer, d’approfondir un point qui avait déjà fait l’objet, dans la
plupart des cas, d’un consensus, et de réfléchir aux moyens pertinents de réaliser des objectifs définis en commun ;
enfin, dans le cas où des équipes d’école se trouvaient renouvelées, suite au jeu des mutations qui les affectent à
chaque rentrée scolaire, le projet d’école, qui ne peut, quant à lui, être remis en question, peut rapidement fédérer des
individus amenés à travailler ensemble.
c - déterminer les conditions d'efficacité d'un dispositif pédagogique
Une action assortie d'hypothèses devient intelligible (on comprend pourquoi et pour quoi on mène cette action
plutôt qu'une autre). Quand l'action est accompagnée d'une réflexion sur les indicateurs, elle devient évaluable (on
peut savoir si elle est efficace ou non). Quand l'action est évaluée, l'hypothèse qui en est sous-jacente est, du même
coup, testée (on comprend alors pourquoi l'action est efficace ou ne l'est pas) : on peut ainsi retenir les conditions qui
favorisent la réussite des élèves, en termes de comportements ou d'apprentissages.
7.2 Un outil pour entrer dans une posture de recherche
Il s'agit donc d'inviter les enseignants à se mettre en posture de recherche, en partant de leurs pratiques
existantes, qu'ils ont été amenés à modifier au moins une fois au cours de leur carrière. L'exploration des motivations à ces
changements de pratiques met en évidence qu'une action pédagogique nouvelle est le plus souvent précédée d'un constat,
généralement négatif, qui a présidé à l'action : quelque chose qui marche plutôt mal et que l'on aimerait modifier par une
action appropriée.
Mais il peut y avoir d'autres motivations à l'action, qu'un simple constat :
le refus de la monotonie, l'envie et la volonté de changer
des modifications du paysage scolaire, voulues ou non, prévisibles ou non, mais qui deviennent des
paramètres nouveaux au regard desquels il faut repenser, reconstruire l'action : c'est, par exemple, l'arrivée des aides
éducateurs dans les écoles, un nouveau directeur, une équipe qui se renouvelle, des élèves dont les caractéristiques
changent, un projet particulier de l’équipe enseignante ou de celle de la circonscription, une nouvelle politique municipale
vis à vis de l'école.
Un constat peut parfois exprimer une réaction épidermique, parfois renvoyer à des réactions plus mesurées.
Entrer dans une posture de recherche c'est d'abord sortir de ce constat qui émane souvent d'un ressenti, d'un
sentiment, d'une intuition : par exemple, les enfants sont "énervés", "inattentifs", "violents", ont des "difficultés" de langage
ou de compréhension, "ne savent pas lire", ne sont "pas autonomes", etc…
Il s'agit d'éliminer les dimensions subjectives et affectives, pour établir un constat objectivé et sur lequel va
porter un consensus. Préciser les indicateurs du constat, c'est trouver des signes objectifs, des manifestations extérieures,
appréhendables, observables, et mieux encore, mesurables et quantifiables, du phénomène à l'origine du constat.
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Rapport académique juin 2002
Autrement dit, c'est inviter les enseignants à s'exprimer, et, si possible, à s'accorder, sur le contenu du constat et
surtout sur ses fondements : par exemple, qu'est-ce qui montre que les enfants sont « énervés » ? Qu'ils sont « violents » ?
A quoi voyons-nous que les enfants sont « en difficulté » ? A partir de quoi, et de quand, pouvons-nous parler d'enfants
"énervés", "violents", ou "en difficulté" ou bien encore "inattentifs" ? Pour ne retenir que ce dernier exemple, on peut citer
et observer des comportements d'enfants qui remuent en classe, qui bavardent, qui ne font pas le travail demandé, qui ne
répondent pas aux questions, qui baillent, etc…
S'obliger à lister les indicateurs, c'est s'obliger à quitter l'implicite pour entrer dans l'explicite, et cela nécessite et
suppose que l'on parle, que l'on se parle, que l'on s'écoute pour mieux s'entendre.
Proposer de préciser ainsi les indicateurs permettant de mieux savoir de quoi l'on parle, c'est aider les maîtres à
formuler, donc à formaliser, à prendre des distances, à quitter le domaine du subjectif : ce qui était initialement une
impression, par exemple "les enfants sont inattentifs", devient tout à coup une réalité objective : l'inattention peut être
identifiée, elle prend corps et forme, devient visible, se pointe, s'observe, se mesure, peut s'analyser, s'expliquer, se traiter…
Mais c'est aussi inviter tous les membres d'une équipe pédagogique et éducative à s'accorder sur ce qu'il convient
d'identifier d'inattention, et d'étiqueter comme telle : ce qui est "inattention", ou "violence" pour l'un ne l'est peut-être pas
pour l'autre, ne l'est pas encore pour un autre, ou déjà plus pour un autre encore.
Comment s'entendre, et de surcroît agir ensemble, si les enseignants d'une même équipe ne s'accordent pas sur
une définition minimale, mais partagée, du phénomène ? Il ne s'agit pas de définir objectivement ce que l'on entend par
"inattention" ou par "violence" (de telles définitions existent en théorie mais il se peut que les acteurs concernés ne s'y
retrouvent pas nécessairement, ou pas complètement, ou connaissent des difficultés, réelles ou imaginaires, à s'approprier
les cadres pensés par d'autres, surtout s'ils sont pensés dans un langage de spécialistes), mais d'assurer un minimum de
consensus sur la notion.
Une fois le constat établi, et les indicateurs listés, il est pertinent de réfléchir à un diagnostic : pourquoi les choses
se passent-elles ainsi ? A quelles causes le constat initial peut-il être attribué ?
Là encore il va falloir chasser l'implicite : chacun a bien une connaissance intuitive et empirique du phénomène, des
explications spontanées, des a priori quant aux causes qui sont à l'origine du constat, qui ne sont jamais que des
suppositions, et qui demeureront, pour certaines (les plus lointaines, les plus sociales), invérifiables (dans le cadre de cette
recherche) et donc invérifiées. Mais, même quand elles sont extérieures à l’école, les causes ne doivent pas servir d’alibi,
ou d’excuse, qui sont un frein à l’action : si, pour expliquer la violence, on se réfugie dans cette pseudo explication « les
enfants sont violents parce que la violence est partout, dans la rue, à la télé, dans les jeux video, dans le quartier, chez eux,
etc… », l’action devient difficile.
Il importe surtout ici de lister les causes hypothétiques du phénomène, et non des explications avérées que l'on
érigerait en certitudes, ou en opinions inébranlables.
Identifier des causes possibles d'un phénomène peut déboucher sur des propositions hypothétiques qui ne
convergent pas nécessairement, et qui apparaissent même parfois totalement contradictoires. Par exemple, pour reprendre le
constat de « l’inattention » des élèves précédemment formulé, on peut supposer que les enfants sont inattentifs en début
d'après-midi parce que :
- ils ont vécu un temps de cantine difficile, qui les "excite" ou les "fatigue" ;
- ils vivent à la maison des conditions génératrices de stress et d'angoisse qui ne libèrent pas leur esprit
pour les apprentissages ;
- ils ne sont pas motivés par les activités proposées en début d'après-midi ;
- ils se sont trop "énervés" ou "fatigués" après le moment du repas, en participant à des activités physiquement
éprouvantes, spontanées ou organisées ;
- ou, au contraire, ils n'ont pas eu la possibilité matérielle de se dépenser
Lister les causes possibles du constat invite chacun à explorer et à expliciter ses propres représentations, sans
préjuger de la véracité des propositions. S'accorder sur l'une d'elles, sans abandonner les autres (sinon on préjugerait de la
validité de certaines propositions, qui perdraient ainsi leur caractère hypothétique), va déterminer la nature et les modalités
de l'action. Ainsi supposer que les enfants sont inattentifs parce qu'ils ont vécu un temps de cantine particulièrement
éprouvant va inviter à repenser le cadre et les conditions de la restauration. Mais, croire que les enfants sont inattentifs
parce qu'ils sont excités après le repas, va motiver l'instauration d'un temps calme en début d'après-midi ; penser, au
contraire, que les élèves sont inattentifs parce qu'ils n'ont pas eu l'occasion de se dépenser physiquement, va encourager
l'instauration d'un temps de défoulement… A diagnostics contradictoires, actions opposées…
Le diagnostic est évidemment contextualisé : c'est en fonction du contexte de l'école, que les constats peuvent
s'établir et le diagnostic se construire. Des enfants jugés "énervés" par les maîtres d' une école n'ont peut-être rien à voir
avec ceux identifiés comme tels par les maîtres d'une autre école. Pour expliquer cet énervement, une équipe enseignante ne
fera pas nécessairement appel aux mêmes facteurs qu'une autre équipe, et mettra donc en place des actions spécifiques qui
ne correspondront sans doute pas aux options des autres.
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Rapport académique juin 2002
Mais l'action se construit et se choisit non seulement relativement aux causes supposées du phénomène mais aussi
relativement aux effets attendus, espérés, souhaités qu'elle provoquera, (une part d'incertitude subsiste toujours : certains
effets peuvent s’avérer pervers).
On sent bien que les hypothèses sont présentes en aval et en amont des actions : nous constatons ceci, nous
supposons que ceci est dû à cela. Il y a des cela sur lesquels on peut agir, et des cela sur lesquels on ne peut pas agir. Pour
agir sur certains cela, plusieurs actions sont possibles, dont les modalités sont à déterminer en équipe, et dont les effets,
toujours hypothétiques, seront à mesurer.
A ce stade de la démarche, il faut s'assurer que nous sommes toujours dans une posture de recherche : il ne s'agit pas
de demander aux enseignants d'exprimer des convictions, des opinions dont ils seraient déjà persuadés et dont ils seraient
peu disposés à changer, mais bien d' émettre des hypothèses, qui auront valeur d'hypothèse de travail, d'action pour les
enseignants, mais aussi de recherche, pour les enseignants et les chercheurs qui les accompagnent.
Il importe de quitter le champ de l'action pédagogique, dans lequel on agit souvent dans l'urgence, dans
l'immédiateté, dans l'implicite, le subjectif et l'intuitif. Entrer dans le champ de la recherche c’est établir un rapport
distancé et objectivé, au terrain de l'action.
Champ de l'action pédagogique
Constat
Action
résultats faibles
aux évaluations
en math
Champ de la recherche
Mise en place de
petits groupes de travail
x fois par semaine
pour les élèves du cycle3
en partenariat avec
les aides éducateurs
Composantes :
Professionnalisme - Implicite - Subjectif
Intuitif - Empirique - Urgence - Immédiateté
Constat
Action
Indicateurs
Diagnostic
Hypothèses
Composantes :
- Explicite - Objectif - Réflexif - Différé
Devenir - Analyse - Evaluation
NB : On passe souvent d’un constat à une action dont on s’attache à décrire le fonctionnement et les modes
d’organisation. Rarement, parce qu’à l’école, le temps de la réflexion en équipe est compté, on s’attache à approfondir les
raisons d’un constat ou les hypothèses sous jacentes aux actions. En conséquence, nous constatons que beaucoup de
références sont implicites et personnelles. Les évidences, les non dits conduisent parfois à des désaccords sur les actions
choisies et compromettent la cohésion même de l’équipe.
Entrer dans le champ de la recherche, c’est introduire entre le constat et l'action, (qui s'enchaînent dans la pratique
enseignante), une réflexion sur les indicateurs, les causes possibles des difficultés rencontrées, le choix d'une action,
compte tenu des effets qu'elle supposera produire.
D’où le tableau suivant, proposé et présenté aux écoles comme un outil méthodologique permettant :
- de penser et construire une action future dans la cohérence ;
- de reconstruire la cohérence d’une action déjà en place : nous constatons souvent que les équipes perdent de vue ce qui a
motivé et présidé à la mise en place d'actions spécifiques, ou de dispositifs parfois très complexes : avec le temps, les équipes se
renouvellent, qui reproduisent parfois les fonctionnements sans comprendre pourquoi et pour quoi ils ont été institués ;
- de garder une trace, une mémoire de la logique qui a présidé à l’action pour y revenir à certains moments :
retourner aux indicateurs initiaux qu’il faudra reprendre lors de l’évaluation de l’action ; mesurer d’éventuels décalages,
voire dérapages de l’action relativement aux objectifs initiaux ; affiner le diagnostic en révisant l’inventaire des causes ;
tester de nouvelles hypothèses et tenter de nouvelles actions ;
- d’isoler un objet de recherche , une action qui sera plus particulièrement soumise à l'observation : toute action
mérite, et nécessite, qu'elle soit pensée de manière cohérente ; toute action est digne d'être observée et analysée, donc de
constituer un objet de recherche. Dans le cas de dispositifs d'envergure, quelquefois lourds et anciens, le tableau permet
d'opérer une brèche dans un ensemble complexe et d'isoler ainsi un objet qui mobilisera l'attention et l'intérêt des
chercheurs et de l'équipe éducative.
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Rapport académique juin 2002
DIAGNOSTIC
CONSTAT
INDICATEURS
CAUSES
POSSIBLES
Ce que l'on a qui Ce qui montre, et fait
marche plutôt bien ou dire que ça marche On suppose que si ça
plutôt mal
plutôt bien ou plutôt marche plutôt bien, ou
mal
plutôt mal, c'est parce
que…
Suppositions quant à
ce qui peut expliquer
le constat initial
DISPOSITIF D’ACTION
ET DE RECHERCHE
HYPOTHESES
ACTIONS
On suppose que si l'on
fait ça, alors ça aura
un effet sur ce que l'on
veut améliorer
Ce que l'on fait, ce que l'on
va faire
Ce que l'on aimerait faire
Ce que l'on pourrait faire
Ce qu'il faudrait commencer
par faire…
pour que ça marche mieux,
compte tenu des hypothèses
préalablement construites,
élaborées et sur lesquelles
on s'est accordé.
Ce tableau, qu'on ne « remplit » pas comme un formulaire administratif où il s'agit de renseigner des rubriques, doit
catalyser une dynamique de réflexion et d'action, puisqu'elle part de constats et de préoccupations des terrains, et
organise l'observation, l'analyse et la réflexion, autour d' objets de recherche, qui sont d'abord des actions pédagogiques.
Reste à penser l'évaluation. Evaluer une action, ou un dispositif, c'est du même coup évaluer son efficacité au
regard des critères préalablement définis (par exemple, une meilleure attention des élèves, une moindre violence, des
résultats plus performants dans la production écrite, etc…) ; mais parce qu'on est entré dans une démarche de recherche qui
se distancie de l'action, évaluer une action, c’est tester une hypothèse d'action (par exemple : « si on instaure et
organise un temps calme après le temps de la restauration, alors les élèves seront plus attentifs lors de la reprise des
activités de l'après-midi »).
Imaginons que l'hypothèse ici retenue ne soit pas vérifiée : plutôt que de se replier vers un retour pessimiste, déçu, et amer
aux fonctionnements antérieurs en se disant « ça n'a pas marché, et rien ne marchera jamais : refaisons comme avant », le
travail, qui avait consisté à lister différentes possibilités, ouvre, au contraire, de nouvelles perspectives : « puisqu'un temps
calme en début d'après-midi n'a en rien modifié les indicateurs traduisant l'inattention des élèves en début d'après-midi,
essayons une nouvelle action, par exemple l’organisation d’activités où ils se dépensent physiquement », ou « mettons en
place des ateliers ludiques, requérant une attention différente à ce moment spécifique de la journée et qui faciliteront peutêtre la disponibilité des enfants lors de la reprise des apprentissages", etc…). Il est possible aussi qu'une action ait pu
produire des effets inattendus, imprévus. L’action qui n’est alors pas efficace quant au constat initial (une meilleure
attention des élèves), a cependant permis un impact non négligeable sur la manière de travailler des enseignants (ils ont
échangé, ont appris à se connaître, ont manifesté le désir de travailler ensemble).
S’il constitue un outil méthodologique pour les écoles engagées dans la recherche (pour penser, évaluer, ajuster,
recommencer des actions pédagogiques), ce tableau présente aussi un intérêt pour le groupe de pilotage : il se présente
comme un outil qui doit permettre de recueillir un matériau d'où pourront émerger, au terme de ces trois années de
recherche, les "recommandations" telles qu’elles sont définies dans le livret 1 de l’INRP. A l’échelle nationale, dans une
perspective comparative, ces grilles pourront en effet contribuer à isoler :
- les effets d'une même action, dans des contextes différents
- les effets d'actions différentes visant les mêmes objectifs.
Le tableau suivant (figure 5) illustre un exemple retraçant la réflexion telle qu’une équipe pourrait la mener.
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Constat
Les résultats
aux
évaluations
sont mauvais
en maths
Résultats à des
évaluations
faites en classe
Observation
des
comportements
des élèves en
séances de
maths
Indicateurs
Analyse des
réponses à
toutes les
questions des
évaluations
nationales
1a Si on profitait des études dirigées pour mettre l’accent sur les
maths
1b Si on impliquait les parents
2a Si on mettait en place des situations mathématiques plus
ludiques, plus vivantes, moins scolaires, plus actives, plus
concrètes, plus motivantes
2b Si on valorisait, encourageait les élèves pour leur travail
3a Si on explicitait davantage les objectifs d’apprentissage
3b idem 2a
4 Si on impliquait plus l’élève dans son évaluation, dans son
contrat d’apprentissage
5a Si on travaillait davantage au niveau sémantique
5b Si on travaillait d'abord à l'oral pour évacuer les problèmes
liés à l'écrit et à sa compréhension
6a Si on invitait les enfants à expliciter, formuler, formaliser
leurs procédures
6b Si les enfants échangeaient, s’échangeaient leurs procédures
6c Si on était plus attentif à l’élaboration d’outils et de méthodes
de travail
1 Les élèves n’apprennent pas leurs leçons chez eux
2 Les élèves n’ont pas envie d’apprendre
3 Les élèves ne voient pas à quoi servent les mathématiques
4 Les élèves ne voient pas à quoi servent les évaluations
5 Les élèves ne comprennent pas ce qu’il faut faire, ne
comprennent pas ou ne lisent pas, ou lisent mal, les consignes,
les questions posées ou les énoncés
6 Les élèves ne comprennent pas comment il faut faire
10 Si on plaçait les activités mathématiques, et leurs évaluations,
à un moment de la journée plus propice aux apprentissages
10 Les élèves ne sont pas assez attentifs
13 les besoins spécifiques des élèves sont peu pris en charge
12 Les besoins spécifiques des élèves sont mal connus
9 Organisation d’un décloison
intervenir les aides éducateurs
sont pensés en équipe de maîtr
éducateurs
7 Réflexion sur des activités pé
mettre l’élève en situation de c
-situations problèmes en math
disciplines
-travail sur l’énigme en frança
-expériences et comptes rendu
actions
11 Concertation des maîtres d
11 si les maîtres avaient des contenus communs pour un même des progressions et des progr
niveau
pour échanger sur les démarc
12 Elaboration de « tests » co
12 Si on construisait nos propres évaluations
les apprentissages des élèves a
la fin du processus.
13 Repérage des besoins, orga
13 Si organisait des actions de soutien et de remédiation
(de niveau, de soutien, de beso
et suivi des groupes
9 Si on travaillait en petits groupes pour mieux individualiser les
explications, repérer les besoins
9 Travailler en groupe classe est difficile et inefficace
11 Les maîtres n’ont pas de programmation commune
8 Si on travaillait à éliminer les difficultés techniques en lecture
8 Les élèves ont des difficultés en lecture
7 Les élèves ne transposent pas leurs savoirs, ont des difficultés 7 Si on travaillait l’articulation entre situations mathématiques et
à formaliser, à abstraire
abstraction
Hypothèses *
Causes possibles
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Rapport académique juin 2002
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Pour rester en posture de recherche, il est impératif de formuler les hypothèses d'action : si on fait telle action, c'est
parce que l'on suppose qu'elle produira tel effet (sur les apprentissages, sur les comportements des élèves, sur le
fonctionnement de l'équipe éducative, sur le rayonnement de l'école, etc…), et qu'elle viendra modifier les indicateurs du
constat initialement formulé.
Les hypothèses relatives à l’exemple du tableau précédent doivent se lire ainsi :
- Si, à partir de contenus communs et de démarches communes ou complémentaires, on évalue les connaissances et
les compétences de chaque élève, on pourra mettre en place des groupes avec lesquels un enseignant mettra en œuvre une
action (de remédiation ou de soutien ou d’apprentissage) ciblée en fonction des difficultés repérées des élèves.
- Si on constitue des groupes à effectifs restreints, on suppose qu’il sera plus facile de prendre en compte chaque
élève et que cela l’aidera à réussir.
- Si on met en place des actions pédagogiques centrées sur un objectif de compréhension, les élèves réussiront
mieux aux évaluations.
A constat donné, pour une cause déterminée, plusieurs modalités d'actions sont donc toujours possibles, pas toujours
nécessairement exclusives les unes des autres.
En qualité de chercheurs, nous n'avons pas d'avis, pas d'a priori, encore moins de préjugés, sur tel ou tel diagnostic,
telle ou telle action, dans la mesure où ils entrent dans un fonctionnement « normal » d’ école, c’est-à-dire dans la mesure
où ils ne s’avèrent pas en contradiction avec les instructions officielles.
Dans le tableau précédent, nous avons fait figurer les éléments sans les hiérarchiser : il appartient aux équipes de
s'accorder sur les priorités, sur ce qu'il convient d'abord de faire, compte tenu de l'histoire de l'école, de l'historique des
actions menées, des conditions fortement contextualisées.
Le choix peut s'avérer difficile : il peut procéder de la détention de connaissances émanant d'une formation,
recueillies au cours d'une conférence, glanées dans les lectures, collectées au fil de la carrière et de l'expérience, résultant
d'analyses d'expérimentation déjà menées sur le terrain, ou rejoignant les idées à la mode ; mais il peut aussi procéder de
l'intuition, ou de la détermination neutre à essayer systématiquement toutes les actions pour ne retenir que les plus
efficaces.
Certes, il est peut-être inutile de recommencer ce qui existe déjà par ailleurs, et qui a déjà fait l'objet
d'expérimentations et de recherches : nous avons besoin de ressources, de regards croisés de spécialistes et de praticiens,
pour opérer un tri dans la multitude des hypothèses d'action, pour les hiérarchiser en fonction du degré de légitimité qu'elles
présentent. Mais la recherche ne permet-elle pas, aussi, aux équipes de devenir leur propre recours, pour inventer,
réinventer, s'approprier de nouvelles pratiques, non dans une logique d'exécution mais de construction motivée, cohérente,
et collective, de l'action ?
Il y a une difficulté légitime à s'entendre en équipe, puisque chacun des membres adhère à des représentations qui
lui sont propres et personnelles, et qui, si elles restent dans l'implicite, feront tôt ou tard obstacle à l'action : d'où la
nécessité de se parler, de s'écouter, et de s'entendre, sur les mots, les actions, mais aussi les grandes orientations : Quelle
école veut-on ? Quels élèves veut-on ?
Enfin, travailler ensemble ne se résume donc pas nécessairement à faire tous la même chose, mais se définirait
plutôt par la détermination d'objectifs communs vers lesquels les actions de chacun convergeraient. Dans une équipe,
une action peut toujours s'avérer, pour certains enseignants "évidente", pour d'autres "possible", pour d'autres encore
"coûteuse".
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Rapport académique juin 2002
VIII Les effets de l’accompagnement
8.1 Les effets sur « la mise en équipe » : glisser vers une posture de professionnel
Quelles interactions a-t-on pu observer entre accompagnateurs et accompagnés ? Comment se sont-elles exprimées ?
Comment ont-elles évolué ? L’accompagnement a-t-il eu des effets sur la mise en équipe ?
Ou, inversement, l’accompagnement n’a-t-il été possible que dans les cas où les enseignants étaient déjà constitués
en équipe ?
Mais, d’abord, qu’est-ce qu’une « équipe » ?
On peut penser que le terme même d’équipe est d’usage assez courant pour que l’on puisse se passer de le définir.
Pourtant il mérite que l’on s’y arrête : le botaniste, ou le zoologiste, n’ont-ils pas donné aux mots « fleur », ou « insecte »,
un tout autre sens que celui que l’on rencontre dans les représentations communes, même si la définition « savante » n’est
finalement pas si éloignée des connaissances intuitives du sens commun ?
Dans la diversité des terrains, des dispositifs, des fonctionnements et des modalités de travail des enseignants, quels
caractères objectifs constituent les fondements à cette entité particulière qu’est l’ « équipe » ?
Quelle définition de l’équipe peut-on construire qui engloberait, sans ambiguïté et exhaustivement, la pluralité des
« équipes » in situ ?
L’idée communément véhiculée de l’équipe d’enseignants est cet « ensemble de personnes qui travaillent
ensemble » ; peu importe, dans cette définition spontanée, la nature et les modalités de ce travail en commun, ni les
motivations qui ont conduit ces « personnes » à « travailler ensemble ». Généralement, c’est sur le hasard des nominations
et des personnalités des uns et des autres que les enseignants font reposer la possibilité de « travailler ensemble » : c’est
parce que l’on s’entend bien, parce que l’on s’apprécie, que l’on a eu l’envie de travailler ensemble. Or, il apparaît un peu
léger de réduire le travail d’équipe à une affaire de personnalités.
Il semblerait qu’ une équipe soit d’abord un groupe de professionnels, c’est-à-dire un ensemble d’individus :
- dotés d’une identité professionnelle :
- d’une conscience professionnelle (orientant leurs actions vers la réussite de leurs élèves)
- de compétences professionnelles (qu’elles soient apprises, transmises, ou acquises), reconnues
et sanctionnées par l’institution qui emploie ces enseignants et les contrôle, après les avoir
recrutés et formés.
- soumis aux mêmes contraintes objectives de travail :
- l’école et son contexte,
- des collègues, qu’ils n’ont pas choisis,
- des règles de mutations qui, tantôt leur permettent de choisir de partir ou de rester, tantôt les
obligent à partir ou à rester,
- un temps de service dû à l’Etat, ne se limitant pas aux 26 heures à effectuer devant les élèves,
mais auxquelles s’ajoutent les temps institutionnels de concertation et le temps de préparation
personnelle, fluctuant selon les individus (moment de la carrière, expérience, efficacité et
rapidité de chacun, choix personnels).
On parlera « d’équipe professionnelle » lorsque les membres du groupe s’avèrent prêts, à un moment donné et sous
certaines conditions, à entrer dans une véritable posture de professionnels, c’est-à-dire :
- à dissocier les fonctions des personnes qui les assument ; donc à se considérer et à considérer leurs collègues non
plus comme des personnes (avec lesquelles « on s’entend bien », ou « on ne s’entend pas ») dotées d’une personnalité
(qui tantôt « dérange », tantôt « séduit », tantôt « hérisse »), mais comme des professionnels, dotés, comme eux,
d’une identité professionnelle et soumis à des contraintes identiques de travail ;
- à accepter de se concerter et d’échanger en vue d’une forme de coopération, apparaissant comme
productrice de solutions à des problèmes concernant l’école (violence, incivilité, relations avec les
parents), une partie de l’école ( un cycle), ou un élément plus isolé (une classe, de mauvais résultats aux
évaluations CE2, une CLIS).
La nature, et la qualité, des contenus des concertations et des échanges, d’une part, les formes de coopération, et
l’objectif qu’elles visent, d’autre part, constituent deux principes discriminants des réalités que nous avons rencontrées sur
le terrain. En effet, la proximité avec les écoles du dispositif, durant trois années, nous a permis de construire une typologie
d’équipes, reposant sur l’objectif, et les modalités observables, de leur coopération.
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Rapport académique juin 2002
Groupe
d’enseignants
ORGANISER :
LES TEMPS
LES ESPACES
UN PROJET
Les
enseignants
se
répartissent les ressources disponibles : les
salles spécialisées, les
intervenants, les aides
éducateurs, les créneaux
de sport, de piscine, les
budgets, etc.
Les enseignants peuvent
aussi se répartir les
tâches, ou les étapes,
que
nécessitent
la
réalisation d’un projet
(fête d’école, exposition,
sortie ).
Même si, à l’intérieur de
chaque
classe,
la
participation au projet
peut
constituer
un
vecteur d’apprentissage,
le projet n’est pas
explicitement, ni de
manière
concertée,
défini comme outil
d’apprentissage,
mais
presque toujours comme
une fin en soi.
Equipe
d’enseignants
AMELIORER :
LA QUALITE
DE CERTAINS
APPORTS
Des enseignants font
des échanges de
services afin de se
partager les disciplines à enseigner.
Ils font ce qu’ils
aiment le mieux,
sont ainsi dispensés
d’enseigner ce qu’ils
aiment le moins, ce
qui leur donne la
possibilité d’approfondir des connaissances disciplinaires.
En se délestant de
certains
domaines
disciplinaires,
ils
peuvent
consacrer
plus de temps de
préparation pour des
domaines
qu’ils
affectionnent
plus
particulièrement ou
pour lesquels ils se
sentent plus compétents : selon les
enseignants,
les
élèves ont ainsi des
apports de meilleure
qualité dans toutes
les disciplines.
TRAITER :
LES
DIFFICULTES
DES ELEVES
Des enseignants se
proposent d’améliorer
les résultats des élèves
dans
un
domaine
spécifique (l’oral, la
lecture, les maths).
Ils élaborent un fonctionnement spécifique
qui peut reposer sur la
prise en charge des
élèves par petits groupes
et qui peut recourir à
tous les adultes disponibles (aides éducateurs, maître supplémentaire,
maîtres
spécialisé, parents).
Une fois les considérations d’ordre organisationnel résolues, les
enseignants sont amenés
à échanger sur les
contenus, les progressions, les outils d’évaluation à mettre en
œuvre.
Quand
le
traitement des difficultés
des élèves repose sur la
constitution et la prise
en charge de groupes de
besoins
repérés,
la
réflexion
commune
gravite autour des outils
didactiques à inventer,
dont il faut tester la
pertinence et l’efficacité
sur des élèves ciblés :
les enseignants font
l’apprentissage
d’un
nouveau
type
de
professionnalisme.
HARMONISER :
LES PRATIQUES
LES DISCOURS
LES OUTILS
Les enseignants cherchent à
mettre
en
place
un
fonctionnement qui mette
l’enfant au cœur d’un
système pensé pour lui
permettre
de
mieux
apprendre.
Ils ont la certitude que ce
fonctionnement ne peut être
opérationnel et efficace que
si tous les adultes de l’école
adhèrent non seulement à
l’organisation
concrète,
mais aussi aux principes
éthiques et philosophiques
qui le sous-tendent, et qui
définissent
les
façons
d’approcher l’élève, de
l’accompagner, de l’évaluer.
Aussi les échanges entre
enseignants
gravitent-ils
autour des finalités d’un
dispositif qu’il ne s’agit pas
de trahir par des pratiques
contradictoires.
Que les élèves soient
répartis en classes (CP,
CM), ou en groupes à
géométrie variable (groupes
de niveau, groupes de
besoins, tutorat…), tous les
maîtres ont le souci de la
cohérence, qui ne se réduit
pas
nécessairement
ni
partout à une similitude des
façons de faire, mais
presque toujours à une
convergence,
à
une
connivence, des manières de
considérer l’enfant, comme
un être doté d’une histoire
(histoire personnelle mais
aussi histoire scolaire), et
acteur de ses apprentissages.
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Rapport académique juin 2002
Ainsi, le passage d’un groupe d’enseignants à une équipe enseignante nous semble déterminé par la motivation à
échanger et la finalité de ces échanges : qu’est-ce qui peut pousser des enseignants à s’asseoir autour d’une table et à
échanger ? Echanger pour quoi faire ?
Il nous semble que ce qui fait basculer un groupe d’enseignants organisé vers une véritable équipe , c’est le
consensus qui s’opère autour de la prise en compte de l’enfant considéré comme l’élément central déterminant des
manières d’être et de faire des enseignants.
Lorsque les enseignants s’accordent pour poser comme point de départ de leur réflexion professionnelle le fait que
l’enfant est une entité globale, et non simplement un élève qui passe de classe en classe, ils se trouvent dans l’obligation de
construire des continuités (continuité des apprentissages dans le cycle, continuité des méthodes, continuité des
fonctionnements, continuité dans les outils). Si ce consensus n’existe pas, l’école se réduit à une somme d’organisations
parfois concertées, parfois sophistiquées voire complexes.
L’accompagnement a contribué à la formulation de ce consensus minimal dont nous pensons qu’il est une condition
essentielle , nécessaire, mais probablement insuffisante, à la construction d’une équipe (d’autres conditions à l’émergence,
au fonctionnement et à la survie de l’équipe sont, on le verra, nécessaires).
Dans certains cas, l’accompagnement, par une sorte de maïeutique, en amenant chacun à mettre à plat ses ressentis,
ses difficultés, ses convictions, a permis au consensus de se formuler et de s’établir.
Ce consensus peut résider dans :
- la perception communément partagée d’un contexte quotidien difficile : élèves peu motivés par les activités
scolaires, peu disponibles pour les apprentissages, dont les résultats aux évaluations sont mauvais,
- le ressenti ou le constat d’un environnement agressif : comportements des parents, des familles, des enfants.
- la confrontation à un contexte nouveau : arrivée des aides éducateurs pour lesquels il faut inventer des modalités
d’intégration.
Un exemple de la nécessité de définir un consensus est illustré par la réflexion que mènent certaines
équipes sur le partenariat avec les parents (Branly à Denain ; Pont de Pierre à Gravelines ; Casanova à
Boussois ; Péguy à Arras). Si les équipes émettent spontanément le souhait de mieux connaître les
représentations que les familles développent sur l’école en général, et sur leur école en particulier, le
chercheur invite à s’interroger aussi sur les perceptions que les enseignants ont des parents, sur ce qui peut et
doit constituer un « bon » parent d’élève, un parent « impliqué ». Une action en direction des parents ne sera
possible, efficace, et réellement commune, que si l’on a abordé les questions suivantes : Pourquoi veut-on
réellement des parents à l’école ? Pour quoi faire ? Qu’attend-on des parents ? Que peut-on attendre des
parents ? Que doit-on attendre des parents ? Que peut-on attendre de ces parents-là ? Qu’entend-on par
« coéducation » ?
Si le consensus , même minimal, peut être établi autour de ces points, alors la réflexion menée
autour de « Comment s’y prendre pour attirer les parents à l’école ? » ou « Comment s’y prendre pour
impliquer davantage de parents à la vie de l’école ? » prend ici tout son sens.
L’accompagnement a invité chacun à s’exprimer et tous à s’écouter. L’extériorité et la neutralité de
l’accompagnateur autorisaient ce dernier à interroger les fonctionnements réels, à questionner les évidences, à poser des
questions en apparence naïves, et à recueillir ainsi des réponses de moins en moins méfiantes, de moins en moins pudiques,
à mesure que s’installait la relation accompagnateur/équipe accompagnée.
Parfois, en se posant en pointillé dans les écoles (l’idéal d’une régularité dans les visites n’ayant pu être
matériellement atteint), l’accompagnateur a ainsi amené les enseignants à se parler, à échanger, à écouter, à s’écouter pour
mieux s’entendre. A chaque passage des chercheurs dans les écoles, les enseignants acceptent de faire une pause, dans
l’urgence de leur action, pour prendre le temps de réfléchir ensemble sur l’objet sur lequel ils se sont accordés.
Par sa seule présence, le chercheur peut faire exister ces moments essentiellement consacrés à la réflexion, les rend
obligatoires, exclusifs de tout autre objet conversationnel, les inscrit dans une démarche rigoureuse, anime les
concertations et donne le ton aux échanges : convivialité, honnêteté et sincérité (« dire ce que l’on a sur le cœur » ) ,
retenue et décence (« ne pas laver son linge sale en public »). L’accompagnateur devient alors une sorte de médiateur.
Rien ne permet de préjuger des orientations des écoles qui n’ont pas bénéficié de ce dispositif. Seule une étude
comparative aurait pu mesurer l’évolution différentielle des cheminements réflexifs d’écoles qui , toutes choses égales par
ailleurs , n’auraient différé qu’au seul regard de l’ accompagnement ; mais ceci relève d’une toute autre recherche, d’un
autre dispositif, expérimental celui-là, dont on imagine toutes les difficultés de la mise en œuvre.
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Rapport académique juin 2002
8.2 Les effets de l’accompagnement sur la réflexion des équipes : glisser vers un recentrage sur
les apprentissages
Il existe, dans le contenu des échanges entre enseignants, des degrés de finesse et de sophistication. Quelle place
les enseignants réservent-ils aux modalités et aux contenus d’apprentissages ? Que savent-ils de l’enfant, de la manière dont
il construit ses apprentissages et ses savoirs, de la manière dont eux-mêmes inventent et construisent leurs pratiques
d’enseignement et d’évaluation ? Comment interrogent-ils les difficultés rencontrées, les modalités et les effets de certaines
situations d’apprentissage ? Sur quelles connaissances, théoriques ou empiriques, sur quelles intuitions, spontanées ou
professionnelles, sur quelles convictions fondent-ils leurs pratiques ?
Depuis le début de cette recherche, nous avons assisté à un glissement progressif des problématiques d'écoles en
direction des savoirs. En effet, à l'origine, les équipes pédagogiques s’engagent sur trois axes majoritaires:
-
le temps : temps de l'élève, mais aussi temps de l'enfant. Les mots suivants jalonnent les discours des
enseignants : aménagement de la journée, de la semaine, modification des horaires, organisation du
temps, emploi du temps, temps des apprentissages, temps scolaire, temps périscolaire, temps
d'accueil, temps de cantine, temps du midi, récréation, début d'après-midi, fin de matinée, rythmes,
fatigue, énervement. La question centrale est « quelle organisation du temps est-elle la plus propice
aux apprentissages ? »
-
le partenariat : partenariat interne (enseignant/enseignant, enseignant/maître supplémentaire,
enseignant/aide éducateur), mais aussi partenariat externe (enseignant/intervenant extérieur,
enseignant/parents, enseignant/personnel municipal), partenariat pédagogique, mais aussi partenariat
éducatif. Partenariat déjà en place, qu'il s'agit d'observer, de questionner (rôle, place et apports de
chacun), dans un souci d'amélioration, voire même de maîtrise (quand un partenariat trop large a fini
par échapper aux acteurs). Partenariat à construire, qu'il s'agit de définir, d'organiser. On entend alors
revenir sans cesse les mots suivants : cohérence, continuité, harmonisation, communication,
intégration, coordination, dialogue, entente. La question centrale est : « A quelles conditions le
partenariat a-t-il des effets positifs sur les élèves ? »
-
la difficile gestion de l'hétérogénéité des élèves : le public scolarisé évoluant avec le temps, les
enseignants pensent qu’il devient de plus en plus difficile de "faire classe comme avant", ou de « se
retrouver seul face à ses élèves », et de plus en plus urgent de trouver des manières de « faire classe
autrement ». Inventer, mettre en place, évaluer des dispositifs rompant avec les pratiques de classe
« traditionnelles », aujourd'hui jugées inefficaces par les acteurs. « Gérer, adapter, prendre en
charge, agir, améliorer, développer, remédier, aide, soutien, difficultés, besoins, remédiation,
accompagnement individualisé… » deviennent les mots-clés des discours sur les pratiques. La
question centrale est : « Comment gérer au mieux l'hétérogénéité de nos élèves ? Quel dispositif pour
quelle efficacité ? »
L’analyse des discours souligne des références communes : des mots comme ateliers, décloisonnement, éclatement,
petits groupes, 1/2 classe, groupe de besoin, groupe de niveau, groupe allégé, délestage… reviennent sans cesse, mots
communs aux trois champs de préoccupations qui se dessinent clairement alors.
Chercheurs et équipes d'écoles s’accordent pour faire de ces mots, renvoyant à des réalités tangibles, les objets de
recherche que l'I.N.R.P. invite à "mettre plus particulièrement sous la loupe".
Puis nous assistons insensiblement, lentement mais sûrement, à un glissement des questionnements des enseignants
sur les savoirs, les contenus et les modalités des apprentissages, champ initialement quasi inexistant.
Ce cheminement, tout en douceur, s'il n'a pas bouleversé la problématique de départ dans toutes les écoles, a
néanmoins toujours fait prendre conscience aux équipes de l'importance de cette dimension nouvelle : la question des
savoirs est incontournable, et si elle fait surface un peu plus tard dans le cours de cette recherche, c'est qu'elle engage une
mise à nu des pratiques et des choix pédagogiques de chacun, jugée parfois dangereuse, voire douloureuse, jamais sans
trace…
Pourquoi un tel glissement ?
Est-ce l'effet de la publication des livrets I.N.R.P., et du livret 2, en particulier, qui proposait une entrée « savoir » ?
Est-ce l'effet de l'accompagnement, et des stages (qui sont une modalité particulière d'accompagnement), où il était
expressément rappelé aux écoles qu'il faudrait, à terme, évaluer les effets des dispositifs et des actions sur les performances
des élèves, dans les différents champs, tant disciplinaires que comportementaux ?
Est-ce le fait d'inviter les équipes à définir des problématiques issues de leurs préoccupations de terrain, en rapport
avec leur projet d'école, qui a progressivement recentré la réflexion autour des savoirs, préoccupation pédagogique par
excellence?
Ou faut-il voir là le cours « naturel », « normal », de toute réflexion qui fait que, finalement, on revient à la question
de la construction des savoirs, parce qu'elle est fondamentale ? Certes, dès l'origine de cette recherche, la question de la
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Rapport académique juin 2002
construction des savoirs et des apprentissages n'était pas totalement absente. Certaines équipes avaient choisi de réfléchir
sur « le rôle de l'erreur dans les apprentissages », sur « les manières, et la pertinence de prolonger à l'école les
connaissances acquises dans le milieu familial », sur « la nécessité d'aménager la pédagogie Freinet face à l'évolution des
réalités sociales et économiques », sur « les effets d'une classe transplantée sur les comportements et les performances des
élèves », sur « les stratégies d'appropriation de la règle par les élèves », sur « les effets de l'utilisation optimalisée de la
B.C.D. » ou sur « les apports des nouvelles technologies (informatique) » sur les apprentissages des élèves, leur plaisir et
leur motivation à apprendre., ou bien encore sur « les situations qui donnent le goût et le plaisir de lire » …
Cependant devant la difficulté à définir un objet de recherche véritablement observable, devant les objets qui
s'imposaient comme plus prioritaires, plus urgents, plus fédérateurs aussi, ces axes ont été abandonnés, mais nos
« archives » conservent toute la trace, et la mémoire, de ce cheminement…
Avec l'émergence de la question des apprentissages, les entrées dans la recherche se sont diversifiées et affinées.
Ce glissement de la réflexion sur les apprentissages peut s’illustrer à travers le cheminement qui
s’est opéré autour du TEMPS.
En effet, à partir du constat d’une baisse de l’attention et de la concentration des élèves à
certains moments de la journée, les enseignants se sont lancés dans des perspectives d’aménagement du
temps de l’élève (J. Curie à Courrières, Philippe de Comines et Victor Duruy à Lille).
Certains, convaincus de la pertinence de réduire le « temps scolaire » à de simples horaires, se
sont heurtés à la difficulté de mise en place de changements d’horaires (Carlin à Boussois, Ferry à
Roubaix).
D’autres ont réfléchi à un aménagement du temps de l’enfant, temps péri scolaire et temps extra
scolaire, dont ils pensent qu’ils influent sur le cadre scolaire, sur la disponibilité des enfants face aux
apprentissages (A. France à Armentières ; Auriol à Wingles ; Ferry à Hem ; Kennedy à Cambrai ;
Ronsard à Roubaix ; Blanche-Neige à Fourmies ; R.P.I. à Enquin-les-Mines ; Ferry à Noyelles-Godault).
Enfin, d’autres ont réfléchi à une redistribution plus appropriée des activités tout au long de la
journée, voire de la semaine (maternelle A. Comte à Lille, R.P.I. à Lottinghen ; R.P.I. à Menneville).
Sachant que les creux de vigilance sont biologiquement programmés, les enseignants ont abandonné la
question « comment rendre les enfants plus attentifs à des moments où ils le sont le moins ? » pour se
pencher sur cet autre questionnement : « Que faire avec des enfants moins attentifs ? ».
Le glissement vers les contenus s’opère à ce point précis de bifurcation du cheminement
réflexif.
Ainsi, la réflexion gravitant autour du temps de l'enfant ne se préoccupe plus seulement d'
"adapter la journée d'école aux rythmes biologiques de l'enfant", mais envisage de revisiter toutes les
disciplines de manière à y opérer un tri, entre d'une part, les activités très coûteuses pour l'enfant, en
termes de vigilance, d'attention, de concentration, de mémoire, et d'autre part, celles qui le sont moins, et
ce, en dépassant (et l’accompagnement peut aider à ce dépassement) la dichotomie facile, mais simpliste,
entre « activités scolaires », dites « fondamentales » ou « essentielles », et toutes les autres, caractérisées
de « ludiques », de « moins fondamentales », voire de « facultatives ». Le réflexe quasi systématique de
programmer le sport ou les activités plastiques en fin de journée est passé sous la loupe : est-ce vraiment
en fin de journée que les enfants sont les moins attentifs ? N’y a-t-il pas pour certaines activités sportives
ou artistiques de réelles exigences en matière de concentration et d’attention ? L’apprentissage d’une
nouvelle règle de jeu collectif, ou d’une nouvelle technique manuelle, la confrontation à une nouvelle
prise de risque, ne requièrent-ils pas un degré élevé de vigilance ? Il y a bien dans les activités sportives,
des tâches qui requièrent un haut degré de concentration, mobilisant des capacités à mémoriser ou à
comprendre, qu'il est peu pertinent de programmer à des moments de la journée, ou de la semaine, où
l'on estime « ne plus pouvoir rien tirer des élèves ». Il ne s'agit donc plus seulement d'intercaler les
activités mathématiques ou de maîtrise de la langue dans des créneaux repérés comme les plus propices
(compte tenu des connaissances en chronobiologie, des observations, voire des mesures, opérées par les
équipes) - d'ailleurs, la multiplicité et la multiplication des intervenants rendent souvent impossible une
telle distribution des activités disciplinaires dans « l'emploi du temps » -, mais d'identifier, dans les
apprentissages mathématiques, les tâches susceptibles d'être programmées en fin de matinée, ou en début
d'après-midi, identifiés comme des moments de baisse de l'attention et de la vigilance chez les enfants.
Certaines équipes se sont interrogées sur les modalités d’organisation pédagogique et sur les
contenus d’activités qui mobilisent le plus l’attention et l’intérêt des élèves : quelles conditions
l’expérience enseignante permet-elle d’inventorier qui motivent et stimulent la participation des élèves ,
quel que soit le moment de la journée où ces activités sont programmées, et quels que soient les
domaines disciplinaires, y compris dans les domaines qualifiés de « scolaires » (Gallieni à Lambres-lesDouai).
Enfin, cette réflexion autour de l’aménagement du temps de l’élève, débordant sur
l’aménagement du temps de l’enfant, s’est doublée d’une investigation sur la manière dont les enfants
construisent leurs apprentissages (M. Denvers à Gravelines) et sur la rentabilité d’un apprentissage en
massé (module composé de séances concentrées dans un temps donné relativement court) comparée à
celle d’un apprentissage en filé (composé de séances régulières mais espacées dans le temps) ;
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l’efficacité, si elle est démontrée, vaut-elle quel que soit l’âge des enfants ? quelles que soient les
compétences disciplinaires travaillées ?
Un autre exemple encore illustre assez bien ce mouvement de recentrage vers les
apprentissages (Groupe Prévert à Villeneuve d’Ascq) : l’équipe a pris le temps de s’arrêter sur un certain
nombre d’effets pervers d’un fonctionnement déjà ancien, largement éprouvé et inscrit dans une longue
tradition d’innovation. Dans un dispositif mis en œuvre pour développer l’autonomie et la responsabilité
et permettre aux élèves d’être acteurs de leurs apprentissages (ou plus exactement acteurs de la gestion
de leurs apprentissages dans un temps donné), certains enfants passaient « à travers les mailles du filet »,
et arrivaient mal préparés à l’entrée du cycle suivant. Si les objectifs éducatifs sont effectivement
réalisés, les objectifs d’apprentissage avaient perdu en priorité face à ce souci initial d’offrir à l’enfant un
environnement favorable à l’épanouissement de la personnalité ; la réflexion se recentre donc autour de
la nécessité pour les maîtres d’orchestrer les apprentissages et de programmer les contenus des « leçons »
à des moments rendus obligatoires ; elle permet de réajuster le précédent dispositif où l’enfant se
présentait (ou ne se présentait pas toujours) au maître avec des demandes et des besoins spécifiques, et de
reconstruire un nouvel équilibre entre l’enseignant redéfini comme maître des apprentissages et l’élève,
toujours respecté comme acteur de ses apprentissages (contrat et outils de positionnement).
De flottantes, les interrogations se sont donc précisées et recentrées, mais elles se sont enrichies aussi, en s'inspirant
notamment de l'entrée ELEVES.
Ainsi, pour aménager au mieux la journée de l'enfant et l'adapter à ses rythmes, on s'est
préoccupé de savoir comment les élèves vivaient les différents moments de la journée; pour organiser des
ateliers pendant le temps du midi, on s'est soucié de recueillir les goûts et les besoins des élèves (Kennedy
à Cambrai).
De même, pour construire la cohérence d'un PARTENARIAT (Pagnol à Maubeuge ; P. de
Comines et V. Duruy à Lille ; Brossolette à Oignies), on s'est interrogé sur la manière dont l'élève
percevait les prises en charges multiples.
Beaucoup d’équipes ont opté pour une entrée dans la recherche par les SAVOIRS, encouragées
sans doute par l’accompagnement à choisir des objets de recherche émergeant de leur projet d’école, de
manière à ne pas multiplier les axes de réflexion et les temps de concertation, et gravitant autour des
difficultés des élèves dans le domaine de la langue écrite (P. Eluard à Coudekerque-Branche ;
Amfroipret ; Les Tilleuls à Raimbeaucourt ; Condorcet à Heuringhem ; Rostand à La Madeleine ; P&M.
Curie à Le Cateau-Cambresis ; Ferry à Hem ; J. Curie à Aulnoye Aymeries ; Salengro à Courcelles ;
Gallieni à Lambres-les-Douai ; P. Godin à Sequedin ; Curie à Courrières ; O. de Serres à Roubaix), de la
langue orale (Saint-Exupéry à Petite-Forêt ; Groupe Freinet à Grande-Synthe ; L. Lambert à Coutiches),
ou bien encore dans le domaine des mathématiques (Gambetta à Waziers ; Gambetta à Marles-les-Mines ;
Saint-Exupéry à Méricourt ; J. Curie à Aulnoye-Aymeries).
Pour remédier aux difficultés de lecture, on a pensé analyser les compétences nécessaires à l'acte
de lire et à demander aux élèves comment ils s'y prenaient pour entrer dans l'écrit (L. Lambert à
Coutiches); pour remédier aux difficultés de réinvestissement du code de l'écrit, on a jugé pertinent
d'observer les élèves, d'être plus attentif aux "fautes" commises, de s'enquérir de leurs stratégies, afin de
concevoir des outils réellement adaptés et individualisés (P. Godin à Sequedin) ; pour comprendre
pourquoi certains élèves ne parlent pas en classe, on leur a tout simplement posé la question (Groupe
Freinet à Grande-Synthe) ; pour remédier aux difficultés des élèves en résolution de problèmes, on leur a
demandé d’expliciter leurs propres procédures (Saint-Exupéry à Méricourt) .
Et pour comprendre pourquoi les élèves n' utilisaient pas les outils mis à leur disposition, ou les
utilisaient mal, on a tout simplement pensé à leur demander quel sens ils avaient pour eux-mêmes et
quelles stratégies ils mettaient en place, et substituaient au recours à des outils que les maîtres avaient
pourtant conçus comme des aides appropriées (Groupe Prévert à Villeneuve d’Ascq).
Dans cette recherche, l'élève est devenu un informateur privilégié et incontournable…
Quel est l’effet de l’accompagnement sur le cheminement des écoles, sur l’approfondissement de la réflexion et sur
le glissement du contenu des échanges depuis des considérations organisationnelles (certes nécessaires) vers les contenus
disciplinaires, la construction des savoirs et les modes d’apprentissages ?
Par la maïeutique qu’il insuffle, l’accompagnement a déplacé le contenu des échanges vers une dimension plus
pédagogique, voire plus didactique. Dans leur volonté d’agir et de remédier aux difficultés des élèves, les enseignants se
sont d’abord penchés sur des considérations organisationnelles et matérielles, dont la résolution exige parfois beaucoup de
temps, surtout quand le dispositif recourt à l’utilisation de personnes supplémentaires et s’inscrit dans un ensemble de
contraintes telles la disponibilité des espaces et des personnes à un moment donné ; mais l’accompagnement va inviter à
réfléchir aux activités à mener en direction de ces enfants repérés : Que va-t-on faire ? Comment va-t-on le faire ? Qu’estce que les aides éducateurs, quand ils sont comptés parmi les ressources disponibles, sont-ils en mesure de faire ? Quelle
prise en charge des élèves est-il possible, est-il permis, de leur demander ? Comment évaluer le travail réalisé , les progrès
des élèves ?
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Rapport académique juin 2002
Enfin, certaines équipes, désireuses de mettre en place des actions de remédiation en direction de besoins ciblés des
élèves, ont exprimé la nécessité pour elles de comprendre les stratégies mises en œuvre par les élèves, ainsi que les
différents aspects techniques et cognitifs, sociaux et affectifs, contenus dans les actes de lire, d’écrire, et de comprendre,
formulant ainsi de réels besoins de formation.
Dans cette démarche, derrière les choix pédagogiques s’expriment d’autres choix, plus idéologiques : un regard
nouveau porté à l’élève reconnu comme un informateur privilégié, à qui l’on reconnaît le droit à l’erreur et la capacité à
élaborer des stratégies propres, pour construire ses savoirs ; une remise en cause du statut de l’adulte, plus en retrait, ne
détenant pas nécessairement la vérité.
Le cadre que nous proposons n’est pas très éloigné de celui qui préside à l'action en général, mais le temps ou une
démarche rigoureuse manquent souvent pour formaliser ces réflexions, néanmoins indispensables pour amener une
meilleure réussite des élèves.
En effet, devant l'urgence des problèmes à résoudre, les équipes règlent l'aspect organisationnel de l'action, dans ce
qu'elle a de plus pratique et de plus pragmatique (qui fait quoi, quand, où, avec quels élèves ?).
Elles échangent plus rarement sur les contenus et les méthodes (que fait-on avec les élèves et comment le fait-on ?),
se réfugiant dans l'implicite et dans la certitude que parce que l'on fait le même métier, on a nécessairement les mêmes
objectifs, les mêmes manières de faire : les enseignants font ainsi souvent preuve de solidarité et de confiance envers les
collègues (« on fait tous bien notre métier », « il est aussi capable que moi », « je ne sais pas ce qu'elle fait dans sa classe
mais c'est une collègue qui s'investit ») , de modestie et de pudeur (« je crois que ce que je fais, beaucoup le font : ça n'a
rien d'exceptionnel »).
Les questions émanant de la curiosité naturelle du chercheur et apparaissant parfois naïves , mais jamais malsaines
(car dépourvues d’enjeux institutionnels) sont formulées simplement : « Comment vous y prenez-vous ? Comment faitesvous avec ces enfants-là ? Pourquoi procédez-vous de cette manière ? ».
Pour faire comprendre leur action, pour la légitimer, les enseignants doivent démonter, en les formulant, en les
explicitant, en les débusquant parfois, les logiques dont elles émanent.
En confrontant leurs différentes manières de faire, toujours relatives à un contexte spécifique, les équipes
comprennent que d’autres modalités d’action sont possibles, mais que le caractère contextualisé invite toujours à considérer
avec beaucoup de discernement et de prudence. Le foisonnement des idées et des actions n’est pas sans laisser émerger des
doutes, des incertitudes, des remises en cause.
Les actions sont souvent présentées par les enseignants comme « adaptées », c’est-à-dire, si on reprend les discours
des maîtres, respectant la psychologie de l’enfant et les instructions officielles, ou institutionnelles.
Toujours par le même procédé maïeutique, l’accompagnement peut interroger, et amener à décortiquer, cette notion
« d’adaptabilité » de la réponse, en la replaçant effectivement dans le cadre des instructions officielles (« En quoi cette
réponse sert-elle les apprentissages et la réussite des enfants ? »), et dans le cadre de ce que les enseignants connaissent de
la psychologie de l’enfant (« En quoi cette réponse sert-elle la manière dont les enfants construisent leurs
apprentissages ? »).
Enfin, l’accompagnement a peut-être joué un rôle dans le rappel de la nécessité d’évaluer l’action et dans la
recherche des modalités et des outils d’évaluation. Etablir un consensus autour de la nécessité de l’évaluation n’est pas
chose évidente : l’évaluation s’avère tantôt négligée face à d’autres urgences ou d’autres priorités, tantôt abandonnée face
à l’ampleur de la tâche ou à l’absence d’outils disponibles . En invitant à inventorier et à affiner des indicateurs pertinents
et objectifs, on fait la démonstration que l’évaluation est possible si elle reprend ces indicateurs comme critères
d’évaluation .
L’accompagnement a pu jouer un rôle dans l’établissement d’ un consensus autour de la nécessité, et de la
possibilité, d’inventer et d’élaborer des outils d’évaluation adaptés à ce que l’équipe cherche à évaluer précisément.
Cette évaluation nous semble être de surcroît une condition de la durabilité du travail en équipe.
En effet, seule l’efficacité du dispositif, en termes de réussite de l’élève, peut accorder crédit et crédibilité à des
fonctionnements qui peuvent paraître « coûteux » à ceux qui les intègrent, ou les observent de l’extérieur ; la rentabilité
d’un fonctionnement d’équipe nous semble déterminant dans le dynamisme, parfois militant, des enseignants, et dans la
survie même de l’équipe, qui peut perdurer en dépit des changements de personnes : c’est parce qu’un dispositif marche, et
est démontré marcher, parce qu’il apporte un « plus » à l’élève, qu’il peut se reproduire, indépendamment des agents qui le
traversent.
8.3 Les effets de l’accompagnement sur l’innovation : glisser vers un changement doux, mais
concerté et motivé, des pratiques
Il faut ici distinguer clairement les fonctionnements innovants d’une part, des équipes innovantes d’autre part.
L’expérience de l’accompagnement a révélé qu’un fonctionnement pouvait être innovant sans que celui-ci soit le fait d’une
équipe innovante, voire d’une équipe tout simplement. En effet, certains dispositifs dits « innovants » peuvent très bien
exister en dehors d’une « équipe », quand ils sont mis en place sous l’effet d’une impulsion venant de l’extérieur (politique
municipale, intégration dans un projet d’aménagement du temps scolaire ou de partenariat).
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Rapport académique juin 2002
On appellera « équipe innovante » une équipe qui cherche à inventer et à instaurer des fonctionnements adaptés à
des objectifs définis en commun et à des besoins mieux ciblés des élèves, sans perdre de vue l’évaluation de l’efficacité de
ces fonctionnements, étant entendu que le dispositif innovant doit apporter un « plus » à l’élève.
Entre le « banal » et l’ « exotique », il existe, aux yeux des observateurs extérieurs, une gradation des innovations,
qui ne doit pas occulter le fait qu’une « innovation » n’a statut d’innovation que pour les agents qui l’ont produite, quand
elle introduit, relativement à un fonctionnement précédent, certains changements.
A l’origine, les écoles devaient ouvrir à l’observation des fonctionnements qui marchaient plutôt bien,
conformément à cet esprit initial de la recherche de mutualisation des pratiques.
Certaines écoles l’avaient compris, et avaient adhéré avec cette intention de faire connaître et de diffuser des
dispositifs qu’elles jugeaient innovants.
Mais beaucoup d’écoles étaient entrées dans la recherche mal assurées du bien fondé et de l’efficacité de leur action,
en demande précisément de ce regard extérieur, pas nécessairement bienveillant, qui pourrait l’évaluer.
Certaines avouaient même être confrontées à des difficultés quotidiennes et n’avoir rien à « montrer »…
Le décalage était grand entre des intentions premières d’une recherche qui visait la diffusion et la mutualisation de
pratiques éprouvées, et la réalité des écoles, plutôt en recherche de solutions à des problèmes vécus au quotidien.
Ce décalage, plutôt que de desservir les orientations de la recherche I.N.R.P., a finalement dynamisé et favorisé la
réflexion et les transformations des pratiques. Les enseignants sont entrés dans une posture nouvelle de recherche et
d’invention de pratiques nouvelles, donc dans une démarche de transformation de leurs pratiques, alors qu’ils se
montraient, à l’origine, dans des prédispositions fort disparates quant à l’idée même de changer des fonctionnements, des
façons de faire.
Quel que soit le constat initialement formulé par les écoles, la réflexion a presque toujours abouti à une remise en
cause des pratiques : faire dans sa classe autrement ; faire sa classe autrement ; faire autrement que seul dans sa classe.
On pourrait presque dire que l’accompagnement a produit auprès des enseignants des effets, parfois insoupçonnés,
similaires à ceux qu’ils espèrent eux-mêmes obtenir auprès de leurs élèves.
Ainsi, l’accompagnement a permis aux enseignants de prendre confiance en eux-mêmes, de prendre conscience de
la nécessité et de la possibilité de devenir leurs propres recours dans la recherche de solutions spécifiques ; il leur a fait
accepter une certaine prise de risque, toujours mesurée, dans l’exercice de leur métier ; il leur a autorisé le droit à
l’erreur, au tâtonnement ; il les a aidés dans l’évaluation de leurs pratiques, dans l’auto-évaluation de leurs
fonctionnements ; il a contribué à faire s’exprimer des besoins ciblés en formation, voire à recourir à l’autoformation ; il
les a conduit à formuler les logiques cohérentes sous-jacentes à leur action, donc à donner du sens à leurs
enseignements… Ces dimensions, qui se sont insinuées dans l’exercice du métier enseignant , ne les retrouve-t-on pas
aussi , au niveau de l’élève, comme des conditions jugées favoriser leurs apprentissages ?
Il ne nous semble pas exagéré de pousser l’analogie jusqu’à évoquer aussi l’émergence d’une « zone proximale
d’innovation », l’accompagnement invitant à avancer dans cette démarche de transformation des pratiques, mais
prudemment, à la condition que le changement soit introduit de manière prudente et mesurée, et n’apparaisse pas trop
radical aux yeux des agents.
Voici quelques exemples attestant de ce glissement vers une remise en cause et une
transformation des pratiques existantes .
Le constat « nos élèves ne sont pas motivés par les apprentissages » finit, imperceptiblement, par
être imputé à ce que l’élève vit à l’école :
-modes d’apprentissages trop collectifs, trop traditionnels, pédagogie frontale : les équipes
mettent en place des « décloisonnements », c’est-à-dire des éclatements des classes en petits groupes,
dont l’encadrement et l’animation sont permis par le recours aux adultes disponibles, faisant l’hypothèse
que cette « nouveauté » introduite dans l’organisation et la gestion habituelles des classes dynamisera les
élèves. Mais la transformation des structures, même très ponctuelle (x moments par semaine)
s’accompagne d’une répartition des élèves, mais aussi des contenus et d’un questionnement autour de ces
contenus : à quoi sert l’éclatement des classes en petits groupes si l’on continue d’y reproduire un schéma
frontal, si les enfants y mènent des activités toujours aussi « scolaires » et « peu motivantes » ?
-modes d’apprentissages trop abstraits, trop coupés des manipulations, des expériences, du vécu
des élèves : les équipes recherchent de manière concertée des modalités de travail plus ludiques, plus
actives, reposant sur des réalisations de projets, ou de mini projets (Prévert à Villeneuve d’Ascq ; Centre
à Escautpont ; J. Guesde à Auby). Pour être encore plus motivants, ces projets s’ouvrent sur l’extérieur,
voire s’ouvrent à l’extérieur, de sorte que le travail , ainsi valorisé, devient du même coup valorisant pour
ceux qui l’ont produit. En même temps c’est toute l’image de l’école qui s’en trouve modifiée. Les projets
d’exposition sont des vecteurs occasionnels d’apprentissages ; certaines équipes réfléchissent pour faire
de ces projets le point de départ de tous les apprentissages: cela suppose que l’on puisse relier les
expositions non seulement avec ce qu’elles permettent d’apprendre à un moment t sur un thème x mais
aussi avec ce qu' elles devraient permettre d' apprendre, conformément aux objectifs d’apprentissage
touchant tant au domaine des compétences transversales qu’à celui des compétences disciplinaires. Cela
suppose aussi que de nouvelles modalités et de nouveaux outils d’évaluation soient inventés, qui soient
plus individualisés ; le statut du maître s’en trouve modifié et l’action qu’il mène vient alors en retrait, en
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Recherche INRP « Bâtir l’école du XXIe siècle » - Sylvie Considère - Nicole Dubois
Rapport académique juin 2002
complément ou en aide au travail de l’élève. Les apprentissages sont rendus possibles dans le parcours de
chacun, qu’il recoure ou non au maître, et non parce qu’ils sont des produits collectivement imposés et
délivrés par le maître.
De même, le constat d’une « gestion difficile des actes d’incivilité », découle une réflexion qui
s’est d’abord portée sur l’inventaire des causes externes et sociales de la violence, pour le dépasser
ensuite :
-définir des modalités d’action débouchant sur la nécessité d’élaborer des règles de vie
collective, réfléchir aux conditions de leur élaboration, mais aussi de leur respect ,
-accepter de remettre en cause la vigilance des enseignants, voire d’analyser certaines pratiques
enseignantes et d’oser les dénoncer comme génératrices de violence.
Enfin, un dernier exemple renvoie à la manière dont une organisation ponctuelle en groupes de
besoins à l’intérieur d’un cycle peut avoir des répercussions sur la pratique quotidienne de la classe
(Groupe Freinet à Grande-Synthe). Décidant de poser le langage à l’école comme un objectif
d’apprentissage prioritaire, fédérant les maîtres depuis le cycle 1 jusqu’au cycle 3, et mobilisant un
dispositif d’éclatement des classes à des moments définis dans le temps scolaire, les enseignants
déclarent « ne pas faire tout à fait classe de la même façon qu’avant » quand ils retrouvent leur groupe
classe habituel ; la prise en compte des besoins de chacun, la remise en cause du statut de l’enseignant, la
place privilégiée accordée à l’enfant comme acteur et informateur, l’attention que les maîtres portent à
l’explicitation des objectifs d’apprentissage, y compris face à des enfants de maternelle, le souci de
valoriser et d’encourager les élèves, même les plus en retrait, deviennent autant de réflexes qui,
inconsciemment, guident les pratiques quotidiennes de classe.
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Rapport académique juin 2002
CONCLUSION
Le temps de l’enseignant
Au cours des années consacrées à cette recherche, les enseignants rencontrés ont tous abordé la question du temps.
Le texte de la charte de l’école du XXIe siècle met en évidence une problématique autour du temps de l’enfant avant,
pendant et après la classe, problématique que les maîtres ont eu à cœur de prendre en compte. En ce qui concerne les
enseignants, le texte de la charte propose une réflexion visant à repenser le métier du professeur des écoles mais sans
émettre d’hypothèses quant aux termes de cette réflexion.
Un temps institutionnel
Le temps dont les enseignants parlent est celui qu’ils doivent consacrer à leurs préparations. Traditionnellement, le temps de
travail du maître du premier degré, est utilisé à des leçons et activités devant les élèves (26 heures hebdomadaires), à des concertations
institutionnelles - conseils des maîtres, conseils de cycles, animations pédagogiques - (1 heure hebdomadaire) et aux préparations de la
classe. Ces dernières concernent un temps qui n’est soumis à aucune contrainte horaire, chaque maître s'organise à sa manière pour
remplir cette tâche, ce qui contribue peut-être à une perception faussée de ce temps de travail considéré comme un temps personnel. Ces
différents temps sont fortement utilisés d'où le questionnement des enseignants quant à des moments de réflexion à mener en équipe pour
entrer dans la recherche proposée par l'INRP.
Un besoin de trouver du temps supplémentaire
Le besoin de concertation existe dans toutes les écoles où les enseignants travaillent en équipe. Il est important
d'échanger entre collègues et les conseils de maîtres ou les conseils de cycles ne suffisent à aborder qu'un minimum : on y
parle des élèves, surtout de ceux qui rencontrent des difficultés et de l'organisation de l'école.
Lorsque l'équipe cherche à améliorer le fonctionnement de l'école dans son ensemble afin qu'elle offre davantage de
possibilités de réussite aux élèves, le temps consacré aux concertations augmente de manière significative. Ce temps passé
est plus conséquent lorsqu'un fonctionnement nouveau se met en place : il s'agit d'identifier des besoins prioritaires,
d'échanger sur les solutions possibles, se mettre d'accord sur le choix des actions à mettre en place, imaginer une
organisation tenant compte de toutes les contraintes, prévoir les évaluations ad hoc. Lorsque le dispositif fonctionne, le
temps nécessaire aux concertations diminue mais demeure nécessaire aux inévitables ajustements tant matériels que liés
aux contenus qui, nous avons pu le constater, conduisent les maîtres à approfondir leur réflexion et à échanger sur leurs
pratiques et sur les contenus d'apprentissage.
Un temps négocié
Dans certaines circonscriptions, des équipes ont eu la possibilité d’utiliser des temps d’animation pédagogiques pour se concerter.
Les contenus de ces concertations sont liés à des besoins clairement identifiés à la fois par l’équipe et par l’inspecteur : constituer un
fichier mathématiques pour le cycle 3, mettre en place un projet théâtre, réfléchir sur des axes de la recherche INRP. L’inspecteur offre,
par le biais de ces temps accordés, un moyen à l’équipe d’approfondir une réflexion. En retour, les enseignants rendent compte de
l’avancée de leurs travaux. Certaines de ces équipes peuvent se sentir en marge des autres écoles et de certains projets de circonscription.
Un temps consenti
Des temps d'échanges, acceptés par chaque membre de l'équipe, constituent, nous en sommes convaincus, de vrais
temps de formation. Cependant, si cette manière de travailler en équipe représente une force au regard d'une meilleure
performance de l'école, elle ne peut s'appuyer sur la seule bonne volonté librement consentie par les membres de l'équipe
car c'est essentiellement là que se situe sa fragilité. En effet, nous avons pu voir fonctionnements d'école remis en cause,
des réflexions menées par des équipes s'éteindre par le seul refus d'un collègue de s'engager dans un travail collectif. Refus
que les autres ne peuvent que respecter puisque le temps de concertation indispensable est perçu par tous comme étant pris
sur un temps personnel ("lorsqu'on participe à une réunion, le travail de préparation ne se fait pas"). Ainsi, le travail en
équipe est ressenti comme un travail supplémentaire que l'on peut choisir d'assumer ou non.
Un temps convivial
Certains temps de concertation sont informels, tels les regroupements en salle des maîtres autour du café durant les
récréations. Il se dit un grand nombre de choses importantes durant ces brefs instants. On y aborde, à deux ou en petits
groupes, les sujets les plus divers dont la plupart touchent à la vie professionnelle : des idées d'actions y sont plus ou moins
développées, des envies de travailler ensemble sur un sujet naissent, des solutions à une organisation matérielle peu
satisfaisante s'élaborent, ce qui pose parfois le problème de la communication dans l’équipe.
Un temps régulièrement instauré
Certaines équipes, que nous avons rencontrées, ont mis en place un fonctionnement dans lequel une place a été
donnée de manière régulière à la concertation. Il s'agit d'une ou deux heures par semaine sous la forme de réunions ayant
toujours lieu le même jour et dont l'ordre du jour concerne des dispositifs collectifs. Ces moments de rencontre perdurent
d'autant plus que le travail qui y est fourni apporte véritablement quelque chose à chacun : une pratique de classe
renouvelée ou améliorée dans une discipline, des outils tels que fiches exercices, évaluations, documents, construits
ensemble ou échangés, des contenus programmés au sein d'un cycle, une solution à un problème posé par des élèves en
difficulté.
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Rapport académique juin 2002
Un temps inventé
Certaines équipes réfléchissent à des modalités de concertation pouvant s’inscrire dans le temps scolaire : un maître
pourrait superviser le travail en autonomie et sur fiches d’un grand nombre d’élèves pendant que d’autres prépareraient des
évaluations, traiteraient les dossiers des élèves en difficulté ou travailleraient avec un aide éducateur sur les contenus des
prochains ateliers ; un intervenant en musique pourrait animer une chorale d’école pendant que des maîtres se
concerteraient.
Un temps mieux géré
Les temps consacrés aux échanges collectifs doivent faire l’objet d’une grande rigueur. Certaines équipes ont
instauré des règles simples permettant une efficacité accrue : un ordre du jour est respecté, les prises de paroles ne sont
plus anarchiques, les contenus abordés ne sont jamais anecdotiques, les cas particuliers évoqués ne servent qu’à illustrer
une généralité, des modalités d’échanges font intervenir le petit groupe, l’assemblée plénière, la synthèse, le compte rendu.
Du temps peut aussi être « gagné » sur certaines tâches dont certains enseignants pensent pouvoir faire l’économie,
tel le cahier journal par exemple. L’école s’inscrivant dans une société en changement, ne faut-il pas modifier la priorité
des tâches imposées aux maîtres ?
Quelques propositions
Si chacun des membres de l'équipe est convaincu que le travail de concertation est susceptible de lui permettre
d'améliorer sa pratique professionnelle, de rompre avec la solitude de l’enseignant, de trouver un soutien face à un
environnement jugé agressif, la volonté de s'y engager peut être durable.
Il semble que, pour éviter l'essoufflement ou la baisse de motivation, certaines conditions sont à respecter : centrer
les échanges sur des contenus qui apparaissent aux maîtres comme primordiaux (les contenus d'apprentissage sont l'une des
préoccupations importantes des maîtres), veiller à avancer progressivement dans la mise en place des dispositifs afin que
leurs effets soient perceptibles.
Apprendre à travailler en équipe
Travailler en équipe n’est pas donné en soi mais suppose des savoir faire, des techniques, qu’il conviendrait
d’intégrer dans la formation : il faut apprendre à s’intéresser à l’autre, apprendre à exprimer des idées construites, savoir
identifier le rôle que jouent certains individus dans un groupe (leader par exemple), apprendre à gérer des relations
conflictuelles sans que cela nuise au travail du groupe…
Valoriser les productions du travail d’équipe
Peut-être faut-il que le fruit du travail né de ces concertations puisse être mis en valeur. Au cours de cette recherche,
certaines équipes ont rédigé des analyses de leurs travaux très intéressantes qu’il conviendrait de faire connaître sous une
forme qui permette la diffusion et incitant à la lecture. En effet, nous avons là quelques recommandations contextualisées
qui pourraient être fort utiles à d’autres équipes voire aux jeunes enseignants.
Peut-être pourrait-on s’appuyer sur le Bulletin Départemental ou les services de publication du Centre Régional de
Documentation Pédagogique : une collection de recueils concernant des dispositifs mis en œuvre et analysés par des
équipes enseignantes aidées dans cette tâche par un « accompagnant » (tel que nous l’avons défini au cours de cette
recherche), constituerait un outil d’aide à l’innovation pédagogique.
La diffusion des expériences innovantes des écoles peut aussi passer par un site internet 2. Si une habitude de travail
et d’échanges via internet se développait, des réseaux de connaissances et d’expérience pourraient alors se développer
favorisant du même coup une dynamique d’innovation dans les écoles. Ce travail d’échange en réseau demande, bien sûr,
un certain suivi qui devra porter à la fois sur les contenus des innovations proposées, sur la mise en forme des écrits et sur
la « mise en ligne » de toutes les données consultables.
Une autre manière de faire connaître aux enseignants ce qu’inventent les enseignants serait d’organiser des journées
d’études thématiques ou un séminaire (tous les ans ou tous les deux ans) ouverts à tous les personnels intéressés et qui
pourraient leur donner l’opportunité de présenter certains de leurs travaux, de se rencontrer et d’échanger sur leurs
pratiques mais aussi de se former.
2
Le site qui hébergera les résultats de cette recherche est en construction au moment où nous écrivons ce rapport. Il est
probable qu’on y accédera par le site de l’IUFM (www/lille.iufm.fr) ou par le site académique. L’équipe de pilotage de la
recherche aidée par Jean-Yves Jeannas, y a déjà mis les divers résultats mis en forme par les enseignants.
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Rapport académique juin 2002
Institutionnaliser le travail d’équipe
Peut-être faut-il aussi que ce temps indispensable au travail en équipe soit plus institutionnalisé, c’est-à-dire repéré
par tous comme un temps de travail nécessaire à l’exercice du métier de professeur des écoles.
Les stages peuvent apparaître comme un moyen de reconnaître le travail en équipe. En effet, telsque nous les avons
conçus, les stages offerts aux écoles de l’échantillon devaient permettre à chaque équipe de mener une réflexion susceptible
d’apporter une formation aux maîtres. L’encadrement ne concernait que la moitié du temps de stage laissant ainsi aux
enseignants l’opportunité d’échanger mais aussi de construire, en autonomie, leurs propres outils.
Reconnaître aux enseignants la possibilité de déterminer eux-mêmes leurs besoins en formation, de s’auto former ou
de recourir à des apports extérieurs, lectures mais aussi interventions de spécialistes, peut contribuer à améliorer les
pratiques professionnelles et la réussite des élèves.
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ANNEXE 1
Recherche INRP – Ecole du XXIe siècle
Budgets réalisés en euros
Années
Visites écoles
Déplacements réunions chercheurs
Repas chercheurs
Déplacements responsables de projet
Vacations chercheurs
Secrétariat – fongible - mobilier
Stages (repas)
Colloque
Vacations chercheurs
Déplacement Senore et Duret à Douai
Déplacement colloque Paris
Déplacement réunion INRP Strasbourg
Total
Budget accordé
1999
2974.28
5999.40
493.10
1307.14
333.36
4255.55
2000
2750.83
2420.47
124.86
3655.64
592.65
4313.16
96.04
3906.76
2691.02
145.13
564.37
15362.83
22867.00
21260.93
38480.80
2001
1108.67
1388.60
249.71
3003.86
2085.16
3082.34
1317.77
12236.10
30489.80
2002
16840.89
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