Syndromes de déconnexion interhémisphérique - Psychologie

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Syndromes de déconnexion interhémisphérique - Psychologie
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 17-036-C-10
17-036-C-10
Syndromes de déconnexion
interhémisphérique
P Verstichel
JD Degos
Résumé. – L’étude des corrélations anatomocliniques a permis de démontrer que des assemblées de
neurones corticaux accomplissaient des tâches différentes en fonction de leur situation au sein des
hémisphères cérébraux. La mise en évidence de signes cliniques après commissurotomie, qui ne réalise pas de
lésion corticale, a constitué une révolution dans la compréhension du fonctionnement du cerveau, même si,
au moins depuis Dejerine, on suspectait l’importance des communications interhémisphériques.
L’interruption de tout ou partie des connexions entre les hémisphères provoque en effet une symptomatologie
originale, alors même que chaque hémisphère est intact et réagit « normalement » aux stimulations qui lui
sont présentées. Pathologie exclusive de la substance blanche, en opposition à la pathologie des lésions
corticales, le syndrome de déconnexion interhémisphérique représente un modèle lésionnel unique qui met en
lumière le principe d’un cerveau « câblé » : il ne suffit pas, pour son fonctionnement, qu’il dispose d’aires
cérébrales intactes, mais encore que ces aires soient correctement reliées et puissent échanger suffisamment
d’informations entre elles. On peut espérer que l’étude précise des modèles de déconnexion
interhémisphérique permettra d’approcher les mécanismes neurophysiologiques de la transmission
d’informations complexes et, partant, celui de leur élaboration.
Les lésions de la substance blanche qui interrompent les relations entre des structures cérébrales, aires
corticales, thalamus ou noyaux gris, au sein d’un même hémisphère, reproduisent à des degrés divers la
symptomatologie des lésions proprement corticales. La destruction du corps calleux, principale commissure
interhémisphérique, engendre quant à elle une symptomatologie particulière. Celle-ci a éclairé d’un jour
nouveau les conceptions de latéralisation des fonctions cérébrales et affirmé l’importance de la coopération
entre les deux hémisphères : même si chacun d’eux a une compétence spéciale, voire exclusive pour une
fonction donnée, c’est le jeu de l’interaction qui assure la richesse de sa mise en œuvre. Cette
complémentarité synergique des compétences est en grande partie assurée par les commissures
interhémisphériques. L’étude des patients « split brain » a également ouvert des perspectives fondamentales
dans l’interprétation physiologique des phénomènes de connaissance implicite.
Bien des aspects du fonctionnement conjoint des hémisphères cérébraux et des fonctions du corps calleux
demeurent encore inconnus. On ignore notamment en grande partie le rôle joué par la moitié antérieure du
corps calleux, les signes classiques de déconnexion ayant été décrits après des lésions ou des sections de sa
partie postérieure. En outre, la physiologie des autres commissures et leur participation à l’échange
d’informations sont encore énigmatiques.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : syndrome de déconnexion interhémisphérique, corps calleux, apraxie unilatérale gauche,
agraphie de la main gauche, anomie gauche, alexie gauche, apraxie diagonistique,
neuropsychologie, hémisphère droit, apraxie constructive droite.
Anatomie des commissures
interhémisphériques
Les hémisphères cérébraux sont reliés l’un à l’autre par plusieurs
commissures, dont les principales sont le corps calleux, la plus
volumineuse ; la commissure blanche antérieure ; la commissure
blanche postérieure. D’autres commissures existent, dont le rôle
fonctionnel est méconnu : la commissure interthalamique ; la
commissure interhippocampique. En outre, un certain nombre
d’afférences parviennent conjointement aux hémisphères par
l’intermédiaire de structures sous-thalamiques.
Patrick Verstichel : Praticien hospitalier, service de neurologie, centre hospitalier intercommunal, 40, avenue
de Verdun, 94010 Créteil, France.
Jean-Denis Degos : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service de neurologie, hôpital Henri
Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France.
Le corps calleux est formé par la réunion, lors de leur passage sur la
ligne médiane, de 300 à 800 millions de fibres interhémisphériques
provenant du néocortex. D’avant en arrière, on décrit quatre
portions : le « bec » ou rostrum, dont les fibres passent au-dessous
des cornes antérieures des ventricules latéraux ; le « genou » dont
les fibres se dirigent en avant (forceps minor) ; le « corps » ou tronc,
qui participe à la formation du toit des ventricules latéraux ; enfin le
splénium ou bourrelet, dont les fibres irradient vers l’arrière (forceps
major).
La majorité des fibres calleuses réunit des régions homologues du
cortex (fibres homotopiques). Il s’agit essentiellement des cortex
associatifs sensoriels, des cortex prémoteurs et des aires motrices
supplémentaires. Les neurones prennent naissance dans les couches
supragranulaires, en particulier la couche III, et se terminent dans la
couche IV [66]. L’étude, chez l’animal, de leur trajet grâce aux
techniques de marquage cellulaire a montré que les axones n’ont
Toute référence à cet article doit porter la mention : Verstichel P et Degos JD. Syndromes de déconnexion interhémisphérique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Neurologie,
17-036-C-10, 2000, 16 p.
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
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Schéma du corps calleux chez le singe d’après Pandya et al [103] montrant
la topographie des fibres interhémisphérique selon leur provenance corticale.
1. Cortex préfrontal ; 2. cortex prémoteur ; 3. aire motrice supplémentaire ; 4. cortex pariétal postérieur ; 5. cortex temporal supérieur ; 6. cortex temporal inférieur ; 18-19 :
cortex juxtastrié ; M1 : cortex moteur primaire ; SI : cortex somesthésique primaire ;
SII : cortex somesthésique secondaire.
pas forcément de projection point par point. Dans le cortex visuel,
par exemple, la plupart d’entre eux ont des terminaisons ramifiées
sur quelques millimètres carrés de cortex contralatéral,
correspondant à des groupes de neurones intégrés dans des colonnes
dont la fonction est similaire à celle de la colonne d’origine, par
exemple codant pour une orientation identique [72].
Les aires sensorielles primaires, et peut-être la partie apicale des
lobes frontaux, sont quasiment dépourvues de connexions calleuses.
Un faible nombre de fibres, ainsi que des divisions collatérales
provenant des axones calleux homotopiques, réunissent des régions
hétérologues du néocortex (fibres hétérotopiques). Certaines fibres
calleuses, enfin, projettent sur des structures sous-corticales
contralatérales, comme le claustrum ou le noyau caudé. Les études
de dégénérescence rétrograde chez le singe [103] ont permis de
déterminer la distribution antéropostérieure des différentes fibres au
sein du corps calleux en fonction de leur origine (fig 1). Si
l’organisation chez l’homme est en grande partie similaire [41], il
semble qu’il y ait toutefois quelques différences, en particulier dans
l’ordre des fibres temporales et pariétales [42].
EMBRYOLOGIE DU CORPS CALLEUX
À partir de la 11e semaine de gestation chez l’homme, apparaît un
amas cellulaire au fond de la scissure interhémisphérique. Les fibres
commissurales provenant du cortex vont progresser sur cette
structure. Vers la 12e semaine, les axones calleux franchissent la ligne
médiane. Durant cette période critique d’environ 1 semaine, tous les
facteurs qui empêchent le développement de ces axones peuvent
conduire à une agénésie calleuse. Aux alentours de la 16e semaine,
le corps calleux occupe sa place définitive. Sa croissance
antéropostérieure est secondaire au développement de l’écorce
cérébrale. Initialement, les projections calleuses sont diffuses, reliant
des aires corticales qui ne sont plus connectées chez l’adulte. Une
grande partie des fibres (environ 70 % chez l’animal) ainsi que leurs
ramifications vont disparaître [72]. Parmi les facteurs intervenant dans
le maintien ou la disparition des fibres calleuses, l’activation des
neurones corticaux par les stimulations sensorielles et l’influence
hormonale, en particulier des stéroïdes sexuels [97] et des hormones
thyroïdiennes, ont été reconnues. Les neurones restants vont subir
des modifications : leur arborisation dendritique intracorticale se
modifie et, après la naissance, débute la myélinogenèse. La
myélinisation progresse de l’arrière vers l’avant à partir du troisième
mois et s’achève vers la sixième année de vie ; elle détermine
l’augmentation de volume du corps calleux. De nombreux axones
restent cependant amyéliniques.
D’abondantes études portant sur la taille du corps calleux en
fonction du sexe ont livré des résultats contradictoires [15]. Des
mesures sur des cerveaux de cadavres ou sur coupes d’imagerie par
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Neurologie
résonance magnétique (IRM) semblent toutefois indiquer que la
partie postérieure du corps calleux des femmes est régulièrement
plus large que celle des hommes [4, 71]. Cette différence apparaît
encore plus nettement chez les droitiers [47, 65]. La signification précise
de ces variations de taille selon le sexe et la préférence manuelle est
inconnue. La testostérone, en réduisant les asymétries
physiologiques entre l’hémisphère droit et l’hémisphère gauche au
cours du développement du cerveau fœtal, pourrait influer aussi
sur l’importance des connexions entre régions homologues. Une
asymétrie affirmée, comme on l’observe chez les droitiers en général
et chez les femmes en particulier, imposerait en effet moins de
connexions interhémisphériques qu’une asymétrie modérée, comme
chez les gauchers et les mâles.
VASCULARISATION DU CORPS CALLEUX
Elle dépend essentiellement des artères cérébrales antérieures [78]
dont la branche terminale, l’artère péricalleuse, suit le trajet du corps
calleux, prenant successivement le nom d’artère péricalleuse
antérieure, puis postérieure après le départ de la branche pariétale
interne [48]. Rarement, les artères cérébrales antérieures donnent
naissance à une unique artère péricalleuse médiane. De ces artères
naissent des branches perforantes vascularisant à la fois le corps
calleux et le cortex. Une de ces perforantes, l’artère antérieure du
corps calleux, est parfois dominante et se prolonge vers l’arrière,
vascularisant les portions antérieures et moyennes du corps calleux.
Une partie plus ou moins importante du splénium peut être prise
en charge par une branche issue de l’artère cérébrale postérieure,
qui va s’anastomoser avec l’artère péricalleuse postérieure.
La commissure blanche antérieure forme un faisceau de fibres
compactes qui traverse la ligne médiane immédiatement en avant
des piliers antérieurs du fornix. Elle comporte deux parties : un
contingent antérieur olfactif de petite taille chez l’homme, qui forme
une boucle vers l’avant et relie la substance grise de la bandelette
olfactive d’un côté avec le bulbe olfactif contralatéral ; un contingent
postérieur plus large, qui forme le tronc de la commissure antérieure
et qui est concave en arrière. La plupart des fibres relient les
circonvolutions temporales médianes, mais quelques-unes gagnent
aussi les circonvolutions temporales inférieures.
La commissure blanche postérieure siège en avant des tubercules
quadrijumeaux antérieurs, juste au-dessus de la jonction entre
l’aqueduc de Sylvius et le IIIe ventricule. Sa composition est
complexe et incomplètement connue. Il semble qu’elle contienne
notamment des fibres provenant des noyaux prétectaux et du noyau
de la commissure postérieure, et des fibres reliant les tubercules
quadrijumeaux antérieurs.
Physiologie et rôles du corps calleux
Par l’intermédiaire du corps calleux, une grande partie des influx
nerveux générés par un hémisphère gagne l’hémisphère opposé. Les
résultats de la callosotomie – expérimentale chez l’animal,
thérapeutique chez l’homme – ou les syndromes de déconnexion
spontanée, démontrent que ces influx permettent d’une part de
transmettre certains types d’informations d’un hémisphère à l’autre
et, d’autre part, de coordonner les réponses de chaque hémisphère
lors de leur activation simultanée.
INFLUENCES INHIBITRICES ET EXCITATRICES
DU CORPS CALLEUX
La nature de l’influence, excitatrice ou inhibitrice, qu’exercent l’un
sur l’autre les hémisphères cérébraux par l’intermédiaire du corps
calleux, est encore discutée. Le caractère excitateur des connexions
calleuses est démontré en pathologie par la diffusion de crises
épileptiques d’un hémisphère à l’autre, cette diffusion étant stoppée
par la section calleuse [104]. Des arguments électrophysiologiques
viennent cependant à l’appui d’une hypothèse inhibitrice :
notamment, la réponse d’un hémisphère à la stimulation
Neurologie
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
magnétique est diminuée par la stimulation préalable de
l’hémisphère opposé. Chez l’homme adulte, on estime que les
neurones transcalleux exercent soit une action directement
excitatrice, soit une action inhibitrice par l’intermédiaire d’un
interneurone inhibiteur [82]. Dans ces conditions, chaque hémisphère
serait capable de moduler de façon localisée et sélective le
fonctionnement des régions homologues contralatérales. Dans les
régions sensorielles voisines des aires de projection primaire, un effet
excitateur permettrait de compléter la représentation sensorielle au
voisinage du plan méridien, entraînant une fusion de la ligne
médiane. Les connexions transcalleuses entre les aires motrices
aboutiraient essentiellement à une inhibition, permettant
l’indépendance manuelle nécessaire aux mouvements bimanuels
asymétriques [114].
TRANSFERT D’INFORMATIONS SENSORIMOTRICES
L’influence réciproque assure le transfert, d’un hémisphère à l’autre,
d’informations diverses. Chez le sujet sain, les épreuves consistent à
stimuler électivement un hémisphère et à demander ensuite une
réponse exclusivement à l’autre. Il s’agit de conditions artificielles,
dans la mesure où, en situation normale, les deux hémisphères se
transmettent instantanément les informations. Ainsi, lorsqu’un objet
ou un mot est perçu en condition tachistoscopique par un
hémisphère, son homologue est néanmoins capable, alors qu’il ne
l’a pas vu, de l’identifier : si on projette un mot dans l’hémichamp
visuel gauche d’un sujet droitier (dont l’expression verbale est
latéralisée à gauche), celui-ci peut le dénommer sans difficulté,
l’écrire ou le sélectionner de sa main droite. De même, une
information tactile ou somesthésique est transmise d’un hémisphère
à l’autre : si on touche un sujet sur un membre, il peut désigner de
sa main opposée l’endroit stimulé ; si on imprime une position à un
membre, il peut l’imiter avec le membre contralatéral ; enfin, si on
lui fait palper un objet de la main gauche, il peut le dénommer.
La transmission de ces différentes informations sensorielles est
dépendante des commissures interhémisphériques. Lorsque celles-ci
sont détruites, le patient devient incapable d’identifier avec un
hémisphère toute stimulation perçue par l’autre. Dans cet échange
de données, le corps calleux est la structure la plus importante. En
effet, sa seule destruction chirurgicale ou spontanée, conduit au
même résultat qu’une tricommissurotomie [89] . La vitesse de
transmission calleuse est susceptible d’être mesurée par différents
procédés. Dans le paradigme de Poffenberger, on administre à un
sujet un stimulus visuel dans un hémichamp, puis on lui demande
une réponse motrice. La différence de temps de réaction entre la
main ipsi- et contralatérale à la stimulation visuelle est attribuée au
temps de transfert interhémisphérique, qui est de l’ordre de
quelques millisecondes. Il est allongé à plusieurs dizaines de
millisecondes chez les sujets callosotomisés. Dans de nombreuses
études, ce temps de transfert interhémisphérique est physiologiquement plus court lorsque le stimulus est présenté dans
l’hémichamp gauche (hémisphère droit) que dans l’hémichamp droit
(hémisphère gauche) [87]. Cette asymétrie du temps de transfert
interhémisphérique est aussi retrouvée lorsqu’on mesure la latence
des potentiels évoqués visuels à partir de stimulations en
hémichamp [26]. Sa signification est inconnue. Enfin, la technique de
stimulation magnétique corticale a permis de mesurer le temps de
conduction calleux entre les aires motrices (13 à 15 ms) sans qu’il y
ait de différence selon l’hémisphère stimulé [90, 91].
TRANSFERT D’INFORMATIONS SÉMANTIQUES
La démonstration d’un transfert interhémisphérique portant sur des
informations de nature sémantique a été élégamment apportée par
Sitdis et al [122]. Le patient concerné avait d’abord subi une section
de la moitié postérieure du corps calleux. Dans ces conditions, il
était devenu incapable de transférer des informations sensorielles
de l’hémisphère droit vers l’hémisphère gauche : il ne pouvait plus
dénommer les images, les sons, les stimulus somesthésiques
adressés à son hémisphère droit ; il ne pouvait plus comparer les
images ou les mots présentés simultanément aux deux hémisphères.
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Toutefois, bien qu’il affirmât ne rien percevoir lorsque des stimulus
visuels étaient projetés dans son hémichamp gauche, ses réponses à
des questions précises prouvaient qu’une communication partielle
de l’information reçue par l’hémisphère droit s’était produite vers
l’hémisphère gauche pour y être verbalisée. Confronté, par exemple,
au dessin d’une casquette de chasseur, le patient pouvait indiquer
qu’il s’agissait d’un objet, d’un vêtement et non d’un véhicule ou
d’un outil, plutôt porté par un homme qu’une femme, et la saison
durant laquelle cet objet était utilisé. Finalement, grâce à ces
approximations successives, il arrivait à dénommer la casquette.
Avec les mots projetés dans le champ gauche, les commentaires
témoignaient du transfert d’informations sémantiques associatives
et contextuelles. Par exemple, le mot « oignon » donnait lieu à une
description du jardin familial. Les erreurs de lecture étaient
sémantiques et non homophoniques. Les informations à l’origine de
ce type de réponses étaient communiquées à l’hémisphère gauche
par l’intermédiaire de la portion antérieure du corps calleux : la
section, dans un second temps opératoire, de la totalité du corps
calleux, abolit en effet définitivement ces capacités de transfert
sémantique, aussi bien à partir d’images que de mots.
TRANSFERT D’APPRENTISSAGES
Après les travaux de Bykow, Myers [99], dans le laboratoire de Sperry,
a démontré chez le chat dont le chiasma optique a été sectionné, que
chacun des hémisphères cérébraux peut apprendre une
discrimination visuelle à partir des informations adressées à
l’hémisphère opposé. Cet apprentissage est impossible après section
du corps calleux. D’autres comportements conditionnés, comme le
clignement bilatéral des paupières à un son, sont affectés par la
section calleuse [126]. Toutefois, tous les transferts d’apprentissage ne
sont pas altérés par la section calleuse. Ainsi, le transfert d’un
hémisphère à l’autre de l’apprentissage d’une discrimination entre
deux luminosités très différentes peut s’effectuer, même après
section du corps calleux et de la commissure blanche antérieure,
mais disparaît après section intercolliculaire [123].
COOPÉRATION INTERHÉMISPHÉRIQUE
La duplication des fonctions cérébrales, de façon asymétrique chez
l’homme, expose au risque de réponses contradictoires de chaque
hémisphère pour une stimulation unique. Chez l’homme, en effet,
chaque hémisphère dispose d’un mode de fonctionnement privilégié
différent de celui de son homologue. L’hémisphère gauche procède
de façon analytique, dénotative, logique, alors que l’hémisphère
droit procède de manière globale, associative, intuitive [133]. Qu’il
s’agisse cependant de l’animal ou de l’homme sain, les réponses
comportementales sont homogènes et adaptées. Dans cette fonction
d’unification des comportements, le corps calleux est essentiel. Son
rôle est évident lorsqu’il s’agit d’élaborer une réponse à partir de
deux informations différentes et complémentaires adressées chacune
à un hémisphère : si on projette un chiffre différent dans chaque
champ visuel, un sujet sain peut parfaitement calculer la somme des
deux chiffres ou donner le nombre composé de ces chiffres (2 et
4 : 24) ; si on projette un visage chimère composé d’une moitié
féminine et d’une autre masculine, chaque hémiface étant projetée
dans un hémichamp, le sujet perçoit immédiatement qu’il s’agit
d’une figure « impossible ». La section du corps calleux interdit ces
types d’opération. Les callosotomisés ne peuvent additionner ou
recomposer un nombre avec les couples de chiffres dont chaque
hémisphère reçoit un membre (alors qu’ils sont capables de le faire
si les deux chiffres du couple sont adressés au seul hémisphère
gauche). La figure chimère n’est pas perçue comme un visage
composé, mais on peut démontrer que chaque hémisphère perçoit
un visage complet et différent : de la main droite, le patient
désignera en choix multiple le portrait qu’a vu son hémisphère
gauche, alors que de la main gauche, il pointera le visage de l’autre
sexe perçu par son hémisphère droit. Chez ces patients, les tâches
bimanuelles sont généralement altérées. Plus encore, chaque main
ou chaque hémicorps peut avoir un comportement différent (apraxie
diagonistique, « main capricieuse »). Enfin, dans la résolution de
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Syndromes de déconnexion interhémisphérique
tâches et problèmes, un patient commissurotomisé manifestera des
approches et des stratégies différentes d’une fois à l’autre, comme si
l’un ou l’autre hémisphère prenait le contrôle de la situation selon
les compétences qui lui sont propres [124].
Une coopération interhémisphérique modulée par le corps calleux
se manifeste par une amélioration des performances lorsque les
stimulus sont présentés simultanément aux deux hémisphères,
comparativement à la condition de présentation homolatérale. Ainsi,
le temps de réaction est plus court lorsqu’un indice et une cible sont
projetés chacun dans un hémichamp, que lorsqu’ils le sont tous deux
dans le même : phénomène d’inhibition ipsilatérale. Ce phénomène
pourrait s’expliquer par une facilitation véhiculée par le corps
calleux [13]. Dans le domaine du langage, il est démontré que la
présentation tachistoscopique d’un mot simultanément dans chaque
champ visuel de sujets sains entraîne une réponse plus rapide, dans
une tâche de décision lexicale, que la présentation de ce même mot
dans l’un ou l’autre champ : l’activation concomitante des deux
hémisphères est plus efficace que l’activation d’un seul. Cette
facilitation est attribuable au corps calleux, puisque la callosotomie
la fait disparaître [98]. On reconnaît d’une façon générale que les
tâches complexes bénéficient de la coopération entre les deux
hémisphères. Pour comparer deux formes ou deux chiffres, il n’y a
pas d’avantage à présenter chaque stimulus dans un champ visuel ;
la projection des deux dans le même hémichamp est plus efficace.
En revanche, pour comparer majuscules et minuscules de lettres, la
condition interhémisphérique (une lettre dans chaque champ)
conduit à une amélioration de la performance par rapport à la
condition intrahémisphérique (les deux lettres dans le même
champ) [7].
Il reste néanmoins vraisemblable que d’autres structures que les
commissures interhémisphériques sont impliquées dans l’unification
des réponses comportementales et la coopération hémisphérique.
Gazzaniga et al [58] ont démontré qu’un transfert d’information de
l’hémisphère droit vers l’hémisphère gauche était assuré chez le
callosotomisé : le patient pouvait nommer un chiffre (1 ou 2) projeté
dans son hémichamp visuel gauche, ou l’écrire de la main droite ; il
était capable d’associer un mot préalablement appris à un chiffre
présenté dans l’un ou l’autre des champs visuels ; il pouvait fournir
des réponses motrices correctes avec la main droite en réponse à
des stimulus visuels gauches. Cette communication d’informations
de la droite vers la gauche, permettant à l’hémisphère gauche de
produire une réponse verbale ou motrice, était limitée à une
alternative simple ; au-delà de deux possibilités, le patient échouait.
Elle pourrait être assurée par des connexions sous-corticales ou la
commissure blanche antérieure. D’autres expériences chez des
commissurotomisés ont conclu à des compétences importantes des
structures sous-corticales dans l’intégration des opérations conduites
par chaque hémisphère [116, 117, 118]. Ces résultats n’ont toutefois pas
été reproduits chez d’autres patients callosotomisés, limitant
considérablement la portée de ces constatations [120].
Il n’en demeure pas moins que les effets de la déconnexion calleuse
sont limités dans la vie courante. Une des explications en revient à
la capacité de chaque hémisphère d’utiliser tous les indices possibles
pour identifier les stimulus, y compris ceux produits par
l’hémisphère opposé. Ainsi, les agissements de l’hémisphère droit,
s’ils sont perçus par l’hémisphère gauche, permettent à ce dernier
de déduire la nature d’un stimulus auquel il n’a pas directement
accès. De plus, il mettra davantage en jeu les afférences sensorielles
à projection bilatérale : voies extralemniscales, afférences
kinesthésiques et somesthésiques des régions proximales des
membres.
Syndromes de déconnexion calleuse
[18]
SYNDROME AIGU DE DÉCONNEXION
INTERHÉMISPHÉRIQUE
Un certain nombre de troubles sont observés dans les premiers jours
ou semaines qui suivent une callosotomie complète et surtout une
commissurotomie multiple [138]. Ils disparaissent ensuite plus ou
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Neurologie
moins rapidement : certains sont dus à une souffrance opératoire
des structures de voisinage, mais d’autres semblent bien liés à la
section commissurale elle-même. Un mutisme transitoire est
fréquent lorsque la section atteint la partie antérieure du corps
calleux. Il s’accompagne d’une indifférence aux stimulations
externes. Les patients peuvent comprendre les consignes et écrire.
Sa régression est complète dans le mois suivant l’intervention. Il
pourrait être dû à des lésions touchant les structures avoisinantes
ou les voies calleuses les connectant [100, 110] . Une hémiapraxie
unilatérale gauche en réponse aux ordres verbaux, une sousutilisation de la main gauche ou un comportement plus ou moins
indépendant de celle-ci (alien hand) peuvent également être présents.
Des manifestations proches sont observées lors de déconnexions
aiguës non chirurgicales, comme au cours d’une maladie de
Marchiafava-Bignami ou d’un infarctus calleux.
SYNDROME CHRONIQUE DE DÉCONNEXION
INTERHÉMISPHÉRIQUE
On s’accorde à reconnaître que, passé la période postopératoire de
6 mois à 1 an, les patients ayant subi une callosotomie ou une
commissurotomie complète paraissent asymptomatiques. C’est le
mérite de Sperry, associé à Gazzaniga dans les années 1960, d’avoir
pu mettre en évidence chez les patients épileptiques opérés par
Bogen et Vogel à Los Angeles, des signes révélateurs de la
dissociation entre les deux hémisphères, grâce à une méthode
dérivée des expériences animales et en utilisant certaines techniques
spéciales, comme la tachistoscopie et l’écoute dichotique.
Tachistoscopie
Chaque hémisphère reçoit les informations visuelles provenant de
l’hémichamp visuel contralatéral. Pour que des messages visuels
soient adressés à un seul hémisphère, il est nécessaire que ceux-ci
proviennent d’un seul hémichamp. Cette condition est difficile à
remplir en pratique puisqu’on ne peut immobiliser le regard et qu’il
suffit d’une saccade pour faire passer tout ou partie du stimulus
dans l’hémichamp opposé. On doit donc avoir recours à des
stimulations de durée inférieure au déplacement des yeux lors d’une
saccade, soit 300 millisecondes environ. La tachistoscopie utilise un
projecteur de diapositives couplé à un appareil définissant la durée
de projection, ou plus souvent désormais, un ordinateur. Le patient
fixe un point central et les images sont projetées brièvement. Un
enregistrement oculographique assure que les yeux n’ont pas dévié
du point central le temps de la stimulation. Eran Zaidel a mis au
point une technique plus perfectionnée permettant, grâce à un
système optique monté sur une lentille sclérale, d’adresser en
continu les informations visuelles dans un seul hémichamp.
Dans ces conditions, s’est dégagé un syndrome de déconnexion
interhémisphérique. La valeur de ce syndrome, discutée en raison
de la nature de la maladie affectant les patients – des lésions
épileptogènes anciennes ayant pu modifier les connexions cérébrales
ou la dominance cérébrale pour certaines fonctions – a
ultérieurement été confirmée par des observations de déconnexion
sur des cerveaux supposés normaux, au cours de gestes chirurgicaux
ou de pathologies vasculaires, traumatiques, etc. C’est pourquoi,
dans la description du syndrome de déconnexion, nous utiliserons
les données obtenues à la fois chez les patients callosotomisés et
chez ceux ayant subi des lésions spontanées du corps calleux.
Chez les patients droitiers, un fait majeur est apparu : seul
l’hémisphère gauche est capable de s’exprimer oralement ou par
écrit, ce qui rend compte des anomies (sensitive, visuelle et auditive
gauches, olfactive droite) et de l’agraphie de la main gauche.
L’hémisphère droit, qui ne peut s’exprimer de façon linguistique,
reste capable de reconnaître ce qui lui a été présenté, de le retenir,
de l’utiliser et de le comparer dans plusieurs modalités sensorielles ;
il peut même manifester des capacités conceptuelles et de
compréhension verbale remarquables.
Neurologie
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
Test d’écoute dichotique
Les voies auditives droites et gauches se mêlent dans le tronc
cérébral, si bien que chaque oreille projette sur les deux
hémisphères par une voie contralatérale prédominante et une voie
ipsilatérale accessoire. Au sein de chacun des hémisphères, la voie
auditive contralatérale tend à inhiber la voie ipsilatérale. Pour
stimuler exclusivement un seul hémisphère, il faut alors présenter
simultanément un item différent à chaque oreille, de façon à ce que
chaque stimulation contralatérale annule la stimulation
ipsilatérale. Lors du test, on présente donc dans le même temps un
item (syllabe, chiffre, mot, logatome) dans une oreille et un autre
item de la même catégorie dans l’oreille opposée, et on demande au
sujet de répéter ce qu’il a entendu. Chez le sujet sain droitier,
l’hémisphère gauche a un avantage net pour les mots et les
chiffres : le sujet répétera davantage d’items présentés à l’oreille
droite que d’items présentés à l’oreille gauche. Lorsqu’on utilise ce
test chez le commissurotomisé, on cherche à étudier la capacité de
l’hémisphère droit à comprendre les stimulations (tests de
reconnaissance auditive, sans verbalisation), mais aussi à
transférer le message entendu à l’hémisphère gauche pour y être
vocalisé (la consigne est alors de répéter les items).
¶ Perturbations du transfert interhémisphérique
d’informations sensorielles
Ne mettant pas en jeu de compétences liées à une dominance
hémisphérique, ces troubles concernent l’un et l’autre côté du corps
ou de l’espace.
17-036-C-10
Échanges somesthésiques : le patient ayant une commissurotomie ou
une lésion calleuse est incapable, à l’aveugle, de pointer d’une main
l’endroit de l’hémicorps contralatéral qui vient d’être touché par
l’examinateur, au moins s’il est situé sur la portion distale des
extrémités, dont la représentation corticale est unilatérale (les
régions proximales, les épaules par exemple, ont en effet une
représentation bilatérale). Il ne peut pas davantage indiquer, par
opposition du pouce et des doigts, le doigt homologue à celui qui
vient d’être touché sur la main opposée, alors que la désignation
ipsilatérale selon la même modalité est préservée. Il ne peut
retrouver parmi d’autres avec une main un objet usuel qu’il vient
de palper avec l’autre main, alors que la main qui a palpé l’objet
peut le faire sans problème. Récemment, Badan et Caramazza [6] ont
constaté que la reconnaissance tactile d’objets bi- ou
tridimensionnels comme des lettres, des chiffres en reliefs, des
formes géométriques, était imparfaite avec la main droite chez deux
patients ayant une lésion calleuse, alors que des objets d’usage
quotidien ne posaient pas de problème : pour certains stimulus, la
reconnaissance haptique ferait donc intervenir les deux hémisphères.
Enfin, le patient est incapable de reproduire à l’aveugle avec un
membre une position imprimée passivement au membre opposé.
Échanges visuels : après destruction calleuse, les cortex visuels ne
peuvent plus se communiquer d’informations : une image projetée
dans le champ visuel gauche, si elle est bien reconnue parmi d’autres
présentées successivement dans le même champ, ne l’est plus
lorsque les images sont présentées à droite. Les patients ne sont plus
capables de dire si deux formes projetées l’une à droite et l’autre à
gauche sont identiques ou non. Les champs visuels droit et gauche
se joignent exactement sur la ligne médiane sans que l’on ait pu
mettre en évidence le moindre recouvrement jusqu’à 1° de chaque
Capacités linguistiques et conceptuelles de l’hémisphère droit
L’inventaire des capacités linguistiques de l’hémisphère droit a largement bénéficié de l’exploration des commissurotomisés, en particulier par
Eran Zaidel [142]. L’hémisphère droit des droitiers, muet, peut associer un objet avec son nom prononcé par l’examinateur ou projeté dans le
champ visuel gauche. Il accède à la compréhension d’expressions simples et écrit quelques mots. L’hémisphère droit dispose d’un lexique auditif
riche, inférieur cependant à celui de l’hémisphère gauche, et composé essentiellement de substantifs, dont des mots abstraits, et de verbes.
L’analyse phonétique du message auditif est imparfaite, l’hémisphère gauche disposant d’une supériorité nette dans ce domaine. Le fait est que
les commissurotomisés ne peuvent apparier une lettre projetée dans leur champ visuel gauche avec un son, ni choisir parmi plusieurs objets ceux
dont les noms riment. Dépourvu d’une boucle audiophonatoire, l’hémisphère droit ne peut garder en mémoire à court terme la forme
phonologique des mots. À cette absence de mémoire de travail auditivoverbale, une faible maîtrise des règles syntaxiques s’ajoute pour limiter la
compréhension des phrases. L’hémisphère droit ne peut saisir le sens d’une phrase contenant plus de trois éléments indépendants. La
signification du message oral est appréhendée sur un mode connotatif et associatif, plutôt que dénotatif et précis, ce qui facilite les glissements
sémantiques [28].
L’hémisphère droit comprend les mots écrits. Son lexique visuel est substantiel mais ne constitue qu’un sous-ensemble du lexique auditif. Il ne
dispose pas des règles de transposition entre graphèmes et phonèmes, ce qui implique que sa lecture est globale, fondée sur la forme générale des
mots : il peut associer des mots écrits dont la forme visuelle est proche, dont la signification est proche, mais non dont le son est identique. Il ne
peut juger si deux mots riment, ou choisir de la main gauche un objet dont le nom rime avec le mot projeté dans le champ visuel gauche. Sa
capacité à comprendre les phrases écrites est limitée. Enfin, des données issues de l’étude des sujets sains en tomographie à émission de positrons
(TEP) confirment que l’hémisphère droit est spécialement apte à saisir le sens des aspects figurés du langage, métaphores [22], comme sans doute
celle des expressions proverbiales et imagées. Ces données ne s’appliquent naturellement qu’aux patients dont l’hémisphère gauche est
dominant pour le langage, c’est-à-dire quasiment tous les droitiers et une grande partie des gauchers.
Indépendamment de ses compétences linguistiques, les capacités conceptuelles de l’hémisphère droit lui permettent de choisir un objet défini par
l’usage (« quelque chose qui sert à mesurer ») et de faire des associations visuelles entre des objets ayant en commun une caractéristique telle que
l’usage (cigarette et cendrier, vis et écrou, par exemple) ou une qualité (feu et fer à repasser, par exemple), même s’il existe des distracteurs
proches sur le plan de la forme : il associera un sablier à une montre, alors qu’un des distracteurs est un pot de cafetière dont la forme est
comparable à celle du sablier.
Les compétences générales hémisphériques droites dans le domaine du langage ont leur corollaire dans celui du calcul. Si l’hémisphère droit n’a
pas accès à la dénomination des chiffres, ni aux règles de calcul qui ont un substrat verbal et articulatoire, il est néanmoins capable d’apprécier
la valeur d’un nombre. Chez les commissurotomisés, il peut désigner en choix multiple un chiffre qui lui a été préalablement projeté, déterminer si
deux chiffres arabes sont identiques ou lequel est le plus grand des deux [120]. L’appréciation par l’hémisphère droit de la quantité représentée par
un nombre a été démontrée chez une patiente ayant une lésion ischémique postérieure du corps calleux [34, 35] : elle était incapable d’effectuer des
transferts d’informations visuelles, et pourtant elle pouvait dire si les chiffres, présentés dans l’un ou l’autre champ visuel, étaient ou non
supérieurs à cinq ; la dénomination des chiffres projetés dans l’hémichamp gauche donnait lieu à des erreurs de proximité numérique (trois au
lieu de quatre) et non à des erreurs reposant sur une similitude visuelle ; la comparaison entre un chiffre projeté dans un champ visuel et un
certain nombre de points projeté dans l’autre, s’avérait possible. Ces résultats ont ainsi démontré le transfert, de l’hémisphère droit vers le
gauche par la moitié antérieure du corps calleux, d’une information numérique « approximative », reposant sur une évaluation quantitative.
5
17-036-C-10
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
côté du point de fixation. Au contraire de la reconnaissance croisée
des formes des objets qui nécessite un transfert calleux, d’autres
caractéristiques du stimulus visuel, comme sa localisation, son
mouvement, son orientation, peuvent être transférées à l’hémisphère
contralatéral sans l’intervention du corps calleux [36] ; elles font donc
intervenir des communications sous-corticales, comme la
communication intercolliculaire.
¶ Perturbations de la dénomination
L’expression verbale étant assurée exclusivement par l’hémisphère
gauche, les difficultés seront nécessairement latéralisées : elles
n’apparaissent que lorsque le stimulus, sous quelque forme qu’il
soit, est présenté à l’hémisphère droit. Le tableau clinique peut ainsi
réaliser une pseudoastéréognosie ou une pseudohémianopsie.
Anomie tactile gauche (pseudoastéréognosie gauche)
Le patient peut décrire et nommer normalement les objets qu’il
palpe sans les voir de la main droite, alors qu’il en est incapable si
la palpation se fait de la main gauche. Le trouble ne résulte pas d’un
défaut de manipulation tactile, qui reste précise et adaptée, ni d’une
astéréognosie. On peut en effet démontrer que la perception est
normale, puisque le patient peut reconnaître l’objet parmi d’autres
qu’on lui donne à palper de sa main gauche ou à voir, ou parvient
même à le dessiner de sa main gauche.
L’explication de ce fait tient à la déconnexion entre les systèmes
perceptifs et sémantiques de l’hémisphère droit et les systèmes
lexicaux et sémantiques de l’hémisphère gauche. L’hémisphère droit
perçoit normalement l’objet et lui attribue une signification, sans
pouvoir le nommer. L’hémisphère gauche, privé d’informations,
fournit une dénomination erronée, souvent influencée par un mot
entendu ou prononcé, ou par un objet vu antérieurement. De façon
surprenante, la dénomination erronée n’empêche pas le patient
d’utiliser normalement l’objet de la main gauche : tel patient palpant
une cuillère de la main gauche, prétend qu’il s’agit d’une épingle et
pourtant, lorsqu’on lui demande de s’en servir, l’utilise d’une façon
adaptée. Certaines caractéristiques du stimulus peuvent être
appréciées normalement, comme les informations relatives à la
température de l’objet (le froid d’un objet métallique), à des indices
nociceptifs (la pointe d’un couteau). Les voies spinothalamiques ont,
en effet, des projections bilatérales. À partir de ces quelques indices,
le patient s’efforce de retrouver le nom de l’objet qu’il palpe
(indiçage croisé).
Les difficultés de dénomination concernent aussi d’autres stimulus,
comme des lettres palpées de la main gauche ou tracées sur la peau
de l’hémicorps gauche, notamment sur la paume de la main
(agraphesthésie). Les lettres dessinées sur l’épaule peuvent
cependant être dénommées, témoignant de la bilatéralité des
projections somesthésiques [5]. La possibilité de dénomination des
points de l’hémicorps gauche touchés par l’examinateur varie aussi
selon la bilatéralité de leur représentation hémisphérique. Excellente
pour l’extrémité céphalique, elle est impossible pour l’extrémité
distale des membres et meilleure pour leur portion proximale.
• Dénomination en condition dichaptique
Lorsque chaque main palpe simultanément un objet différent, le
patient dénomme l’objet tenu par la main droite, mais prétend ne
rien avoir dans la main gauche, qui pourtant manipule l’objet de
façon fine et adaptée. Tout se passe comme si les afférences
contralatérales à destination de l’hémisphère gauche inhibaient les
quelques afférences ipsilatérales (extralemniscales) qui l’informaient
de la présence d’un objet dans la main gauche et lui permettaient de
rendre compte verbalement de cette présence. La dénomination par
l’hémisphère gauche peut perturber la reconnaissance tactile par la
main gauche ; on peut voir celle-ci hésiter entre l’objet qu’elle avait
palpé et que l’hémisphère droit avait perçu, et celui que
l’hémisphère gauche avait dénommé et que l’hémisphère droit avait
donc entendu [119].
6
Neurologie
Anomie visuelle gauche (pseudohémianopsie homonyme gauche)
L’exploration indépendante des voies visuelles propres à chaque
hémisphère nécessite un artifice technique, la tachistoscopie
(cf supra). Les images projetées dans l’hémichamp visuel
droit/hémisphère gauche sont normalement dénommées, alors que
celles projetées dans l’hémichamp gauche/hémisphère droit ne
peuvent l’être. Dans ce dernier cas, le patient affirme n’avoir rien
vu, ou seulement un éclair lumineux sur sa gauche. Lorsqu’une
réponse verbale n’est pas exigée, il est aisé de démontrer que le
stimulus a néanmoins été reconnu : le patient peut reconnaître l’objet
présenté parmi d’autres, peut le dessiner de sa main gauche ou le
retrouver parmi d’autres avec sa main gauche (mais non avec sa
main droite) et peut effectuer une catégorisation sémantique avec la
main gauche.
La projection simultanée d’images différentes dans chaque
hémichamp ne donne lieu à une dénomination que pour l’image
perçue dans le champ droit par l’hémisphère gauche. En revanche,
la main gauche peut choisir l’objet perçu par l’hémisphère droit : le
patient, alors, s’étonne du choix de sa main gauche et le rationalise.
Si on projette en condition tachistoscopique une patte de poulet dans
le champ droit et une porte obstruée par la neige à gauche, et qu’on
demande ensuite au patient de choisir entre une image de poulet et
une image de pelle, la main droite sélectionnera le poulet et la main
gauche la pelle. S’étonnant du choix de sa main gauche, le patient
explique : « La patte était celle d’un poulet et il faut une pelle pour
nettoyer le poulailler. » Ailleurs, le mot « voiture » étant projeté à
droite et le mot « pipe » à gauche, le patient ramasse de sa main
droite un modèle réduit de voiture et de sa main gauche une pipe,
et explique le choix de cette dernière : « J’ai vu “voiture” et les
voitures ont un pot (pipe en anglais) d’échappement, alors j’ai pris la
pipe. » [57] Ces comportements guidés par l’hémisphère droit, qui
restent implicites, ont jeté une lumière nouvelle sur les mécanismes
sous-tendant l’inconscient et souligné l’importance du langage dans
la prise de conscience non seulement des stimulations provenant du
monde extérieur, mais aussi de certains états internes.
Alexie gauche
Elle représente un cas particulier d’anomie visuelle gauche, tirant
son intérêt du fait que l’hémisphère droit possède des capacités de
lecture.
Les callosotomisés lisent sans erreur les mots qui sont présentés en
condition tachistoscopique dans leur hémichamp visuel droit.
Lorsque les mots sont projetés à gauche, les patients affirment ne
rien avoir vu (hémialexie gauche) et sont incapables de réécrire ces
mots de la main gauche. On peut néanmoins démontrer que
l’hémisphère droit a lu le mot, puisqu’il fait choisir à la main gauche,
parmi plusieurs, l’objet correspondant au mot, alors que le patient a
l’impression d’effectuer un choix au hasard. Il peut également
effectuer, de sa main gauche, une catégorisation lexicale ou
sémantique des mots proposés. Lors d’une destruction de la partie
postérieure du corps calleux, les mots projetés dans le champ visuel
gauche peuvent aboutir à des paralexies sémantiques,
comportement identique à celui observé au cours des dyslexies
profondes : larme est lu « triste », olive « artichaut ». La lecture passe
alors volontiers par le truchement d’une image visuelle [93] .
L’explication de ces paralexies serait que l’hémisphère droit saisit le
sens des mots présentés, mais ne pouvant fournir d’informations
portant sur la forme phonologique de ces mots à l’hémisphère
gauche pour qu’ils puissent être prononcés, lui transmet par la
portion antérieure, intacte, du corps calleux, des informations de
nature sémantique. Celles-ci occasionnent alors des paralexies
sémantiques, car les données signifiantes générées par l’hémisphère
droit sont préférentiellement associatives, contextuelles et visuelles,
source de glissements sémantiques. Ces compétences sémantiques
hémisphériques droites sont volontiers inhibées par l’hémisphère
gauche encore connecté au droit par la portion antérieure du corps
calleux. L’activation préférentielle de l’hémisphère droit peut alors
être obtenue en utilisant soit une tâche préalable visuospatiale
engageant l’attention de l’hémisphère droit, soit une tâche
concomitante de mémorisation verbale, saturant l’hémisphère
Neurologie
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
gauche et l’empêchant d’interférer avec le fonctionnement
hémisphérique droit. Dans ces deux conditions, les épreuves de
classement sémantique de mots projetés dans le champ visuel
gauche sont réussies [50].
Le mécanisme de déconnexion interhémisphérique n’est cependant
pas le seul à expliquer l’alexie pure. Une destruction des structures
associatives temporo-occipitales gauches, à elle seule, ne permet plus
à l’hémisphère gauche de réaliser une synthèse de la forme visuelle
des mots. Ainsi, des alexies pures ont été décrites sans lésion
calcarine (pas d’hémianopsie), ni de lésion spléniale [14, 68, 70], ce qui
les apparente alors à des variétés d’agnosie visuelle spécifiques aux
mots. Signalons enfin que le premier patient de Dejerine n’avait pas
d’hémianopsie mais une hémiachromatopsie. La préservation des
fibres calleuses dans ces cas rend possible une transmission
interhémisphérique de bonne qualité, et une lecture lettre par lettre
rapide et efficace [135].
Temps de lecture
7 000
6 000
5 000
temps (ms)
L’alexie pure, ou alexie sans agraphie, peut être considérée comme
une variante spontanée de l’hémialexie gauche des callosotomisés.
À la différence de cette dernière, elle se manifeste dans la vie
quotidienne des patients. Décrite par Dejerine en 1891 et 1892 [43],
elle consiste en une impossibilité de lire les mots globalement. Les
patients atteints doivent alors utiliser une stratégie de lecture lettre
par lettre, laborieuse et lente, qui ne peut s’appliquer qu’à des mots
courts, dont la reconnaissance demande plusieurs secondes et est
directement proportionnelle à la longueur littérale (fig 2). Ce
syndrome survient lors des infarctus dans le territoire de l’artère
cérébrale postérieure gauche. Dejerine [43] avait attribué l’alexie aux
lésions de la substance blanche du lobe occipital gauche qui
réalisaient une déconnexion entre les centres visuels de chaque
hémisphère et le centre visuoverbal de l’hémisphère gauche, le gyrus
angulaire. L’hypothèse déconnective a été reprise par Foix et
Hillemand [55] , et Geschwind et Fusillo [62] , qui ont insisté sur
l’importance de la lésion spléniale associée à la destruction calcarine
gauche. Actuellement, l’interprétation de l’alexie pure en termes de
déconnexion interhémisphérique demeure la plus documentée. La
lésion calcarine entraînant une hémianopsie latérale droite ne
permet aux mots que d’être perçus par l’hémisphère droit. Or, la
lésion spléniale (ou paraspléniale) interdit le transfert d’informations
concernant les mots vus par l’hémisphère droit vers l’hémisphère
gauche pour y être lus et interprétés. Les patients sont donc obligés
de recourir à des voies interhémisphériques épargnées, par exemple
proprioceptives, qui n’autorisent que le transfert limité
d’informations, lettre après lettre. On explique ainsi le
comportement de certains patients qui ont recours au surtraçage des
lettres avec le doigt ou effectuent de petits mouvements de
reproduction des lettres avec les doigts, ou même la tête, durant les
tentatives de lecture. L’étude des callosotomisés, en déterminant les
compétences linguistiques de l’hémisphère droit, a permis en outre
d’expliquer certains phénomènes observés chez les alexiques purs
par lésion vasculaire. Ces patients peuvent ainsi différencier les mots
des non-mots, alors qu’ils n’ont pu en lire aucun et qu’ils affirment
réaliser le classement au hasard. Ils peuvent également catégoriser
les mots en fonction de leur classe sémantique. Enfin, ils peuvent
repérer, dans une liste de mots lus par l’examinateur, celui qui vient
de leur être présenté et qu’ils n’ont pu lire à haute voix. Ces
manifestations de lecture implicite reflètent le fonctionnement
hémisphérique droit : la stimulation magnétique transcrânienne
appliquée à droite les abolit, alors qu’à gauche elle ne modifie
rien [37]. Coslett et al [38], enfin, ont également démontré que selon la
consigne, on pouvait engager les patients soit à une lecture lettre
par lettre, impliquant le système phonologique de l’hémisphère
gauche, soit à une lecture implicite globale hémisphérique droite.
Avec des temps de présentation brefs (249 millisecondes), si on
demande aux patients d’essayer de lire des mots à haute voix, seules
les premières lettres sont perçues et les tentatives de classement
lexical (mots versus non-mots) et sémantiques aboutissent à un
échec ; en revanche, si on leur donne la consigne de les lire
« globalement », aucune lettre n’est indiquée, mais les épreuves de
décision lexicale et sémantique sont réussies.
17-036-C-10
4 000
3 000
2 000
1 000
0
2+3
4+5
nombre de lettres
*
B
6+8
*
A
*
C
2 Alexie pure par infarctus dans le territoire de l’artère cérébrale postérieure gauche. Cliniquement : hémianopsie latérale homonyme droite, écriture normale, lecture
lettre à lettre très lente et laborieuse, avec des erreurs liées à des confusions entre les formes des lettres (Q : « D » ; R : « P »). Les erreurs de lecture croissent proportionnellement à la longueur littérale.
A. Moyenne des temps de lecture des mots, en millisecondes, en fonction de leur
longueur littérale, montrant un allongement de la durée de déchiffrage selon
le nombre de lettres constitutives.
B, C. Scanner cérébral sans injection, visualisant une lésion du cortex occipital
gauche touchant la scissure calcarine, et une lésion paraspléniale gauche.
Anomie auditive gauche
Compte tenu de la bilatéralité des projections corticales des voies
auditives, l’activation d’un seul hémisphère nécessite un autre
artifice technique, l’écoute dichotique (cf supra). Chez les patients
callosotomisés, la répétition des items (syllabes, mots, non-mots,
chiffres) présentés à chaque oreille séparément est normale. En
revanche, en situation d’écoute dichotique, si la répétition des items
présentés à l’oreille droite/hémisphère gauche est normale, celle des
items présentés à l’oreille gauche/hémisphère droit est impossible :
on observe une extinction totale de l’oreille gauche [96]. Les patients
affirment ne rien avoir entendu, mais contrairement à
l’hémianacousie, qui correspond à une destruction de l’aire auditive
primaire, on peut démontrer que l’hémisphère droit a perçu le
message auditif sans que le patient en ait eu conscience : il peut en
effet le reconnaître, l’associer avec l’objet correspondant palpé de la
main gauche, ou avec l’image projetée dans le champ visuel gauche.
L’extinction gauche correspond en réalité à l’impossibilité, pour
l’hémisphère droit, de verbaliser le message perçu et, du fait de la
callosotomie, de le transmettre aux systèmes langagiers de
l’hémisphère gauche.
Anomie olfactive droite
Compte tenu de l’absence de décussation des afférences olfactives,
ce sont les odeurs présentées à la narine droite (hémisphère droit)
qui ne sont pas dénommées, alors que celles présentées à la narine
gauche (hémisphère gauche) le sont normalement. Il ne s’agit pas
d’une anosmie droite : bien que le patient déclare le stimulus
inodore, on peut le voir grimacer lorsqu’il s’agit d’odeurs
déplaisantes et il est capable d’apparier une odeur, par palpation
aveugle, à l’objet correspondant. Quoique certaines fibres réunissant
les aires cingulaires 24 et 25 impliquées dans l’analyse olfactive
7
17-036-C-10
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
Neurologie
transitent par la face dorsale du tronc du corps calleux, les voies
interhémisphériques unissant les principales aires olfactives passent
par la commissure antérieure. L’anomie olfactive n’est donc observée
que chez les patients dont cette commissure a été sectionnée.
*
A
Alexithymie
L’alexithymie (du grec lexis : mots, et thymos : sentiment) est
l’impossibilité de verbaliser des sentiments. Ce terme, créé dans les
années 1960 par Sifneos et Nemiah, était initialement appliqué aux
pathologies psychiatriques. Chez le commissurotomisé, Sperry et
al [125] avaient constaté que la présentation à l’hémisphère droit de
stimulus chargés émotionnellement déclenchait une réaction
affective, sans que le patient puisse décrire l’émotion ressentie, ainsi
que des réponses psychobiologiques comme une accélération du
rythme cardiaque. L’alexithymie du commissurotomisé n’est pas une
absence de sentiment, le patient éprouvant une impression assez mal
définie d’événement affectif. Une patiente callosotomisée chez qui
on projeta dans l’hémichamp gauche l’image d’une femme nue, tout
en prétendant ne rien avoir vu, rit, rougit, se cacha le visage dans
les mains, en imputant son trouble aux drôles de machines utilisées
par les expérimentateurs [81].
On interprète l’alexithymie comme le résultat de la déconnexion
entre l’hémisphère droit, qui dispose d’une supériorité dans la
perception des propriétés émotionnelles d’un stimulus, et
l’hémisphère gauche, qui en permet une description verbale. Le
ressenti du sujet est expliqué par la diffusion de l’« aura affective »,
propriété implicitement attachée au stimulus, du système limbique
droit au gauche par l’intermédiaire des connexions sous-corticales
préservées.
L’alexithymie ne concerne pas seulement la verbalisation des
émotions ressenties par les commissurotomisés, mais aussi celle des
émotions figurées par autrui. Mais dans ce dernier cas, les
performances ne sont pas aussi effondrées qu’on pourrait l’attendre
en cas de spécificité hémisphérique totale [59]. D’une part, pour les
stimulus particuliers représentés par les faces, l’hémisphère gauche
dispose de structures susceptibles d’évaluer les émotions, au niveau
préfrontal ventral et cingulaire [45], et, d’autre part, il peut « déduire » la nature du stimulus causal à partir de la réaction émotionnelle
générée par l’hémisphère droit [124].
¶ Agraphie de la main gauche
De même que le langage articulé, l’écriture ne peut être assurée par
l’hémisphère droit, ou seulement de façon rudimentaire, dans toutes
les conditions d’écriture : spontanée, dictée, copiée. Le patient essaie
généralement de produire des lettres « bâtons » (fig 3). L’agraphie
gauche comporte, de façon associée ou non, des éléments apraxiques
avec des lettres mal dessinées, gribouillées, et des éléments
aphasiques, sous la forme de paragraphies dysorthographiques qui
apparaissent aussi lorsque le patient utilise des lettres mobiles ou
tape à la machine. La seule production identifiable réalisée par la
main gauche se résume parfois au propre nom du patient [16].
L’écriture est meilleure lorsqu’elle s’effectue sur un plan vertical [119].
Cette amélioration est probablement attribuable à la mise en jeu des
muscles proximaux du membre supérieur gauche, dont le contrôle
s’effectue par l’hémisphère gauche, comme cela a été démontré au
cours d’une agraphie « apraxique » unilatérale gauche, les
conditions d’écriture avec la partie proximale et la partie distale des
membres ayant été rigoureusement contrôlées [5]. Watson et
Heilman [ 1 3 7 ] ont proposé l’existence de deux systèmes
hémisphériques gauches contrôlant la production graphique ; l’un
« verbomoteur » maîtrisant la nature linguistique du message écrit,
l’autre « graphomoteur » ordonnant la réalisation graphique, dans
sa dimension spatiotemporelle. L’émergence de capacités d’écriture
latentes de l’hémisphère droit se manifeste parfois par une
régression rapide de l’agraphie gauche après la section calleuse.
Chez un patient gaucher ayant une latéralisation inhabituelle des
fonctions linguistiques, Baynes et al [11] ont observé une agraphie de
la main gauche avec une anomie et une alexie droites après
callosotomie totale, démontrant que les systèmes gouvernant
8
*
B
*
C
*
D
3
Agraphie de la main gauche (infarctus du splénium du corps calleux).
A. Main droite : dictée.
B. Main gauche : dictée (« cinq députés »).
C. Main gauche : copie (« cinq députés »).
D. Main gauche, B majuscule. À gauche : dictée ; à droite : copie.
l’écriture (ici strictement localisés dans l’hémisphère droit) peuvent
être dissociés de ceux organisant le langage oral (hémisphériques
gauches dans le cas présent).
L’agraphie gauche est totalement indépendante de l’apraxie
unilatérale gauche. Chacune a pu être décrite isolément en cas de
lésion partielle [5, 42, 76, 141]. En outre, on a pu décrire, chez des patients
ayant une latéralisation inhabituelle des fonctions cérébrales, une
agraphie de la main droite et une apraxie de la main gauche [128]. Les
lésions entraînant une agraphie paraissent siéger plus en arrière
dans le tronc du corps calleux que celles responsables d’une apraxie
gestuelle.
¶ Perturbations des activités gestuelles
Troubles de la coordination bimanuelle
L’une des manifestations les plus évidentes du syndrome de
déconnexion interhémisphérique est la difficulté de réalisation de
gestes engageant simultanément les deux mains. Dans la vie
quotidienne, le patient ne peut nouer aisément ses lacets ou sa
cravate, faire un paquet, particulièrement lorsque ces gestes
s’effectuent en dehors du contrôle visuel. Cliniquement, les
mouvements en alternance rapide des deux mains sont sévèrement
perturbés [141], par exemple frapper un support successivement avec
l’une et l’autre main. En revanche, les mêmes gestes synchronisés en
phase ne sont pas affectés [127]. Les lésions responsables détruisent la
moitié antérieure du corps calleux. Il est vraisemblable qu’elles
affectent les fibres unissant les deux aires motrices supplémentaires
(AMS) entre elles et à l’aire motrice primaire contralatérale. Ces
fibres calleuses inhiberaient normalement la tendance de chaque
système moteur à reproduire en miroir les mouvements programmés
par l’AMS opposée. Le fait est que les gestes en miroir, au cours de
mouvements alternatifs rapides des membres supérieurs, sont
fréquents chez les jeunes enfants dont le corps calleux est encore
incomplètement myélinisé, ou chez les enfants acalleux [44]. Les
troubles de la coordination des deux mains sont durables chez les
patients ayant une lésion calleuse et peuvent être constatés
indépendamment d’une apraxie unilatérale gauche et d’une apraxie
diagonistique. Une perturbation plus subtile de la coordination
bimanuelle est constituée par l’activation immédiate de la main
gauche dans des gestes impliquant les deux mains : elle peut ainsi
verser de l’eau d’une carafe alors que la main droite n’a pas encore
approché le verre [46]. Ce type de comportement anticipé pourrait
être une réponse instantanée de l’hémisphère droit au contexte et à
l’environnement, sans prise en compte de la situation conceptuelle,
proche en cela d’un comportement d’utilisation.
Apraxie unilatérale gauche
L’apraxie unilatérale a été rapportée par Liepmann en 1900 [83], dans
la description princeps de l’apraxie chez le célèbre conseiller
impérial ; elle était toutefois droite, le patient étant ambidextre. Elle
Neurologie
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
n’en fut pas moins attribuée à la destruction de la portion antérieure
du corps calleux, secondaire à un ramollissement dans le territoire
de l’artère cérébrale antérieure. C’est en 1907, avec l’observation du
cas Ochs [84], que l’apraxie unilatérale gauche se trouva définie,
attribuée à une lésion calleuse, et que la dominance hémisphérique
gauche pour les gestes fut suggérée. L’apraxie unilatérale gauche a
ensuite été rapportée comme complication précoce, transitoire ou
non, de la commissurotomie. L’apraxie unilatérale des lésions
calleuses prend le plus souvent l’aspect d’une apraxie idéomotrice.
Les gestes symboliques ou de pantomime ont au maximum un
caractère amorphe et sont mal dirigés. Les patients font, par
exemple, des mouvements de flexion/extension des doigts lorsqu’on
leur demande de mimer l’utilisation d’un peigne. Ailleurs, le geste
est mieux ébauché mais n’aboutit pas ou comporte des erreurs. Le
pointage sur autrui peut échouer. L’utilisation d’objets réels est
inconstamment perturbée. Le membre inférieur gauche n’est pas
épargné : les tentatives pour produire des cercles avec le pied sont
défectueuses. Une dissociation automaticovolontaire est
généralement observée au cours de l’apraxie idéomotrice unilatérale
gauche : hors la situation d’examen, les patients utilisent
normalement les objets et exécutent sans erreur les gestes de leur
main gauche. L’effet variable de l’imitation a fait proposer deux
mécanismes à l’origine de l’apraxie unilatérale gauche [137]. L’absence
d’amélioration des gestes en imitation [84] a été attribuée à une
déconnexion entre la région pariétale gauche dominante pour le
geste intentionnel, où sont supposées reposer les informations
visuokinesthésiques (visuo-kinesthetic motor engrams de Heilmann [69]), et les régions sensorimotrices droites nécessaires à la
réalisation des mouvements par la main gauche. Au contraire,
l’amélioration des performances en imitation [63] suggère un
mécanisme de déconnexion verbomotrice entre les aires du langage
gauches et les aires prémotrices droites. Les hypothèses proposées
dans l’un et l’autre cas n’ont pas encore, à ce jour, reçu de
confirmation formelle. Les lésions entraînant une apraxie unilatérale
gauche se situent habituellement dans la moitié antérieure du corps
calleux [64], mais certains cas résultent d’une lésion plus en arrière
dans le tronc [21].
L’unilatéralité de l’apraxie calleuse doit être nuancée. En condition
de test, les performances de la main gauche sont certes altérées
lorsqu’il s’agit d’effectuer des mimes d’utilisation d’objets ou des
gestes symboliques. Cependant, un examen attentif montre qu’en
condition « naturelle », c’est-à-dire lorsque le sujet doit se servir
effectivement des objets, la qualité des gestes est modifiée. Dans un
cas de lésion spléniale traumatique, l’examen du patient montrait
une apraxie gauche améliorée par l’imitation. Lorsque les gestes
étaient étudiés en situation écologique (le patient beurrait une
tartine, se préparait un sandwich ou une tasse de café, préparait
puis affranchissait une enveloppe, dans différentes conditions, y
compris alors qu’on lui demandait explicitement d’effectuer une
tâche différente), des erreurs de réalisation gestuelle apparaissaient
pour la main droite, plus fréquemment qu’avec la main gauche :
mauvaise direction du geste, anomalies dans la disposition des
différents objets les uns par rapport aux autres, erreurs dans l’ordre
des séquences gestuelles. Si l’hémisphère gauche possède une
dominance naturelle dans la réalisation des gestes volontaires requis
sur commande (de l’examinateur) et indépendants du contexte, les
gestes routiniers nécessitent une coopération entre les deux
hémisphères, et particulièrement l’intervention des dispositifs
hémisphériques droits impliqués dans la planification des séquences,
la disposition spatiale de différents objets, qui sont mis en jeu
lorsque le contexte à lui seul détermine l’action [27].
Il arrive, surtout au cours des maladies de Marchiafava-Bignami [8],
que l’on observe une absence totale de réponse du membre
supérieur gauche aux consignes orales ou à la volonté du patient. À
la place, ce dernier utilise alors son membre droit. Dans cette
situation, tout se passe comme si l’hémisphère droit, privé du
soutien de l’hémisphère gauche, n’était pas informé du propos
délibéré du patient, ou ne comprenait pas la consigne et se
comportait en aphasique.
17-036-C-10
Des lésions antérieures du corps calleux peuvent enfin occasionner
des apraxies mélocinétique et dynamique unilatérales gauches pour
lesquelles une déconnexion entre les aires prémotrices a été
suggérée [136].
Imitation de séquences gestuelles
Milner et Kolb [ 9 5 ] ont étudié la capacité de patients
commissurotomisés à imiter des séquences gestuelles complexes de
mouvements des membres ou de la face, selon une technique qui
donne lieu à une proportion d’erreurs significativement élevée dans
les lésions pariétales gauches et frontales : la callosotomie complète
ou des deux tiers antérieurs avec section de la commissure
antérieure, perturbe la reproduction de ces deux types de
mouvements de façon bilatérale, encore plus sévèrement que les
lésions corticales. Ce phénomène suggère que pour ces mouvements
la coopération entre les deux hémisphères est nécessaire.
Syndrome de la « main étrangère » et apraxie diagonistique
Le phénomène de la « main étrangère » a été décrit par Brion et
Jedynak [24] de la manière suivante : lorsque l’on fait saisir à un
patient callosotomisé sa main droite par sa main gauche en l’absence
de contrôle visuel, il ne peut dénommer ce qu’il tient. Dans la
situation inverse, la main gauche étant tenue par la main droite, le
patient reconnaît qu’il s’agit d’une main mais nie qu’elle lui
appartient. Ce phénomène ne se produit pas sous contrôle de la vue.
Le fait que le patient puisse finalement admettre que la main gauche
lui appartient en tirant vigoureusement sur le membre serait dû à la
mise en jeu d’afférences sensorielles proximales (épaule) se projetant
bilatéralement sur les deux hémisphères. Le phénomène de la
« main étrangère », tel qu’il est ainsi décrit, n’est donc pas un
phénomène moteur. Toutefois, les auteurs anglo-saxons, à la suite
de Bogen [17], utilisent ce terme (alien hand) pour désigner des
comportements d’apraxie diagonistique mais aussi de « main
capricieuse ».
L’apraxie diagonistique (étymologiquement : « deux agonistes ») se
manifeste par un comportement aberrant d’une main, généralement
la gauche, qui semble agir de façon indépendante de la volonté du
patient. La paternité du terme de « diagonistic apraxia » revient à
Akelaitis (1945) [2] qui avait observé des comportements conflictuels
des deux mains chez deux callosotomisés : une patiente tentait
d’ouvrir une porte avec la main droite, tandis que sa main gauche
s’efforçait de la refermer ; un jeune homme, à la boulangerie, voyait
sa main droite se saisir du pain et sa main gauche le reposer sur le
comptoir plusieurs fois de suite. Ces phénomènes ont été décrits par
de nombreux auteurs. Dans l’immense majorité des cas, la main
droite obéit au sujet, mais la main gauche semble douée d’une
volonté propre, qui paraît opposée à celle du patient, ce qui lui
confère un caractère « diabolique ». La gamme des activités
anormales de la main gauche est variée : elle peut venir abaisser le
pantalon que la main droite remonte, déboutonner le vêtement que
la main droite vient de boutonner, manipuler les boutons d’une
télécommande que la main droite vient d’actionner, etc. Les patients
ne peuvent empêcher, par leur volonté, l’activité anormale de leur
côté gauche, qu’ils ont tendance à considérer comme étranger à leur
corps et gouverné par une personnalité différente, ce qui peut les
amener de leur main droite à repousser la gauche ou à la battre [79].
L’apraxie diagonistique peut concerner le membre inférieur gauche,
qui « refuse » d’avancer, s’arrête brutalement, se porte dans une
direction opposée à celle du membre inférieur droit, provoquant des
chutes [25]. L’hémicorps gauche dans son ensemble peut enfin se
trouver engagé dans un comportement s’opposant à celui de
l’hémicorps droit, au passage d’une porte, par exemple. Ce
comportement antagoniste caractéristique des lésions calleuses doit
être différencié des activités résultant d’une lésion prémotrice ou
préfrontale droite, où le geste de la main droite est contrarié par des
phénomènes d’agrippement, de préhension, de manipulation des
objets ou du corps de la part de la main gauche, ce qui a été qualifié
de frontal alien hand [51], d’apraxie d’aimantation par Denny Brown,
ou de « main capricieuse ».
9
17-036-C-10
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
À côté de ces manifestations, on a pu observer d’autres variétés de
comportements de la main gauche, ne possédant pas le caractère
antagoniste, mais restant dans le domaine involontaire et interférant
avec le mouvement normal : elle peut effectuer un geste que le sujet
prévoyait de faire avec sa main droite, ou bien réaliser un acte en
même temps que la main droite [129]. Là encore, il s’agit probablement
de réponses automatiques dictées par la situation concrète
davantage que par la volonté du sujet.
L’apraxie diagonistique est indépendante de la présence d’une
apraxie de la main gauche. Généralement, elle est constatée lors de
la période aiguë d’une déconnexion calleuse et tend ensuite à
disparaître. Même lorsqu’elle est présente, elle n’apparaît
qu’accidentellement chez les patients, la plupart des gestes
quotidiens étant réalisés normalement.
Les lésions calleuses responsables de l’apraxie diagonistique siègent
dans la partie postérieure du tronc du corps calleux, plutôt
ventralement, ainsi que dans le splénium, et pourraient interrompre
les connexions entre les deux lobules pariétaux supérieurs qui
interviennent dans la sélection des activités volontaires et à la
préparation motrice [129]. De la sorte, le fait d’activer la main droite,
ou simplement d’en avoir l’intention, ne provoquerait plus le
processus normal d’inhibition des mouvements non appropriés de
la main gauche ; le lobe pariétal droit, sous l’influence d’une
motivation inconsciente du sujet, déclencherait des mouvements
conflictuels. Pour d’autres auteurs, c’est une interruption des fibres
unissant l’AMS droite à l’AMS gauche et au cortex prémoteur qui
serait responsable de ce symptôme, par un mécanisme voisin de
celui déclenchant des mouvements en « miroir » [61] ; l’AMS privée
des influences inhibitrices transcalleuses de son homologue gauche
déclencherait des mouvements inappropriés, selon des motivations
totalement implicites. L’association d’une apraxie diagonistique et
de mouvements en « miroir » de la main droite vient à l’appui de
cette dernière hypothèse [61].
L’observation minutieuse du comportement des deux mains au
cours des activités quotidiennes d’un patient atteint de maladie de
Marchiafava-Bignami a fait proposer une interprétation différente à
l’apraxie diagonistique [8]. Dans la vie courante, au cours du repas
par exemple, la main gauche se livrait à une activité certes adaptée
à la situation concrète mais éventuellement dissociée du propos du
sujet, le temps que ce propos devienne concrètement évident grâce
à l’action de la main droite ; inversement, dans l’épreuve des cubes
de Kohs, où l’hémisphère droit intervient préférentiellement, c’est la
main droite qui venait mettre le désordre dans les réalisations de la
main gauche. Ce patient rapportait aussi que lorsqu’il conduisait
son automobile, situation mettant en jeu les aptitudes visuospatiales,
sa main droite devenait alors dangereuse et devait être « domptée ».
Tout se passait donc comme si la réalisation gestuelle était guidée
pour chaque type de tâche par l’hémisphère compétent qui
contrôlait la main contralatérale, mais non la main ipsilatérale du
fait de la déconnexion calleuse. L’apraxie diagonistique résulterait
donc d’une réponse anormale de l’hémisphère le moins compétent.
L’hémisphère droit répondrait rapidement aux situations concrètes,
trop vite eu égard à la situation générale, et la main gauche
semblerait alors s’opposer à la main droite ; de son côté,
l’hémisphère gauche répondrait parfaitement aux gestes
propositionnels, mais pourrait mal diriger les gestes dans une tâche
visuospatiale. Cette interprétation rend compte du fait que l’apraxie
diagonistique n’affecte pas uniquement la main gauche.
Neurologie
difficultés à droite sont constatées dans toutes les conditions, dessin
spontané ou copie [16]. Si le modèle est présenté en tachistoscopie au
seul hémisphère gauche, la main droite et la main gauche échouent
toutes deux ; si c’est au seul hémisphère droit que le modèle est
présenté, la main gauche réussit mieux que la main droite. Cette
dernière améliore pourtant ses performances au fil des mois qui
suivent la section des commissures : cette amélioration est à mettre
sur le compte soit d’une prise en charge progressive de la motricité
de la main droite par l’hémisphère ipsilatéral, soit de l’émergence
de compétences visuospatiales hémisphériques gauches.
L’apraxie constructive unilatérale droite reflète la dominance exercée
par l’hémisphère droit dans le domaine visuospatial, à la fois dans
la perception des informations (compétences visuospatiales
proprement dites) et dans la réalisation même de la tâche
(compétence « manipulospatiale »). Toutefois, cette compétence n’est
pas absolue. En effet, il n’est pas rare de constater, chez un patient
ayant une lésion du corps calleux, des difficultés touchant les deux
mains. L’apraxie constructive prend alors un aspect différent selon
la main concernée, traduisant l’expression isolée des compétences
propres à chaque hémisphère. Le dessin effectué par l’hémisphère
gauche/main droite est constitué de détails juxtaposés non insérés
dans une forme générale. Celui de l’hémisphère droit/main gauche
comporte les contours généraux, mais néglige les détails. Des
constatations identiques sont faites dans l’exécution de l’écriture :
l’écriture de la main gauche est réalisée grossièrement, alors que
l’écriture de la main droite est régulière ; les détails des lettres sont
bien dessinés, mais il y a une rotation des mots et une disposition
de ceux-ci sur la partie droite de la page [27].
Les lésions occasionnant une apraxie constructive droite siègent à la
partie postérieure du tronc du corps calleux : les troubles
n’apparaissent pas lorsque la destruction est limitée au splénium ou
touche la portion antérieure du tronc [66].
¶ Troubles de la mémoire
Des troubles de la mémoire ont été rapportés à quelques reprises
chez les patients callosotomisés. Le déficit concerne à la fois la
mémoire visuelle et verbale, et touche le rappel mais non la
reconnaissance. Pour certains auteurs [140, 143], il est secondaire à
l’atteinte de fibres calleuses unissant les hippocampes, dont
l’importance croît au cours du développement aux dépens de la
commissure interhippocampique. Pour d’autres [107], les anomalies
dépendent plus vraisemblablement d’une section de la commissure
interhippocampique souvent associée à celle de la partie postérieure
du corps calleux. Le rôle de la commissure antérieure est également
avancé, puisque cette structure réunit aussi les lobes temporaux.
Enfin, pour d’autres encore, la commissurotomie en soi n’affecte pas
la mémoire, mais ce sont les lésions associées qui doivent être
incriminées : les épileptiques traités par commissurotomie ont
fréquemment des foyers hippocampiques ; lors de lésions
spontanées du corps calleux, le gyrus cingulaire est souvent lésé.
Pathologies réalisant une déconnexion
interhémisphérique
L’utilisation courante de l’IRM depuis une quinzaine d’années a
accru considérablement le répertoire des circonstances pathologiques
au cours desquelles le corps calleux est affecté.
Ataxie optique croisée
Lorsqu’un objet est présenté dans le champ visuel périphérique d’un
patient ayant une lésion calleuse, il peut attraper celui-ci de la main
ipsilatérale ; en revanche, il en est incapable de la main
contralatérale.
Apraxie constructive droite
Les commissurotomisés deviennent incapables, de leur main droite,
d’effectuer des dessins ou des assemblages de cubes, alors que les
performances sont nettement meilleures de la main gauche. Les
10
INFARCTUS DU CORPS CALLEUX
¶ Infarctus du territoire de l’artère cérébrale antérieure
L’occlusion de l’artère cérébrale antérieure (ACA) ou de l’artère
péricalleuse peut entraîner un infarctus du corps calleux dans ses
quatre cinquièmes antérieurs ou dans sa totalité. L’atteinte calleuse
est relativement fréquente : 41 cas sur 75 infarctus observés chez
55 patients dans la série autopsique de Castaigne et al [31], mais
compte tenu du réseau vasculaire, il est exceptionnel que la nécrose
Neurologie
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
*
A
4
17-036-C-10
*
B
Infarctus du splénium du corps calleux. Coupes verticofrontales des hémisphères cérébraux (collection Loyez).
A. Coupe passant par le thalamus. Atrophie et dégénérescence de la partie postérieure du corps calleux. Noter
la préservation des fibres temporales.
B. Coupe passant en arrière du splénium.
C. Coupe passant par la scissure calcarine. Noter, sur les coupes B et C, la dégénérescence des fibres pariétales
et occipitales avec dilatation ventriculaire. P1 : Première circonvolution pariétale ; P2 : deuxième circonvolution
pariétale ; O1 : première circonvolution occipitale ; O2 : deuxième circonvolution occipitale ; O3 : troisième circonvolution occipitale ; C : cunéus : PrC : précunéus : Fus : lobule fusiforme : Lg : lobule cingulaire.
*
C
soit limitée au corps calleux (deux cas seulement dans la même
série) ; il existe presque toujours une atteinte associée du cortex
interne. Les cas les plus limités sont vraisemblablement dus à
l’oblitération d’une artère perforante principale mais, même dans ce
cas, l’infarctus déborde souvent sur le gyrus cingulaire. Dans ces
cas, le bec du corps calleux dépendant des branches diencéphaliques
de l’ACA est généralement épargné. La sémiologie de ces infarctus
reflète avant tout le dysfonctionnement préfrontocingulaire [29], les
signes de déconnexion interhémisphérique étant finalement assez
rares : aucun cas dans la série de 15 patients de Cambier et
Dehen [29] ; deux cas sur 27 patients de l’étude de Lausanne [20].
Même en cas de lésion calleuse objectivée par l’imagerie cérébrale,
les symptômes de déconnexion peuvent manquer [19, 20, 64]. Les
manifestations les plus fréquentes de déconnexion sont l’apraxie
unilatérale gauche, l’apraxie constructive droite, l’agraphie
gauche [64]. Il peut s’y ajouter des troubles du transfert somesthésique
11 9 ]
, une pseudohémianacousie gauche [ 11 9 ] , une apraxie
diagonistique [33, 61, 64], ou plus souvent des manifestations de
préhension de la main gauche dépendant davantage des dégâts
préfrontaux et cingulaires que de la lésion calleuse elle-même [33].
[102,
¶ Infarctus du territoire de l’artère cérébrale
postérieure
La destruction du splénium du corps calleux au cours des infarctus
de ce territoire est relativement rare : sept cas sur 39 dans la série
autopsique de Escourolle et al [48]. Son atteinte isolée est tout à fait
exceptionnelle. Dans l’étude anatomoclinique de Degos et al [42],
l’infarctus touchait le splénium, mais aussi la partie postérieure du
tronc du corps calleux. Une dégénérescence secondaire à l’infarctus
splénial détruisait les fibres de la substance blanche unissant les
lobes occipitaux et les lobules pariétaux supérieurs, et entraînait une
discrète perte neuronale dans la couche III du cortex (fig 4). Les
11
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
17-036-C-10
symptômes cliniques de déconnexion comportaient une anomie
tactile et visuelle gauche, une agraphie de la main gauche, une
apraxie unilatérale gauche limitée aux gestes décrits de façon
analytique, une apraxie diagonistique. Dans un autre cas [67], un
infarctus quasiment limité au splénium et à la partie postérieure du
tronc du corps calleux a été mis en évidence par IRM ; la seule lésion
associée touchait le cortex calcarin gauche entraînant une
quadranopsie latérale homonyme droite. La patiente avait une ataxie
optique croisée bilatérale, une extinction gauche totale en écoute
dichotique, une anomie et une alexie visuelles gauches, une anomie
tactile gauche, des troubles du transfert somesthésique ; enfin, un
certain degré d’agraphie et d’apraxie de la main gauche.
Le plus souvent cependant, les infarctus détruisent non seulement
le splénium du corps calleux ou la région latérospléniale où
convergent les fibres calleuses, mais également une portion variable
de cortex occipital et temporal interne. Lorsqu’un tel infarctus siège
à gauche, la sémiologie dysconnective consiste alors en une alexie
pure, telle qu’elle a été décrite plus haut, en association avec une
hémianopsie latérale homonyme droite. L’interprétation
déconnective de certaines alexies pures sans hémianopsie met
l’accent sur les lésions, non plus du splénium, mais de la substance
blanche périventriculaire du lobe occipital gauche qui lèse les voies
reliant les aires visuelles aux aires intra- et interhémisphériques du
langage [40]. Avec une lésion spléniale et occipitale, entraînant une
hémianopsie latérale homonyme, d’autres symptômes ont pu être
interprétés comme le reflet d’une déconnexion interhémisphérique.
Il s’agit essentiellement d’anomies, dont la plus fréquente est
l’anomie des couleurs. Une anomie pour les visages, difficulté à
retrouver, à partir de leur visage, le nom d’individus bien identifiés,
a pu être rapportée à une déconnexion interhémisphérique [56] ; on
ne peut cependant exclure que la lésion occipitotemporale interne
soit, par elle-même, responsable de ce symptôme.
¶ Autres infarctus
Des infarctus épargnant le corps calleux mais atteignant les fibres
transcalleuses dans leur trajet intrahémisphérique, peuvent
exceptionnellement conduire à une sémiologie de déconnexion. Une
apraxie idéomotrice de la main gauche est un symptôme classique
d’accompagnement de l’aphasie de Broca par infarctus dans le
territoire sylvien antérieur gauche (apraxie « sympathique » des
anciens). Elle se manifeste aussi bien dans les gestes sur ordre que
sur imitation. Dans les cas où cette apraxie est réellement unilatérale,
c’est-à-dire qu’elle n’est pas associée à une hémiplégie droite, elle
correspond vraisemblablement à une interruption de fibres
transcalleuses, mais les corrélations anatomocliniques de cette
apraxie restent floues.
Les infarctus lacunaires multiples, en touchant les fibres
interhémisphériques soit directement au sein du corps calleux, soit
dans leur trajet intrahémisphérique, sont susceptibles de provoquer
une déconnexion. Les études sont extrêmement rares dans ce
domaine. Une extinction de l’oreille gauche a ainsi été rapportée
chez des patients ayant sur l’IRM des lésions périventriculaires [109].
TRAUMATISMES CRÂNIENS
Le corps calleux est exposé aux dégâts traumatiques, non seulement
liés à un œdème ou des contusions lors des chocs fermés, mais aussi
par des mécanismes de cisaillements et de fragmentation des axones
lors des accélérations/décélérations [88] ou, plus exceptionnellement,
par un impact de la faux du cerveau au cours d’un traumatisme
vertical au vertex [39] ou un hématome traumatique [3]. Dans le mois
qui suit un traumatisme crânien fermé, l’IRM montre assez souvent
(28 % des cas sur 120 patients) des hypersignaux en T2 et en
séquence FLAIR (fluid attenuated inversion recovery) dans le corps
calleux, d’autant plus fréquemment que le traumatisme était sévère.
Ces images disparaissent pour la plupart avec le temps, ce qui
pourrait traduire un œdème postcontusionnel [131]. À long terme, à
la suite de traumatismes crâniens fermés graves, une atrophie
calleuse apparaît sur l’IRM, reflétant les lésions axonales
hémisphériques [80]. Finalement, les signes cliniques de déconnexion
12
Neurologie
calleuse sont rarement rapportés après traumatisme crânien, malgré
le caractère non rare des lésions calleuses, transitoires ou définitives.
Il faut souligner la difficulté ou l’impossibilité à explorer finement le
transfert calleux chez les traumatisés à la phase aiguë. Les lésions
traumatiques antérieures du corps calleux n’entraînent pas de
syndrome de déconnexion. Celles de la moitié postérieure peuvent
être responsables d’une anomie tactile gauche, isolée dans le cas
rapporté par Bryon et Jedynak [25], d’une apraxie unilatérale gauche,
d’une apraxie constructive de la main droite [21] ou d’un syndrome
de déconnexion plus complet associant à des degrés divers aux
signes précédents une agraphie de la main gauche, une anomie
visuelle gauche, une alexie visuelle gauche, une extinction relative
de l’oreille gauche, des troubles du transfert somesthésique et tactile
[32, 115]
. Enfin, un traumatisme ayant détruit la partie antérieure du
corps calleux a entraîné un comportement anormal, de nature
antagoniste : la patiente ressentait le besoin d’ouvrir et fermer de la
même main une porte, se plaignait de dire ou de faire le contraire
de ce qu’elle souhaitait, de s’habiller autrement que ce qu’elle
projetait, d’avoir des accès d’agressivité contraires à son
tempérament [108]. À la différence de l’apraxie diagonistique, il
semblait dans ce cas que chaque hémisphère pouvait d’un instant à
l’autre élaborer un comportement différent.
TUMEURS DU CORPS CALLEUX
Ce sont les manifestations liées au développement de tumeurs
trigono-septo-calleuses, qui ont été initialement regroupées sous le
nom de « syndrome calleux » : troubles psychiques variés, altération
de la mémoire, signes d’hypertension intracrânienne, troubles
posturaux et sphinctériens, etc. Ces divers symptômes ne
témoignent pas d’une déconnexion interhémisphérique, mais ne font
que traduire le retentissement de la tumeur sur les structures
adjacentes. Un envahissement tumoral limité au corps calleux est
exceptionnel. Dans l’immense majorité des cas, les tumeurs calleuses
sont des gliomes. En fonction de leur siège, on retrouve les
principaux signes de déconnexion interhémisphérique [23] . Les
lipomes du corps calleux sont des tumeurs congénitales rares,
associées à d’autres anomalies congénitales, dont fréquemment une
agénésie calleuse. Les symptômes cliniques ne dépendent pas du
lipome, mais des lésions associées.
MALADIE DE MARCHIAFAVA-BIGNAMI
Il s’agit d’une encéphalopathie survenant chez l’alcoolique
chronique, caractérisée par une démyélinisation et une nécrose
éventuellement hémorragique de la partie centrale du corps calleux,
étendues sur tout ou partie de sa longueur. Le processus peut
toucher la substance blanche des hémisphères cérébraux, et
éventuellement les commissures antérieures et postérieures [49]. Deux
formes cliniques sont individualisées : l’une est aiguë avec coma,
manifestations neurologiques graves et évolution fatale à court
terme ; l’autre permet la survie avec des séquelles plus ou moins
importantes. Grâce à l’IRM, qui fait le diagnostic du vivant du
malade, les formes bénignes sont de plus en plus souvent détectées
(fig 5) [30, 73, 101]. Dans certains cas, toutefois, l’IRM est normale [5]. Les
signes de déconnexion interhémisphériques sont variables ;
généralement, ils sont difficiles à rechercher à la phase aiguë de la
maladie. Parfois, aucun symptôme n’est décelé, malgré la lésion
calleuse [132]. Ailleurs, une sémiologie partielle ou complète de
déconnexion est mise en évidence : apraxie unilatérale gauche ou
non-réponse du membre supérieur gauche aux commandes verbales,
agraphie gauche, anomie gauche, ataxie visuomotrice croisée,
apraxie constructive de la main droite, troubles du transfert
somesthésique, hémialexie gauche [5, 12, 75, 92], plus rarement apraxie
diagonistique [8, 134]. Certains signes d’accompagnement relèvent
directement des lésions associées de la substance blanche, comme la
dysarthrie [31, 134], un syndrome de Balint [101, 134], une aphasie souscorticale [52] ou une démence [31].
Neurologie
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
5
Maladie de Marchiafava-Bignami.
Imagerie par résonance magnétique : coupe coronale en
séquence pondérée T1 (cliché dû à l’obligeance du
docteur Meyrignac).
17-036-C-10
l’allongement du temps de réaction [111]. Les épreuves de frappe
bimanuelle alternée sont perturbées, témoignant d’un déficit du
transfert d’informations motrices, corrélé à l’atrophie de la moitié
antérieure du tronc du corps calleux [105]. Le transfert intermanuel
d’informations somesthésiques, dans une épreuve consistant à
indiquer avec le pouce sur les phalanges des doigts, la localisation
d’un stimulus tactile appliqué sur les phalanges homologues de la
main contralatérale est également altéré, en relation moins exclusive
avec l’atrophie de la partie postérieure du corps calleux [105, 106]. Les
troubles du transfert auditif et somesthésique peuvent exister sans
lésion évocatrice de plaques de la substance blanche ou du corps
calleux sur l’IRM, seule une atrophie calleuse étant alors
constatée [106]. Enfin, quelques cas d’alexie sans agraphie ont été
décrits, éventuellement associés à des troubles sémantiques de la
compréhension [74] et dont l’explication, en termes déconnectifs,
nécessite de faire appel à une déconnexion à la fois intra- et
interhémisphérique.
AGÉNÉSIE CALLEUSE
SCLÉROSE EN PLAQUES
Les plaques de démyélinisation ont tendance à se constituer dans
les régions périventriculaires où convergent les fibres à destinée
calleuse. Le corps calleux lui-même est le siège de plaques (fig 6) [10]
entraînant au pire une démyélinisation totale et s’atrophie avec le
temps, de façon habituellement proportionnelle à l’importance des
lésions intra- et péricalleuses [121]. Cette atteinte des fibres calleuses
est connue depuis longtemps, mais la recherche systématique de
signes cliniques de déconnexion interhémisphérique chez les
patients atteints de sclérose en plaques (SEP) est récente. Quoique
cette éventualité ait été rapportée, il est exceptionnel qu’un
syndrome classique de déconnexion soit présent : apraxie, anomie
tactile, agraphie gauches, corrélées à une atrophie calleuse et à des
lésions sévères de la substance blanche hémisphérique [113]. En fait,
dans la majorité des cas, la mise en évidence de signes de
déconnexion nécessite des procédures d’évaluation assez fines et la
comparaison des performances avec des populations témoins. Dans
ces conditions, différentes perturbations du transfert
interhémisphérique ont été observées. En écoute dichotique, une
extinction relative ou absolue de l’oreille gauche est très fréquente,
notamment chez les patients dont l’IRM montre une atrophie du
corps calleux, et plus particulièrement de la région spléniale [9, 111].
La dénomination des stimulus présentés en tachistoscopie est plus
difficile à partir du champ visuel gauche, comme en atteste
Il s’agit d’une des plus fréquentes malformations cérébrales (1 à
3/1 000) [77]. Les axones ne croisent pas la ligne médiane lors du
développement embryologique et se regroupent en deux faisceaux
longitudinaux paramédians antéropostérieurs ou faisceaux de
Probst. L’agénésie calleuse peut être totale ou partielle, atteignant
dans ce dernier cas la portion postérieure du corps calleux (fig 7).
Elle peut être isolée ou s’accompagner d’autres malformations
congénitales : dilatation postérieure des ventricules latéraux ;
verticalisation des sillons corticaux supracalleux ; hypoplasie
vermienne, dysraphies, hétérotopies de substance grise. L’agénésie
calleuse n’est pas spécifique d’une maladie donnée : habituellement
sporadique, elle s’intègre dans différents syndromes neurologiques :
syndrome d’Aicardi chez la fille (lacunes choriorétiniennes,
hétérotopies de substance grise, hypsarythmie), syndrome
d’Andermann (comportant une neuropathie axonale), syndrome
acrocalleux (déformation des extrémités), syndrome de Shapiro
(hypothermie spontanée récurrente, autres troubles
dysautonomiques). Elle peut relever également de fœtopathies
infectieuses. Enfin, elle dépend parfois d’anomalies chromosomiques
ou d’une affection héréditaire, comme le syndrome d’Alpers
(malformation limbique, syndactylie). D’autres variétés d’anomalies
congénitales du corps calleux sont décrites : un amincissement
extrême d’origine autosomale récessive, associé à des anomalies de
substance blanche et à une absence de pyramides bulbaires, lié à un
défaut de myélinisation ou de stabilisation axonale [85] ; l’absence
complète de corps calleux dans le cadre de maladies métaboliques
héréditaires (déficit en pyruvate déhydrogénase E 1 -alpha,
hyperglycinémie sans cétose). Les manifestations cliniques
6
Sclérose en plaques.
Plaques de démyélinisation intracalleuses sur une imagerie
par résonance magnétique en coupe sagittale, séquence pondérée en T1 (A) et en coupe frontale, séquence pondérée en T2 (B)
(clichés dus à l’obligeance du docteur Dbaiss). Caractéristiquement, les lésions affectent la portion ventrale du corps calleux,
à partir du toit du ventricule [60].
*
A
*
B
13
17-036-C-10
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
Neurologie
7
Agénésie du corps calleux. Syndrome d’Aicardi chez une
enfant de 1 an. L’imagerie par résonance magnétique cérébrale
en coupe sagittale séquence pondérée en T1 (A) et en coupe coronale séquence pondérée T2 (B) montre une agénésie complète
de la partie postérieure du corps calleux et un amincissement
de la partie antérieure (clichés dus à l’obligeance du docteur
Dbaiss).
*
A
dépendent avant tout des lésions extracalleuses : retard de
développement, crises épileptiques. L’agénésie calleuse isolée peut
s’associer elle-même à un retard mental, mais ce n’est pas la règle
puisque des agénésies calleuses sont découvertes fortuitement chez
des sujets d’intelligence normale à l’autopsie ou lors d’examen par
IRM.
L’absence de corps calleux ne reproduit pas la sémiologie de
déconnexion interhémisphérique observée chez les callosotomisés.
Il n’en existe pas moins des troubles du transfert
interhémisphérique. La coordination bimanuelle est généralement
altérée [53, 112]. Le transfert d’un apprentissage kinesthésique peut se
révéler difficile [53]. Le transfert d’un apprentissage moteur (dessin
en « miroir ») diffère de celui des sujets sains : normalement, il y a
un avantage du transfert de l’hémisphère dominant vers
l’hémisphère non dominant, ce qui n’est pas observé chez les
patients acalleux, traduisant peut-être l’absence d’influence calleuse
inhibitrice [130]. Les réponses croisées motrices à une stimulation
lumineuse dans un hémichamp sont, comme chez les callosotomisés,
nettement allongées chez les patients par rapport aux témoins,
traduisant le défaut de transmission calleuse [1, 94]. L’inhibition
calleuse physiologique de l’activité musculaire ipsilatérale lors de la
stimulation magnétique du cortex moteur disparaît lorsque
l’agénésie affecte la portion antérieure du corps calleux [90]. La
14
*
B
localisation d’un stimulus dans le champ visuel droit est difficile,
alors que l’identification en est bonne, l’hémisphère gauche isolé
étant moins efficace que le droit dans l’évaluation spatiale [86]. Sauf
exception, il n’y a pas chez les agénésiques de déficit du transfert
somesthésique, d’anomie de la main gauche, d’anomie visuelle
gauche, d’apraxie gauche, d’extinction auditive gauche, d’apraxie
constructive de la main droite.
Il est donc certain que ces patients bénéficient de mécanismes
compensateurs qui, s’installant lors du développement du système
nerveux, limitent considérablement le retentissement de l’agénésie
calleuse. La commissure blanche antérieure, par exemple, peut
participer à des transferts normalement assurés par le corps calleux :
lorsqu’elle est présente et hypertrophique, il n’y a pas d’anomalie
des transferts visuels vers l’hémisphère gauche et tactiles vers
l’hémisphère droit ; en revanche, lorsqu’elle est absente, ces
transferts sont altérés [54]. Ce n’est pas le seul mécanisme, puisque
même si la commissure antérieure manque, l’écoute dichotique ne
détecte pas d’extinction gauche. Les fonctions hémisphériques
pourraient ainsi être moins latéralisées que chez les sujets sains et
les voies ipsilatérales plus largement utilisées ; enfin, chaque
hémisphère pourrait user d’indices dérivés de la réponse fournie
par l’hémisphère contralatéral pour identifier un stimulus (indiçage
croisé).
Neurologie
Syndromes de déconnexion interhémisphérique
17-036-C-10
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