Piétonnier à Bruxelles - Quartier Saint
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Piétonnier à Bruxelles - Quartier Saint
Bruxelles: la zone piétonne du centre-ville va bouleverser les habitudes Le Soir - PIERRE VASSART - 24 novembre 2014 Il y aura davantage de rues piétonnes que prévu initialement. De nombreuses lignes de bus devront être modifiées. Un mini-train électrique permettra de circuler d’un lieu à l’autre. Des pistes cyclables en site propre seront créées. Je lance un appel aux Bruxellois et aux autres. Osez tester le changement avec nous et faites-nous part de vos remarques. Nous tiendrons compte des avis de tout le monde, même si nous savons que dans d’autres villes européennes qui ont instauré un tel changement, il a fallu deux ans pour que chacun s’adapte.» C’est entre prudence et enthousiasme que le bourgmestre de la Ville de Bruxelles Yvan Mayeur (PS) a conclu lundi matin la présentation du futur plan de circulation du centre de la capitale qu’il faisait à la presse aux côtés de l’Echevine de la Mobilité Els Ampe (Open-VLD), du ministre régional de la Mobilité Pascal Smet (S.PA) et du directeur général de la Stib Brieuc de Meeus. C’est que ce plan va bousculer les habitudes, et qu’avant même sa présentation, des voix s’élèvent contre lui. Pour rappel, ce nouveau plan doit accompagner le grand projet de cette législature pour le centre-ville, à savoir la transformation en piétonniers des boulevards du centre, mais aussi d’autres zones périphériques. «Bruxelles offrira ainsi en son centre la plus vaste zone piétonne d’Europe, souligne Els Ampe. Plus vaste qu’à Vienne ou même Bordeaux.» Car il ne s’agira pas uniquement de piétonniser les boulevards du centre entre la place De Brouckère et la rue des Pierres. «Nous avons vécu une séance mémorable autour d’une table avec tous les acteurs et tous les plans, et nous nous sommes rendus compte que nous pouvions aller beaucoup plus loin», se réjouit Yvan Mayeur. Un petit train électrique gratuit Outre les boulevards du centre, quatre zones dites «confort» seront donc aménagées: dans les Marolles, la place du Jeu de Balle en partie ainsi que la rue du Chevreuil seront piétonnisées, et l’esplanade de la place de la Chapelle sera vidée de ses voitures; dans le quartier Saint-Jacques, la place Fontainas, la rue du Midi entre la rue du Lombard et la rue des Alexiens ainsi que la rue des Grands Carmes s’ajouteront à la zone piétonne existante (rue du Jardin des Olives, rue du Marché au Charbon, rue du Bon Secours, rue de la Gouttière et rue de l’Etuve); dans le quartier du Béguinage, la place du Samedi sera livrée aux seuls piétons; dans le quartier Dansaert, enfin, ce seront une partie de la place du nouveau Marché aux Grains et de celle du Vieux Marché aux Grains seront elles aussi débarrassées des voitures. Et pour se déplacer entre ces zones, si on marche difficilement? La Ville prévoit d’installer un petit train électrique gratuit se déplaçant à 5 km/h seulement, que tout un chacun pourrait emprunter gratuitement. Conséquence de ce grand chambardement, la circulation automobile a donc été entièrement revue. L’esprit de cette restructuration du trafic est de permettre à chacun d’arriver en voiture en bordure du centre-ville avec l’aide de panneaux de téléjalonnement dynamique, et de s’y garer dans un parking, avant de poursuivre son chemin à pied. Quatre nouveaux parkings seront d’ailleurs construits à cet effet (à Yser, au Nouveau Marché aux Grains, à la place du Jeu de Balle et à la place Rouppe). Les autorités bruxelloises souhaitent également que les habitants du centre-ville puissent continuer à utiliser leur voiture, y compris pour se déplacer d’une zone confort à une autre, moyennant un certain nombre de règles. Enfin, elles ont pour objectif de proscrire la circulation de transit dans le centre, laquelle représenterait entre 30 et 40% de la circulation selon les heures de comptage. A cette fin, il sera donc mis en place une «boucle de desserte» où le trafic ne sera autorisé que dans un seul sens sur la grande part du parcours. En arrivant par la rue de la Loi, les automobilistes pourront emprunter le trajet rue des Colonies, Cathédrale, rue Fossé aux Loups jusqu’à la rue Van Artevelde, tourner à gauche pour emprunter l’axe Six Jetons, Bogards, Alexiens jusqu’au boulevard de l’Empereur d’où ils pourront rejoindre le point de départ mentionné. Et c’est là que les détracteurs du projet s’énervent, dénonçant l’instauration d’un «mini-ring» qui rendra selon eux la vie des riverains infernale. Question de vocabulaire? Yvan Mayeur, en tout cas, assure que la Ville est tout aussi opposée à l’idée d’un «mini-ring», et que la «boucle de desserte» n’aura pas du tout cette vocation. «Selon les études, ajoute Els Ampe, le trafic de transit prendra tout naturellement la destination de la petite ceinture et n’encombrera plus le centre-ville.» « Pas de certitudes » En concertation avec la Stib, il a fallu également repenser complètement le trafic des bus dans l’hyper-centre. Et notamment les terminus. En résumé, les 63, 65 et 86 auront leur terminus à la gare centrale. Le terminus des 66, 71 et 29 sera rue des Halles. La place du Nouveau Marché aux Grains accueillera celui du 46. La zone formée par les boulevards Jacqmain et Max accueillera les terminus des lignes 88 et 47, et la rue du Lombard, ceux des 48 et 95. Par ailleurs, un réseau de pistes cyclables en site propre sera aménagé, non seulement tout au long de la petite ceinture, mais en plus le long d’une série d’axes pénétrants qui mèneront jusqu’à l’hypercentre. Et question calendrier? Dès le 13 décembre, en profitant des Plaisirs d’hiver, une série de changements de sens de circulation seront déjà mis en place. La phase la plus visible sera instaurée ensuite instaurée en juillet 2015. Le sens de la circulation sera, entre (beaucoup) d’autres, modifié pour les rues Fossé aux Loups, où la bande bus disparaîtra presque totalement, ou la rue de l’Ecuyer. Et l’élargissement de la zone piétonne (place de la Bourse, boulevard Anspach, boulevard Adophe Max, rue du Midi, etc.) se concrétisera dès le 18 juillet 2015. Mais chacun y insiste: chaque modification constituera une phase test, où toutes les observations seront les bienvenues. «Il y a des points pour lesquels nous n’avons pas de certitudes, observe Yvan Mayeur. Seule la phase test et l’avis des usagers nous permettront d’y voir plus clair.» Piétonnier à Bruxelles : la contestation au projet n’est pas tendre Le Soir - Pierre Vassart - 26 novembre 2014 Pas de concertation, pas d’étude préalable, pas de communication : les reproches sont nombreux. Et le plan, mal ficelé, selon ses opposants. Z’azis d’abord, ze réfléssis ensuite. » La formule, restée célèbre, du Premier ministre PS Achille Van Acker (1946, puis 1954-1958) pourrait résumer la volée de lourds griefs adressés au bourgmestre de la Ville de Bruxelles Yvan Mayeur (PS) et à son échevine de la Mobilité Els Ampe (Open VLD) à la suite de leur annonce d’un nouveau plan de circulation pour le centre de la capitale. Ce plan, pour rappel, accompagnera la transformation en piétonnier d’un grand nombre d’artères de l’hypercentre et la construction de quatre nouveaux parkings de dissuasion aux portes de ce périmètre « de confort » (Le Soir de mardi). C’est l’absence de concertation, le manque de communication et la méthode de travail, jugée sans considération pour les acteurs de terrain ou les riverains, qui est dénoncée de toutes parts. Une façon d’avancer « à la hussarde » qui a abouti, selon ces détracteurs, à un plan mal évalué et mal ficelé, singulièrement en deux de ses aspects : la création de quatre nouveaux parkings souterrains (à la place du Jeu de Balle, place du Nouveau Marché aux Grains, place Rouppe et place de l’Yser), mais aussi l’établissement d’un « miniring » intérieur au Pentagone (les autorités bruxelloises parlent, elles, d’une « boucle de desserte »). En ce qui concerne les parkings, c’est incontestablement celui de la place du Jeu de Balle, au cœur des Marolles, où se tient le très réputé marché aux puces de la capitale, qui soulève le plus de contestation (lire ci-contre). Mais c’est le principe même de la construction de ces parkings que la conseillère communale de l’opposition Marie Nagy (Ecolo) ne comprend pas. « Sous la législature précédente, nous avons développé un plan de mobilité très élaboré, qui comprenait un diagnostic fourni par deux bureaux d’experts réputés, se souvient-elle. Ils soulignaient que les parkings existants ne sont à l’heure actuelle occupés qu’à 50 %. Pourquoi, dès lors, en construire quatre de plus, sans parler de l’extension du parking de la place Poelaert, voté lundi dernier au conseil communal ? » Pour compenser la perte de places en surface ? « Els Ampe n’a pu nous donner aucun chiffre sur le nombre de places qui vont disparaître, répond Marie Nagy. Aucune étude n’a semble-t-il été faite. » Et dans un communiqué commun, les associations Arau (Atelier de recherche et d’action urbaines), Inter-Environnement Bruxelles et son pendant néerlandophone le Bral en rajoutent une couche. Dénonçant « une politique anachronique » qui renforcera « l’accessibilité au centre », elles rappellent qu’il existe déjà 34 parkings au centre-ville, équivalant à 20.000 places, « un des plus hauts ratios d’Europe », affirment-elles. Quant à la création du miniring (ou de la boucle de desserte), elle suscite encore davantage le tollé. « Elle va à l’encontre du plan Iris, assure Marie Nagy. Les sites propres des bus supprimés, les voies réduites par des pistes cyclables en site propre, on mêlera sur ce miniring les voitures et les bus, et on espère que cela facilitera la mobilité ? Ce sera le contraire », s’inquiète-t-elle. Marie Nagy souligne en outre que la desserte du centre-ville en transports en commun sera de fait réduite, et que la zone piétonne pourra toujours être traversée par des véhicules. Le trio d’associations, pour sa part, estime que ce projet « rappelle furieusement le miniring dessiné dans les plans du groupe Tekhné, en 1962 », et qu’il « comporte le risque de rendre invivable le Pentagone entre ce miniring et la Petite ceinture, aux abords de laquelle les Bruxellois souffrent déjà beaucoup ». Sollicité par nos soins, Arnaud Texier, le directeur de l’agence régionale du commerce Atrium, s’il « salue l’initiative et l’audace du projet », se dit pour sa part « peiné que certains acteurs n’aient pas été associés à la réflexion », et notamment son institution, dont l’expertise est pourtant reconnue « et que nous sommes demandés dans d’autres villes européennes », indique-t-il. Un oubli d’autant plus regrettable que les services d’Atrium auraient été gratuits pour la Ville, note-t-il. Le prochain conseil communal, lundi, s’annonce déjà agité. Le parking du Jeu de balle est le plus contesté A en croire Julie Gerbaud, présidente de l’association des commerçants de l’ancienne caserne de la place du Jeu de balle, c’est à la naissance d’un vrai mouvement populaire de contestation qu’on assiste dans les Marolles. Trois pages Facebook de protestation ont été créées contre le projet de parking, et une pétition en ligne lancée ce mardi recueillait déjà à 21 heures plus de 2.200 signatures contre les « schieven architekten ». « Le quartier se sent attaqué, explique Julie Gerbaud, et les commerçants n’étaient pas demandeurs d’un tel parking. » Ses arguments ? Ils tombent en rafale : à proximité, le parking de la porte de Hal n’est que peu utilisé. Mal signalé, mal balisé, insécurisant, il n’attire pas, « et il n’y a pas de raison que les gens utilisent davantage un nouveau parking », estime-t-elle. Ensuite, avec un sens unique inchangé dans la rue Blaes, il ne fera qu’attirer des voitures en plus grand nombre. Il y a aussi « la communication très maladroite » des autorités : « Jusqu’au 5 novembre, l’échevine du Commerce Marion Lemesre (MR) nous assurait qu’il n’y aurait pas de parking », dit-elle. Puis le calendrier, très court, avec un appel d’offres annoncé pour avril et un début de chantier en août. Enfin, il y a l’impact sur le commerce : « Avec la crise, déjà, la plupart seront contraints à la fermeture… » Le plan de mobilité à la Ville de Bruxelles a été adopté dans le chahut Environ deux cents personnes sont venues exprimer leur mécontentement ce lundi soir. La création d’un parking aux Marolles était au centre des contestations. Plus de 13.000 signatures sur la pétition contre le parking de la place du Jeu de Balle La séance du conseil communal de la Ville de Bruxelles s’est déroulée sous haute tension ce lundi soir. C’est dans un climat très tendu, en effet, et avec quelque deux cents manifestants mobilisés par la plate-forme Marolles présents à l’extérieur de la salle du conseil, que le conseil communal de la Ville a voté majorité contre opposition l’adoption de ce plan, ainsi que la mise sur le marché de la construction et de l’exploitation de quatre nouveaux parkings souterrains (place du Jeu de Balle, place Rouppe, place de l’Yser et place du Nouveau Marché aux Grains), Quelques incidents lors du vote Des incidents et les prises de position bruyantes des personnes à l’extérieur de la salle n’ont pas empêché le vote, à majorité contre opposition, du plan de circulation mais ils ont contribué à électriser les échanges entre les chefs de file de l’opposition et le bourgmestre Yvan Mayeur (PS). L’opposition Ecolo, cdH et FDF qui soutient le projet de piétonnier sur les boulevards du centre aurait voulu un report du vote, jugeant que le projet d’aménagement de parkings, notamment sous la place du Jeu de Balle, n’est pas mûr et mérite davantage de participation de la population. Comme l’échevine de la Mobilité Els Ampe (Open vld), cheville ouvrière du dossier des parkings, Yvan Mayeur a souligné qu’il n’y avait pour le moment aucun projet alternatif appuyé par une majorité de conseillers communaux, laissant entendre que l’opposition ne défend pas la même vision du projet. Maintenir le marché durant les travaux est-il possible ? Yvan Mayeur a ajouté que le plan de mobilité s’inscrivait dans un processus évolutif et qu’il serait soumis à une période de test de huit mois. Yvan Mayeur a par ailleurs expliqué que le projet de parking sous la place du Jeu de Balle visait à permettre aux habitants d’accéder en priorité à cette infrastructure qui semble nécessaire, notamment en raison de l’emprise des véhicules du marché sur l’espace public environnant. Mais lui-même, comme l’échevine, dit vouloir être sûr que l’on pourra maintenir le marché durant les travaux avant de se prononcer définitivement.