Le Régime volontaire d`épargne retraite (RVER) face au défi de la
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Le Régime volontaire d`épargne retraite (RVER) face au défi de la
Le Régime volontaire d’épargne retraite (RVER) face au défi de la sécurité du revenu à la retraite des personnes salariées des groupes communautaires et de femmes et des entreprises d’économie sociale Face aux problèmes de couverture inadéquate et de taux de remplacement insuffisants à la retraite pour un trop grand nombre de personnes salariées, le gouvernement Marois a choisi de ne pas améliorer le Régime de rentes du Québec pour plutôt reprendre à peu près tel quel un projet du gouvernement Charest. Il s’agit d’une extension du modèle actuel des REER sous le nom de Régime volontaire d’épargne-retraite (RVER). Le comité de retraite du Régime de retraite des groupes communautaires et de femmes (RRFS GCF) continue à intervenir en appui à la campagne menée par la FTQ pour l’amélioration des régimes publics ainsi qu’aux initiatives plus récentes de la FFQ et du CIAFT. Le projet de loi 39 prévoit que le RVER entrera en vigueur le 1er janvier 2014, mais ne deviendra obligatoire que le 1er janvier 2016. D’ici au 1er janvier 2016, la question que devra se poser chaque groupe communautaire et de femme et chaque entreprise d’économie sociale qui ne cotise pas déjà à un régime de retraite, à un REER ou à un CELI est : adhérer à un RVER ou adhérer au Régime de retraite des groupes communautaires et de femmes? Ce présent texte apporte un certain nombre d’informations et d’arguments sur cette question, en étant aussi objectif que possible mais en le formulant tout de même du point de vue du Régime de retraite des groupes communautaires et de femmes. Le tableau 1 vise à comparer le RRFS avec le RVER suite aux informations contenues dans le projet de loi 39 ainsi que dans le budget Bachand de mars 2012 qui contenait des informations additionnelles, sur l’option de placement par défaut par exemple. Tableau 1 - Comparaison des principales caractéristiques d’un RVER et du RRFS des groupes communautaires et de femmes Type de régime RVER RRFS des groupes communautaires et de femmes Régime à cotisation déterminée. On sait ce qu’on met dedans; ce qu’on retirera à la retraite dépend du rendement. Régime à prestations déterminées. La rente acquise est garantie et, dans le cas des participants actifs et retraités, ne peut pas être réduite quels que soient le rendement ou la situation financière du régime. L’indexation de cette rente est financée, mais non garantie, et dépend de la situation financière du Régime. 1 RVER RRFS des groupes communautaires et de femmes Mise sur pied du Régime L’employeur sans aucun régime de retraite ou REER ou CELI avec déduction à la source devra mettre sur pied un RVER au plus tard le 1er janvier 2016 s’il compte 5 employés ou plus ayant 1 an de service continu. Il peut le mettre sur pied dès le 1er janvier 2014. L’employeur admissible peut adhérer au RRFS-GCF lorsque son conseil d’administration l’approuve et si, au terme de la période de consultation, pas plus de 30% des salariés ne s’y objectent. Adhésion Adhésion automatique pour tout salarié ayant au moins 1 an de service continu, mais droit de retrait dans les 60 jours suivants. Adhésion obligatoire (a) dès l’embauche pour un salarié déjà membre du Régime, (b) après 3 mois de service continu pour un salarié régulier et (c) après 5 ans de service continu pour un salarié non régulier. Le salarié qui a travaillé 700 heures ou gagné 17 885 $ en 2013 peut adhérer le 1er janvier 2014. Cotisation salariale Sauf décision contraire du salarié, le taux de cotisation défaut sera déterminé par règlement (le budget Bachand parlait d’une hausse progressive de 2% à 4% au terme d’une période de 4 ans). La cotisation minimale est de 0% et maximale de 18% du salaire. Le niveau de la cotisation salariale des personnes salariées d’un groupe est déterminé par chaque groupe et s’applique à tous les participants. 30% des participants d’un groupe peuvent s’opposer à une hausse de la cotisation. La cotisation minimale totale (employés + employeur) est de 2% du salaire et la cotisation maximale est de 18%. Cotisation patronale minimale requise Aucune. L’employeur peut choisir de cotiser pour les employés qui cotisent. Au moins égale à la cotisation salariale. Qui supporte le risque? Le participant, individuellement, supporte le risque de marché et de longévité. Le régime (ensemble des cotisants), supporte le risque, pour garantir la rente acquise tout au long de la vie de la personne retraitée. 2 RVER RRFS des groupes communautaires et de femmes Possibilité de retrait des montants avant la retraite? Possibilité de retirer les sommes accumulées provenant de cotisations salariales avant la retraite. Les cotisations patronales seront immobilisées et ne pourront être retirées que progressivement après 55 ans. Toutefois, les personnes qui ont accumulé un petit montant (une valeur des droits inférieure à 10 220 $) ou en cas d'invalidité physique ou mentale réduisant l'espérance de vie peuvent se faire rembourser. Il en est de même pour la personne qui a cessé de résider au Canada depuis 2 ans. Les montants accumulés sont immobilisés et ne pourront être retirés que sous forme de rente après la retraite ou transférés dans un compte de retraite immobilisé. Toutefois, les personnes qui ont accumulé un petit montant (une valeur des droits inférieure à 10 220 $) ou en cas d'invalidité physique ou mentale réduisant l'espérance de vie peuvent se faire rembourser en un paiement ou une série de paiements. . Il en est de même pour la personne qui a cessé de résider au Canada depuis 2 ans. Possibilité dans certains cas de retraits progressifs ou entiers à partir de 55 ans Qui gère le régime? Sans être tenu de cotiser, l’employeur choisit l’institution financière : un assureur, une société de fiducie ou un gestionnaire de fonds d’investissement. Comité de retraite élu annuellement par et parmi les participants actifs et retraités et les employeurs, lequel choisit les fournisseurs de services (gestionnaires, administrateur, etc...) Où est-ce que j’en aurai davantage pour mon argent tout en ayant la meilleure protection? Les salaires versés dans le communautaire sont modestes, et les budgets des groupes le sont également. Il est donc important de s’assurer que, pour une cotisation donnée, la rente soit aussi élevée que possible et qu’elle permette de verser des rentes au moins jusqu’à 88 ans, ce qui correspond à l’espérance de vie d’une femme prenant sa retraite à 65 ans. Le fait que, dans un RRFS, l’employeur doive verser une cotisation au moins égale à la cotisation versée par l’employé assure déjà à l’employé un effet de levier à la cotisation versée : au minimum, il double sa mise. Mais si on veut aller plus loin dans la comparaison, il faut comprendre comment chacun des 2 régimes générera les rendements qui permettront de payer les rentes promises. La politique de placement d’un RVER : de moins en moins performante en vieillissant afin de protéger le capital, puisque chaque participant supporte individuellement le risque La politique de placement d’un RVER doit composer avec le fait qu’en vieillissant, le profil d’investisseur devient plus conservateur afin de protéger le capital; c’est encore plus vrai lorsque la retraite est commencée. Voilà pourquoi le budget Bachand retient l’approche « cycle de vie » dans un RVER. En vertu de cette option, la politique de placement prévoit beaucoup plus 3 d’actions et moins d’obligations quand on est jeune : on a du temps devant nous et on peut donc prendre le risque d’une politique de placement plus agressive afin d’aller chercher davantage de rendement. Toutefois, en vieillissant, on est contraint de s’assagir et de devenir beaucoup plus prudent car plus on approche du moment de la retraite et de la retraite effective, il faut prioriser la protection du capital. On n’a pas le choix puisque l’individu supporte seul le risque. Les documents déposés lors du budget Bachand donnent un exemple d’une telle politique de placement en fonction de l’âge. Même si nous sommes d’opinion que l’exemple fourni exposerait la personne retraitée, nous prendrons cet exemple. En utilisant le rendement attendu sur les marchés financiers par la Régie des rentes dans la dernière évaluation actuarielle 2009 du RRQ, et en supposant que les frais de gestion du RVER seraient un peu plus faibles que les frais actuels de gestion des REER1, on est capable de calculer le rendement attendu d’un RVER, en supposant que le rendement effectif sera égal à ce rendement attendu. Notre politique de placement : une politique diversifiée conciliant performance et sécurité Dans le cas du RRFS des groupes communautaires et de femmes, la mise en commun du risque et l’existence de coussins importants grâce à sa réserve pour indexation établie pour faire face aux hauts et aux bas des marchés financiers, lui permettent de maintenir une politique diversifiée tout au long de la vie de ses participantes et participants. En utilisant les mêmes hypothèses de rendement des marchés financiers que pour le RVER et en supposant des frais de gestion de 1%, un niveau que nous atteindrons dans quelques années avec la croissance de nos actifs, on peut constituer le tableau suivant : Tableau 2 - Comparaison du rendement attendu d’un RVER et du RRFS des groupes communautaires et de femmes RVER - Répartition d’actifs selon l’âge Classe d’actifs RRFS GCF Répartition d’actifs 30 40 50 60 Obligations 25 % 50 % 60 % 75 % 40 % Actions 75 % 50 % 40 % 25 % 60 % Rendement attendu net des frais 5,6 % 5,0 % 4,7 % 4,2 % 5,8 % Rendement annualisé de 1$ investi à 2 5 ans jusqu’au décès à 88 ans 4,7 % 5,8 % 1 Le gouvernement a renoncé à réglementer directement les frais de gestion, mais il espère que la croissance des actifs abaissera le niveau typique des frais de gestion annuels des REER, actuellement d’un peu plus de 2%, à 1,5% des actifs. Selon l’OCDE, des frais annuels de 2% impliquent que 37% de l’accumulation d’épargne à vie d’un REER va dans les poches des institutions financières et que 63% revient au cotisant. 4 Une différence de 0,9% par année peut sembler modeste mais fait toute une différence au plan cumulatif. En effet, 1$ investi à 4,7% pendant 63 ans vaut 18,99 $à 88 ans tandis que s’il est investi à 5,8%, il vaut plutôt 35,56$, soit une différence de 87 % ! Si on n’a pas beaucoup d’argent à mettre dans un régime de retraite, une telle différence de rendement peut faire toute une différence. Le graphique qui suit permet de visualiser la différence de performance, qui prend de l’importance au fur et à mesure que le cotisant vieillit et part à sa retraite : Graphique 1 - Évolution de la valeur d’une cotisation de 1$ versée à 25 ans jusqu’à l’âge de 88 ans, en comparant le rendement attendu du RRFS des groupes communautaires et d’un RVER «fonds cycle de vie» Si les frais de gestion des RVER descendaient à 1% des actifs, ce dont nous doutons compte tenu de l’expérience canadienne en matière de REER et de l’absence de volonté gouvernementale de réglementer directement le niveau des frais de gestion des RVER, l’écart de rendement entre les deux serait réduit (5,8% annuel pour le RRFS versus 5,2% pour le RVER). Le RRFS conserverait un avantage de 38% en termes de rendement cumulatif. Quelle est la conséquence de cet écart important de performance au fil des ans? Le RVER ne versera qu’une fraction de la rente versée par le RRFS si la participante essaie de faire durer la rente jusqu’à 88 ans Une participante à un RVER pourrait tenter d’échelonner ses retraits en les indexant annuellement pour suivre l’évolution du coût de la vie et en faisant en sorte que le RVER ait de l’argent jusqu’à l’âge de 88 ans. Sur la base des rendements et de la politique de placement que nous avons décrits plus haut, il appert que le RVER serait capable de financer seulement 80% de la rente garantie et de l’indexation promise par le RRFS. Nos calculs indiquent que le RVER est vide à 88 ans tandis qu’à cette date, pour cette participante, le RRFS aurait encore des réserves équivalant à 6 années de prestations. Et même si la cotisante devait vivre au-delà de 94 ans, la mise en commun du risque au niveau de l’ensemble des membres du RRFS garantirait le versement de la rente tant et aussi longtemps qu’elle va vivre. 5 Avec une cotisation de 4% versée entre l’âge de 25 ans et la retraite à 65 ans, le RVER est capable de verser la même rente que le RRFS mais jusqu’à 82 ans seulement Un participant ou une participante cotise un total de 4% et travaille de 25 ans sans interruption jusqu’à sa retraite à 65 ans : dans le cas du RVER, la totalité de ce 4% provient de sa poche tandis que, dans le cas du RRFS, au moins la moitié doit venir de l’employeur. À sa retraite, pendant combien de temps le RVER serait-il capable de lui verser la même rente que celle versée par le RRFS ? La réponse : le RVER serait vide à 82 ans, soit 2 ans de moins que l’espérance de vie s’il s’agit d’un homme et 6 ans s’il s’agit d’une femme. Dans ce dernier cas, la participante devrait vivre 6 ans sans revenu de retraite autre que les régimes publics, et plus longtemps encore si elle devait vivre au-delà de 88 ans. Et ce sans compter le fait que les rendements du RVER sur lesquels ces calculs s’appuient ne sont pas garantis ! Dans le cas du RRFS, le rendement obtenu lui aurait permis d’indexer la rente au coût de la vie pendant toute la vie du cotisant et le régime aurait encore à 88 ans une réserve égale à l’équivalent de 6 ans de prestations, ce qui lui donne un bon coussin pour faire face à des imprévus ou être en mesure de bonifier la rente davantage que la rente garantie et l’indexation promise. C’est ce que le graphique suivant illustre : Graphique 2 - Illustration de la capacité du RVER «fonds cycle de vie» de verser à compter de 65 ans la même rente que celle versée par le RRFS des groupes communautaires et de femmes pour une personne qui cotise de 25 ans jusqu’à sa retraite à 65 ans. On pourrait nous dire que l’exemple précédent est un cas «optimiste» où la personne aurait cotisé pendant 40 ans. Est-ce qu’il y aurait une différence marquée si la personne n’avait commencé à cotiser qu’à 35 ans ? C’est ce que le graphique 3 illustre. 6 Graphique 3 - Illustration de la capacité du RVER «fonds cycle de vie» de verser à compter de 65 ans la même rente que celle versée par le RRFS des groupes communautaires et de femmes pour une personne qui cotise de 35 ans jusqu’à sa retraite à 65 ans. Si le RVER obtient les rendements prévus, il épuiserait tout de même son capital autour de 78 ans, 4 ans plus tôt que l’exemple précédent; le cotisant n’a pas profité des rendements supérieurs du RVER entre 25 et 35 ans tout en étant contraint d’adopter une politique de placement moins performante au fur et à mesure qu’il vieillit, et ses frais de gestion sont plus élevés. Le fonds serait donc vide 6 ans avant la date présumée du décès pour un homme, et 10 ans plus tôt pour une femme. Parce qu’il met le risque de longévité en commun, le RRFS versera la rente garantie aussi longtemps que la personne participante est en vie; de plus, si les rendements prévus se réalisent, il aura été en mesure d’indexer la rente au coût de la vie pour l’ensemble de sa vie. Conclusion L’analyse qui précède permet d’identifier plusieurs avantages du RRFS par rapport au RVER: • Il permet d’accumuler une rente garantie tant et aussi longtemps que la personne vit, indépendamment du rendement du régime et de la situation financière du Régime alors que le cotisant au REER supporte seul le risque de rendement et le risque de voir son fonds s’épuiser s’il vit «trop» longtemps par rapport à l’argent disponible. • Le salarié bénéficie, pour chaque 1 $ de cotisation qu’il verse au RRFS, d’une cotisation patronale au moins égale à sa cotisation, alors que l’employeur n’est pas tenu de cotiser au RVER, une première raison pour dire que pour la rente du RRFS est plus élevée que la rente du RVER pour une même cotisation salariale. 7 • La mise en commun du risque entre jeunes et vieux et les marges élevées dues à la réserve pour indexation permettent au RRFS de mettre en place une politique de placement plus efficiente tout au long de la vie; par conséquent, pour la même cotisation totale, la rente versée par le RRFS est plus élevée que celle du RVER; et, le RRFS garantit le versement de la rente tant et aussi longtemps que la personne vivra, sans avoir le risque que le fonds soit à sec à un moment donné pendant la retraite. • Le RRFS est un régime de retraite administré et contrôlé par les groupes communautaires et de femmes; sa seule préoccupation est d’administrer le régime dans le seul intérêt des participants et bénéficiaires, sans rechercher à facturer des frais ou faire des profits sur le dos de ceux-ci. Pour l’employeur, l’adhésion au RRFS des groupes communautaires et de femmes oblige le groupe à verser une cotisation au moins égale à la cotisation salariale, mais offre les avantages suivants : • Assure le groupe que son investissement sera le plus efficient : pour une même cotisation, le RRFS permettant de verser une rente plus élevée et garantie le reste de la vie durant. • Le RRFS constitue un facteur d’attraction et de rétention du personnel : le personnel sait que son travail dans le groupe lui permet d’accumuler progressivement une rente de retraite et que, quelle que soit la performance des marchés financiers, la rente acquise ne peut pas diminuer tant que la personne est une participante active ou à la retraite. De plus, la rente acquise pour une année de travail donnée s’ajoute à la rente acquise pour les années antérieures, ce qui incite les employés à ne pas quitter le groupe pour un autre n’offrant pas un tel avantage tout en n’empêchant pas une mobilité à l’intérieur des groupes communautaires et de femmes et des entreprises d’économie sociale. • Le RRFS permet des mécanismes flexibles de gestion des ressources humaines et financières, comme la possibilité par exemple de modifier la cotisation sur quelques cycles de paie pour y verser un excédent anticipé dans le budget annuel du groupe ou pour aider au rachat de rente pour service passé d’un employé au cours ou à la fin de sa carrière ou pour faciliter son départ. • Le RRFS permet aux employeurs intéressés de soumettre leur candidature au comité de retraite et participer de près à la gestion des actifs du Régime et à sa bonne administration. ............................................. 8