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Air Pur - N°81 - 2012 LES INTOXICATIONS AU MONOXYDE DE CARBONE EN RÉGION NORD – PAS DE CALAIS : L'IMPORTANCE DES APPAREILS DE CHAUFFAGE Hélène PROUVOST1 Frédéric HOSTYN2 Cellule de l'Institut de veille sanitaire en région Nord – Pas de Calais - Picardie 1 Agence régionale de santé Nord – Pas de Calais Pôle habitat-santé 2 RESUME L’intoxication au monoxyde de carbone (CO) est la première cause de mortalité par intoxication en France. Dans l’habitat, les appareils et installations à l’origine des intoxications sont avant tout les appareils de chauffage, de production d’eau chaude et dans une moindre mesure les appareils de cuisson (Verrier et al., 2008). Les intoxications surviennent donc préférentiellement durant les périodes froides lorsque se chauffer devient nécessaire (d’octobre à avril). Elles résultent de la conjonction d’un ou plusieurs facteurs : - la mauvaise évacuation des produits de combustion ; - le défaut de ventilation dans la pièce où est installé l’appareil (pièces calfeutrées, entrées et/ou sorties d’air bouchées) ; - le défaut d’entretien ou la vétusté des appareils ; - la mauvaise utilisation de certains appareils (appareils de chauffage d’appoint utilisés en continu par exemple, appareils de chauffage de fortune, groupes électrogènes à l’intérieur du logement…). I- APPAREIL DE CHAUFFAGE ET CO Tous les systèmes de chauffage, à l'exception des appareils électriques, sont susceptibles de produire du monoxyde de carbone (CO). Ce gaz incolore, inodore et non irritant, facilement absorbé au niveau pulmonaire et très toxique, provient de la combustion incomplète de matières carbonées (gaz, charbon, bois, hydrocarbures…). On peut distinguer deux grandes catégories d'appareil de chauffage à combustion : les appareils raccordés à un conduit de fumée dont le combustible peut être du charbon (type convecteur, poêle), du gaz (chaudière, convecteur), du fioul, du bois…et les appareils mobiles et non raccordés dont le combustible peut être du pétrole ou du gaz. Le système d'évacuation des produits de combustion est constitué au minimum du conduit de raccordement et du conduit de fumée. Il existe sur certains appareils raccordés (chaudière au fioul ou au gaz par exemple) des dispositifs de sécurité qui entrainent leur arrêt en cas de dysfonctionnement, par contre, les appareils individuels raccordés fonctionnant au charbon ou au bois ne sont pas dotés de système de sécurité. Pour les appareils mobiles de chauffage, leur fonctionnement ne doit pas dégager dans l'atmosphère de l'habitat des produits nocifs en quantité suffisante pour nuire à la santé des occupants. Ils ne sont pas destinés à être utilisés comme appareils de chauffage permanents et doivent fonctionner dans des locaux ventilés. DONNÉES CONTEXTUELLES Données de cadrage du SRCAE d'après INSEE Recensement 2006 L'habitat, en Nord – Pas de Calais est un peu plus ancien que la moyenne française puisque 57 % des logements ont été construits avant 1967 (49 % en France). On y trouve aussi une part plus importante de maisons individuelles qu'en moyenne en France (respectivement 74 % et 57 %), multipliant ainsi le nombre de chauffage individuel. Plus des trois quarts des résidences principales sont chauffées par des énergies fossiles (seulement 60 % en France), et essentiellement par du gaz de réseau. Le chauffage au charbon reste relativement répandu dans la région avec 5 % des résidences principales (1 % en France). II- L'INTOXICATION AU CO La toxicité du CO est liée à sa capacité à se fixer avec l'hémoglobine, qui perturbe le transport d'oxygène aux différents tissus de l'organisme (CSHPF, 2005). Selon le niveau d'exposition (figure 1), l'intoxication au CO se traduit par des maux de tête, des vertiges et des nausées pouvant évoluer vers une perte de connaissance et un coma. Le décès peut survenir par défaillance cardio-respiratoire et neurologique. L'intoxication au CO peut aussi être chronique, lors d'exposition à des concentrations plus faible mais sur des périodes plus longues. La victime présente alors des maux de tête, des 31 Air Pur - N°81 - 2012 nausées et une fatigue persistante. Les signes cliniques sont peu spécifiques et l’intoxication est difficile à diagnostiquer. En France, le nombre annuel de décès par intoxication au CO a régulièrement diminué depuis les années 1980, passant de plusieurs centaines de décès à un peu moins d’une centaine par an (InVS), mais le nombre de personnes intoxiquées reste important : en 2007 et 2008, on comptait annuellement plus de 4 000 impliqués. * Données provisoires - Source : InVS, dispositif de surveillance des intoxications au CO Figure 2 : Evolution du nombre d'affaire d'intoxication au CO exprimé en taux pour 100 000 résidences principales en Région Nord - Pas de Calais et en France – de 2006 à 2011 LA SURVEILLANCE DES INTOXICATIONS AU MONOXYDE DE CARBONE Le dispositif national de surveillance des intoxications par le CO a été mis en place par une circulaire du 16 novembre 2004. Dans le cadre de ce dispositif mis en oeuvre par l’Institut de veille sanitaire (InVS), toute suspicion d’intoxication au CO doit faire l’objet d’un signalement (à l’exception des intoxications survenues lors d’un incendie). Ce dispositif a pour but de prévenir le risque de récidive, d’évaluer l’incidence de ces intoxications et d’en décrire les circonstances et facteurs de risque afin de concevoir des politiques de prévention adaptées. En région Nord – Pas de Calais, les cas d’intoxication, avérée ou suspectée, sont signalés au centre antipoison et de toxicovigilance (CAP-TV) de Lille qui réceptionne les premières informations puis réalise une enquête médicale afin de décrire la gravité des cas et la prise en charge thérapeutique. En cas d’intoxication domestique accidentelle ou dans un établissement recevant du public (ERP), le CAPTV transmet le signalement à l'Agence régionale de santé (ARS) ou au Service communal d’hygiène et de santé (SCHS1) concerné qui réalise une enquête environnementale afin de déterminer les circonstances, les sources de l’intoxication et d’éviter toute récidive. Figure 1 : Effet du monoxyde de carbone sur la santé (Source : WHO, IPCS. Carbon monoxide (EHC 213). Genève, Environmental Health Criteria 1999.) III- UN PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE DANS LA RÉGION Le Nord – Pas de Calais est une des régions de France la plus touchée par les intoxications accidentelles au CO. En 2007, elle représentait 20 % des intoxications recensées au niveau national (Verrier et al., 2010). Malgré une diminution régulière du nombre d'intoxication au CO en Nord – Pas de Calais (Figure 2) –le nombre d'affaires d'intoxication accidentelle domestique est passé de 282 en 2007 à 130 en 2011– l'incidence était encore plus de deux fois supérieure à celle observée en France ces dernières années (épisodes d'intoxication en 2010 pour 100 000 résidences principales, région Nord – Pas de Calais : 12,0 et France : 4,7). En Région Nord - Pas de Calais, parmi l'ensemble des intoxications au CO signalées au système de surveillance, plus de 90 % sont des intoxications accidentelles domestiques. Dans les trois quarts des cas, c'est un appareil de chauffage qui est à l'origine de l'intoxication. Dans ce type d'affaires, survenues entre 2008 et 2010, les chaudières et les convecteurs étaient impliqués dans respectivement 48 % et 40 % des cas, les chauffages d'appoint et les inserts représentant chacun moins de 10 % (Figure 3). Les combustibles associés à ces appareils sont principalement le gaz réseau et le charbon. 1 SCHS de Cambrai, Croix, Denain, Douai, Dunkerque, Lille, Roubaix, Tourcoing, Valenciennes, Boulogne-sur-Mer et Calais. 32 Air Pur - N°81 - 2012 En effet, la part des appareils de chauffage raccordés à l'origine d'une intoxication accidentelle domestique, est importante, elle représentait dans la région en 2010, 70 % des intoxications accidentelles. Une grande partie des intoxications est donc liée aux installations principales de chauffage utilisées en continu pendant la période de chauffe plutôt qu'aux dispositifs d'appoint (7 %) ou aux appareils détournés de leur usage (braséro, barbecue, groupe électrogène…) pouvant être utilisés suite à des conditions météorologiques exceptionnelles (grand froid, intempéries). Figure 3 : Appareils de chauffage impliqués dans les intoxications accidentelles domestiques - Région Nord - Pas de Calais, 2008-2010 (Source : InVS, dispositif de surveillance des intoxications au CO) L'enquête environnementale réalisée par les techniciens sanitaires de l'Agence régionale de santé et des Services communaux d'hygiène et de santé suite à un cas d'intoxication permet de décrire les circonstances de l'intoxication. Pour les intoxications survenues en 2010, des défauts d'aération et d'évacuation ont été identifiés dans plus de la moitié des affaires et des défauts d'appareil et d'entretien dans un tiers des affaires. Les facteurs météorologiques sont présents dans un quart des affaires (Figure 4). Figure 4 : Facteurs favorisant l'intoxication au CO, Région Nord - Pas de Calais 2010 (Source : InVS, dispositif de surveillance des intoxications au CO) IV- CHARBON ET REDOUX : UNE SPÉCIFICITÉ RÉGIONALE La région Nord – Pas de Calais est régulièrement touchée par des recrudescences brutales et limitées dans le temps d’intoxications au CO. Au cours de ces « épidémies », qui surviennent le plus souvent en automne, ce sont principalement des appareils de chauffage au charbon qui sont impliqués. Les émanations de CO sont liées à une conjonction de facteurs : une mauvaise installation des appareils (ventilation insuffisante des locaux) et / ou une mauvaise utilisation (mettre le feu au ralenti) associées à des conditions climatiques particulières caractérisées par des températures douces pour la saison et douces par rapport à la veille, une humidité importante (brouillards), une pression atmosphérique élevée et un vent faible. Le tirage (vitesse d’aspiration des gaz brûlés) du conduit de fumée fonctionne sur le principe selon lequel les gaz intérieurs au conduit sont moins denses que les gaz extérieurs. Plus ce gaz est chaud (donc léger) plus le conduit de fumée évacue facilement. L’inversion de température, observée en période de redoux, réduit le tirage des conduits de fumées car la différence de température entre les gaz extérieurs et intérieurs diminue. Par ailleurs, en période de redoux, l'utilisateur d'appareil de chauffage au charbon a tendance à réduire l'entrée d'air dans l'appareil afin de mettre l'appareil au ralenti, sans l'éteindre, et de limiter la consommation de combustible. Cette action peut être à l'origine d'une production de CO avec un risque augmenté par le refoulement des gaz vers l'intérieur de l'habitation en raison de l'inversion des températures. Afin de limiter l'impact des périodes de redoux sur les intoxications au monoxyde de carbone, l'ARS Nord – Pas de Calais, la Direction interrégionale de Météo France et l'Institut de veille sanitaire en région ont mis en place un dispositif de pré-alerte permettant d'informer d'un risque accru d'intoxication dans le cadre d'une prévision de redoux. Parallèlement, chaque automne, des plaquettes d'information destinées aux utilisateurs de charbon sont distribuées par les professionnels du charbon. Quel que soit le type de chauffage, la vigilance reste de mise. L'analyse des données de surveillance des intoxications au CO en 2010 a montré que, même en excluant les intoxications liées à un appareil fonctionnant au charbon, le nombre d'affaires en région Nord – Pas de Calais représentait encore le double de celui observé en France (taux pour 100 000 logements respectivement de 8 et 4). Chaque année, avant et pendant la saison de chauffe, les partenaires de l'ARS pour la prévention des intoxications au CO diffusent des messages auprès de leurs relais et du public afin de rappeler les bons gestes permettant d'éviter une intoxication qui peut être mortelle : •Faire entretenir annuellement les appareils de chauffage et de production d’eau chaude à combustion par un professionnel qualifié. •Faire ramoner les conduits d’évacuation des fumées par un professionnel qualifié ; 33 Air Pur - N°81 - 2012 •Ne jamais utiliser de façon prolongée (pas plus de deux heures) un chauffage d’appoint à combustion ; •Ne pas obstruer les grilles de ventilation, même par grand froid ; •Aérer quotidiennement votre habitation, même par temps froid ; •Pour l'utilisateur d'appareil au charbon, ne pas mettre le feu au ralenti en période de redoux. BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................. Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France, Groupe d'experts chargé d'élaborer les référentiels de la prise en charge des intoxications oxycarbonées. Repérer et diagnostique les intoxications oxycarbonées. Paris : Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France ; 2005. .................................................................................................................. Dossier thématique de l'InVS : intoxication au monoxyde de carbone. Accessible sur http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/ Environnement-et-sante/Intoxications-au-monoxyde-de-carbone/ Donnees-epidemiologiques-de-surveillance (consulté le 14 mai 2012) .................................................................................................................. Verrier A, Corbeaux I, Lasalle JL, et al. (2008) Les intoxications au monoxyde de carbone survenues en France métropolitaine en 2006. Bull Epidemiol Hebd 44:425-8. .................................................................................................................. Verrier A, Delaunay C, Coquet S, et al. (2010) Les intoxications au monoxyde de carbone survenues en France métropolitaine en 2007. Bull Epidemiol Hebd 1:1-5 .................................................................................................................. 34