Oxygène_pédagogique

Transcription

Oxygène_pédagogique
D OSSIER
PEDAGOGIQUE
O XYGENE
DE IVAN
DU
VIRIPAEV
2 A U 7 M A R S 2010
MARDI, VENDREDI 20H
MERCREDI, JEUDI, SAMEDI
DIMANCHE 17H
CONTACT
CORALIE LA VALLE
+ 41 / (0)22 320 52 22
[email protected]
WWW.COMEDIE.CH
19 H
O XYGENE
MISE EN
D E I VAN V IRIPAEV
SCENE DE G ALIN S TOEV
Une romance improbable, les Dix Commandements revisités, un dj et deux
comédiens virtuoses composent ce météorite inclassable, au carrefour du théâtre et
du concert. En un flux affolé de mots, Oxygène dévoie la morale bien pensante,
confond le bien et le mal, laisse échapper le sens pour dire le désordre mental et
idéologique de notre monde.
Avec un humour enragé, cet ovni venu de Russie souffle un vent rebelle
définitivement libérateur. Une perfusion d’oxygène haut débit signé d’un des auteurs
les plus en vue de la nouvelle scène russe, Ivan Viripaev. Pour le metteur en scène
Galin Stoev, plus qu’un texte, c’est un voyage des sens, une invitation à
l’introspection. Créé en français en 2004, le spectacle remporte un succès qui lui
vaut depuis une tournée mondiale.
Jeu
Céline Bolomey
Gilles Collard
Antoine Oppenheim
Musique originale
Gilles Collard
Traduction française
Elisa Gravelot
Tania Moguilevskaia
Gilles Morel
Autour du spectacle
Rencontre avec Galin Stoev
Jeudi 4 mars, à l'issue de la représentation
Projection de films de Ivan Viripaev
Du 22 février au 4 mars, CAC Voltaire
Dossier réalisé par Carine Corajoud
téléchargeable sur le site www.comedie.ch
Oxygène – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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S OMMAIRE
O X Y G E N E ........................................................................................................ 4
S Y M B O L E D U N O U V E A U T H E A T R E R U S S E ............................................................ 4
C O N C E N T R E D ' O X Y G E N E , E N T R E T I E N A V E C G A L I N S T O E V ...................................... 5
D E J O U E R L E S E N S D U M O N D E .......................................................................... 7
G A L I N S T O E V ................................................................................................... 9
P A R C O U R S .................................................................................................. 9
A P R O P O S D E F I N G E R P R I N T ........................................................................... 10
I V A N V I R I P A E V ............................................................................................... 11
P A R C O U R S ................................................................................................ 11
T H E A T R E D U C R U , E N T R E T I E N A V E C I V A N V I R I P A E V ............................................ 11
L E N O U V E A U T H E A T R E R U S S E ............................................................................ 14
T H E A T R E E T N O U V E L L E S T E C H N O L O G I E S .............................................................. 16
P O U R E N S A V O I R P L U S ..................................................................................... 18
Oxygène – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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O XYGENE
S YMBOLE
DU NOUVEAU THEATRE RUSSE
« S'il fallait désigner aujourd'hui un symbole pour tout le mouvement du
Nouveau Drame russe, ce serait Kislorod (Oxygène). On ne trouvera pas un
spectacle qui l'exprime mieux. » Marina Zaionts 1
La démarche artistique de Ivan Viripaev, auteur, metteur en scène et comédien,
s'inscrit dans un nouveau courant théâtral en Russie, émergé dans les années 1990.
Pour réagir au monopole des théâtres d'Etat et à l'imposition d'un répertoire théâtral
classique, une culture alternative est née et a vu fleurir un nombre spectaculaire de
jeunes talents, mus par une envie commun e d'inventer de nouveaux langages
scéniques.
Oxygène est le second texte de Ivan Viripaev. Le spectacle connaît un grand succès
à sa création à Moscou, puis à Bruxelles, lorsqu'il est monté par Galin Stoev en
2004. Oxygène devient rapidement un des symboles du nouveau drame russe.
Dans ce texte pensé comme une partition musicale, Viripaev propose une forme
d'écriture nouvelle, qui se situe entre théâtre et concert. C'est l'idée d'une
performance qui est mise en avant, afin de produire un impact émotionnel fort sur le
public, qui dépasse l'exigence d'une cohérence dans le propos. Oxygène est une
pulsation, sur fond de musique électronique.
« Oxygène est un nouveau mouvement que nous avons lancé dans le théâtre. C'est
un texte en prose qui est dit sur de la musique. C'est comme le "sprechen gesang"
[parler-chanter], mais c'est de la prose prononcée sur la musique techno d'un DJ. Il
n'y a pas de rimes. Les acteurs jouent en même temps que le DJ présent sur la
scène. C'est un spectacle format discothèque que nous jouons aussi bien dans les
salles de théâtre que dans les clubs moscovites. Oxygène marque pour moi le départ
du plateau traditionnel du théâtre. Je veux faire quelque chose de différent, un
théâtre nouveau, sinon j'abandonne. Je ne m'intéresse plus au théâtre traditionnel,
avec sa scène et ses coulisses. »
Ivan Viripaev
« Le texte de Ivan Viripaev n'est pas une pièce, mais une stratégie, qui permet à ma
voix intérieure d'être entendue. Le flot de paroles est un flot énergétique qui
transmet le sens à travers des thèses qui s'annulent entre elles. C'est par ce biais-là
que ce texte ouvre sans arrêt des nouvelles dimensions pour celui qui le reçoit. Au
bout du compte, ce n'est pas le sens qui le préoccupe, mais son absence, et
c'est quelque chose de profondément tragique.
1
r e v u e I t og u i, a oû t 2 0 04 .
Oxygène – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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La première fois que j'ai lu ce texte, je me suis senti aussi profondément perdu que
les personnages. Ce sentiment d'être perdu est toujours quelque chose de t rès
personnel, d'intime. C'est pourquoi mon interprétation d'Oxygène insiste sur le fait
que le spectateur ne doit pas simplement écouter le texte, mais sa propre voix à
l'intérieur de ce texte. Ce qui suppose qu'il est libre de choisir comment il va
l'écouter, comme un consommateur ou comme partenaire. Et, dans cette tentative de
reformuler le schéma de la relation entre le public et le spectacle, je vois un code
complètement nouveau de compréhension et de communication au théâtre, ainsi
qu'un espoir pour l'avenir.»
Galin Stoev, à la création en 2004.
C ONCENTRE D ' OXYGENE ,
ENTRETIEN AVEC
GALIN STOEV
Propos recueillis par Eva Cousido
« Garder tous les sens en alerte, alors que tout est fait pour les endormir. »
Galin Stoev
Ne cherchez pas la norme dans Oxygène. Oxygène est hors norme. C’est une salve
d’air frais, une injection de vie haut débit, un spectacle-concert cruel et jubilatoire. Il
y a un peu de Crime et Châtiment de Dostoïevski dans cette histoire sulfureuse et
subversive. Il y a surtout beaucoup de notre monde, de sa confusion mentale et
idéologique. Le sens échappe, s’absente, se contredit, renvoyant chacun à ses
propres contradictions. Le trait de génie de ce petit bijou réside tout entier dans sa
puissance polémique revitalisante.
Le Bulgare Galin Stoev le monte en français en 2004. Né en 1969 à Varna,
aujourd’hui installé en Belgique, ce jeune metteur en scène surprenant est un
habitué des grandes scènes. Pour ne pas se laisser enfermer dans des carcans, il
passe librement de textes ultra contemporains aux classiques, comme dernièrement
avec L’Illusion comique de Corneille à la Comédie-Française, où il a déjà été invité
deux fois.
EVA COUSIDO Oxygène est un texte extrêmement troublant, qui dit tout et son
contraire. Comment vous êtes-vous lancé dans cette aventure ?
GALIN STOEV Je me souviens très bien de la première fois où j’ai lu ce texte, de la
sensation physique dans tout mon corps. D’un côté, je ne comprenais pas du tout de
quoi il s’agissait. De l'autre, le texte résonnait profondément en moi, tellement il
était lié à l’histoire de mon pays, à mon enf ance, au régime communiste. En tant que
metteur en scène, je suis toujours attiré par ce qui est incompréhensible pour moi.
EC Mais pour le monter, il a bien fallu rendre le texte compréhensible ?
GS Le théâtre a cette force de rendre compréhensible ce qui ne l’est pas. Ce texte
est un prétexte, pas un but. Même Ivan Viripaev le dit. Le texte n’est pas important
Oxygène – La Comédie de Genève
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en soi, c’est une écriture purement théâtrale, qui prend tout son sens à l’écoute,
dans la relation entre acteur et spectateur. C’est une partition musicale. Dès qu’on a
mélangé le texte et la musique, l’histoire s’est construite d’elle-même. Tout est
devenu très clair, limpide. Si on accepte de se laisser traverser par cette partition,
alors on subit une espèce de transformation de tous nos sens. C’est un voyage,
unique chaque soir. Avec Viripaev, on est passionné par cette idée : le vrai
spectacle ne se passe pas sur le plateau, mais à l’intérieur du spectateur, dans son
corps et sa tête.
EC En somme, Oxygène défie notre logique rationnelle. C’est une proposition
pour aborder le monde autrement ?
GS Absolument. Je ne veux pas transmettre de message, mais oui, transmettre un
souffle, une énergie vitale. De l'oxygène ! Chacun en fera ce qu’il voudra. On est
tellement formaté par la raison qu’on finit par ne plus rien ressentir et même, par
être suspicieux quand on ressent quelque chose. On est tellement coupé d'une partie
de nous-mêmes, de nos rêves, qu'on finit par se perdre. Je pense que le théâtre est
un des seuls endroits qui ouvre un espace où oser s'égarer et laisser nos émotions
nous frapper, sans être vraiment en danger ; où oser vivre sa peur sans peur.
EC Oxygène est donc pour vous l’image d’un certain chaos vital ?
GS Oui, sous la forme du monde moderne où on est pris dans un tourbillon
d’informations et de contradictions, si bien qu’on n'arrive plus à se positionner. On
est prêt à tout comprendre, tout admettre, mais finalement on sature et on perd
notre créativité. On se sent totalement impuissant. Oxygène est un polaroïd de notre
époque, à la fois larguée, poétique, hystérique. C'est une stratégie, un outil pour
canaliser l'attention du spectateur, pour qu'il retrouve sa puissance créative.
Oxygène © Renout Benjamin Agence Enguerand
Oxygène – La Comédie de Genève
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Oxygène © Renout Benjamin Agence Enguerand
D EJOUER
LE SENS DU MONDE
Ecrite à la fin de l'année 2001, Oxygène s'enracine dans un contexte bien
particulier: le 11 septembre et le début de la « guerre antiterroriste ». Bravant les
idéologies bien pensantes et toute forme d'extrémismes, Viripaev s'empare de la
tension générale de l'heure, pour en dénonc er la violence et les maux : conflit
israélo-palestinien, drame du koursk 2 , guerre d'Irak, mafias locales, échec de la
démocratie, langue de bois.
Divisé en dix compositions « musicales », rappelant les Dix Commandements,
l'auteur questionne en filigrane, les fondements moraux de notre société. Prenant à
rebours les versets bibliques, usant de paradoxes et de non-sens, il déjoue la
logique de notre société, pour mieux en faire apparaître les failles. Il confronte ainsi
les spectateurs à leurs propres contradictions, dans un monde dominé par la perte
de sens : un monde en manque d'oxygène.
En prétexte, l'auteur raconte la rencontre d'un garçon issu de la province profonde,
où « en plein jour les gens tombent dans les rues sous l'effet de l'alcool » 3 , et d'une
Moscovite de la nouvelle bourgeoisie russe. Cela sans oublier les références aux
grands classiques de la littérature russe, Dostoïevski dans Crime et châtiment, pour
les questionnements moraux que l'œuvre suscite (jusqu'où doit-on aller pour
comprendre les conséquences de ses actes?) et Griboïedov, le précurseur de
l'écriture théâtrale moderne en Russie, avant Tourgueniev et Tchekhov.
Le texte est rédigé selon une structure répét itive, avançant progressivement par la
reprise et la variation à partir de mêmes thèmes. Une pensée non linéaire, circulaire,
qui rappelle les mouvements sériels de la musique.
P o u r r ap p e l : l e k o u r s k ét a i t u n s ou s - m ar i n n u c lé air e r u sse, m is e n s e r v i c e e n 1 9 94. I l a
s o m br é e n me r d e B ar en ts a v e c 1 1 8 ho m me s d 'é q ui p a g e l e 1 2 ao û t 2 0 00.
3 O x yg è ne , com p o s i t io n 4 , c o u p l et 1.
2
Oxygène – La Comédie de Genève
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Extrait
Composition 1
1. Couplet
Lui. – Avez-vous entendu ce qui a été dit aux anciens: « Tu ne tueras point; celui qui
tuera sera jugé »? Moi je connaissais un hom me, qui était vraiment dur d'oreille. Il
n'a pas entendu quand il a été dit « tu ne tueras point », peut-être parce qu'il avait
un baladeur sur les oreilles. Il n'a pas entendu le « tu ne tueras point », il prend une
pelle, il va au potager et il tue. Puis il revient à la maison, pousse la musique plus
fort, et commence à danser. Et cette musique était si risible, si risible que ses
danses à lui sont devenues aussi risibles que la musique. Et ses épaules sont
devenues risibles, et ses jambes, et les cheveux sur sa tête, et ses yeux. Les
danses commencent à l'emporter, et elles ont fini par l'emporter dans un pays
nouveau. Dans ce pays, il n'y avait que mouvement, que danses et danses. Les
danses l'emportaient, l'emportaient et elles ont fini par l'emporter si fort qu'il a
décidé de rester pour toujours dans ce pays, et il a décidé qu'il ne passerait plus
une minute sans danser, qu'il ne ferait que danser et danser.
Refrain
Et en chaque homme il y en a deux qui dansent: le droit et le gauche.
Le premier danseur, c'est le droit, l'autre c'est le gauche. Deux poumons du danseur.
Deux poumons. Le poumon droit et le gauche. Et en chaque homme il y en a deux
qui dansent : son poumon droit et son poumon gauche. Les poumons dansent,
l'homme reçoit de l'oxygène. Si on prend une pelle, et qu'on frappe l'homme sur la
poitrine au niveau des poumons, alors les danses s'arrêtent. Les poumons ne
dansent pas, l'oxygène n'arrive plus. […]
3. Couplet
Voilà que Saniok est couché par terre, cherche l’oxygène avec ses lèvres, et tout à
coup, il sent que les danseurs dans sa poitrine se remettent à bouger. Alors il
demande à ses amis, tous des bandits, comme lui, qu’est-ce que vous voulez ? Et
son ami, celui qui l’a tabassé, répète sa question, à propos de sa femme découpée
avec la pelle dans le potager. Et quand Sacha comprend ce qu’on lui demande et ce
qu’on entend par là, voilà ce qu’il répond. Il dit qu’il a découvert sa femme avec la
pelle dans le jardin parce qu’il est tombé amoureux d’une autre femme. Parce que sa
femme avait les cheveux noirs, alors que celle dont il est tombé amoureux les a
roux. Parce que dans une fille aux cheveux noirs et aux doigts courts et potelés, il
ne peut pas y avoir d’oxygène, alors que dans la fille aux cheveux roux, aux doigts
fins et qui porte le prénom masculin de Sacha, de l’oxygène, il y en a. […]
Final
Et dans chaque femme, il y en a deux qui dansent, et chaque femme absorbe de
l'oxygène, mais toute femme ne peut pas êt re elle-même oxygène. Et si on dit à
l'humanité « tu ne tueras point », mais qu'on ne lui fait pas le plein d'oxygène, alors
il y aura toujours un Saniok d'une petite ville de province qui, pour pouvoir respirer,
pour que ses poumons dansent dans sa poitrine, prendra une pelle oxygénée, et
tuera sa femme non oxygénée.
¾ Possibilité d'écouter le début du
russe.info/pages/spectacles/oxygene01.htm
spectacle
sur
www.theatre-
Oxygène – La Comédie de Genève
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G ALIN S TOEV
Galin Stoev © Anoek Luyten
P ARCOURS
Né à Varna, en Bulgarie, en 1969, Galin Stoev débute sa carrière de comédien et de
metteur en scène en 1991. Il met en scène plusieurs spectacles en Bulgarie, puis il
est invité en tant qu'artiste en résidence au Royal National Theatre de Londres,
ainsi qu'à Leeds et à Bochum. A Stuttgart, il crée en 2001 Personals, un collage
théâtral de textes issus d'Internet et de citations des grandes pièces du répertoire.
En 2002, Galin Stoev donne un stage à Bruxelles intitulé Antiquité urbaine. Il
rencontre à cette occasion Céline Bolomey, Stéphane Oertli et Antoine Oppeheim,
qui décident de continuer le voyage avec lui : c’est d'abord Antigone, puis la version
française d'Oxygène (2004), monté auparavant avec des acteurs bulgares, puis
Tchékhologie (2006).
En 2005, Stoev fonde à Bruxelles sa propre compagnie, Fingerprint, dont la première
création est Genèse N°2 d'Ivan Viripaev (octobre 2006) : une production du Théâtre
de la Place à Liège, qui rencontre un vif succès au 61 e Festival d'Avignon et qui
tourne ensuite à Rome, Bruxelles, Paris et Ottawa.
Au printemps 2007, Galin Stoev est invité à la Comédie française. Il monte La Festa
de Spiro Scimone, puis, en 2008, Douce vengeance et autres sketches de Hanokh
Levin et L'Illusion comique de Pierre Corneille (2009).
Prochaine création : La vie est un songe de Calderon, à l'automne 2010, à Liège.
Oxygène – La Comédie de Genève
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A
PROPOS DE FINGERPRINT PAR
G ALIN S TOEV
« Définir les grandes lignes d'une nouvelle compagnie théâtrale comporte le danger
de produire un manifeste, j'en suis parfait ement conscient, et ce n'est pas du tout
mon but. En effet, un manifeste tend à fixer d'une certaine manière les choses, ce
qui annonce aussi leur potentiel de dogmatisation. De mon point de vue, le théâtre
se trouve aux antipodes du dogme. Une performance théâtrale est inévitablement
liée aux moments de sa conception et de sa fin. Le temps est un terme que l'on
utilise pour définir l'infini processus du changement. Je m'intéresse au théâtre en
tant que moyen pour manipuler les conventions du temps, un moyen nous permettant
de comprendre le sens du chaos, réduisant ainsi la souffrance qu'il engendre.
A mon sens, le théâtre trouve son intérêt s'il crée un espace artificiel entre nous et
ce que nous vivons. Un théâtre qui trompe le temps et permet de nous observer à
distance, un théâtre qui sépare le « nous » de notre for intérieur, et nous force ainsi
à nous retourner sur nous-mêmes. Ce paradoxe est à mon avis la seule raison
valable de son existence. Le théâtre existe grâce au paradoxe d'un moment bien
précis – l'instant où l'on sait tout, tout en étant conscient qu'on ne sait rien.
Simplement parce que ce moment est remplacé par le suivant et tout recommence
depuis le début.
L'empreinte digitale porte toute l'information sur la personne qui la laisse. Elle est
un code immuable, un dessin précis, une preuve, un monument du crime. Pourtant,
contrairement au crime, elle peut être effacée, de la même manière que le moment
de vérité apparu lors d'une performance peut être effacé peu après la fin du
spectacle. Cela veut-il dire que la vérité est, elle aussi, effacée? Même lorsqu'il
nous échappe, ce moment de vérité peut être retrouvé et réactivé, mais au prix d'un
crime commis contre nos certitudes. Le paradoxe de l'empreinte digitale est le
paradoxe du théâtre : les deux comportent l'information ainsi que la possibilité de sa
disparition. Le théâtre ne prêche ni ne sermonne. Le théâtre laisse ses empreintes
sur la conscience, laissant la responsabilité de leurs conservations ou de leurs
oblitérations à chaque spectateur. »
Oxygène – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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IVAN VIRIPAEV
P ARCOURS
Né en 1974, Ivan Viripaev est originaire d'Irkoutsk, en Sibérie. Il se forme comme
comédien dans cette ville. A la fin des années 1990, il fonde sa compagnie « Espace
du jeu », avec laquelle il monte plusieurs spectacles. En 2000, il met en scène son
premier texte, Sny (Les Rêves), qu'il présente au festival du théâtre documentaire de
Moscou. Le spectacle est d'emblée remarqué. Une version anglaise est mise en
espace au Royal Court de Londres et une version bulgare est créée par Galin Stoev
à Varna.
Contraint de quitter sa ville natale à la suite de pressions exercées par des
institutions théâtrales locales, Viripaev s'installe à Moscou en 2001, où il fonde,
avec d'autres auteurs, le Teatr.doc. Vient alors la création de Kislorod (Oxygène).
Très rapidement, Kislorod est un des spectacles les plus fréquentés de Moscou. Le
spectacle fait le tour des festivals internationaux. La version française, Oxygène de
Galin Stoev reçoit le prix du jury au Festival Emulation à Liège, en 2005.
En décembre 2004, sa pièce, Genesis 2, est mise en scène à Moscou par Viktor
Ryjakov. Ivan Viripaev y interprète le rôle du Prophète Jean. La version française
Genèse N°2 est créée à Liège en octobre 2006 par Galin Stoev.
Dès 2005, Viripaev se lance dans la réalisation de films: Euphoria, sélectionné à la
Mostra de Venise, et Kislorod (Oxygène), en 2008.
Il écrit ensuite Iyoul (Juillet) et fonde sa propre structure de production et de
création, baptisée Mouvement Oxygène.
T HEATRE
DU CRU , E N T R E T I E N A V E C I V A N V I R I P A E V
Propos recu eillis p a r G w é n o l a D a v id 4
Pourquoi avez-vous commencé à écrire vos propres textes ?
J’ai écrit ma première pièce, Les Rêves, à Irkoutsk. Je voulais créer un spectacle
sur la vie d’aujourd’hui, sur mes amis qui, dans ces années 90, mourraient les uns
après les autres, victimes de l’héroïne et du SIDA. En 1998, en Russie, la
dramaturgie contemporaine commençait tout juste à émerger. Il y avait les textes
d’Olga Moukhina, mais le Teatr.doc n’était qu’au stade de la conception. Voilà
pourquoi j’ai été obligé d’écrire. Ensuite, j’ai déménagé à Moscou et j’ai de nouveau
écrit des pièces, pour moi : d’abord Oxygène, puis trois autres : Le Jour de Valentin,
Genèse N°2 et Juillet. Du coup, on me considère comme un dramaturge.
4
R e vu e M o u ve m e nt , n ° 4 6 , j a n v i er - m ar s 20 0 8, m i s e n l i gn e p ar w ww .t h ea tr e-r u s s e. i n fo
Oxygène – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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Pourquoi avez-vous participé au projet artistique de Teatr.doc ?
Elena Gremina et Mikhaïl Ougarov ont fondé Teatr.doc et m’ont invité à participer à
sa construction et à son aménagement. À cette époque, on nous a virés, moi et ma
compagnie, de notre petit lieu à Irkoutsk. Les autorités culturelles locales ne
voulaient ni de mon théâtre, ni de moi. D’ailleurs, aujourd’hui, elles n’en veulent
toujours pas… Je suis venu à Moscou avec mes acteurs et nous avons commencé à
jouer Les Rêves au Teatr.doc, et ensuite j’ai créé Oxygène dans ce même lieu.
Comment définiriez-vous votre démarche artistique ?
Je m’occupe à accomplir ma tâche, ce qui constitue le seul instrument qui me
permette d’apprendre sur moi-même et sur le monde. C’est mon chemin sur cette
terre.
Comment collectez-vous et utilisez-vous les « matériaux » du réel dans votre
travail théâtral ?
L’art est plus réel que la vie que nous voyons. La Joconde nous transmet un
message sur la réalité véritable, tout comme la musique de Bach. La vanité du
monde nous masque la réalité de l’esprit : ce que nous voyons dehors est un faux,
une réalité inventée, une vanité, dans laquelle l’essentiel est voué aux
consommateurs. Les humains y sont des êtres insignifiants. Leurs manifestations
suprêmes ne sont possibles qu’à travers l’art, pas de l’art qui divertit, mais l’art dont
parlait Aristote.
Le texte semble souvent chez vous débarrassé de toutes les précautions
oratoires qui enrobent (et dissimulent) les pensées des locuteurs, et dégagé
aussi des impératifs de la logique. Est-ce une façon de dévoiler ce qui
habituellement est caché, policé, par le langage ?
J’essaie d’écrire sur l’invisible. Sur la réalité véritable, la réalité spirituelle, cachée
à nos yeux. Et malheureusement, nous sommes aveugles.
De par la musicalité et l’absence de personnage classique, vos pièces
appellent-elles un travail spécifique de l’acteur ?
L’acteur doit appréhender et interpréter le texte comme une partition, qui alors
ouvrira à l’intérieur de lui ce qu’il n’attendait pas lui-même. Impossible de
commencer à travailler avec une conception personnelle préétablie. Je recommande
de le lire d’abord. Et de s’écouter soi-même.
Les questions de la conscience morale, de la perte de repères, de Dieu… la
« tragédie du sens » sont très présentes dans vos pièces. La question du
spirituel vous semble-t-elle essentielle aujourd’hui ?
Un spectacle, c’est une pensée philosophique donnée comme un nerf, que le
spectateur comprend non pas avec sa tête mais avec son cœur. Le spectateur
ressent la pensée. Le théâtre intellectuel ne peut accomplir cela, tout comme le
théâtre basé uniquement sur les sentiments sans être renforcé par une pensée n’est
pas un objet d’art véritable.
Oxygène – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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Que veut dire parler de Dieu dans la société russe actuelle ? Vous puisez
beaucoup dans la Bible… Pourquoi ?
Parler de Dieu veut dire se parler à soi-même. Peu importe que vous soyez croyant
ou pas. Je suis athée, mais j’aime Dieu plus que tout au monde. Aucun autre sujet
ne m’intéresse.
Etes-vous pessimiste sur la situation de votre pays ?
Pas plus que par rapport à la France.
Certains journalistes ont dénoncé le silence des élites artistiques, notamment
par rapport à la guerre en Tchétchénie, aux dérives autoritaires du président
Poutine et aux attaques contre la liberté de parole. Qu’en est-il ?
J’ai honte pour les Français qui marchent dans Paris avec de tracts et banderoles
soutenant les combattants tchétchènes. C’est immoral. C’est une guerre terrible.
Qui, parmi vous, a regardé, ne serait-ce qu’une fois dans sa vie, Bassayev 5 dans les
yeux ? Ou peut-être avez-vous perdu vos enfants à Beslan 6 ? Nous ne nous
occupons pas de nous-mêmes, mais toujours des étrangers et c’est là que réside le
problème principal de ce monde qui n’a pas de conscience. Dans la guerre en
Tchétchénie, il n’y a pas de bons et de mauvais. Là-bas les assassins tuent d’autres
assassins, comme dans n’importe quelle guerre d’ailleurs. Concernant Poutine, je ne
cède jamais à toutes ces déclarations absurdes concernant sa prétendue tyrannie.
Chaque pays a le président qu’il mérite. Votre gouvernement n’est ni mieux ni pire,
sans parler du gouvernement américain. Je propose à tout le monde de regarder
dans son propre cœur. […] Je suis absolument sérieux. L’homme qui vous parle ne
soutient pas la politique de son président. Mais toutes ces organisations qui
soutiennent les assassins me donnent la nausée.
La censure politique pèse-t-elle actuellement sur les artistes de théâtre ?
Moi, soussigné Ivan Alexandrovitch Viripaev, protestant contre la politique de
Poutine, je déclare en toute responsabilité que les ar tistes ne subissent aucune
pression en Russie. Je fais et je dis ce que je veux, je déclare partout et
ouvertement ma position, et le FSB (ex KGB – ndlt) ne m’a encore jamais téléphoné.
Arrêtez cette absurdité. Ce qui se pratique en Russie, c’est du business, pas de la
politique. Si je ne touche pas au pétrole, personne ne touchera à moi.
C om ma n da nt d ' un gro u pe t er r or i s t e d ' in d é pe n da n t i st e s t c h é t ch èn e s, m or t e n 2 0 0 6.
P r i s e d ' o ta ge p ar l e s s ép a r a t i s te s t ch é t c hè n e s da n s l ' é c o le de B e s l a n ( O ssé t i e du N o r d ) ,
e n 20 0 4, qu i a f a it p lu s i e ur s c en t a in e s d e v i c t im e s .
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Oxygène – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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L E NOUVEAU THEATRE RUSSE
Les années 2000 ont vu émerger en Russie une jeune génération d'auteurs et de
metteurs en scène, qui ont dynamisé la produc tion théâtrale de leur pays. Voyant les
portes des institutions culturelles se fermer à eux, les jeunes artistes ont fondé leurs
propres structures. Des festivals destinés à soutenir les auteurs vivants promeuvent
chaque année les meilleurs textes. La création, par ces mêmes auteurs, du
Teatr.doc à Moscou, petite salle de théâtre sise dans une cave, a permis que leurs
pièces soient montrées au public. En quelques années, le teatr.doc s'est imposé
dans le paysage théâtral de la capitale. Ivan Viripaev y monte la majeure partie de
ses pièces.
Extraits d'articles de Tania Moguilevskaia, spécialiste
contemporain, et de Elena Kovalskaia, critique théâtrale.
du
théâtre
russe
Naissance d’un système alternatif
« L'année 2000 a été marquée en Russie par l'entrée en force de toute une
génération de dramaturges. Ils sont jeunes, produisent une quantité considérable de
textes, mais également assurent la promotion de leurs pièces en organisant, avec
des amis metteurs en scène et comédiens, des projets laboratoires, des événements
dramaturgiques et de créations. Ils travaillent en marge de l'institution théâtrale à
réinventer le théâtre russe.
Dans les conditions de chaos culturel et économique ambiant, les handicaps sont
nombreux. Certains hérités de l'époque soviétique, comme la dictature du metteur en
scène, le système de répertoire. D'autres conjoncturels, comme la réduction
drastique des subventions allouées et leur cortège de conséquences : l'effondrement
du système de soutien à l'écriture, le maintien en place des directeurs vieillissants,
l'orientation commerciale des programmations…
Après le bref engouement de la fin des années 80 pour les œuvres des auteurs de la
“nouvelle vague” (Petrouchevskaia, Slavkine, Galine,…), les théâtres se sont
détournés de la dramaturgie contemporaine. Les grands classiques et les comédies
divertissantes ont repris possession des plateaux russes. Peu publiés, peu lus, peu
ou mal joués, mal considérés, le sort de ces auteurs n'était guère enviable. Au début
des années 90, ils ont tenté de s'organiser en cercle, créé une revue Dramaturge,
fondé le festival de dramaturgie contemporaine Liubimovka. Leurs efforts n'ont pas
été vains, sans pour autant qu'ils parviennent à s'inscrire dans le paysage théâtral
russe, ni à s'en démarquer.
Elena Gremina, Mikhaïl Ougarov, Olga Mikhailova, dramaturges de la génération
suivante [nés dans les années 50], ont repris le flambeau avec une rare énergie.
Depuis 1995, en réponse au malaise profond provoqué par la stagnation et la
marchandisation des théâtres russes, ils ont décidé de mettre leur expérience
Oxygène – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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professionnelle et leur volonté d'entreprendre au service de la génération montante,
ceux qui a aujourd'hui entre 20 et 35 ans [dont Viripaev]. » 7
Tania Moguilevskaia
Le nouveau drame
« La vague du nouveau drame a été lancée par les dramaturges qui ont assumé l a
fonction de producteurs. Il est né au festival de jeune dramaturgie Liubimovka. Le
nouveau drame, c'est avant tout des pièces écrites par de jeunes auteurs. Ces
pièces ont trouvé un lieu non-commercial pour être montées: le Centre de la
dramaturgie et de la mise en scène d'Alexei Kasantsev. Les artistes qui y travaillent
sont les plus connus et les plus intéressants de la génération des trente ans. Lassés
de jouer Ostrovski et les autres classiques, ils se sont rassemblés autour du Centre
Kasantsev.
Une autre structure intéressante est apparue à Moscou il y a moins d'un an [soit en
2002], c'est le Teatr.doc, centre de la pièce documentaire et sociale. Ce théâtre est
le plus petit de Moscou et le seul à fonctionner sur la base d'un véritable programme
artistique. Il a été ouvert par les mêmes dramaturges qui organisent chaque été
Liubimovka. Depuis peu, on peut également voir du nouveau drame au MHKAT de
Tchekhov chez Oleg Tabakov. Là, il y a trois scènes, une grande, une petite et une
"très petite". C'est celle-ci qui accueille les nouvelles pièces. Si le MHKAT est
devenu depuis peu l'endroit le plus branché de Moscou, c'est à ce qu'on présente
sur cette "très petite" scène qu'il le doit. […]
[Le festival Novaïa Drama est] consacré à l'écriture contemporaine. Le programme
est structuré en trois parties: compétition russe, programmes international et
expérimental. Le programme en compétition russe est réservé à des pièces
contemporaines russes qui ont été créées au cours des deux saisons précédentes.
[…] Novaïa Drama est un terrain de travail. Son objectif pratique est de construire
des passerelles entre les auteurs et les théâtres, en présentant des mises en scène
de qualité de pièces récentes. On a l'habitude d'entendre que tel ou tel auteur a du
talent mais que ce n'est pas un nouveau Tchekhov. Eh bien, c'est un festival qui
tient compte du présent sans forcément penser tout le temps à Tchekchov. » 8
Elena Kovalskaia
T a n i a M o g u il e v s k a i a , « L e t h é ât r e e n Ru s s i e a u j o u r d 'h u i » , U bu , s c è n e s d 'E u r o p e, n ° 22 2 3 , o c t ob r e 20 0 1 , p . 3 5.
8 E l e n a Ko va l s k a i a , « L e n o u ve a u d r a m e » , e n t r e t i e n a ve c T a n ia M o g u il e v s k a i a , U bu ,
s c è n e s d ' E ur o p e , n° 29 , oct o br e 2 0 03 , p . 4- 5.
7
Oxygène – La Comédie de Genève
Dossier pédagogique
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T HEATRE ET
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Par son utilisation de la musique (musique live, micros), Oxygène s'ancre dans
l'esthétique théâtrale contemporaine, où les nouvelles technologies investissent
progressivement les scènes.
Avec l'entrée dans le XXI e siècle, l'utilisation de projections vidéo, d'ordinateurs,
d'effets sonores s'est largement développée au point de bouleverser la structure
même des spectacles et des textes, qui intègrent parfois ces éléments dès leur
genèse. Le résultat de ces recherches débouche sur une véritable
interdisciplinarité entre les différents moyens d'expression. Souvent, cette diversité
implique un rapport différent entre la scène et la salle, suscitant parfois une
interaction concrète avec le spectateur, qui est amené à participer à la construction
du spectacle au moment même de sa représentation.
Franck Laroze est auteur, metteur en scène, essayiste spécialisé dans le rapport
entre le théâtre et les nouvelles technologies. Extraits de son article « Pour un
théâtre du XXI e siècle. Dramaturgies innovantes et nouvelles technologies » 9 .
Le « théâtre postdramatique »
« Depuis plus d’une vingtaine d’années, depuis la chute des idéologies et le développement
exponentiel des médias de communication, la société occidentale est entrée dans la
« postmodernité », qui annonce la fin en la cr oyance d’un hypothétique « progrès moral ».
[…] A ce nouveau type de rapport au monde correspond évidemment un nouveau type de
théâtre, mis en place depuis les années 1970, le phénomène s’étant considérablement
accéléré avec l’explosion des nouvelles technologies depuis une dizaine d’années : le
« théâtre postdramatique » 10 .
La première des caractéristiques est « qu’au lieu de représenter une histoire avec des
personnages qui apparaissent et disparaissent en fonction de la narration, ce théâtre est
fragmentaire, combine des styles disparates et s’inscrit dans une dynamique de la
transgression des genres » 11 . […] Avec le théâtre postdramatique, « les rapports constitutifs
du théâtre ont tendance à s’inverser : la question de savoir si et comment le théâtre
“ correspond ” de façon adéquate au texte n’est plus primordiale. On demande plutôt aux
textes si et en quelle mesure ils peuvent constituer un matériau adéquat pour la réalisation
d’un projet théâtral. » 12 Autant le théâtre dramatique “ classique ” ét ait subordonné au primat
9
10
p u b l ié s ur : w ww .e v i d en z. fr
Analysé en détails par le critique et dramaturge allemand H a n s- T h i e s L e h ma n n, L e T h é âtr e
p o s t dr am at i qu e , P ar i s , l ’ Ar c h e, 20 0 2.
11 L e T hé â tr e p o s t dr am at i qu e, p . 3.
12 I b i d. , p . 8 4 .
Oxygène – La Comédie de Genève
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du texte, autant « dans les formes théâtrales postdramatiques, le texte quand (et si) il est
transposé sur la scène, ne devient désormais qu’un élément parmi d’autres. » 13 […]
La « révolution » permise par les technologies numériques
Seul un théâtre se servant des nouveaux médias, qui structurent jusqu’à nos imaginaires et
nos comportements intimes, peut parvenir à rendre compte de notre temps. Ces mêmes
technologies permettent d’inventer des univers scéniques et d’aborder des complexités
dramaturgiques nouvelles. Franck Bauchard 14 a perçu en quoi le numérique était en passe de
révolutionner les écritures dramatiques : « Avec le développement des capacités de
l’ordinateur à traiter l’image et le son, l’écriture relève de plus en plus de l’agencement, de la
constitution d’une trame qui peut intégrer des médias différents. L’écriture hypermédia
constitue néanmoins une reconquête du texte sur l’image dans la mesure où celle-ci devient
partie d’un réseau commun de sens.» 15 […]
Ce faisant, tout un immense nouveau champ d’exploration théâtrale peut s’ouvrir : intégration
du texte dans un dispositif technologique, exploration de scénographies complexes et
spectaculaires, jeux de l’acteur avec sa propre image, sa propre voix ou ses mouvements
tous retraités en temps réel, possibilités de démultiplier les mises en scène par des mises en
réseau de plateaux ou interaction avec un disposit if web, recours à l’action de robots, etc.
Les possibles semblent infinis, vertigineux, et il faut donc toute la rigueur des « anciens »
métiers du théâtre afin d’évaluer la pertinence des nouveaux dispositifs et des pratiques à
mettre en œuvre […] : les auteurs peuvent et doivent se rapprocher du plateau afin de
concevoir des agencements textuels aux effets démultipliés (les didascalies reprenant alors
toute leur importance), les metteurs en scène et scénographes peuvent laisser libre cours à
un imaginaire encore insoupçonnable il y a quelques années, les techniciens deviennent en
partie des créateurs ou des interlocuteurs prenant une part accrue dans le processus de
création, et les acteurs de théâtre peuvent développer des pratiques beaucoup plus riches,
innovantes et complexes. […] Initié par des précurseurs tels que les metteurs en scène Bob
Wilson ou Robert Lepage, ce nouveau théâtre, actuellement en cours d’élaboration en
e
Occident, je le nomme "théâtre du XXI siècle"».
Franck Laroze
I b i d. , p . 6 6 .
R e s p o n sa b le d e l a C h art r e u s e d e V i lle n e u ve - le s-A v i g n o n/ C e n tr e N a t i on a l d e s E cr i tur es
d u s pe c t a c le .
15 F r an c k B au ch a r d , « L e von s l ’ e n cr e s ur l e s i t e d e La C h ar tr eu s e », www.chartreuse.org
13
14
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P OUR EN SAVOIR PLUS
De Ivan Viripaev
Les Rêves, suivi de Oxygène, traduction de Elisa Gravelot, Tania Moguilevskaia,
Gilles Morel, Les solitaires intempestifs, mai 2005.
Genèse n° 2, traduction de Tania Moguilevskaia, Gilles Morel, Les solitaires
intempestifs, juin 2007.
Oxygène et Galin Stoev
Sur le site francophone d'information sur le théâtre russe contemporain (wwwtheatre-russe.info), voir la page consacrée à Oxygène. Possibilité d'écouter
l'enregistrement d'un extrait de la pièce, ainsi qu'un long entretien radiophonique
avec
Galin
Stoev
et
les
comédiens:
www.theatrerusse.info/pages/spectacles/oxygene01.htm
« La confiance est une matière précieuse au théâtre », entretien avec Galin Stoev
par Tania Moguilevskaia, in Alternatives Théâtrales, n°93, 2 e trimestre 2007.
Tania Moguilevskaia , « van Viripaev et Galin Stoev, une solution théâtrale contre
l'endormissement et le repli sur soi » , in Genèse n°2, plaquette de présentation
de la création au théâtre de la Place à Liège, octobre 2006.
Théâtre russe contemporain
Le Théâtre en Russie aujourd'hui, numéro spécial, Ubu, scènes d'Europe, n° 22/23,
octobre 2001.
Parole donnée au nouveau théâtre russe, numéro spécial bilingue (français/russe),
Tania Moguilevskaia et Gilles Morel (dir.), Ubu, scènes d'Europe, n° 29, octobre
2003.
Tania Moguilevskaia, « Théâtre documentaire russe, phénomène de l'époque
Poutine », in Le Théâtre dans le débat politique, Théâtre/public, n°181, 2006.
Tania Moguilevskaia, « Le détour parodique : les nouvelles dramaturgies russes »,
numéro spécial Ecritures dramatiques contemporaines (1980-2000) , in Etudes
théâtrales, n°24/25, novembre 2002 .
Théâtre et nouvelles technologies
Lucile Garbagnati et Pierre Morelli (dir.), Thé@tre et nouvelles technologies, Dijon,
Éditions Universitaires de Dijon, 2006.
Frank Laroze, « Pour un théâtre du XXI e siècle », 2008, www.evidenz.fr
Frank Bauchard, « Le théâtre, lieu de résistance face au tout numérique? »,
www.ciren.org/ciren/colloques/131198/bauch.html
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