AATF-SUFFOLK - Poèmes - Niveau 2

Transcription

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AATF-SUFFOLK - Poèmes - Niveau 2
1. A Poor Young Shepherd
J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer :
J'ai peur d'un baiser !
Pourtant j'aime Kate
Et ses yeux jolis.
Elle est délicate,
Aux longs traits pâlis.
Oh ! que j'aime Kate !
C'est Saint-Valentin !
Je dois et je n'ose
Lui dire au matin…
La terrible chose
Que Saint-Valentin !
Elle m'est promise,
Fort heureusement !
Mais quelle entreprise
Que d'être un amant
Près d'une promise !
J'ai peur d'un baiser
Comme d'une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer :
J'ai peur d'un baiser !
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par Paul Verlaine
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2. Chanson de Barberine
Beau chevalier qui partez pour la guerre,
Qu'allez-vous faire
Si loin d'ici ?
Voyez-vous pas que la nuit est profonde,
Et que le monde
N'est que souci ?
Vous qui croyez qu'une amour délaissée
De la pensée
S'enfuit ainsi,
Hélas ! hélas ! chercheurs de renommée,
Votre fumée
S'envole aussi.
Beau chevalier qui partez pour la guerre,
Qu'allez-vous faire
Si loin de nous ?
J'en vais pleurer, moi qui me laissais dire
Que mon sourire
Était si doux.
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par Alfred de Musset
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3. Charleroi
Dans l'herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.
Quoi donc se sent ?
L'avoine siffle.
Un buisson gifle
L'oeil au passant.
Plutôt des bouges
Que des maisons.
Quels horizons
De forges rouges !
On sent donc quoi ?
Des gares tonnent,
Les yeux s'étonnent,
Où Charleroi ?
Parfums sinistres !
Qu'est-ce que c'est ?
Quoi bruissait
Comme des sistres ?
Sites brutaux !
Oh ! votre haleine,
Sueur humaine,
Cris des métaux !
Dans l'herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Pleure, on veut croire.
Page 3
par Paul Verlaine
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4. Derniers vers
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par Alfred de Musset
L'heure de ma mort, depuis dix-huit mois,
De tous les côtés sonne à mes oreilles,
Depuis dix-huit mois d'ennuis et de veilles,
Partout je la sens, partout je la vois.
Plus je me débats contre ma misère,
Plus s'éveille en moi l'instinct du malheur ;
Et, dès que je veux faire un pas sur terre,
Je sens tout à coup s'arrêter mon coeur.
Ma force à lutter s'use et se prodigue.
Jusqu'à mon repos, tout est un combat ;
Et, comme un coursier brisé de fatigue,
Mon courage éteint chancelle et s'abat.
5. Il pleure dans mon coeur
Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville.
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure.
Quoi ! Nulle trahison ?
Ce deuil est sans raison.
C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine.
par Paul Verlaine
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6. La Musique
La musique souvent me prend comme une mer!
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile;
Je sens vibrer en moi toutes les passions
D'un vaisseau qui souffre;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions
Sur l'immense gouffre
Me bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir!
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par Charles Baudelaire
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7. L’Éternité
Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.
Ame sentinelle,
Murmurons l'aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.
Des humains suffrages,
Des communs élans
Là tu te dégages
Et voles selon.
Puisque de vous seules,
Braises de satin,
Le Devoir s'exhale
Sans qu'on dise : enfin.
Là pas d'espérance,
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.
Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.
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par Arthur Rimbaud
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8. LE CANCRE
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par Jacques Prévert
Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le coeur
il dit oui à ce qu'il aime
il dit non au professeur
il est debout
on le questionne
et tous les problèmes sont posés
soudain le fou rire le prend
et il efface tout
les chiffres et les mots
les dates et les noms
les phrases et les pièges
et malgré les menaces du maître
sous les huées des enfants prodiges
avec des craies de toutes les couleurs
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur.
9. Le Vin des amants
Aujourd'hui l'espace est splendide!
Sans mors, sans éperons, sans bride,
Partons à cheval sur le vin
Pour un ciel féerique et divin!
Comme deux anges que torture
Une implacable calenture
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain!
Mollement balancés sur l'aile
Du tourbillon intelligent,
Dans un délire parallèle,
Ma soeur, côte à côte nageant,
Nous fuirons sans repos ni trêves
Vers le paradis de mes rêves!
par Charles Baudelaire
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10. Les Hiboux
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par Charles Baudelaire
Sous les ifs noirs qui les abritent,
Les hiboux se tiennent rangés,
Ainsi que des dieux étrangers,
Dardant leur oeil rouge. Ils méditent.
Sans remuer ils se tiendront
Jusqu'à l'heure mélancolique
Où, poussant le soleil oblique,
Les ténèbres s'établiront.
Leur attitude au sage enseigne
Qu'il faut en ce monde qu'il craigne
Le tumulte et le mouvement,
L'homme ivre d'une ombre qui passe
Porte toujours le châtiment
D'avoir voulu changer de place.
11. Les langues
Le russe est froid, presque cruel,
L'allemand chuinte ses consonnes ;
Italie, en vain tu résonnes
De ton baiser perpétuel.
Dans l'anglais il y a du miel,
Des miaulements de personnes
Qui se disent douces et bonnes ;
Ça sert, pour le temps actuel.
Les langues d'orient ? regret
Ou gloussement sans intérêt.
Chère, quand tu m'appelles Charles,
Avec cet accent sans pareil
Le langage que tu me parles,
C'est le français, clair de soleil.
par Charles Cros
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12. Les roses jaunes
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par Jean Moréas
Les roses jaunes ceignent les troncs
Des grands platanes, dans le jardin
Où c'est comme un tintement soudain
D'eau qui s'égoutte en les bassins ronds.
Nul battement d'ailes, au matin ;
Au soir, nul souffle couchant les fronts
Des lis pâlis, et des liserons
Pâlis au clair de lune incertain.
Et dans ce calme où la fraîcheur tombe,
C'est comme un apaisement de tombe,
Comme une mort qui lente viendrait
Sceller nos yeux de sa main clémente,
Dans ce calme où rien ne se lamente
Ou par l'espace, ou par la forêt.
13. Pour toi mon amour
Je suis allé au marché aux oiseaux
Et j’ai acheté des oiseaux
Pour toi
mon amour
Je suis allé au marché aux fleurs
Et j’ai acheté des fleurs
Pour toi
mon amour
Je suis allé au marché à la ferraille
Et j’ai acheté des chaînes
De lourdes chaines
Pour toi
mon amour
Et puis je suis allé au marché aux esclaves
Et je t’ai cherchée
Mais je ne t’ai pas trouvée
mon amour
par Jacques Prévert
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14. Tête de Faune
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par Arthur Rimbaud
Dans la feuillée, écrin vert taché d'or,
Dans la feuillée incertaine et fleurie
De fleurs splendides où le baiser dort,
Vif et crevant l'exquise broderie,
Un faune effaré montre ses deux yeux
Et mord les fleurs rouges de ses dents blanches.
Brunie et sanglante ainsi qu'un vin vieux,
Sa lèvre éclate en rires sous les branches.
Et quand il a fui - tel qu'un écureuil Son rire tremble encore à chaque feuille,
Et l'on voit épeuré par un bouvreuil
Le Baiser d'or du Bois, qui se recueille.
15. Tristesse
J'ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté ;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.
Quand j'ai connu la Vérité,
J'ai cru que c'était une amie ;
Quand je l'ai comprise et sentie,
J'en étais déjà dégoûté.
Et pourtant elle est éternelle,
Et ceux qui se sont passés d'elle
Ici-bas ont tout ignoré.
Dieu parle, il faut qu'on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d'avoir quelquefois pleuré.
par Alfred de Musset
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16. Une Allée du Luxembourg
Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.
C'est peut-être la seule au monde
Dont le coeur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D'un seul regard l'éclaircirait !
Mais non, — ma jeunesse est finie…
Adieu, doux rayon qui m'as lui, —
Parfum, jeune fille, harmonie…
Le bonheur passait, — il a fui !
(LA FIN DES POÈMES DU NIVEAU 2)
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par Gérard de Nerval