Bulle - La Gruyère
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Bulle - La Gruyère
9 Bulle La Gruyère / Jeudi 10 mai 2012 / www.lagruyere.ch «Avec ce projet, je voulais sortir les gens de leur réalité» YODELICE. Après avoir tourné la page de la variété, Maxim Nucci a créé Yodelice. Un personnage et un univers inclassables, entre folk et rock seventies. Entretien avant son passage aux Francomanias, le 19 mai. ÉRIC BULLIARD A 33 ans, Maxim Nucci a déjà deux carrières. Avant de créer Yodelice, qui conclura les Francomanias de Bulle le 19 mai, il a connu une vie de «technicien de l’industrie musicale», comme il dit. Arrangeur et producteur de L5, le groupe issu de l’émission Popstars, il a tenté un premier projet solo sous son vrai nom. Sans succès. Il réalise aussi Lunatique, album de Jenifer, sa compagne d’alors. Changement de cap, place à Yodelice. Sous ce drôle de pseudonyme, qui provient d’une maison en Espagne où il s’est isolé pour écrire et composer, ce multi-instrumentiste talentueux sort Tree of life, en 2009, excellent album folk, d’où est issu le single Sunday with a flu. L’album reçoit la Victoire de la musique révélation de l’année en 2010. Suit Cardioid, riche et inventif album aux sonorités seventies, où Yodelice affirme son personnage de clown lunaire. Il y a un paradoxe Yodelice: vous êtes passé par la création d’un personnage, d’un double, pour pouvoir faire une musique plus personnelle… Il n’y a pas vraiment eu de réflexion. J’ai un parcours de musicien, de technicien de l’industrie musicale, qui m’a amené à travailler avec des artistes d’influences et d’horizons très différents. Mais j’avais cette envie de faire un jour une proposition artistique personnelle. Et j’ai toujours eu une fascination pour les personnages inventés, pour les clowns en particulier. Avec le recul, comment voyezvous ce passé dans la variété? C’était un apprentissage. On me dit souvent: «Vous avez galéré avant Yodelice», alors que je n’ai pas ce sentiment-là. Au contraire, je m’estime extrêmement gâté. La musique est la passion de toute ma vie et j’ai eu la chance d’intégrer très jeune un circuit où on vous paie pour en faire. Pouvoir en vivre, partager des expériences dans de gros studios d’enregistrement, avec des musiciens qui ont collaboré avec les plus grands, c’est extrêmement enrichissant. Au-delà de la chanson, Yodelice forme tout un univers visuel, que l’on compare parfois à Tim Burton. Une influence que vous revendiquez? On me parle souvent de Tim Burton et je suis à chaque fois extrêmement flatté! C’est un artiste extraordinaire et je suis fan de son monde fantasmagorique. Mais, pour Yodelice, j’ai plus cherché mon inspiration dans le cinéma expressionniste du début du siècle, des films comme Metropolis. Ou comme Freaks et Elephant Man qui traitent de personnages différents, touchants. Je pense que Tim Burton a aussi ces influences-là. Aviez-vous déjà en tête cet aspect visuel à la création de Yodelice? Non. D’abord, c’était une suite de quatre ou cinq chansons, qui ont commencé à inspirer le personnage. Une fois qu’il existait dans ma tête, il a inspiré à son tour d’autres chansons qui sont venues compléter son univers. Sont nées alors plein d’idées, de rêves et de contes que je me suis racontés sur ce personnage, pour pouvoir proposer un peu plus qu’un concert. On ne peut pas toujours le faire en festival, mais Yodelice, c’est toute une atmosphère, un univers assez onirique. Je voulais sortir les gens de leur réalité et leur raconter l’histoire de ce clown. En France, Matthieu Chedid a aussi créé son personnage, M: Maxim Nucci a créé Yodelice, un personnage de clown lunaire, qui joue un pop-rock au parfum de seventies. ALICE DISON il paraît qu’il vous a poussé dans cette direction… Oui… C’est un artiste que j’admirais, que j’avais vu en concert. Par le biais d’amis, on s’est rencontré il y a cinq ou six ans, puis on s’est mis à jouer de la guitare ensemble. On s’est rendu compte qu’on avait énormément de points communs. Je traversais une période de doutes et il m’a encouragé à aller au bout de mon concept. Les premières scènes de Yodelice, je les ai faites en ouverture de Vanessa Paradis, sur la tournée où Matthieu était guitariste. Quand un artiste que vous admirez croit en vous, ça fait pousser des ailes. Le premier album de Yodelice, Tree of life était très folk, alors que Cardioid est plus ouvert, avec ses couleurs blues, rock seventies… Comment s’est faite cette évolution? Au fil de rencontres. A la base, c’était un projet très solitaire. Pour les premières chansons, je suis parti m’isoler et j’ai enregistré Tree of life quasiment seul. Après, pour partir en tournée, je trouvais important de rester en famille et j’ai rallié à la cause des musiciens que je connaissais depuis long- temps, comme le violoncelliste Sébastien Grandgambe, le guitariste Xavier Caux et le batteur Massimo Zampieri. Bourrés de talent, ils sont inspirants et inspirés par ce projet. Du coup, ils l’aident à grandir, à évoluer. Cardioid a donc été conçu comme un album familial. Au milieu d’une tournée, nous avions trois semaines de break et au lieu de partir en vacances, nous nous sommes dit: allons en studio et enregistrons le prochain. Ça a donné un disque un peu plus expérimental, plus sur l’instant, moins tourné sur les chansons, sur l’écriture. L’aisance et la fraîcheur de Jo Mettraux Pas de réelle tête d’affiche pour cette dernière soirée des Francomanias. Tant mieux: il paraît que le public du festival bullois est friand de découvertes. Ce sera le moment de le prouver, tant celles de ce samedi 19 mai sont prometteuses. Sur la petite scène, les Genevois de Mr Dame ouvriront les feux de leur doux folk. Eux-mêmes résument ainsi leur travail: «Un univers beau et triste pour une musique globalement formidable.» Suivra Tyago, formation gruérienne née sur les cendres de Regard du Nord et du trio Vapatrovitch. Membres de ces deux formations, Matthieu Huwiler et Sabrina Morand ont été rejoints par Ivan de Luca et Guy Fragnière. A eux la parole: «La musique du groupe est ins- pirée de divers univers musicaux allant du manouche au blues, du reggae à la country en passant par le latino ou le rock.» De la Belgique à Madagascar Sur la grande scène, Jo Mettraux présentera ensuite son nouvel album, Sirènes allumées, qu’il a verni à Bulle en novembre dernier. Il faisait suite à un premier CD, Talons aiguilles et bottes de foin, sorti en 2009. Avant même ces albums, Jo Mettraux avait accumulé de l’expérience sur scène. En concert, son aisance et sa sympathie naturelles mettent parfaitement en valeur ses chansons pleines de fraîcheur, de tendresse et d’humour. En attendant de découvrir le monde onirique de Yodelice (lire ci-dessus), Espace Gruyère accueillera Suarez. Un groupe venu de Belgique, où il fait figure de nouveau phénomène. Formé en 2008 par trois Malgaches (les frères Max et Pata Randriamanjava et leur cousin Dada Ravalison) et un Belge d’origine italo-espagnole (Marc Pinilla), Suarez réussit un curieux mélange de world music et de pop anglosaxonne chantée en français. Son sens de la mélodie accrocheuse est évident sur On attend, entêtant single tiré de son premier album. En début d’année, Suarez a sorti L’indécideur, fruit d’un voyage à Madagascar. Sur des airs toujours aussi enlevés, qui devraient faire merveille en concert. EB Jo Mettraux revient aux Francos après le off en 2010. Pourquoi l’avoir enregistré à Los Angeles? J’aime cette ville. J’aime cette luminosité, j’aime l’ouverture de toute une jeunesse californienne qui est loin des clichés que nous avons parfois sur l’Amérique. Elle est intéressée par le reste du monde, créative, avec une scène artistique très riche. C’est une ville qui m’inspire énormément. Et ils ont des studios idéaux pour ce que je voulais: j’aime l’analogique, j’essaie d’enregistrer mes disques sur bande, avec des matériaux anciens qui donnent un peu plus de grain. Les techniques numériques sont un peu trop transparentes à mon goût. Vous chantez en anglais et, à Bulle, vous venez jouer dans un festival de chanson française… Je ne me suis pas posé la question de chanter en français ou en anglais. Musicalement, l’anglais fait partie de ma culture, de ce qui m’a bercé toute ma vie. Mais je n’ai jamais la tentation de me prendre pour un Américain ou un Anglais. Je suis français, je le revendique et je pense que Yodelice, même si mes racines musicales sont anglo-saxonnes, est un projet non pas francophone, mais français et européen. Quand je fais écouter ma musique à l’étranger, les gens le sentent. ■ En concert aux Francomanias de Bulle, Espace Gruyère, samedi 19 mai. www.francomanias.ch