16 novembre

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16 novembre
16 novembre
Campagne de Nouvelle-Guinée
Région de Buna – La nuit du 15 au 16 est agitée par d’innombrables escarmouches. Les
Japonais s’infiltrent au milieu des Australiens pour leur tirer dessus par derrière. Cette défense
active est désagréablement efficace.
A l’aube du 16, Vasey constate que les pertes subies (nombreuses) et le terrain conquis
(minime) rappellent inévitablement la Première Guerre. Une comparaison peu enviable ! La
seule conclusion est que, l’ennemi bénéficiant de la supériorité aérienne et d’un ravitaillement
par mer garanti, Vasey est en position de faiblesse. Sa propre ligne de ravitaillement est mince
et fragile. Une bonne partie de ses espoirs reposent sur trois Harrow, qui peuvent se poser sur
l’affreuse piste de Popondetta avec une charge substantielle. Les DC-2 (et quelques DC-3) de
la RAAF et les Lodestar de la NEIAF ne peuvent se poser qu’à Kokoda et Myola.
Faute de mieux, Vasey décide d’attendre un renversement de la situation aérienne, ou une
victoire à Milne Bay qui permettrait à des transports de contourner la pointe est de la
Nouvelle-Guinée pour lui apporter des chars et des canons. Jusque là, la seule option possible
est de resserrer l’encerclement des trois secteurs japonais, de préserver ses hommes des
maladies et d’amasser le plus possible de ravitaillement.
Pour cela, le rôle du Papua-New-Guinea Porter Corps (organisé un mois plus tôt comme force
auxiliaire de l’Armée australienne) va être essentiel. Peu à peu, les porteurs – irremplaçables
dans les zones les plus accidentées – pourront être aidés par des sections de route construites à
grand peine sur les parties les plus plates du trajet, et sur lesquelles circuleront des jeeps ou
des “camions squelettes”.
Région de Milne Bay – Jouant d’audace, deux vedettes lance-torpilles néo-zélandaises (des
type Elco de l’US Navy acquises par prêt-bail et basées avec les vedettes hollandaises dans
l’île de Bono-Bono) pénètrent dans Milne Bay. Les deux MTB torpillent et coulent un
caboteur à moteur de 830 GRT ; puis elles engagent et coulent deux péniches en ressortant de
la Baie.
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Ironbottom Sound – Bataille de Pointe Cruz
01h15 – Les vedettes PT-37 et PT-39 aperçoivent les navires de Goto et se lancent dans une
spectaculaire attaque à grande vitesse. Spectaculaire en effet, mais peu efficace. L’écume que
soulèvent les vedettes est immédiatement repérée par les Japonais, qui ouvrent le feu avec tout
ce qu’ils ont en dehors des 8 pouces des croiseurs lourds. Les traçantes et les gerbes soulevées
par les obus font vite perdre aux vedettes leurs repères de visée, mais elles s’acharnent à
trouver une position de tir en zigzaguant à grande vitesse, tandis que les navires de Goto
manœuvrent avec autant d’ardeur pour éviter des sillages de torpilles dont la plupart sont
imaginaires. A ce moment, les Japonais croient avoir affaire à six ou huit vedettes ! Au bout
d’un quart d’heure, les Américains finissent par tirer leurs torpilles, mais ils sont en mauvaise
position et aucune n’atteint son but.
Scott a observé avec intérêt cette action, grâce aux messages radio des vedettes puis à son
radar. Il profite du fait que les Japonais sont occupés avec les vedettes et que leur radar a des
difficultés en raison de la proximité de la terre. De plus, bien que Scott l’ignore, les radars à
basse fréquence allemands utilisés par les Japonais sont plus affectés par le temps orageux
que les appareils américains.
01h35 – Scott ordonne à son escadre de monter à 28 nœuds et de venir plein nord. Très vite, il
se retrouve en travers de la route de Goto et lui barre le T.
La formation japonaise a pendant ce temps perdu son ordonnance initiale. L’Arare et
l’Asashio se retrouvent à 2 000 mètres par tribord avant du Mogami, suivi par le Mikuma,
1 000 mètres en arrière et un peu à bâbord, avec les deux autres destroyers plus en arrière.
Goto lui-même a tourné son attention vers le rivage, où il espère trouver des transports en
train de décharger – faute de quoi, il envisage de bombarder les positions alliées.
01h41 – Les deux forces s’aperçoivent à peu près en même temps, mais les Américains s’y
attendent et les Japonais sont totalement surpris. Les vigies du Cleveland repèrent les deux
destroyers les plus proches (qu’ils prennent pour des croiseurs légers) et les deux croiseurs
lourds.
01h42 – Scott donne l’ordre d’ouvrir le feu. Les quatre destroyers tirent sur l’Asashio, à 5 000
mètres, le Columbia sur l’Arare, à la même distance, et le Cleveland sur le Mogami, environ
700 mètres plus loin. Les destroyers lancent aussi leurs torpilles, mais ce sera sans résultat.
Le tir américain est rapide et précis et les deux destroyers de tête japonais, vite gravement
touchés, sont la proie des flammes. La lueur des incendies gêne un moment la visée des
artilleurs du Cleveland, mais le Mogami est touché lui aussi.
01h45 – C’est le tournant de l’action : un obus de 6 pouces explose sur la passerelle du
Mogami, tuant ou blessant plus ou moins gravement tous les hommes présents. Le
commandant est grièvement touché. Goto lui-même n’est que superficiellement blessé par des
éclats de verre, mais il est commotionné et reste incapable de commander durant plusieurs
minutes vitales. Momentanément décapité, le Mogami dévie de sa course et abat sur bâbord
(vers le large) et le Mikuma est obligé de manœuvrer brutalement pour l’éviter. Le Mogami
reçoit une douzaine d’obus de 6 pouces et plusieurs obus de 5 pouces. Il a lui-même ouvert le
feu, mais sous la pluie d’obus, son tir est erratique. Le Mikuma est plus précis et un obus de 8
pouces détruit une tourelle de 5 pouces du Columbia. Celui-ci cesse de tirer sur l’Arare (qui a
son compte) et reporte son feu sur le Mikuma.
01h50 – Des obus incendient les deux hydravions du Mogami, illuminant brillamment le
croiseur. Son commandant en second, qui a rejoint la passerelle, ordonne de rompre le combat
contre ce qu’il croit être, en observant les éclairs de départ des coups, huit navires ennemis.
Au moment où il fait demi-tour, le navire lance quatre torpilles, mais toutes ratent leur but.
Plusieurs incendies font rage sur les superstructures du croiseur qui s’éloigne et Scott le
décrira comme « brûlant de la proue à la poupe, mais continuant à faire parler son armement
principal. » L’amiral américain est trop optimiste. Le Mogami est touché, mais il n’est pas
gravement atteint et ses capacités combatives sont intactes.
Le Mikuma suit son navire amiral, tout en tirant vite et bien. Il encadre régulièrement le
Columbia, qu’il touche de plusieurs obus de 8 pouces. Mais bientôt, les destroyers américains
viennent soutenir le Columbia et le Mikuma est touché par une douzaine d’obus de 5 et 6
pouces, quoique ces dommages ne réduisent guère sa puissance. Pourtant, se trouvant débordé
par le nombre, le Mikuma se retire lui aussi derrière un rideau de fumée. Ses deux destroyers
de queue le suivent.
L’Arare et l’Asashio, brûlant férocement, sont laissés en pâture aux Américains. Le premier
explose sous leurs tirs et l’Asashio sombre.
L’action s’achève. Scott, inquiet pour le Columbia et estimant avoir coulé deux croiseurs
légers japonais et durement endommagés deux croiseurs lourds, décide de se replier. Il ressort
de la baie à grande vitesse en passant au sud de Savo.
Pendant ce temps, blessé et furieux, Goto remet de l’ordre dans son escadre au nord de Savo
pendant que ses équipages éteignent les incendies et réparent les dommages les plus gênants.
02h30 – Les incendies éteints, les Japonais entrent à nouveau dans la Baie, espérant y
retrouver l’ennemi pour un deuxième round. A leur grande déception, une fois au large de
Pointe Cruz, ils ne découvrent personne d’autre que les survivants des destroyers coulés.
03h05 – Les quatre bâtiments repartent dans le Slot vers le nord-ouest à 32 nœuds, les deux
croiseurs suivis par les deux destroyers. Le Mikuma est en tête, sa passerelle n’ayant pas subi
les dégâts soufferts par celle du navire amiral et ses vigies n’ayant pas eu de pertes. Après
l’expérience qu’il vient de vivre, Goto n’a plus envie de se fier aux radars…
« La bataille de Pointe Cruz fut la première vraie victoire de l’US Navy dans une action de
nuit contre la Marine Impériale. Plus encore que ses suites immédiates, elle améliora
considérablement le moral des équipages alliés et fit de Scott une figure marquante de l’US
Navy. » (Jack Bailey, Un Océan de flammes – La guerre aéronavale dans le Pacifique)
………
Bataille de Pointe Cruz – Des suites agitées
04h18 – Une vigie du Mikuma (toujours en tête) repère un sous-marin en surface (il s’agit
probablement du Français Sfax… à moins que la vigie n’ait cru voir un sous-marin inexistant)
et le commandant du Mikuma ordonne de virer à fond sur bâbord. Mais le Mogami vire moins
serré et éperonne le flanc bâbord de son jumeau sous la passerelle, défonçant les réservoirs de
mazout du Mikuma, derrière lequel commence à s’étendre une longue traînée huileuse.
La proue du Mogami se brise, pliée presque à angle droit devant sa tourelle de 8 pouces avant.
Sa vitesse tombe à 12 nœuds. L’équipage fait de son mieux, mais au lever du jour, le croiseur
ne peut toujours pas dépasser 14 nœuds.
Goto (qui, au moment de la catastrophe, venait de descendre se faire soigner convenablement
à l’infirmerie) est effondré. L’apparition à l’aube d’une patrouille d’hydravions de chasse
A6M2-N de Rekata Bay ne le déride pas. De fait, si les hydravions abattent un PBY vers
06h25, celui-ci a eu le temps de signaler les navires japonais et les coastwatchers en ont fait
autant.
08h15 – Goto est attaqué par neuf B-17 venus de La Tontouta, qui ont été détournés d’un raid
contre les positions japonaises à Guadalcanal. Les Forteresses abattent deux A6M2-N sans
perte de leur côté, mais leurs bombes tombent loin des navires japonais.
10h30 – Deux J1N arrivés de Buin et sept A6M2-N interceptent six Manchester de la RAAF ;
ils en abattent deux et perdent un troisième hydravion de chasse. Les bombes des Manchester
ratent leur but, mais pendant ce temps, quatre Beaufort de la RAAF se glissent au ras des
vagues. L’un est abattu par une DCA très active, mais les trois autres attaquent le Mikuma. Ils
lancent de très près et une torpille touche le croiseur, aggravant les dégâts de la collision (il
semble que les aviateurs alliés n’aient pas attaqué le Mogami en raison de son allure
lamentable : il a l’air plus mal en point qu’il ne l’est).
11h40 – Neuf Dauntless et six Wildcat venant d’Henderson Field approchent. Ils sont
interceptés par huit A6M2-N et trois J1N, mais les chasseurs américains abattent quatre des
hydravions de chasse, ne perdant qu’un des leurs, pendant que les J1N parviennent jusqu’aux
Dauntless et en abattent un. Les huit autres bombardiers placent trois bombes sur le Mikuma.
L’une démolit la catapulte tribord et déclenche un incendie, la deuxième détruit l’une des
tourelles de 5 pouces, mais la dernière frappe les tubes lance-torpilles et les Longues Lances
explosent, ravageant la partie centrale du navire, qui stoppe, en feu. De son côté, le Mogami
est touché sur la tourelle Y par une bombe qui massacre ses servants et détruit la tourelle.
Ce sera la dernière attaque de la journée (quoique des B-20 de la RAF, trop rapides pour
l’escorte de chasse, pistent ce qui reste de l’escadre de Goto).
Cependant, l’incendie du Mikuma a des conséquences dramatiques. Après deux heures de
lutte, le commandant donne l’ordre d’évacuer le bord et le navire coule peu après.
Quand le Kasumi, le Yamagumo et le Mogami amputé de sa proue atteignent Rabaul, Goto, au
désespoir, songe au suicide. Il ressasse qu’il n’aurait pas dû passer outre l’avis des médecins
et que son état de faiblesse dû à ses blessures du mois d’août, mal guéries, l’a empêché de
réagir convenablement. Il faut un message de Yamamoto lui-même pour le dissuader de
mettre fin à ses jours.
Truk – Le sous-marin USS Seal intercepte un convoi japonais approchant du grand port. Il
attaque en plongée à 13h30 et coule le gros transport Boston Maru, chargé d’équipements et
de matériel militaire. Mais l’escorte est efficace et le Seal, incapable de se dégager,
endommagé par des grenades sous-marines, doit faire surface. Il est alors canonné, éperonné
et coulé par le DD Okikaze. Ce vieux bâtiment fait partie de la classe Minekaze (1920-1925),
dont les bâtiments ont été consacrés à la lutte ASM.
………
Guadalcanal – Toute la journée, les 2e et 5e Rgt de Marines continuent à s’échiner pour
gagner mètre après mètre.
En face, les survivants du Groupement Oka et les restes de la 2e Division ont mis au point une
défense en mille-feuilles – il y a toujours une couche de bunkers, de tranchées, de trous
d’hommes, derrière celle qu’on est en train d’éliminer. Les Marines parlent plutôt de défense
en oignon, « parce que ça fait pleurer de l’éplucher ! » Pour reprendre l’initiative –
puisqu’ainsi en a décidé l’état-major de l’Armée Impériale, à Tokyo – le général Kawagushi
attend que le 3e Régiment d’Infanterie (28e Division) soit au complet. Mais les hommes
n’arrivent qu’au compte-gouttes, cent une nuit, deux cents la nuit suivante, et sitôt débarqués,
ils sont assaillis par les moustiques (sans parler des P-39 en maraude). Du coup, ils souffrent
bientôt du paludisme.
Suva (îles Fidji) – Huit G4M1 effectuent un bombardement de nuit, visant… l’épave du
North Carolina, toujours amarrée là : vue du ciel, elle peut donner l’impression que le
cuirassé est toujours à flot. L’épave est légèrement touchée, mais les docks de Suva souffrent
beaucoup et deux petits bateaux de pêche sont détruits. Cependant, la RAAF réplique : trois
Defiant ont été déployés à Suva. Un seul est opérationnel, mais il parvient à détruire un
G4M1. Le bombardier s’écrase dans les collines au-dessus de la ville, consolant un peu les
habitants.
Truk – Le vice-amiral Komatsu annonce à ses commandants de sous-marins que l’amiral
Yamamoto réclame la mise sur pied d’une seconde chaîne de ravitaillement de Guadalcanal.
En effet, les navires de surface de « l’Express de Tokyo » (comme l’ont surnommé les
Américains) n’arrivent pas à subvenir aux besoins de l’Armée. Les subordonnés de Komatsu
ne sont pas enthousiastes de se voir relégués à cette tâche ingrate, car leur canon de 140 mm
va être débarqué et ils n’emporteront que le minimum de torpilles, ce qui ne leur permettra
guère de frapper le trafic naval adverse.
17 novembre
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Ironbottom sound – Toute la nuit, les vedettes rapides des deux camps sont en maraude dans
la Baie.
Vers 01h30, celles d’Iishi coulent de deux torpilles un transport de 400 GRT qui faisait la
navette entre Tulagi et Guadalcanal.
A peu près à la même heure, les MTB américaines repèrent un petit convoi à 25 milles de Cap
Espérance. Apprenant rapidement leur métier, les PT-45 et 48 attaquent sans faire rugir leurs
moteurs, restant invisibles en naviguant à petite vitesse dans l’obscurité. Le convoi (deux
chalutiers de 250 GRT et deux chasseurs de sous-marin de classe Cha) est pris par surprise.
L’un des transports est foudroyé par une torpille.
Guadalcanal – Les combats se poursuivent, mais les Américains pensent aussi au moral de
l’arrière…
Red Beach – Le lieutenant-colonel Twining ne sait pas trop sur quel pied danser lorsqu’il
accueille le chef du service photographique de l’Office of Strategic Services (OSS) et son
équipe sur le débarcadère de Red Beach. Ils sont arrivés à l’aube, en Catalina s’il vous plaît, à
l’hydrobase de Tulagi, et deux vedettes néozélandaises leur ont fait traverser Ironbottom
Sound.
Un gars de l’OSS sur Guadalcanal ! Et une célébrité, en plus, puisqu’il s’agit du commandant
John Ford en personne, dont le dernier film, How Green Was My Valley, vient de recevoir
cinq oscars (pour dix nominations), dont ceux de meilleur film et de meilleur réalisateur.
Pourvu qu’il n’ait pas les mêmes exigences que les vedettes hollywoodiennes qui alimentaient
régulièrement la presse à scandales avant la guerre ! Pourtant, Vandegrift a été très clair :
« Occupez-vous en bien, Twining, c’est un bon gars, d’après ce que j’en ai entendu dire par
Pearl. Il a créé la Naval Field Photographic Reserve dès 1940 et il a passé plusieurs
semaines à Midway en juin dernier – alors que les Japs auraient pu y débarquer à tout
moment – pour filmer les travaux de mise en défense de l’île ».
La Navy a chargé Ford de réaliser un documentaire à la gloire des Marines, afin d’entretenir
le moral – et les recrutements – au pays. « Une noble tâche, songe le lieutenant-colonel en
réprimant une grimace, mais que pourrais-je bien lui montrer ? L’hôpital ? Le cimetière ? »
Une bonne nouvelle attend tout de même Twining. Le second journaliste auquel il devait
servir de nounou, le jeune Stanley Lieber, rattaché, lui, au Signal Corps, n’est finalement pas
du voyage.
Une heure plus tard, les préjugés de Twining n’ont pas résisté à la bonne humeur de Ford, qui
se révèle aussi éloigné d’une diva de la Paramount que le bourbon peut l’être du saké. Quand
le Marine laisse Ford et ses hommes s’installer dans leurs quartiers, il range précieusement
dans son portefeuille une superbe dédicace du cinéaste.
Truk – Réunion d’état-major dans l’après-midi à bord du Musashi. « L’épisode de la nuit du
15 au 16, indique Ugaki, confirme que l’ennemi s’est considérablement renforcé. C’est vrai
du point de vue naval, mais aussi du point de vue aérien et terrestre. Il est évident qu’une
action majeure contre nos positions sur Guadalcanal est à craindre dans le proche avenir. Et
une action navale y sera certainement associée. »
« Pour y faire face, répond Yamamoto, il n’est pas envisageable d’utiliser le Musashi ou le
Yamato 1. Le Hyuga est à Singapour et le Yamashiro est en réparations – de toutes façons, ils
sont trop lents. Le Mutsu nous manque, malheureusement, il ne sera de nouveau opérationnel
qu’en février. »
– Et les trois cuirassés rapides de la Flotte Combinée ?
– Ce sont les seuls navires de ligne à pouvoir accompagner les porte-avions rapides. Il n’est
admissible de les utiliser pour un bombardement naval que si aucun navire de ligne ennemi
n’est dans le secteur.
– Nous pourrions utiliser le Hiryu et le Shokaku, rappelle Ugaki. Leurs groupes aériens
brûlent de passer à l’action.
– Non, non, répond Yamamoto. Pour engager les porte-avions, je tiens à disposer d’au moins
deux divisions [quatre navires].
– Les Ryujo et Zuiho sont prêts ! assure Yamaguchi.
Yamamoto soupire : « A eux deux, ils n’emportent pas autant d’avions que le seul Akagi…
Non, j’espère que le recours aux porte-avions ne sera pas absolument nécessaire. »
1
Le Yamato et le Musashi sont réservés pour la “bataille décisive” où ils doivent donner l’avantage à la Marine
Impériale face aux cuirassés américains. Le premier est en cours de modification : ses deux tourelles latérales de
6 pouces ont été enlevées et remplacées par des affûts doubles de 5 pouces AA, tandis que des 37 mm et 25 mm
AA sont implantés un peu partout. Avec un nouveau radar, le cuirassé géant sera une bonne plate-forme de
DCA. Des modifications similaires sont prévues pour le Musashi.
18 novembre
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Guadalcanal – Devant les maigres résultats obtenus depuis trois jours par les 2e et 5e
Régiments de Marines, Vandegrift ordonne de suspendre l’attaque. Si le front a toujours la
forme d’une équerre, la branche nord-sud commence désormais juste à l’ouest de Pointe Cruz
et vient successivement s’appuyer sur deux affluents de la Matanikau (à moins que l’un
d’entre eux ne soit justement la Matanikau !). La branche ouest-est part toujours de la
Matanikau (ou du cours d’eau ainsi étiqueté) pour rejoindre les flancs du Mont Austin, mais
les positions dites de Galloping Horse et de Gifu sont à présent entre les mains des Marines.
Cependant, le prix payé pour cette avance est lourd : 150 tués et le double de blessés. Si leurs
pertes sont équivalentes, les Japonais ont tiré le meilleur parti de leurs positions fortifiées.
…..……
Sur grand écran – Malgré les attaques aériennes quotidiennes des Japonais, John Ford et son
équipe ont commencé leur tournage. D’abord circonspects, les Marines se sont
progressivement laissés apprivoiser. Il faut dire que Ford, loin de les censurer, les invite au
contraire à évoquer leur quotidien, y compris dans ce qu’il a de moins agréable, et qu’il ne
rechigne à filmer ni les conditions sanitaires précaires, ni les blessés les plus gravement
touchés. Avec habileté, Ford parvient également à les faire parler des motifs de leur
engagement, de leur fierté de servir dans le Corps et de la fraternité qui unit les Marines.
Mieux que personne, le cinéaste sait que la plupart des témoignages qu’il recueille seront
coupés au montage ou censurés par les services de la Navy avant diffusion, mais il a
également conscience de l’importance de rassembler et de conserver ces souvenirs. Ford est
particulièrement impressionné par les récits des équipages des vedettes lance-torpilles, qui lui
décrivent leurs chevauchées nocturnes contre leurs homologues japonais. Deux ans plus tard,
il en tirera un film intitulé They were expendables, racontant les combats désespérés livrés
dans les eaux de Guadalcanal, avec John Wayne et Robert Montgomery dans les rôles
principaux.
Truk – Voir le contrôle du ciel au-dessus de Guadalcanal basculer de manière décisive est
une sombre perspective. Mais si la reprise de Tenaru apparaît nécessaire, les Japonais doivent
aussi penser aux terrains de Milne Bay et de Buna-Gona-Sanananda, qui sont en grand
danger. L’Armée Impériale n’a tout simplement pas assez de monde dans le Pacifique SudOuest pour faire face sur les trois fronts. De plus, Yamamoto souligne que Tarawa doit aussi
être renforcé, car dès que les avions basés là-bas commenceront à vraiment gêner le trafic
allié, l’atoll deviendra une cible pour les forces alliées.
Pourtant, l’Armée ne se résigne pas et demande à la Marine un effort pour permettre le
passage jusqu’à Guadalcanal d’un convoi transportant tout le reste de la 28e Division d’un
seul coup : les 30e et 36e Régiments et les unités divisionnaires (28e Rgt d’Artillerie de
Montagne, 28e Rgt du Génie, 28e Rgt de Reconnaissance). Kawagushi espère que ces renforts,
jetés ensemble dans la bataille, emporteront la décision. Les marins sont très réticents. Pour
eux, décrocher peu à peu de Guadalcanal permettrait de gagner du temps pour voir revenir en
ligne les nombreuses unités endommagées pendant la première année de la guerre.
La guerre sino-japonaise
Forteresses volantes
Chine – Six B-17C de la CATF attaquent le port charbonnier de Tsingtao, endommageant les
quais. Les appareils sont interceptés par des Ki-43, mais ces derniers se montrent parfaitement
inefficaces contre les quadrimoteurs.
19 novembre
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Guadalcanal – Epuisés, les 2e et 5e Rgt USMC passent le relais sur le front aux 7e et 8e Rgt
(pour le 8e, c’est le baptême du feu).
Henderson Field – A l’aube, dans un grondement qui tranche avec les rugissements habituels
des Wildcats et des Dauntless, les quatre moteurs d’un B-24 emportent le général Vandegrift
vers Nouméa, où l’attendent trois jours de conférences avec l’amiral Halsey et un visiteur, le
Lt-général Henry Arnold, chef de l’Army Air Corps. Vandegrift laisse temporairement le
commandement au major-général John Marston. Celui-ci dirige depuis dix jours, sous ses
ordres, les régiments de la 2e Division de Marines (2e, 6e et 8e Régiments – l’infanterie – et
10e Régiment – l’artillerie), tandis que le brigadier-général Louis Woods a remplacé Geiger à
la tête de la Cactus Air Force depuis le 7 novembre. Alors que Guadalcanal et les Salomons
s’éloignent sous les ailes de son appareil, Vandegrift se promet d’obtenir le remplacement de
ses troupes, au moins des 1er, 2e et 5e Régiments, en ligne depuis plus de trois mois.
…..……
Cap Espérance – Apprenant l’interruption de l’offensive américaine, Kawagushi examine le
déroulement de la bataille et arrive aux mêmes conclusions que Vandegrift : l’existence de
fortifications en dur (ou ce qui en tient lieu localement) a considérablement simplifié la tâche
de ses hommes, souvent trop épuisés, mal nourris ou malades pour assurer autre chose qu’une
défense statique. Mais cela ne veut pas dire que ses troupes peuvent passer à la contreoffensive, et le général japonais en est bien conscient. Pour cela, il lui faut des renforts !
Truk – L’état-major de la Marine Impériale, autour de Yamamoto, Ugaki et Yamaguchi (pour
les porte-avions), poursuit son examen de la situation. Yamamoto doit constater que l’horizon
stratégique s’assombrit. Comme il le raconte dans ses Mémoires : « Il apparaissait chaque
jour davantage que nous n’avions pas les moyens de déployer à Guadalcanal autant de forces
que l’ennemi et que la guerre d’usure qui nous était imposée sur mer ne pouvait que tourner à
notre désavantage. Nous n’en avons rien dit, mais nous savions tous que la guerre était à un
tournant qui nous était inexorablement défavorable. Et pourtant, l’Armée continuait de
réclamer un soutien qu’il nous était impossible de lui fournir, impossible, du moins, sans
mettre en danger les dernières chances de la Flotte d’arracher une fin négociée du conflit par
une victoire décisive. »
Pour répondre aux exigences de l’Armée, Ugaki propose une nouvelle fois d’effectuer des
raids contre les positions alliées sur Guadalcanal avec un ou deux des cuirassés rapides.
Yamamoto refuse obstinément : « Nous avons quatre grands porte-avions et deux porteavions légers à couvrir. Les Haruna, Hiei et Kirishima [ce dernier est en réparations jusqu’en
février] ne devront se joindre à la ligne de bataille que pour l’affrontement décisif. D’ici là,
ils pourraient être les seuls capables d’éviter à nos porte-avions le destin du Glorious, car
l’ennemi a dans la région trois croiseurs de bataille et de nombreux croiseurs… Plus tous les
autres » ajoute-t-il sombrement. Et comme Ugaki et Yamaguchi le regardent, étonnés, il
explique : « Vous savez ce qui s’est passé il y a moins de trois semaines en Italie. Combien de
temps pensez-vous que nos ennemis seront encore obligés de laisser en Méditerranée une
grande partie de leurs flottes ? »
Tous se regardent. A ce moment, ils ne se posent qu’une question : comment, sans trop perdre
la face, convaincre l’Armée qu’il faut évacuer Guadalcanal ?
San Diego (Californie) – En fin de journée, le croiseur HMAS Hobart arrive à l’arsenal. Les
travaux de modifications dureront environ six mois.
20 novembre
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Guadalcanal – Les 7e et 8e Régiments de Marine prennent leur tour dans la désespérément
lente reconquête de l’île.
………
Truk – Ce que craignaient Yamamoto et son état-major s’est produit. L’Armée a fait pression
à Tokyo au plus haut niveau et la Marine se voit obligée – sous peine d’y être contrainte,
humiliation suprême, par un édit de l’Empereur ! – de lui fournir les moyens de son
« offensive victorieuse » en transportant sains et saufs deux régiments sur Guadalcanal. Du
moins est-elle obligée d’essayer…
Yamamoto n’a qu’une solution pour couvrir efficacement l’opération : utiliser les quatre
porte-avions opérationnels stationnés à Truk. La Flotte Combinée sera la pièce maîtresse de
l’opération compliquée qui va être élaborée en quelques jours, dans la précipitation.
………
Guadalcanal (Cap Espérance) – Le général Kawagushi reçoit la confirmation de l’arrivée
prochaine du gros de la 28e Division avec une joie tempérée par une longue pratique du
Bushido… et par un séjour de trois mois sur Guadalcanal. L’échec des précédentes offensives
lui a appris qu’il ne pouvait pas se fier à la seule supériorité individuelle du soldat japonais sur
son homologue américain – supériorité dont lui-même commence à douter au vu des derniers
combats, même s’il se refuse bien entendu à l’admettre publiquement. L’expérience lui a
également enseigné que, sur Guadalcanal, la notion de “troupe fraîche” n’est valable que
quelques jours : les moustiques, le climat et la mauvaise nourriture usent un régiment en deux
semaines. Aussi prévoit-il d’attaquer rapidement, si possible une semaine après l’arrivée des
renforts.
Après la perte d’une partie de sa ligne de défense à l’ouest du Mont Austin, ses meilleures
chances de succès consistent à attaquer sur la Matanikau : coincées entre le fleuve et l’un de
ses affluents, comme c’est le cas depuis leur dernière avancée, les troupes américaines ne
pourront pas se dérober ; il suffira de percer à un endroit pour que le front des Marines
s’effondre et qu’ils soient acculés à la Matanikau – et anéantis. Il est probable que Kawagushi
sait bien que, lors des offensives précédentes, les Marines ont préféré se recroqueviller sur
place plutôt que reculer, mais il écarte ce souci mineur. A-t-il conscience que les troupes
visées par son offensive ne représentent qu’une fraction (moins d’un tiers, en fait) des troupes
américaines présentes sur l’île ? C’est possible. Mais sans doute se contenterait-il d’un succès
partiel !
Par ailleurs, Kawagushi ne néglige pas son flanc sud. Il ordonne que la position que les
Américains appellent “Seahorse” (vue du ciel, elle ressemble vaguement à un hippocampe)
soit fortifiée à la manière de Gifu, pour attirer l’attention des Marines et fournir un point
d’appui solide dans le secteur. Les survivants du Groupement Oka et les restes de la 2e
Division garniront ces fortifications, avec un bataillon de la 28e en soutien.
Iles Salomon – Le sous-marin USS Stingray attaque le ravitailleur d’hydravions Sanyo Maru,
qui vient d’appareiller des îles Shorland pour gagner Rekata Bay, escorté du destroyer
Amagiri. Le Lt-Cdr R.J. Moore estime que deux torpilles sur les quatre lancées ont fait
mouche, mais elles n’ont pas explosé et le Sanyo Maru ne subit que des dégâts légers. Par
précaution, les deux Japonais rentrent aux Shortland, où le Sanuki Maru vient les assister.
Truk – Le sous-marin I-175, brutalement abordé par le pétrolier Nisshin Maru, doit être
échoué. Il devra rentrer au Japon pour être remis en état.
Pacifique Central
Tarawa – Quatre G3M décollent de l’atoll pour attaquer un cargo isolé repéré par un H8K
loin à l’ouest des îles Equatoriales (ou îles de la Ligne). Le navire, un Liberty ship, est pris par
surprise par les avions arrivant de l’ouest en fin de journée. Incendié par plusieurs bombes, il
ne coule pas immédiatement et l’appel de détresse de l’équipage est entendu. Le jour suivant,
les marins survivants, qui ont passé la nuit dans leurs canots de sauvetage près du navire en
feu, sont recueillis par un Clipper de la Pan-Am habituellement chargé de transporter du
courrier.
L’épave sera signalée plusieurs fois les semaines suivantes, dérivant à travers le Pacifique
Central. Puis elle sera oubliée jusqu’à ce que, trois mois plus tard, elle soit repérée par le
cuirassé chilien Almirante Latorre, en manœuvre au large de Valparaiso. Remorquée jusqu’au
rivage, la coque incendiée témoignera encore de la solidité de sa construction par soudure.
Elle sera finalement utilisée comme cible et coulée par les Chiliens en 1944.
La guerre sino-japonaise
Tokyo touchée !
Tokyo – Cinq B-17F de la ROCAF, portant chacun 2 500 livres de bombes, exécutent un
nouveau raid d’une grande hardiesse, cette fois contre la capitale japonaise ! Le centre de la
cité (l’attaque vise les immeubles du ministère de la Guerre) subit des dégâts notables : les
bombes et les incendies qu’elles allument provoquent la mort de 120 civils. Les bombardiers
sont d’abord interceptés par des Ki-43, mais ils ne subissent aucune perte et abattent même
deux des chasseurs ! Alors qu’ils sont sur le chemin du retour, ils sont rattrapés par quelquesuns des nouveaux Ki-61 versés à la défense de la Métropole. Ces derniers ont plus de succès,
abattant l’un des quadrimoteurs et endommageant gravement un autre, qui rentre à sa base
mais sera irréparable.
Cette attaque couronne un gros travail d’adaptation des appareils. Pour obtenir le rayon
d’action nécessaire, les B-17 ont dû être allégés et pourvus de réservoirs supplémentaires. Les
mitrailleuses latérales, deux de celles placées dans le nez et celle du radio ont été enlevées
(économisant aussi le poids de deux mitrailleurs), un réservoir d’essence a été monté dans la
soute à bombes et des réservoirs largables accrochés entre les moteurs internes et le fuselage.
Ce travail est important mais peut cependant être effectué sur le terrain. Ainsi modifiés, les B17F peuvent emporter jusqu’à Tokyo une charge de bombes significative, à condition de
bénéficier d’un bon vent dans le dos sur une des parties du trajet et d’éviter le vent dans le nez
sur l’autre partie. Pour y parvenir, les Chinois possèdent un réseau de recueil de données,
mais ils profitent surtout des prévisions météo de l’Armée Impériale, transmises dans un code
que les Américains ont facilement cassé.
21 novembre
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Guadalcanal (Henderson Field) – Lorsque son appareil se pose, en milieu d’après-midi,
avant de redécoller immédiatement vers Nouméa, Vandegrift est aux prises avec des
sentiments contradictoires.
Côté positif, il a enfin obtenu le remplacement de ses Marines par des troupes fraîches. Dans
un délai d’un mois, les trois premiers régiments à avoir débarqué et leurs troupes de soutien
devraient être relevés par la division Americal (23e DI-US), dont les régiments (132e, 164e et
182e RI-US) sont à présent aussi bien entraînés que possible.
Côté négatif, il n’a pas pu obtenir que Marston, le commandant de la 2e Division de Marines,
prenne sa suite à la tête des troupes opérant sur Guadalcanal. En mission d’inspection sur le
théâtre du Pacifique Sud pour le compte du Président lui-même afin de préparer la grande
conférence interalliée prévue pour la fin de l’année, Arnold a mis tout son poids dans la
balance pour que l’Armée, en la personne du général Patch, actuel commandant de
l’Americal, obtienne le commandement du futur XIVe corps. Cette entité devrait rassembler
l’Americal, la 2e Division USMC et une seconde division de l’Armée, à choisir parmi celles
basées à Pearl Harbour ou en formation sur la côte Ouest. Or, comme l’a brutalement rappelé
Arnold, l’Armée et la Navy ont convenu, dès le début de la guerre du Pacifique, du principe
selon lequel “celui qui fournit les troupes commande”. Et Arnold entend profiter de la
campagne des Salomon pour mettre en avant Patch, un protégé du général Marshall, dans la
perspective du futur débarquement en Europe – théâtre d’opération qu’il continue, avec une
morgue certaine, de qualifier de « prioritaire » devant ses interlocuteurs.
Bien conscient que ses troupes sont arrivées au point de rupture, Vandegrift n’a eu d’autre
solution que de sacrifier son adjoint. Pire, Marston étant plus ancien que Patch, Arnold estime
nécessaire de lui faire rapidement quitter l’île, afin d’éviter tout conflit d’autorité ; il sera
remplacé par le Brigadier général Alphonse DeCarre, l’actuel chef d’état-major de la 2e
Division de Marines, auquel sera confié le commandement de toutes les unités de Marines
rattachées au XIVe Corps. Pour faire passer la pilule, Vandegrift a suggéré que Marston soit
placé à la tête de la 3e Division de Marines, actuellement en formation, et « qu’au moins une
opération majeure lui soit confiée en 1943 » (Bougainville, Tarawa et Wake ont fait partie des
objectifs cités lors de la réunion). Halsey s’est engagé à soutenir avec fermeté cette
proposition auprès de Nimitz et de King. Reste à Vandegrift à faire accepter ce deal à son
adjoint et ami – ce qui, songe-t-il en sautant sur le tarmac d’Henderson Field, risque de ne pas
être la partie la plus agréable de sa journée…
Malaita – Le ravitailleur d’hydravions Zealandia, épuisé par trois mois d’activité incessante,
est obligé d’aller se faire réparer à Sydney. Ses appareils (Floatfire, Swordfish et Walrus) se
redéploient à Tulagi pour y poursuivre les opérations, mais l’assistance d’un ravitailleur
américain serait la bienvenue.
La guerre sino-japonaise
Sacrilège !
Tokyo – Peu après le coucher du soleil, trois B-17C de la ROCAF attaquent Tokyo. Ces trois
machines ont été allégées de toutes leurs mitrailleuses sauf celles de queue afin d’emporter
4 000 livres de bombes et assez de carburant pour rentrer à leur base avec une bonne réserve.
Les bombes (et quelques tracts mordants) tombent un peu partout dans la ville, causant peu de
réels dommages. Par pur hasard, l’une d’elles touche le mur extérieur du Palais Impérial,
ouvrant une large brèche dans la maçonnerie sans faire de blessés.
Dommage pour Yamamoto : si ce sacrilège que l’aviation de l’Armée n’a pu empêcher était
arrivé deux jours plus tôt, il aurait pu éviter que soit prise la décision d’exiger de la Marine un
effort majeur à Guadalcanal…
L’explosion de fureur des Japonais sur les ondes fait grand plaisir à de nombreux Chinois,
mais provoque des massacres dans la région de Pékin, où des colonnes de soldats « agissant
spontanément », selon le communiqué (peut-être véridique) de l’état-major, incendient
plusieurs quartiers.
22 novembre
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Guadalcanal – Entouré de son état-major et des colonels qui commandent les huit régiments
de Marines sous ses ordres, Vandegrift présente le compte-rendu de son escapade néocalédonienne (et distribue quelques douceurs, bourbon, cigarettes, très appréciées pour
motiver les troupes et qu’il a rapportées). Tous complimentent Martson pour sa nomination à
la tête de la 3e Division de Marines. Ce dernier fait bonne figure : Halsey ayant respecté sa
parole avec diligence, un message personnel de Nimitz et quelques garanties du commandant
en chef du Pacifique, arrivés le matin même, y ont contribué. Les officiers des 1er, 2e, 5e et 11e
Régiments reçoivent avec un plaisir non dissimulé la nouvelle de leur prochaine relève. Faute
de disposer d’un calendrier précis de leur retrait, Vandegrift leur demande cependant de ne
pas diffuser la nouvelle (inutile de causer de faux espoirs si, par malchance, le séjour sur l’île
devait être prolongé) ; il s’en chargera lui-même dès qu’il disposera d’un planning définitif
pour toutes les unités devant être relevées. Néanmoins, les mines réjouies des colonels
concernés ne tarderont pas à faire des émules chez leurs subordonnés.
Le front ayant été très calme pendant ces trois jours, ni Martson, ni DeCarre n’ont
grand’chose à apprendre à Vandegrift, à l’exception… d’une demande d’interview de John
Ford !
Campagne d’Indochine
Haiphong –Le port est bombardé par une dizaine de B-25 américains venus de Chine. En
dépits des victimes (43 morts, une cinquantaine de blessés), la population prend le
bombardement comme un signe de l’évolution de la guerre en faveur des Alliés.
Mutation
Nouméa – « J’embarque aujourd’hui pour les Etats-Unis. Mon ordre d’affectation porte la
mention « Aéronavale embarquée ». Je vais donc me retrouver sur un porte-avions. Je me
demande bien lequel, mais l’idée m’est sympathique.
Le lecteur attentif, se souvenant de la malédiction qui m’a poursuivi pendant deux ans sur des
porte-avions français, anglais, américain et même japonais, se demandera sans doute
pourquoi je ne suis pas terrifié. La réponse tient en un nom : Anne-Marie.
Le lecteur attentif, donc, se rappelle sans doute qu’Anne-Marie est l’infirmière qui s’était
occupée de moi pendant mon hospitalisation. Attentif, mais aussi perspicace, le dit lecteur a
deviné que nos relations ne s’étaient pas arrêtées là. Il comprendra donc que ma tendre amie
ait prêté une oreille attentive à mes angoisses aéronavales, d’autant plus qu’elle s’était ellemême inquiétée en m’écoutant délirer au début de mon hospitalisation.
« Ah, lui avais-je dit en lui avouant mon anxiété à l’idée de me retrouver sur un porte-avions,
si je pouvais demander à ma grand-mère, elle saurait quoi faire. » Gaëlle Lagadec, née Mahé,
ma grand-mère, fille, petite-fille, sœur, épouse, mère et grand-mère de marins bretons, était
experte en marine, mais aussi en religion et, oserai-je dire, en psychologie – elle savait tout
des calvaires devant lesquels s’agenouiller, des églises où aller prier, des saints à qui
adresser une supplique pour protéger du mauvais œil et lever les malédictions.
Anne-Marie m’avait regardé dans les yeux (nous étions tout près l’un de l’autre) et m’avait
répondu : « Ta grand-mère est loin, mais je peux t’emmener voir la mienne. Pas celle de
France, bien sûr, celle d’ici. » Ma douce amie était la fille d’un colon (on disait un Caldoche)
et d’une indigène, une Canaque – une union alors peu fréquente, mais dont le fruit que je
savourais était très réussi.
J’acceptai – j’aurais accepté n’importe quoi (surtout venant d’elle). Et quand je fis la
connaissance de sa grand-mère, je fus tout de suite rassuré – bizarrement, il me parut qu’elle
ressemblait à la mienne, malgré sa peau sombre et ses yeux noirs contrastant avec la pâleur
et les yeux bleu clair de la Bretonne. La vieille dame, de son côté, se montra intéressée
comme un pilote à qui on propose d’essayer un nouveau modèle d’avion – elle avait, disons,
travaillé avec « de grands guerriers », disait-elle, ainsi qu’avec des marins, Canaques ou pas,
mais c’était la première fois qu’elle avait affaire à un… disons à un patient « marin du ciel »
(selon son expression). Avec l’aide d’Anne-Marie (car elle parlait fort peu le français), elle
commença par m’interroger sur mon passé, avec une minutie qui eût fait honneur à un
psychiatre de nos pays. Je lui racontai mes aventures et les naufrages des porte-avions sur
lesquels j’avais posé le pied, mais chaque fois elle demandait : « Et avant ? Et avant ? ».
J’en vins finalement à un épisode non maritime, mais qui m’avait profondément marqué. Le 6
juin 1940, j’étais arrivé à Paris en compagnie de mon père et nous nous étions rendus au
ministère de la Marine, place de la Concorde. Moi, je pensais recevoir une affectation dans
une flottille de chasse sur le front – je fus quelque peu déçu : ce n’était plus à l’ordre du jour,
j'étais prié d’aller voir au Bourget si on pouvait faire quelque chose de l’aspirant que j’étais.
Mon père, lui, venait malgré son âge reprendre du service actif. De Brest, il avait su faire
jouer des contacts bien placés qu’il avait conservés et il obtint l’affectation demandée.
En sortant sur la place de la Concorde, nous eûmes une discussion qui vira bientôt à la
dispute. Mon père n’admettait pas que je continue à voir l’aviation navale comme l’arme de
l’avenir et ne comprenait pas davantage que je ne place pas tous mes espoirs dans la
nomination du vieux Pétain au gouvernement, déjà prévue par les journaux du matin. « Oh,
cria-t-il, va au diable, toi et tes barcasses à pont plat ! ».
Au même moment, un fracas de tôles froissées nous interrompit. Une luxueuse automobile
avait embouti un réverbère. D’instinct, avec de nombreux autres passants, nous avons été
voir ce qui s’était passé, sans pouvoir faire grand-chose – ce n’est que le lendemain que j’ai
appris que le corps sans vie emporté par les secours était celui de la fameuse comtesse de
Portes. Mon père se tourna alors vers moi : « Cela suffit, j’ai un train à prendre pour
Toulon ».
Je ne devais plus jamais le revoir – l’affectation qu’il avait obtenue était sur la Bretagne, qui
allait connaître un an plus tard le sort funeste que l’on sait.
– C’est ça, a dit la grand-mère d’Anne-Marie, c’est ça !
Je ne voyais pas le rapport, mais après tout…
Deux nuits plus tard, quelque part dans les montagnes, assez loin de Nouméa, je participai à
une longue cérémonie à laquelle je ne compris pas grand-chose. Il y eut des boissons
étranges, des mélopées en canaque, des oiseaux fraîchement chassés et des poissons pêchés le
jour même, et des armes – tout ce qu’il faut pour un pilote, un marin et un guerrier. Le
lendemain, je dormis toute la journée. A mon réveil, j’étais guéri. Ne me demandez pas
pourquoi, mais j’en étais sûr, et l’avenir démontra que j’avais raison.
– Ne te fais pas tuer et ne m’oublie pas, me dit Anne-Marie en m’embrassant une dernière
fois. Mais elle n’avait pas l’air inquiète – et l’avenir démontra qu’elle aussi avait raison. »
(Y. Lagadec, op. cit.)
23 novembre
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Guadalcanal – Enfin, les Marines reçoivent du renfort ! Il ne s’agit pas de l’arrivée des
troupes de l’US Army, véritable arlésienne au sein du Corps (l’évocation des troupes de
l’Armée devant une assemblée de Marines suscite, en général, des commentaires parmi
lesquels « Toujours prêts, jamais là » et « Toujours d’accord pour occuper le terrain conquis
par les Marines » peuvent être considérés comme les plus aimables), mais du premier chien
entraîné au combat à arriver sur l’île, précédé d’un mémo de six pages sur son emploi, signé
du colonel Buckley, de l’état-major de la 1ère Division ! Il n’est bien entendu pas question
d’envoyer le brave toutou sauter à la gorge des Japonais, mais de l’utiliser pour monter la
garde, en particulier de nuit. Il est affecté d’autorité au 3e Bataillon du 7e Régiment, sous la
responsabilité personnelle de son commandant, le lieutenant-colonel Williams.
En l’absence du maître-chien censé accompagner l’animal (il s’est cassé la cheville à
l’entrainement en Nouvelle-Calédonie quelques jours plus tôt), Williams en est réduit à lancer
un appel à volontaires, même s’il est bien conscient que la perspective de passer plusieurs
nuits en première ligne n’est pas propice aux vocations... Finalement pourvu d’un compagnon
humain, Puller (ainsi baptisé parce qu’il gueule aussi fort et aussi longtemps que le colonel du
même nom) monte en ligne le soir même. Il passe la nuit à aboyer, entraînant le
déclenchement de tant de tirs inutiles (la zone est vide de Japonais, ainsi que le montrera la
patrouille envoyée inspecter les lieux le lendemain matin), qu’il est renvoyé à l’arrière dès les
premières lueurs de l’aube. Pas rancuniers, les Marines l’adoptent quand même. Puller
poursuivra sa carrière comme mascotte du bataillon, avec lequel il terminera la guerre du
Pacifique.
Truk – L’état-major de Yamamoto travaille sans arrêt depuis que la décision de lancer une
grande opération de soutien aux troupes de Guadalcanal a été prise par Tokyo. Le plan qui
prend forme est d’une grande complexité, malgré le peu de temps dont disposent les Japonais
pour tout organiser. Ce sera l’opération Mi.
D’abord, les transports. Pour conduire jusqu’à Cap Espérance le gros de la 28e Division d’un
coup (30e et 36e Régiments d’Infanterie [le 3e est déjà sur place], 28e Rgt d’Artillerie de
Montagne, 28e Rgt du Génie, 28e Rgt de Reconnaissance), seize bâtiments sont rassemblés à
Rabaul, tous de 3 500 à 4 000 tonnes, ce qui doit permettre de répartir les risques en cas de
mauvaise rencontre. Sept transports sont principalement chargés de troupes et huit de
matériel, dont une douzaine de chars légers Ha-Go Type 95 ; un pétrolier-transport d’essence
complète le convoi. L’escorte rapprochée sera commandée par le commodore Ohmae, sur le
CL Kiso, et composée des destroyers d’escorte Hasu, Kuri, Okikaze, Tsuga et Yunagi, ainsi
que de dix chasseurs de sous-marins type Cha.
Les premiers à pénétrer dans la Baie de Guadalcanal seront, comme souvent, les navires du 2e
Escadron de Destroyers du contre-amiral Raizo Tanaka, constituant la force de
reconnaissance. Le CL Jintsu* 2, monture préférée de Tanaka, emmène pour l’occasion les
DD Kawakaze, Suzukaze, Umikaze (24e Division) et Makinami, Naganami, Takanami (31e
Division). Le CL Kitakami est, comme souvent, rattaché à l’escadron de Tanaka. Il devra, en
chemin, lâcher ses deux engins de débarquement Daihatsu, qui attendront l’arrivée du convoi
pour aider au déchargement des transports.
Tanaka sera suivi de la force de couverture, soit la 4e Division de croiseurs lourds du contreamiral Shoji Nishimura : CA Atago* et Takao, escortés par la 15e Division de Destroyers :
DD Hayashio, Kuroshio et Oyashio, emmenée par le CL Kinu.
Si cette avant-garde constate l’absence de navire de ligne allié dans la Baie, elle donnera le
feu vert à la force de bombardement, composée du cuirassé rapide Hiei* escorté par la 30e
Division de Destroyers : DD Akizuki, Mutsuki, Uzuki et Yayoi. Cette force est commandée par
le contre-amiral Kiyohide Shima, un peu plus ancien dans le grade que Nishimura et qui
espère de cette bataille sa nomination au grade de vice-amiral…
Le Hiei et les croiseurs lourds doivent bombarder Henderson Field. Pendant ce temps, les
transports commenceront à débarquer les troupes.
« Dès sa conception, le plan japonais souffrait d’une malfaçon caractéristique, en dehors
même de sa complexité : Nishimura, qui commandait la force de couverture, était plus ancien
que Tanaka dans le grade de contre-amiral et aurait dû avoir préséance sur le brillant
commandant de l’Escadre des Mers du Sud, mais Tanaka était mieux en cour auprès de
Yamamoto… Shima, sur le Hiei, aurait pu assumer le commandement de l’ensemble, mais
aucun de ses deux cadets n’était vraiment prêt à se mettre sous ses ordres. Il était donc
évident qu’il serait impossible de coordonner correctement l’avant-garde nippone… » (Jack
Bailey, Un Océan de Flammes, op. cit.)
2
Les * signalent les navires amiraux.
Le lendemain viendra l’heure des porte-avions de la force aéronavale, commandée par le viceamiral Chuichi Nagumo, sur le Shokaku. Le Shokaku* (65 avions 3) et l’Hiryu* (63 avions 4),
forment la 1ère Division (provisoire) de Porte-avions, commandée par le contre-amiral Tamon
Yamaguchi, sur l’Hiryu. Le Ryujo et le Zuiho* (30 avions 5 chacun) forment la 3e Division de
Porte-avions (contre-amiral Kakuji Kakuta). Prépositionnés loin au nord de Florida, ils seront
escortés par le cuirassé Haruna, les croiseurs lourds Chikuma et Tone* (8e Division, contreamiral Chuichi Hara) et par le 10e Escadron de Destroyers (contre-amiral Susumu Kimura) :
CL Nagara* et DD Akigumo, Kazagumo, Makigumo et Yugumo (10e Division) et Maikaze,
Samidare, Tanikaze et Tokitsukaze (4e Division). Les porte-avions lanceront leurs
bombardiers contre Henderson Field après que les défenses américaines auront été amoindries
par une attaque des G4M (Betty) de Rabaul. Un deuxième raid des avions de la Flotte
Combinée suivra, si nécessaire. Certes, ces prévisions seraient bouleversées si les porteavions américains se montraient, mais le cas n’est pas envisagé en détails. Tout juste est-il
prévu que les hydravions des croiseurs et du Haruna assureront des reconnaissances dans les
secteurs est et sud-est et que, en cas de réaction des porte-avions adverses, Nagumo « prendra
les mesures nécessaires pour détruire la flotte ennemie ».
Si besoin, la force aéronavale restera dans le secteur jusqu’à ce que les forces débarquées se
soient correctement déployées et aient commencé à attaquer l’ennemi.
Le temps presse. Les préparatifs sont hâtés. Il est prévu que le convoi lève l’ancre de Rabaul
le 25 novembre à midi… Quinze jours plus tard, le terrain de Tenaru sera aux mains de
l’Armée Impériale. C’est du moins ce que l’état-major de l’Armée a promis à l’Empereur.
Pacifique Central
Tarawa – Trois nouveaux navires apportent du Japon des ouvriers, du ciment et des canons –
trois de 8 pouces et quatre de 5,5 pouces.
24 novembre
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Guadalcanal – Le 14th Construction Batallion au grand complet débarque à Koli Point. Sa
mission : préparer une piste de secours pour les chasseurs, dite Carney Field. Elle sera
achevée en deux semaines de dur labeur. Dès le 7 décembre, les travaux reprendront afin de la
transformer en la première des deux pistes destinées aux bombardiers, longue de 6 500 pieds
et large de 150.
…..……
Si les travaux menés à Koli Point vont se dérouler conformément aux plans de l’état-major, il
n’en va pas de même à Kukum, où les travaux ne sont achevés qu’à 25 %. Blundon est bien
obligé d’admettre que ses troupes, malgré leur moral intact, sont au bout du rouleau. Sur un
effectif théorique de 800 hommes, le 6th CB n’en a plus que deux cents valides et sa
productivité s’en ressent fortement. Aussi Blundon apprend-il avec soulagement que ses
nombreuses mises en garde n’ont pas été vaines : son bataillon va enfin être relevé, le 1er
décembre, soit dans une semaine, par le 1st Marine Aviation Engineers.
…..……
Le 6th CB n’est pas le seul à faire la fête ce soir-là. Dans l’après-midi, Vandegrift informe les
intéressés du calendrier de leur départ : 1er décembre (5e Régiment), 13 décembre (1er Rgt) et
21 décembre (2e Rgt, les artilleurs de la 1ère Division [11e Rgt] et Vandegrift lui-même).
3
21 A6M3 (Zéro), 21 D3A3 (Val), 21 B5N2 (Kate) et 2 D4Y1-C (Judy).
21 A6M3, 21 D3A3, 21 B5N2.
5
10 A6M3, 10 D3A2, 10 B5N2.
4
25 novembre
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Guadalcanal – Alors que les Marines du 5e Régiment commencent à se préparer à quitter
l’île, Vandegrift, Martson et DeCarre se penchent sur les résultats en demi-teinte de la
dernière offensive. Si les Marines ont enfin porté la ligne de front au-delà de Pointe Cruz, tout
en sécurisant les abords du Mont Austin, les trois généraux ne peuvent réprimer une certaine
déception au regard des effectifs théoriques engagés. Cependant, un regard aux tableaux
d’effectifs réels, complété par les états d’entrée et de sortie de l’hôpital que vient de compiler
son responsable, le Docteur Banner, afin de préparer l’évacuation des malades les plus
atteints, leur fournit toutes les explications nécessaires. Depuis son arrivée sur Guadalcanal, la
1re Division a perdu près de 2 000 hommes du fait des Japonais (dont 600 tués), pertes en
partie compensées par l’arrivée d’un complément de 400 hommes en octobre et en novembre.
Mais, dans le même temps, elle a compté près de 8 600 malades !
Convoqué par Vandegrift, Banner explique qu’il lui est impossible de donner des chiffres plus
précis : certaines victimes de la malaria et d’autres maladies tropicales se sont présentées
plusieurs fois, à mesure que leur mal empirait ; d’autres ont été tuées après leur retour au
combat. Haussant le ton, Banner signale que certains Marines lui ont rapporté avoir reçu
l’ordre formel de ne pas se rendre à l’hôpital en dépit d’une fièvre très élevée. Vandegrift et
ses adjoints ont toutes les peines du monde à le calmer et lui promettent de diligenter une
enquête.
Après le départ du médecin, les trois généraux reprennent plus sereinement leur débriefing.
L’état sanitaire catastrophique de la 1ère Division 6 explique bien des choses, et rend son
départ d’autant plus urgent qu’elle ne peut plus être considérée comme apte à l’offensive.
Profitant de la période de calme qui semble se maintenir, Vandegrift ordonne immédiatement
aux services médicaux d’examiner l’ensemble des hommes du 5e Régiment de Marines,
présent depuis le mois d’août, puis de mener la même étude sur ceux du 8e Régiment, arrivé le
13 novembre dernier.
Rabaul – Comme prévu, le convoi transportant le gros de la 28e Division d’Infanterie quitte
le port dans la matinée. Les jours précédents, les forces de Nagumo, Shima, Tanaka et
Nishimura ont appareillé, les deux premières de Truk, les autres de Rabaul, avec des routes
calculées de façon à tromper les reconnaissances ennemies. L’opération Mi est en route !
Nouméa – L’opération Butterfly est lancée. Il s’agit d’acheminer le 132e Rgt d’Infanterie de
la Division AmeriCal (23e DI-US) à Guadalcanal, où il doit relever le 5e Rgt de Marines. Pour
s’assurer que ce premier envoi de troupes de l’Armée se passera bien, le commandement allié
a prévu que le convoi serait précédé par la Task-Force 34.2 du contre-amiral Lyal Davidson :
trois porte-avions d’escorte (CVE Sangamon 7, CVE Santee 8, CVE Suwannee 9) et un écran
renforcé : trois croiseurs lourds, les Louisville, Northampton, Portland et douze destroyers, les
Bailey, Bancroft, Barton, Jenkins, Lardner, McCalla, Meade, Murphy, O’Brien, Rodman,
Saufley et Woodworth. La TF-34.2 va prendre position au sud-est de Guadalcanal, afin de
6
Ces chiffres et décisions concernent en fait les trois régiments d’infanterie (1er, 2e et 5e) qui ont débarqué le 8
août sur Guadalcanal – rappelons que le 2e Rgt, de la 2e Division, remplaçait le 7e Rgt.
7
Avec la VGF-26 (12 F4F-4) et la VGS-26 (9 TBF-1 et 9 SBD-3).
8
Avec la VGF-29 (14 F4F-4) et la VGS-29 (8 TBF-1 et 9 SBD-3).
9
Avec la VGF-27 (16 F4F-4) et la VGS-27 (12 TBF-1).
pouvoir soutenir Henderson Field sans être exposée aux attaques des bombardiers venus de
Rabaul.
L’Armée des Indes des Japonais
Camp de prisonniers de Bidadary, Singapour – Cela fait maintenant deux mois que les
officiers indiens épargnés par la F-Kikan (et toujours officiellement prisonniers) cherchent à
en savoir plus sur les intentions japonaises concernant cette fameuse Armée Nationale
Indienne. Les promesses de Fujiwara et des autres officiers japonais sont toujours aussi
vagues. De fait, côté japonais, on est déçu : on espérait un plus grand nombre d’engagés et, de
leur part, un enthousiasme un peu plus… débordant. Mais la perspective de faire partie de la
Sphère de Coprospérité ne paraît pas enflammer les esprits indiens, au point que des
dissensions apparaissent.
Le lieutenant-colonel Niranjan Singh Gill, chargé d’administrer les camps de prisonniers
indiens à Singapour, ne se fait aucune illusion sur les intentions japonaises : pour lui, la
cérémonie du 25 septembre n’était qu’un coup de bluff, de la propagande pour faire peur aux
Britanniques. Les Japonais n’admettront jamais une Inde puissante et vraiment libre dans
“leur” Asie.
En revanche, le capitaine Mohan Singh écoute toujours la voix de ses maîtres. C’est lui qui
rédige et fait diffuser la proclamation qui sera plus tard connue comme “la résolution de
Bidadary” : « Les Indiens sont au-dessus de toute différence de castes, communautés ou
religions. L’indépendance est le droit inaliénable de chaque Indien. Une Armée Nationale
Indienne va être constituée afin de se battre pour ce droit. L’Armée Nationale Indienne se
place sous l’autorité de la Ligue d’Indépendance Indienne. Elle ira combattre les ennemis
qu’elle lui désignera, quand elle les désignera. »
La Ligue d’Indépendance Indienne est une organisation politique fondée en 1928, dont
l’objectif principal est l’indépendance de l’Inde et la suppression de toute forme d’autorité ou
de souveraineté britannique sur le territoire indien. Son chef actuel est Rash Behari Bose. Né
en 1886, celui-ci a été dès les premières années du nouveau siècle impliqué dans deux
conspirations majeures : la tentative d’assassiner le vice-roi des Indes, Lord Charles Hardinge,
en 1908, et l’organisation d’une grande rébellion indienne durant la Première Guerre
Mondiale, avec la complicité des services secrets allemands. Il vit depuis de nombreuses
années au Japon. De fait, depuis 1939, la Ligue est peu à peu passée sous la coupe des
Japonais.
26 novembre
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Guadalcanal – Une pluie battante et continue empêche toute opération aérienne et tout
mouvement de troupes. Mais cette douche ne suffit pas à calmer Vandegrift lorsqu’il apprend
que les accusations lancées par Banner sont fondées : des officiers ont interdit à leurs hommes
de se rendre à l’hôpital tant que leur fièvre ne dépassait pas les 103° F (soit 39,4° C). Certains
ont même refusé de dispenser de patrouilles et de corvées des soldats dont la température
dépassait 104° F ! Interrogés, les responsables reconnaissent leurs torts et mettent en avant,
pour justifier leurs décisions, la nécessité impérative de garnir le front. Ils en sont quittes pour
un sérieux remontage de bretelles, mais cet épisode confirme les craintes de Vandegrift sur
l’état sanitaire critique de ses troupes.
Tulagi – Le ravitailleur d’hydravions McFarland quitte son abri pour rejoindre Espiritu
Santo. Il y subira d’autres réparations avant de pouvoir rejoindre Pearl Harbor.
Iles Salomon – Couvert par les hydravions de chasse venus des bases de tout l’archipel, le
convoi japonais s’est engagé dans le Slot. Mais si la chasse et le temps nuageux lui permettent
d’échapper aux reconnaissances aériennes alliées, il est aperçu dans la journée par des
coastwatchers alors qu’il longe les côtes de Choiseul.
27 novembre
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Guadalcanal – Après les mauvaises nouvelles sanitaires de la veille, Vandegrift accuse le
coup lorsque Nouméa l’informe de l’arrivée prochaine d’un convoi japonais. Si la Navy et la
Cactus Air Force ne parviennent pas à envoyer ces navires par le fond (déjà très encombré, il
est vrai, aux abords de l’île), il faut prévoir une offensive nippone aux alentours de la midécembre, au moment du départ programmé du 1er Régiment. Si Vandegrift ne crache pas sur
la relève que fourniront les trois régiments de l’AmeriCal, il a bien conscience qu’il se
prépare à échanger deux régiments diminués, mais aguerris (les 5e et 1er Marines) contre deux
formations qui n’ont jamais connu le feu et dont il craint qu’elles ne souffrent de la transition
entre la Nouvelle-Calédonie, où elles sont stationnées depuis le printemps, et Guadalcanal…
À cela s’ajoute le relatif manque d’expérience du 8e Régiment de Marines, qui tient le secteur
du front le plus susceptible de subir l’assaut des troupes du Mikado...
Néanmoins, Vandegrift n’a pas d’autre solution que de poursuivre la relève de la 1re Division
selon le planning communiqué le 24 novembre : la reporter risquerait d’avoir de sérieuses
conséquences sur le moral de la division. En son for intérieur, le général enrage contre les
auteurs des fuites qui l’ont conduit à annoncer cette relève bien plus tôt qu’il ne l’aurait
souhaité. Par chance, l’artillerie de Del Valle ne doit rembarquer que le 21 décembre. Afin de
parer à toute éventualité, il ordonne au 8e Régiment d’accélérer les travaux de retranchement
autour de Pointe Cruz.
Nouméa, 02h00 – Le signalement des coastwatchers de Choiseul est arrivé tardivement à
l’état-major allié, mais il a été recoupé avec des relevés d’écoutes radio et provoque un grand
branle-bas. « Tiré du lit par son ordonnance, l’amiral Halsey, commandant en chef des forces
navales alliées dans le Pacifique Sud-Ouest, réagit immédiatement. Le convoi japonais était
bien plus important que les groupes de deux ou trois petits transports qui s’efforçaient
régulièrement de ravitailler Guadalcanal, soit directement, soit en transférant leurs
cargaisons sur des péniches. Pour couvrir une telle opération, la Marine Impériale avait sans
nul doute mobilisé des forces considérables, comme le confirmaient différents relevés
d’écoutes radio. Les Japonais avaient sans doute cru que ces messages très brefs seraient
indétectables ou inutiles aux Alliés ; mais si les services d’écoute alliés n’avaient pu les
déchiffrer, ils avaient pu conclure que la Marine Impériale était sortie en force dans la région
des Salomon Orientales. C’est pourquoi Halsey fit multiplier les reconnaissances aériennes et
surtout ordonna l’appareillage immédiat des porte-avions d’escadre et de leur escorte. »
(Jack Bailey, op. cit.)
05h00 – La Task-Force 61 appareille. Elle est elle-même composée de deux Task-Forces qui
naviguent séparément. La TF-16 est commandée par le contre-amiral Thomas C. Kincaid, qui
commande aussi l’ensemble de la TF-61. Elle est bâtie autour de l’Enterprise, avec les navires
de ligne Massachusetts et Dunkerque, le croiseur anti-aérien Juneau et les destroyers Beatty,
Cowie, Doran, Fitch, Forrest, Knight, Mervine et Quick. La TF-17, commandée par le contreamiral Marc A. Mitscher, est constituée autour du Hornet, avec les navires de ligne South
Dakota et Strasbourg, le croiseur anti-aérien San Diego et les destroyers Anderson, Benham,
Ellett, Farenholt, Gilmer, Grayson et Porter. Chacun des deux porte-avions met en ligne plus
de quatre-vingts appareils, Wildcat, Dauntless et Avenger. Les deux Task-Forces filent
aussitôt vers le nord le plus vite possible.
11h30 – Un Catalina parti de Tulagi aperçoit l’escadre de Nishimura. Avant d’être repoussé
par la couverture aérienne, il signale « Deux croiseurs et six destroyers » se dirigeant vers le
sud-est – c’est à dire vers Guadalcanal.
14h30 – Les Dauntless partis d’Henderson Field échouent à retrouver les navires repérés en
raison d’une nébulosité très dense.
16h30 – Une douzaine d’Avenger lancés par Henderson Field à la recherche des croiseurs
signalés le matin trouvent le convoi japonais. Malheureusement, ils sont à court d’essence et
leur attaque est approximative – de plus, elle est perturbée par l’intervention d’A6M2-N en
patrouille au-dessus des transports et aucune torpille ne va au but. Les Wildcat d’escorte
descendent trois des hydravions de chasse, qui ne réussissent à abattre qu’un Avenger. Ce
n’est que le premier sang de la bataille qui va suivre.
Les météorologues alliés prédisent que les nuages qui ont gêné l’aviation toute la journée se
dissiperont dans la nuit. Mais d’ici là, Halsey a décidé d’assurer coûte que coûte la protection
nocturne d’Henderson Field.
Jack Bailey : « Dès le début de l’après-midi, Halsey avait donné l’ordre au contre-amiral
Carleton Wright, qui accompagnait les porte-avions d’escorte de la TF-34.2 avec trois
croiseurs lourds, d’aller patrouiller dans la tristement célèbre “Baie au Fond de Ferraille”.
Les Louisville, Northampton et Portland, suivis des destroyers Bancroft, Jenkins, McCalla et
Murphy, s’étaient élancés vers Guadalcanal à 28 nœuds. Tout était en place pour une
nouvelle série de combats aéronavals dans les Salomon Orientales… »
La guerre sino-japonaise
Bombes sur Mitsubishi
Nagoya – Après une semaine de préparation et de ravitaillement des terrains avancés en
carburant, Chinois et Américains lancent un nouveau raid contre le Japon avec tous les B-17
opérationnels en Chine, au total 31 de l’USAAF (CATF) et 8 de la ROCAF. La cible est à
nouveau à Nagoya : cette fois, c’est l’énorme usine de moteurs Mitsubishi – l’une des plus
vaste du monde, avec une surface de près de 350 000 m2. La formation alliée survole la Mer
du Japon puis traverse la chaîne montagneuse d’Honshu. Les vols précédents ont constaté un
trou dans la couverture radar dans ce secteur et, avec un temps un peu nuageux et un peu de
chance, le raid bénéficie à nouveau de la surprise. La météo sur l’objectif n’est pas idéale,
mais la taille immense de la cible permet un bombardement précis, d’autant qu’aucun
intercepteur n’arrive avant que les bombes soient lâchées.
L’usine est durement touchée. Si les dommages ne sont pas aussi sévères que ceux infligés à
l’usine Akashi, 15% des bâtiments sont à peu près détruits et 30% gravement endommagés,
les légères parois anti-incendie en tôle ondulée recouverte d’amiante se montrant
extrêmement vulnérables au souffle des explosions et aux projections d’éclats et de débris.
Après le bombardement de l’usine Akashi, Mitsubishi a cependant pris des précautions. Des
protections anti-souffle (principalement des murs de sacs de sable) ont évité la destruction de
la plupart des machines-outils. Le réseau de guetteurs établi par la firme elle-même a donné
l’alarme quelques minutes avant la chute des bombes, permettant à la plupart des ouvriers de
se mettre à l’abri dans des tranchées hâtivement creusées.
Une fois de plus, les Ki-43 basés à Nagoya se montrent incapables d’intercepter les attaquants
après le bombardement, mais cette fois, huit Ki-61 réussissent à les rattraper quarante minutes
plus tard. Ils abattent un B-17 et en endommagent deux, perdant cependant un des leurs. L’un
des B-17 endommagés est ensuite achevé par des Ki-43, mais le reste de la formation
s’échappe sans autre difficulté.
« L’état-major et les industriels japonais découvrirent avec consternation qu’ils n’avaient pas
pour l’instant les moyens d’éviter la répétition de pareilles attaques et que celles-ci pouvaient
avoir des conséquences graves. Deux raids relativement modestes avaient provoqué une
baisse de la production de Ha-40 de 60 % pendant deux mois et obligé Mitsubishi à piocher
dans sa réserve de pièces pour poursuivre la fabrication du moteur. L’échelle du
bombardement n’avait en elle-même rien d’effrayant, mais un raid de ce genre par semaine
réduirait la production des usines de Nagoya de 20 à 40 % de façon permanente.
Mitsubishi et Kawasaki réagirent relativement vite. L’usinage de nombreux composants du
Ha-40 fut dispersé chez des sous-traitants installés dans de petites villes autour de Nagoya,
parfois en y envoyant des machines extraites des ruines des ateliers. Certains bâtiments
détruits furent reconstruits mais partiellement enterrés et parfois reliés par des tunnels,
l’ensemble étant camouflé par la création de véritables plantations pour tenter de les fondre
dans le paysage environnant. D’autres industriels décidèrent de lancer directement la
production de leurs nouveaux modèles dans des installations aussi décentralisées que
possible. Tout cela, évidemment, n’améliorait pas la productivité…
Les militaires, de leur côté, commencèrent à mettre sur pied un programme cohérent de
défense aérienne du Japon, mais la tâche était immense : DCA, chasseurs de nuit, réseau
d’alerte radar fiable… L’état-major jugea plus efficace et plus direct de lancer des offensives
en Chine destinées à occuper les terrains d’où partaient les bombardiers. Mais réussir ces
opérations était plus vite dit que fait… » (D’après C. Mathieu, L’Armée Impériale japonaise
dans la Seconde Guerre Mondiale)
28 novembre
Japon
Kure – Les sous-marins I-34 et I-35, à l’issue de leur période d’entraînement, prennent la
mer. L’état-major attend beaucoup de leurs hydravions de reconnaissance. Le premier doit se
rendre dans l’Océan Indien pour surveiller les mouvements de la flotte britannique entre
Ceylan et les îles Andaman, tandis que le second doit reconnaître les îles Aléoutiennes, où
l’absence d’hydravions depuis le mois de juillet se fait cruellement sentir.
Campagne de Nouvelle-Guinée
Région de Milne Bay – Entre deux averses, trois Beaufort du Sqn 100 remportent un beau
succès : ils repèrent, attaquent et coulent à la torpille « un gros transport militaire » dans le
détroit de Goschen.
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Deuxième bataille de Pointe Cruz
Ironbottom Sound, 00h15 – Une très longue journée vient de commencer, mais pour
l’escadre américaine qui patrouille dans la Baie, tout est calme.
A ce moment, Tanaka approche à 20 nœuds de Cap Espérance. Le Jintsu est en tête, suivi du
Kitakami et des six destroyers. En vue des positions japonaises, l’Escadre des Mers du Sud a
rendez-vous avec trois des vedettes rapides du capitaine Iishi, qui doivent accueillir les
Daihatsu du Kitakami et les conduire en lieu sûr. C’est alors que survient un incident véniel,
mais qui aura des conséquences assez sérieuses : alors que les deux petits bateaux ont été mis
à l’eau sans incident, le moteur de l’un d’entre eux refuse de démarrer. Deux des vedettes
rapides l’entourent, pendant que l’autre guide le second Daihatsu vers la terre. Tout ce remueménage oblige les destroyers qui suivaient le Kitakami à faire une abattée. Quand ils
reprennent leur cap et leur vitesse d’origine (et alors que le moteur récalcitrant a fini par
démarrer), les deux croiseurs légers se sont éloignés dans la nuit, cap au 130, à 25 nœuds, tout
droit sur l’escadre américaine.
00h40 – En face, Wright a fait passer ses destroyers devant ses croiseurs, et c’est
volontairement qu’il a laissé se créer un espace entre son avant-garde et lui. Mais les
destroyers US n’ont ni les radars équipant leurs croiseurs, ni des vigies de la qualité de celles
du Jintsu. C’est pourquoi ils ne voient pas les croiseurs japonais, qui défilent parallèlement à
eux et les ont aperçus et identifiés. Tanaka tente alors de joindre ses propres destroyers, mais
le Kitakami lui signale qu’il a perdu le contact avec le Kawakaze, qui menait la file des petits
navires. Très mécontent, Tanaka fait pourtant contre mauvaise fortune bon cœur : « Je suis
sûr que mes hommes sauront très bien se débrouiller avec ces Américains, dit-il au
commandant du Jintsu qui le presse de rompre le silence radio. Nous devons détecter les
grandes unités que ces destroyers précèdent sûrement. »
Il a raison, mais il ignore que le radar du Louisville l’a déjà repéré. Wright est informé que
deux bâtiments « de taille moyenne », évidemment ennemis, sont à portée de tir par bâbord
avant. Il n’a pas l’intention d’attendre davantage pour ouvrir le feu.
00h45 – Feu ! Les trois croiseurs américains commencent à tirer sur le premier bâtiment
ennemi repéré – il s’agit du Jintsu. Jack Bailey : « Sans doute par manque d’entraînement au
tir réglé par radar, les trois croiseurs de Wright prennent pour cible le Japonais de tête,
oubliant le numéro deux. Erreur qu’ils devront payer très vite. »
Bien que leur cadence de tir soit assez lente, vingt-sept canons de 8 pouces, c’est beaucoup
trop pour le navire amiral de Tanaka, qui est touché à plusieurs reprises en moins de deux
minutes. Dévoré par un incendie allumé au niveau de sa cheminée arrière, ses moyens de
communication détruits, son gouvernail bloqué, l’alimentation de ses turbines endommagée
(un obus a détruit un collecteur de vapeur), le Jintsu est gravement atteint. Il dévie sur tribord,
traînant un énorme panache de fumée – qui le masque d’ailleurs opportunément. Derrière lui,
le Kitakami, épargné par les obus américains, réagit promptement et lance toute sa bordée
bâbord – douze Longues Lances. Mais il manque de dispositifs lui permettant de viser
plusieurs cibles en même temps. Faute de mieux, il sélectionne le premier de ses adversaires,
puis entame un 180° par bâbord afin de pouvoir utiliser ses tubes tribord.
Sur le Louisville, Wright a vu disparaître l’un de ses adversaires et ordonne aussitôt de
changer d’objectif. Il a le temps de voir le second croiseur japonais encaisser ses premiers
obus avant que son bâtiment ne soit frappé par une torpille au niveau du mât arrière. Une
seule, mais elle fait du dégât ! L’explosion touche une soute à carburant, répandant du mazout
enflammé dans un des compartiments machine, tuant 125 hommes. L’arbre d’hélice extérieur
gauche est arraché, créant une voie d’eau supplémentaire. Le Louisville prend immédiatement
13 degrés de gîte et stoppe, privé de gouvernail et de radio, un compartiment propulsion
toujours en feu.
Le Northampton et le Portland dépassent par bâbord leur camarade, tout en continuant
d’accabler d’obus le Kitakami. Celui-ci n’a pas le temps d’achever sa manœuvre et de lancer
ses torpilles tribord – touché par plusieurs obus de 8 pouces en succession rapide, il explose,
illuminant brièvement la scène d’une lueur jaune vif.
Plus à l’ouest, les destroyers américains ont entendu la canonnade. N’apercevant rien devant
eux, ils ont fait demi-tour. Dans l’obscurité revenue après l’explosion du Kitakami, ils se
dirigent vers la seule lumière visible : celle de l’incendie du Louisville, où les équipes de
sécurité livrent un combat désespéré.
Côté japonais, l’équipage du Jintsu fait preuve, sous l’impulsion de Tanaka, d’une efficacité
rare dans la Marine Impériale pour lutter contre les avaries qui lui ont été infligées. Les
torpilles sont éjectées, les incendies maîtrisés, mais la radio est irréparable dans l’immédiat.
Du coup, une vingtaine de nautiques à l’ouest, Nishimura n’est informé que par un message
épouvanté du Kitakami : « Puissante force ennemie dans la Baie – Jintsu gravement touché –
Lançons torpilles – Vive l’Empereur ». Puis le Kitakami disparaît à son tour des ondes.
Nishimura en déduit que Tanaka a été tué (nouvelle qu’il accueille sans marquer trop de
désespoir) et que les Américains sont en force dans Ironbottom Sound ! Il le signale aussitôt à
Shima, sur le Hiei : selon les ordres de Yamamoto, le cuirassé doit éviter de pénétrer dans la
Baie tant qu’on n’en sait pas davantage. Peut-être vexé par le ton comminatoire du message
de Nishimura, Shima donne alors l’ordre de repartir vers le nord-ouest au lieu de stationner au
nord de Savo.
Avec le convoi, Ohmae capte le message de Nishimura. Lui, cependant, exécute à la lettre les
consignes données à Rabaul par Tanaka : il s’abstient de poursuivre sa route, mais tourne en
rond en attendant d’en savoir plus.
Pendant ce temps, les six destroyers de Tanaka vont montrer que leur chef a eu raison de leur
faire confiance. S’ils n’ont pas aperçu les destroyers américains (sans doute parce que ceux-ci
ont déjà fait demi-tour), les Kawakaze, Suzukaze, Umikaze, Makinami, Naganami et
Takanami ont marché au canon et n’ont pas tardé à repérer les deux croiseurs lourds
américains en train d’achever le Kitakami. Un bref signal du Kawakaze (en tête de file) suffit :
les six destroyers exécutent un lancer parfait et dégagent, sûrs de leur coup. Seul accroc dans
leur démonstration : personne n’a songé à prévenir… prévenir qui, d’ailleurs ? Puisque
« notre Amiral » (Tanaka) a disparu !
Quelques minutes plus tard, le Northampton est foudroyé par deux torpilles qui le frappent au
même instant, à peu près au même endroit. Elles ouvrent une énorme brèche dans son flanc
droit, fissurant les cloisons étanches et déchirant les ponts. Du mazout en flammes se répand
autour du navire et la mer en feu s’engouffre par la plaie béante. Très rapidement, il est
évident que le Northampton ne pourra être sauvé. Néanmoins, le croiseur mettra trois heures à
mourir – avant qu’il ne s’engloutisse, la poupe la première, presque tout l’équipage pourra
être évacué.
Trente secondes après que le Northampton ait été frappé, le Portland est touché à son tour.
Dans les trois minutes suivantes, deux autres torpilles lui règlent son compte. La coque du
croiseur commence à se déchirer, mais il coule à pic par le centre avant même d’être
entièrement brisé.
La deuxième bataille de Pointe Cruz est terminée.
Une sorte d’entracte suit ce premier choc. De chaque côté, les destroyers vont retrouver les
éclopés. Le Jintsu peut encore donner 12 nœuds et quitte la baie, entouré de ses six gardes du
corps. Les Bancroft, Jenkins, McCalla et Murphy prennent en remorque le Louisville après
que leurs équipes de pompiers ont prêté main-forte à celles du croiseur pour maîtriser les
incendies. Ils réussissent à le conduire jusqu’à Tulagi, avant de battre eux-mêmes en retraite
en fin de nuit, sans avoir croisé personne.
01h35 – Nishimura, avec ses trois croiseurs et ses quatre destroyers, entre à son tour dans la
Baie. A sa grande stupéfaction, il n’y trouve plus rien ! A force de messages radio de plus en
plus agacés, il apprend que Tanaka n’est pas mort, que son escadre a fait place nette, mais que
le Hiei est à présent trop loin pour venir bombarder Henderson Field.
Frustré (il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’il accuse Tanaka et Shima d’être de mèche
pour le ridiculiser), Nishimura va bombarder seul le terrain d’aviation. Cependant, deux
croiseurs lourds et un léger, c’est pour les aviateurs américains un genre de nuisance auquel
ils commencent à être habitués… Les obus japonais ne font que quelques trous dans l’une des
pistes et ne démolissent que trois ou quatre appareils.
Puis, Nishimura quitte la Baie à toute vitesse, croisant le convoi qui approche finalement et
pourra au lever du jour commencer à débarquer ses troupes.
………
Bataille aéronavale de Guadalcanal
08h00 –Alors que les hommes de la 28e Division ont commencé à débarquer, le raid aérien
lancé par Rabaul arrive comme prévu sur Henderson Field. Il est chaudement accueilli,
comme à l’accoutumée – les obus des croiseurs n’ont pas notablement réduit les capacités de
défense de la Cactus Air Force. Les attaquants laissent sur le carreau quatre G4M3 (Betty) et
deux A6M-3 (Zéro) en échange de trois Wildcat.
Mais peu avant l’arrivée des bombardiers japonais sur Henderson Field, une douzaine de
Dauntless et huit P-39 ont décollé pour aller s’en prendre aux transports, malgré une
couverture aérienne assurée par les A6M2-N (Rufe) venus des hydrobases japonaises. Venus
de Tulagi, les quelques Floatfire australiens se jettent dans la mêlée et bientôt un combat
aérien confus se déroule au-dessus de Cap Espérance. Deux des Dauntless sont abattus, mais
les autres s’acharnent, attirés par le pétrolier comme par un aimant. Atteint de deux bombes
de 250 livres et d’une de 500 livres, le bâtiment, en feu, est à l’agonie lorsque les avions
quittent – provisoirement – la scène.
10h00 – Les Japonais poursuivent contre vents et marées l’exécution de leur plan : une
centaine de bombardiers B5N2 et D3A3, venus de la Flotte Combinée et escortés par une
trentaine d’A6M3 arrivent au dessus de la Baie, cap sur Henderson Field. Après le
bombardement naval et le raid de Rabaul, ils espéraient ne se heurter qu’à une faible
couverture de chasse – pas de chance : plus de trente Wildcat leur tombent dessus. Non
seulement une partie des chasseurs d’Henderson Field a pu redécoller, mais surtout les trois
porte-avions d’escorte ont lancé la plupart de leurs chasseurs pour protéger Guadalcanal.
A bord d’un D4Y1 (Judy) de commandement, le chef de l’aviation embarquée du Shokaku, le
capitaine Joichi Tomonaga, constate, dépité, que les pilotes de ses Zéro d’escorte, dont
beaucoup sont des novices, ne parviennent pas à empêcher les Wildcat de se jeter sur les
bombardiers. De plus, la DCA des Marines est dense et précise (il est vrai qu’elle bénéficie
d’un entraînement presque quotidien). Quand le raid repart vers le nord, Henderson Field a
sans doute subi des dégâts sévères, mais douze bombardiers et quatre Zéro se sont écrasés au
sol ou en mer, en échange de seulement cinq Wildcat. Le message envoyé à l’amiral Nagumo
par le commandant du raid est sans équivoque : la base ennemie est encore très active, il faut
préparer un nouvel assaut.
12h00 – Dans la flotte alliée, c’est le branle-bas de combat aéronaval : les avions responsables
du deuxième raid contre Henderson Field venaient à coup sûr de porte-avions et ils se sont
éloignés vers le nord. Informé par Henderson Field, Halsey a envoyé à ses subordonnés un
message comminatoire : « Enemy carriers somewhere north of Florida. Attack, repeat :
attack ! » Kincaid et Mitscher lancent aussitôt seize Dauntless, en huit paires, afin d’explorer
la zone située au nord de Florida. Mais on sait que les avions japonais ont un très long rayon
d’action, leurs porte-avions peuvent être loin, ils seront difficiles à repérer !
12h50 – Pendant ce temps, de multiples petits raids lancés par tout ce qui vole du côté allié
contre les transports japonais provoquent des appels au secours répétés de l’Armée. Sur le
Shokaku, Nagumo, après avoir un moment hésité, finit par ordonner un nouveau raid contre
Henderson Field. Au moment où les armuriers achèvent d’équiper les Val et les Kate de
bombes explosives, tombe un message qu’on n’attendait plus : l’un des hydravions de
reconnaissance lancés par le Tone a repéré un porte-avions américain ! Et il est beaucoup plus
près qu’il ne devrait. A cet instant, les TF-16 et 17 croisent en effet à l’est de Guadalcanal, au
nord de San Cristobal. Guidée par radar, leur couverture de chasse a abattu un hydravion du
Chikuma, mais celui du Tone s’est faufilé entre deux patrouilles de reconnaissance partant
vers le nord-ouest.
« Un porte-avions, trois croiseurs lourds » dit le premier message. Puis : « Deux porteavions, deux cuirassés »… Nagumo change ses batteries et ordonne un raid anti-navires. Sur
les quatre porte-avions, les armuriers se précipitent à nouveau…
13h20 – Depuis ce qui leur semble être des heures, sous un ciel bleu pommelé de quelques
cumulus de beau temps, le Lt Stockton Strong et son ailier l’enseigne Charles Irvine, qui ont
décollé de l’Enterprise sur leurs Dauntless, scrutent en vain l’étendue du Pacifique. Et puis là,
tout à coup, sous leur nez, un porte-avions qui file tout droit, apparemment seul sur l’eau et
sans l’ombre d’un chasseur en vue. Strong a du mal à en croire ses yeux. Il fait un signe à
Irvine, qui agite le poing, ravi, et tous deux se lancent de 14 000 pieds dans un piqué de rêve,
sans plus de DCA qu’à l’entraînement. De fait, craignant d’être repéré grâce à ses émissions
radar et médiocrement convaincu de l’efficacité de la veille électronique, Nagumo a interdit
de brancher les radars de la flotte jusqu’à ce qu’un appareil ennemi ait été aperçu.
Sur le Ryujo, le pilote du premier avion du raid préparé contre la flotte américaine met les gaz
à fond et s’élance sur le pont d’envol. Ni lui ni personne, semble-t-il, n’aperçoivent les deux
Dauntless qui lâchent leurs bombes de 1 500 pieds à peine. Une bombe frappe juste derrière
l’ascenseur arrière, parmi les avions se préparant à décoller ; une autre tombe au centre, à la
racine des deux petites cheminées qui saillent horizontalement du flanc tribord de ce bâtiment
sans îlot. Cette seconde bombe met une chaudière hors service et la vitesse du petit porteavions tombe à 12 nœuds. Mais la première fait des dégâts bien plus spectaculaires. Elle
frappe en plein sur un B5N2 armé de sa torpille, traverse l’avion et perfore le pont avant
d’exploser dans le hangar, soulevant le pont d’envol et semant le chaos parmi la vingtaine
d’avions concentrés là, dont les réservoirs prennent feu, tandis que plusieurs de leurs bombes
et torpilles explosent elles aussi. Une immense colonne de fumée noire veinée de rouge vif
s’élève au-dessus du Ryujo.
Pendant ce temps, Strong et Irvine, sortis de leur piqué, s’aperçoivent qu’il y a toute une flotte
autour de leur cible et pensent (enfin !) à alerter l’Enterprise : « Au moins deux porte-avions,
un cuirassé, plusieurs destroyers, coordonnées (…). Et on a flingué un pont-plat ! » Il leur est
ensuite difficile d’ajouter des précisions, car des Zéro ont commencé à s’intéresser à eux. Ils
réussiront cependant à s’enfuir, en partie grâce à leurs mitrailleurs, C. H. Garlow et E. P.
Williams, qui revendiqueront chacun un chasseur japonais.
Quelques instants après, les radars japonais sont mis en marche… un peu tard !
Le mauvais coup porté au Ryujo n’empêche pas ses trois équipiers de lancer en tout cent huit
avions à l’attaque. Mais alors que cette puissante vague se dirige vers l’ennemi, les deux
porte-avions américains commencent à lancer leurs propres avions.
………
15h05 – Les avions japonais sont repérés par le radar du South Dakota, qui donne l’alerte. Sur
l’Enterprise, Kincaid observe : « Nous allons voir si le nouveau Directeur de la Chasse a
vraiment appris des trucs efficaces en Méditerranée ! » L’officier chargé de diriger les
chasseurs a en effet travaillé sur le Ranger jusqu’à la destruction de ce dernier, qu’il n’hésite
pas à attribuer à une mauvaise coordination de la défense. Depuis son arrivée, il a mis en
place des procédures radio très strictes, qui ont étonné bien des pilotes. Et dès le début de la
bataille, il répète, entre deux instructions pour placer ses avions : « No chatting ! » Pas de
bavardage… Très vite, les chasseurs américains réalisent qu’ils se retrouvent en position
idéale pour faire des ravages dans les rangs japonais hors de proportion avec leur nombre
(moins de trente au total). Des cris de victoire retentissent bientôt sur les ondes, aussitôt
jugulés par les ordres du directeur de la chasse : « Shut up ! Remember the Ranger ! » Si bien
que personne ne proteste quand il empêche les chasseurs de se jeter sur les bombardiers en
piqué, les dirigeant plutôt sur les avions torpilleurs.
Mais, selon les témoignages des survivants japonais, les Wildcat ne sont pas l’obstacle le plus
redoutable. Au dessus de chacun des porte-avions s’élève en effet un véritable dôme de feu –
croiseurs anti-aériens, cuirassés rapides et cuirassés (sans parler de la DCA des porte-avions
eux-mêmes) semblent jouer à qui mettra en l’air le plus d’obus en même temps !
Solidement encadré par ses trois gardes du corps, le Hornet est pourtant secoué par une
bombe qui tombe à tribord à quelques mètres de la coque. L’onde de choc déforme les tôles
de bordé, provoquant des fissures qui entraînent une entrée d’eau dans deux soutes à carburant
vides. Cette entrée d’eau provoque une gîte de plusieurs degrés, qui est compensée peu après
par un ballastage efficace.
Des geysers s’élèvent aussi autour de l’Enterprise, avant qu’une bombe crève le pont d’envol
à l’avant, puis ressorte et explose dans l’air près de la proue, criblant le porte-avions de
dizaines d’éclats. Quelques secondes plus tard, une autre bombe frappe juste derrière
l’ascenseur avant. Elle traverse le hangar avant d’aller détoner deux ponts plus bas. Mais au
passage, elle a mis le feu à un avion dont l’incendie se propage à six autres appareils,
l’ascenseur est bloqué. L’explosion de la bombe elle-même fait quarante morts, de nombreux
blessés et déclenche un autre incendie, rapidement maîtrisé.
Les avions torpilleurs, cible préférentielle de la chasse, ne pourront atteindre aucun des deux
porte-avions. Ils poussent néanmoins leur attaque jusqu’au bout, au prix de lourdes pertes,
mais ne peuvent toucher que trois autres bâtiments. Le cofferdam anti-torpille du cuirassé
Massachusets encaisse fort bien le coup. En revanche, le destroyer Porter, blessé à mort,
sombre en fin de journée. Enfin, le troisième navire allié torpillé a eu de la chance : le
Strasbourg a vu une torpille l’atteindre de biais à l’arrière, mais l’engin a explosé sur une pale
de l’hélice extérieure tribord et l’onde de choc s’est propagée dans le sillage, ne créant que
des dégâts mineurs ! Le choc a cependant sérieusement endommagé l’hélice et fissuré la
chaise de ligne d’arbre. Si le navire peut encore tenir son poste dans la formation, il ne peut
plus dépasser 25 ou 26 nœuds sans risquer de créer des dégâts supplémentaires et irréversibles
sur la ligne propulsive ; il devra passer au bassin ou sur dock flottant. Interrogé par Nouméa
sur le temps nécessaire à la réparation, son commandant répond : « Quinze jours avant guerre,
huit en 39, six à Mers-el-Kébir en 41, quatre cette année et, si j’en crois nos amis yankees,
cinq minutes à Pearl Harbor… »
Alors que l’attaque semble s’achever, un Val touché par la DCA vient s’écraser tout à l’avant
du Hornet, allumant un incendie très impressionnant – mais malgré les dégâts subis, les deux
porte-avions maintiennent leur vitesse et leur position sur une mer couverte de débris d’avions
japonais abattus.
………
15h40 – Au tour de l’US Navy de frapper. Mais les Américains ont lancé en réalité deux
vagues d’attaque, car les appareils des deux porte-avions n’ont pas pris le temps de se
concentrer.
Ceux de l’Enterprise découvrent le Ryujo, qui se traîne toujours à 12 nœuds – mais, plus
important, les équipes de sécurité ont réussi à maîtriser l’incendie et, vu de plus de 10 000
pieds, le porte-avions a l’air intact ! Ce qui lui vaut d’être assailli par plus de quarante
bombardiers et torpilleurs. En quelques minutes, touché par six bombes et sans doute deux
torpilles, le malheureux porte-avions léger, incendié, disparaît sous les flots. Les deux
destroyers qui l’accompagnaient réussissent à éviter les projectiles qui leur sont destinés et
repêchent les survivants.
Au même moment, les avions du Hornet ont affaire à bien plus forte partie, puisque la flotte
japonaise, avertie de leur arrivée par ses radars enfin mis en marche, a pu rameuter ses
chasseurs de couverture. Mais la direction de la chasse japonaise ne bénéficie ni de
l’expérience ni du matériel de son homologue américaine et les Zéro, mal positionnés, font
relativement peu de victimes. Du coup, le Shokaku, cible principale des Dauntless, encaisse
quatre bombes. Gravement endommagé, le navire amiral de la Flotte Combinée ne doit son
salut qu’au fait qu’il a lancé tous ses avions, que ses circuits de carburant avion sont vides et
que les bombes destinées à l’attaque d’objectifs terrestres qui restaient après le changement
d’armement des avions ont été jetées à la mer quand le radar a annoncé l’arrivée du raid
américain. Ajoutons que les Avenger continuent de lancer de trop loin des torpilles trop
lentes…
Mais quand les avions à l’étoile blanche s’éloignent, Nagumo est très choqué par la perte du
Ryujo et par les graves dégâts infligés au Shokaku, qui n’est pas en danger de mort, mais ne
peut plus accueillir le moindre avion. Et l’humeur de l’amiral japonais ne va pas s’améliorer
en constatant avec horreur que ses deux derniers porte-avions opérationnels suffisent sans mal
à recueillir tous les avions qui lui restent – ceux de la couverture de chasse et les survivants du
raid contre les porte-avions américains. Ses groupes aériens comptaient le matin même 188
avions – il n’en reste plus que 87. Et les pertes en hommes s’élèvent à quatre-vingt-cinq
pilotes ou équipages. Tomonaga n’est pas parmi les chanceux (il semble qu’il ait été abattu
par un Wilcat au-dessus de l’Enterprise). Et Yamaguchi choisit ce moment pour proposer
(respectueusement) à son supérieur de se replier avec le Shokaku pendant qu’avec l’Hiryu et
le Zuiho, il ira « porter le coup de grâce » à Guadalcanal !
Finalement, Nagumo choisit de renvoyer le seul Shokaku à Truk avec quelques destroyers.
Quant à lui, il passe sur le Haruna et, avec le reste de la Flotte Combinée, se dirige vers le
nord-ouest, parallèlement à l’archipel des Salomon, de façon à prendre un peu de champ tout
en restant à portée de frappe de Guadalcanal.
………
Pendant ce temps, le sort de l’opération Mi se joue sur les côtes de Guadalcanal. Malgré les
hydravions de chasse de la Marine Impériale, les bombardiers d’Henderson Field et des porteavions d’escorte s’acharnent toute la journée sur les transports japonais. Sur des cibles
immobiles, les Avenger réussissent à mettre plusieurs torpilles au but – et le résultat est en
général fatal pour le transport touché. Au soir, seuls huit des seize transports sont encore plus
ou moins intacts (ni coulés ni incendiés).
………
17h00 – Le capitaine Takakazu Kinashi, du sous-marin I-19, en patrouille au sud de
Guadalcanal, ressent une grande joie : il tient dans son périscope le gibier rêvé, un porteavions ! Et il se trouve dans une position de tir parfaite ! Il fait aussitôt lancer une salve de
proue complète et a la satisfaction d’entendre au moins quatre explosions. Il est certain
d’avoir envoyé par le fond un porte-avions américain. C’est exact… ou presque. Sa victime
n’est pas un porte-avions d’escadre, mais un de ses petits frères.
Alors que les porte-avions d’escorte de la TF-34.2 s’apprêtaient à recevoir leurs avions
revenant de Guadalcanal ou de patrouille de chasse, le CVE Santee a été foudroyé par trois
torpilles. Une quatrième est même allée frapper le destroyer O’Brien, qu’il faudra saborder
une heure plus tard. Mais ce coup double n’est en rien comparable à la destruction d’un grand
porte-avions…
Guadalcanal – Le bombardement nocturne des croiseurs japonais est tout juste parvenu à
réveiller les Marines, qui en ont vu d’autres. Dès le lever du soleil, les hommes du 6th CB
comblent les trous de la piste avec célérité et même un soupçon de mélancolie : c’est,
espèrent-ils, la dernière fois qu’ils remblayent Henderson Field ! Si les dégâts sont
négligeables (seuls deux avions se révèleront irrécupérables et iront grossir le stock de pièces
détachées du groupe Cactus), le bombardement fait tout de même une victime, John Ford en
personne, atteint à la cuisse par un éclat alors qu’il courait, en pyjama, vers une tranchée.
Salué par une haie d’honneur de Marines, le réalisateur sera évacué le 1er décembre, au petit
matin.
En fin de journée, l’équipe du Dr Banner remet à Vandegrift les résultats de l’examen des
hommes des 5e et 8e Régiments de Marines. Alors que Vandegrift les félicite, avec une pointe
d’étonnement, pour la rapidité avec laquelle ils ont exécuté ses ordres, Banner répond, pince
sans rire, qu’ils n’ont aucun mérite, une grande partie de ces deux unités se trouvant déjà dans
les différents dispensaires de l’île. Le général découvre alors que 40 % des survivants du 5e
sont inaptes au combat, pour cause de maladie ou de malnutrition. Quant au 8e, il a déjà perdu
15 % de ses effectifs en deux semaines, sans avoir livré d’engagement majeur. Secoué par ces
chiffres, Vandegrift les transmet toutes affaires cessantes à Halsey et à Patch, avec un
message demandant à ce dernier d’insister auprès de ses hommes sur le respect des consignes
de lutte contre la malaria.
Au nord des Salomon, 20h00 – Ce n’est qu’après le coucher du soleil que Nagumo est
informé de l’exploit de l’I-19, qui vient à peine de réussir à échapper aux escorteurs de la TF34.2. Il fait ses comptes : ses aviateurs lui ont affirmé qu’ils avaient laissé derrière eux deux
porte-avions en feu. Plus celui coulé par le capitaine Kinashi… Le bilan de la journée est
largement positif. Ah, si le terrain de Tenaru (Henderson Field) pouvait être neutralisé…
C’est dans cet esprit qu’il signale à Shima : « Porte-avions ennemis détruits ou hors de
combat. N’hésitez pas à aller bombarder Tenaru. »
Shima, qui a passé la journée en attente dans le Slot, ne va pas se le faire dire deux fois. Il met
aussitôt le cap sur la baie au Fond de Ferraille. Cependant, Nagumo est persuadé que Shima a
avec lui, non seulement le Hiei, mais aussi les croiseurs de Nishimura. Lequel, n’ayant pas
reçu d’ordre nominatif et n’ayant aucune envie de se mettre volontairement sous les ordres de
Shima, s’est replié vers l’ouest. Il va cette nuit-là observer une réserve de bon aloi…
………
Chez les Alliés aussi, on fait ses comptes. Malgré la pénible surprise de la fin de la journée et
la perte des Santee et O’Brien, tout va bien. Les Japonais ont perdu deux grands porte-avions,
voire trois (néanmoins, Kincaid sait qu’il vaut mieux être prudent dans le décompte des pertes
ennemies) et les deux porte-avions d’escadre US sont abîmés, mais encore opérationnels –
même si leurs groupes aériens ont perdu quarante pilotes ou équipages. Henderson Field a
tenu et une bonne partie des renforts japonais sont au fond de la Baie.
L’inquiétude naît à la tombée de la nuit : un Catalina de Tulagi a repéré, dans le Slot, « un
grand bâtiment, sans doute un cuirassé de classe Kongo » et plusieurs destroyers, cap au sudest. Un cuirassé ? Une frappe nocturne efficace contre Henderson Field pourrait faire basculer
le sort de la bataille… Or, il n’y a plus aucune force navale de poids capable de se porter à
temps dans Ironbottom Sound !
………
C’est à Nouméa que se joue l’acte suivant, entre le vice-amiral Halsey et le vice-amiral Frix
Michelier, commandant en chef des Forces françaises du Pacifique. Ce dernier a reçu un
message du commandant du Dunkerque, le capitaine de vaisseau Pierre Tanguy, qui navigue
avec la TF-61 à l’est de Guadalcanal. En filant à 30 nœuds, son navire peut être vers minuit
dans les eaux d’Ironbottom Sound. « Si tôt ? » s’étonne Halsey. « Oui, répond Michelier. En
passant par Sealark Channel, ce qui lui évitera de faire le détour par le sud et l’ouest de
Guadalcanal. » Halsey s’étonne – il sait que les Français font parfois des choses bizarres,
mais foncer en pleine nuit avec un cuirassé, même relativement petit, au milieu de récifs mal
reconnus ! « Le commandant Tanguy a eu l’occasion, à Nouméa, de discuter avec le
commandant de l’Emile-Bertin. Le Bertin est entré à plusieurs reprises dans la Baie de nuit
par Sealark Channel ces derniers mois pour des missions de ravitaillement et il est en route
en ce moment même pour une nouvelle mission de ce genre. Tanguy pense que le croiseur
léger pourra le guider. Il vous demande seulement de lui trouver quelques destroyers pour
l’accompagner… »
Halsey est séduit. Ce genre de coup d’audace lui plaît toujours ! Il hésite pourtant : « Savezvous que j’ai des consignes de Washington de ne pas trop exposer vos deux cuirassés – et la
Baie, de nuit, ce n’est pas un endroit très fréquentable… »
– Mes consignes sont d’éviter de les exposer inutilement, répond Michelier. Mais là, ce serait
utile, non ? Je regrette seulement que le Strasbourg ne puisse pas y aller aussi.
Halsey sourit : « OK ! Alors, il faut qu’on vous trouve quelques destroyers. Et avec ce qui est
arrivé au Santee cet après-midi, Kincaid et Mitscher n’auront aucune envie de réduire leur
escorte… Oh, un instant – il y a au bon endroit quatre destroyers qui, depuis la nuit dernière,
ont une revanche à prendre contre les Japs ! »
Quelques minutes plus tard, les ordres de Halsey partent vers les navires concernés. Ceux
destinés au Dunkerque se terminent ainsi : « Go ahead and thank you for saving our Marines’
butts » (Allez-y et merci de sauver les fesses de nos Marines).
………
C’et ainsi qu’un peu avant minuit, le Dunkerque franchit le Sealark Channel dans le sillage de
l’Emile-Bertin, suivi des destroyers Bancroft, Jenkins, McCalla et Murphy et des APD HMAS
Stuart et USS Thatcher. Le croiseur et les APD s’éloignent ensuite pour décharger leur
cargaison sur Red Beach. Devant l’étendue d’eau calme et plate qui s’étend alors devant eux,
l’un des hommes du cuirassé a cette réflexion : « Ah ben ? Je croyais que c'était un truc
terrible, cette Baie, en fait c’est aussi calme que le bassin des Tuileries ! »
29 novembre
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Troisième bataille de Savo
Ironbottom Sound, 00h45 – Sur le Hiei, le contre-amiral Shima trouve que les choses se
présentent bien. Il a décidé d’entrer dans la Baie en contournant Savo par le nord et le cuirassé
fait à présent route au 180, à 20 nœuds, précédés par les destroyers Akizuki, Mutsuki, Uzuki et
Yayoi. Shima compte longer la côte de Guadalcanal, parvenir au plus près du terrain de
Tenaru et bombarder celui-ci avec les obus spéciaux qui occupent la moitié de ses soutes, des
obus conçus pour faire le maximum de dégâts sur une cible terrestre non blindée. Nishimura
et ses croiseurs ne sont pas là, tant pis ! Certes, le détecteur de radar a signalé un de ces
appareils quelque part dans la Baie, mais il peut très bien s’agit d’un destroyer, puisque les
Américains apprécient tant ces dispositifs qu’ils en mettent même sur les petits bâtiments.
D’ailleurs, les G3M équipés de radar ont repéré dans l’après-midi le petit groupe habituel de
navires de ravitaillement 10.
C’est à ce moment qu’une des vigies qui fouillent l’obscurité donne l’alerte : « Un grand
bâtiment, probablement un cuirassé, sur bâbord avant, cap au 270 ! »
Sur la passerelle du cuirassé japonais, c’est la surprise et la consternation. Les consignes de
l’amiral Yamamoto sont de ne pas risquer de perdre un nouveau navire de ligne. Mais très
vite, Shima (qui songe sans doute à la promotion qui l’attend en cas de succès) se ressaisit : il
ne semble pas que ce grand bâtiment soit un des nouveaux cuirassés américains. Et dans ces
conditions, la situation tactique est idéale : « Nous lui barrons le T ! dit-il au commandant du
Hiei, le CV Nishida. Il va devoir abattre, sans doute sur bâbord, pour démasquer ses
tourelles arrière, et nos destroyers seront parfaitement placés pour le torpiller ! Alertez-les en
conséquence et ouvrez le feu ! »
Nishida n’est peut-être pas du même avis, mais à cet instant, l’ennemi commence à tirer,
tranchant le débat. Il n’est plus temps de tergiverser.
En effet, le radar du Dunkerque a détecté le Hiei et son escorte à peu près au moment où les
vigies japonaises repéraient le Français – un peu tard, mais les échos des navires japonais se
confondaient avec ceux de l’île de Savo, à l’arrière-plan. Cependant, alors que les Japonais
10
Les G3M ne pouvaient savoir que le Dunkerque avait rejoint le groupe de l’Emile-Bertin.
sont surpris, les Français s’attendent à cette rencontre et ne perdent pas un instant pour ouvrir
le feu.
Dès les premières minutes du combat, les Japonais se rendent compte que tout ne se passe pas
comme prévu par Shima. L’ennemi ne semble pas avoir le moins du monde envie d’abattre
d’un côté ou de l’autre et le nombre des gerbes qui s’élèvent autour du Hiei ne donne pas
l’impression qu’une partie de son artillerie est masquée. De plus, le tir du Dunkerque est
précis – ses canonniers étaient déjà réputés avant la guerre et ils ont appris à se servir des
radars de tir américains. Très vite, le Hiei est atteint à trois reprises, contre une seule au
Dunkerque.
Sur le Hiei, un obus détruit une des casemates de 152. Un autre frappe la plage avant,
perforant le pont principal et démolissant une partie des apparaux de mouillage. Un troisième
frappe à la base du mât tripode arrière, mettant la barbette de 127 mm arrière hors service.
Sur le Dunkerque, l’obus de 356 explose à la hauteur du blockhaus sur le pont des
embarcations tribord, pulvérisant un “canot major” et une chaloupe. Un éclat vient bloquer la
tourelle double de 130 mm qui se trouve juste derrière ; d’autres éclats (l’obus était sans doute
du type explosif destiné à être tiré contre la terre) arrosent les pièces de DCA voisines, sans
faire de victime (de nuit et aux postes de combat contre un navire de surface, ces affûts
n’étaient pas armés).
Le duel s’interrompt quand un quatrième obus de 330 décapite la conduite de tir principale du
Hiei, juste au dessus de sa passerelle. Les occupants de celle-ci sont tous blessés – le chef
d’état-major de l’amiral est mortellement touché. Shima lui-même, qui vient seulement de
comprendre que son adversaire est sans doute l’un de ces Français dont l’artillerie principale
est regroupée à l’avant, est assez gravement atteint. Emmené à l’infirmerie, il laisse le
commandement à Nishida, non sans lui lancer : « Préservez le navire ! » Nishida ordonne
alors de monter à 30 nœuds et d’abattre au sud-ouest pour sortir de la Baie par le sud de Savo,
pendant qu’il demande aux destroyers de passer à l’attaque pour le couvrir.
Au tour des Français de se poser des questions. L’ennemi se dérobe, faut-il le poursuivre ?
Mais le CV Tanguy a lui aussi des consignes, et quatre destroyers nippons sont en train de se
déployer avec des intentions agressives.
– Ce cuirassé ne bombardera pas Henderson Field cette nuit ! Nous, cap au 360 ! Feu à
volonté de l’artillerie secondaire sur les destroyers ennemis. Ordre aux destroyers américains
d’intercepter ces Japonais. Dites-leur : « Thank you for… mmm… Thank you for saving our
butts from those japanese torpedoes ! ».
Et comme son second s’étonne que le Dunkerque ne poursuive pas son adversaire, Tanguy
rétorque : « Rappelez-moi l’ordre de l’amiral Halsey ? »
– Heu, sauver les… enfin, protéger Henderson Field.
– Bien, c’est fait, non ? Et la consigne d’Alger ?
– Heu… Eviter de se faire couler ?
– Tout juste. Et en décrochant vers le nord, j’exécute cet ordre en évitant de rencontrer un tas
de torpilles japonaises. D’après l’amiral Crace, ce sont de vraies saletés !
Pendant ce temps, les destroyers s’empoignent. Les Américains ont apparemment fort bien
compris l’ordre de Tanguy. Manœuvrant à grande vitesse, ils réussissent à attirer sur eux le tir
des Longues Lances et à les éviter. Derrière cet écran, le Dunkerque cherche à les soutenir de
son artillerie, mais il lui est bien difficile de tirer sans risquer de se tromper de cible. Il se
retire donc vers l’est à 18 nœuds.
C’est alors qu’en pleine bagarre, deux des destroyers américains coordonnent mal leurs
évolutions et le McCalla, lancé à pleine vitesse, éperonne par bâbord le Murphy entre la
passerelle et les deux pièces de 5 pouces. Son étrave s’enfonce dans le flanc de son
malheureux compagnon sur toute la largeur du rouf avant, de la baignoire de 20 mm bâbord
jusqu’à celle de tribord. La partie avant du Murphy se détache de la coque et coule, entraînant
avec elle les deux pièces de 5 pouces, leur armement et les équipes de soute. Cependant, la
cloison étanche en avant du compartiment moteur résiste et le destroyer reste à flot. Le bilan
humain est très lourd : 38 marins sont tués ou portés disparus. Sur le McCalla, les dégâts sont
moins importants. L’étrave est défoncée jusqu’à la cloison d’abordage, mais celle-ci résiste,
sauvant le navire qui en est quitte pour la perte de ses deux lignes de mouillage (et la honte
d’arborer un museau de pékinois). Une trentaine d’hommes, projetés par le choc sur le pont
ou contre des cloisons, sont plus ou moins sérieusement blessés, mais on ne déplore aucun
mort sur le navire abordeur.
Les deux destroyers stoppent. Immobilisés, ce sont des cibles faciles pour les Japonais qui se
regroupent, mais alors que ces derniers vont repartir à l’attaque, des gerbes d’une taille
supérieure à celle des obus de 5 pouces des destroyers annoncent l’arrivée d’un nouveau
combattant, qui se lance dans la mêlée à 35 nœuds. C’est l’Emile-Bertin, qui en avait « marre
de jouer les cargos de luxe » (dira son commandant) et qui a marché au canon. Peut-être
impressionnés par l’énorme lame d’étrave phosphorescente du croiseur, les destroyers
japonais décrochent à leur tour et vont rejoindre le Hiei, lequel, honteux et confus, reprend en
léchant ses plaies le chemin de Rabaul 11. Les McCalla et Murphy, l’un remorquant l’autre,
vont rejoindre le Louisville au refuge de Tulagi – pour ne pas soumettre à trop rude épreuve la
cloison étanche des machines, le Murphy est tracté en marche arrière.
De son côté, le Dunkerque ressort de la Baie comme il y est entré, par le Sealark Channel,
guidé par l’Emile-Bertin et suivi du Bancroft et du Jenkins.
La troisième bataille de Savo, la moins sanglante, n’a vu le naufrage d’aucun bâtiment, mais
elle n’en est pas moins importante. Car avions et pilotes d’Henderson Field ont pu passer une
bonne nuit et dès l’aube, les restes du convoi japonais vont s’en apercevoir…
………
De son côté, Kincaid passe une nuit anxieuse. Les Catalina de Tulagi ont signalé que la Flotte
Combinée s’éloignait vers le nord-ouest en la pistant grâce aux émissions de ses radars, mais
ne va-t-elle pas revenir au matin ? Par ailleurs, l’interrogatoire des pilotes qui ont attaqué la
flotte ennemie a montré qu’elle disposait encore d’au moins un porte-avions opérationnel et
peut-être de deux. Certes, le Hornet et l’Enterprise sont prêts au combat, mais leurs groupes
aériens ont subi des pertes notables – Kincaid ignore que celles des Japonais sont plus de deux
fois supérieures. Dans ces conditions, faut-il poursuivre l’ennemi vers le nord-ouest, sans les
cuirassés français – le Dunkerque parti en mission, le Strasbourg ralenti – dont la DCA s’est
montrée très utile…
Finalement, Kincaid choisit de ne pas poursuivre et de se rapprocher des porte-avions
d’escorte. Il évite ainsi de semer le Strasbourg et il va pouvoir retrouver dans la matinée le
Dunkerque. Son plan est de voir venir, tout en participant à la destruction des transports
japonais avec une partie de ses groupes aériens et en gardant le reste en réserve au cas où les
porte-avions japonais réapparaîtraient.
Quand Halsey, à Nouméa, apprend la décision de Kincaid, il est furieux, mais le mouvement
de repli de la TF-61 est déjà trop avancé pour qu’il puisse l’inverser. En revanche, il décide de
relancer l’opération Butterfly, et le convoi transportant le 132e RI vers Guadalcanal appareille
avant le lever du jour.
En face, Nagumo, persuadé qu’il n’a plus guère à se soucier des porte-avions américains,
lance dès l’aube un raid sur Henderson Field, malgré la déception ressentie dans la nuit en
apprenant l’échec de Shima et du Hiei. Mais ce raid, tout comme celui rituellement lancé par
11
Les marins de l’Emile-Bertin prétendront que les Japonais n’avaient pas osé affronter leur navire, car celui-ci
portait le nom de l’un des créateurs de la Marine Impériale moderne (et de ses chantiers), hautement considéré au
pays du Soleil Levant. Les victoires japonaises contre la Chine puis la Russie lui doivent beaucoup ; Emile
Bertin fut décoré par l’empereur et il avait même sa statue à l’arsenal de Yokosuka ! Cependant, il est peu
probable que dans la nuit du 29 au 30 novembre, les Japonais aient su à “qui” ils avaient affaire.
les avions basés à Rabaul, ne donne aucun résultat très concret – du moins, rien que les SeaBees ne puissent réparer en quelques heures.
Et Nagumo est douloureusement surpris lorsqu’il est informé que les transports japonais dans
les eaux de Guadalcanal sont assaillis par des dizaines de bombardiers venant visiblement de
porte-avions. Malgré l’intervention des hydravions de chasse et des Zéro basés aux Shortland,
c’est un massacre. Les quatre derniers cargos sur place (quatre autres, ayant fini de décharger
leur cargaison, ont repris dans la nuit le chemin de Rabaul) sont envoyés par le fond. La proie
étant trop modeste au goût des bombardiers, ces derniers s’en prennent à l’escorte et le
destroyer Okikaze, incendié, doit être sabordé. Pendant ce temps, d’autres bombardiers
s’attaquent au matériel débarqué les heures précédentes.
Pour Nagumo, ces événements ne veulent dire qu’une chose : les deux ou trois porte-avions
américains dont il avait espéré la destruction la veille vont bien, et il n’est pas question qu’il
s’attarde dans les eaux des Salomon alors que le convoi a rempli sa mission… ou a été coulé
en essayant. Si plus de 80 % des soldats acheminés ont bien touché terre, plus de la moitié du
matériel lourd a été détruit – il faudra que l’Armée fasse avec.
A 13h00, Nagumo donne l’ordre de rentrer à Truk. La bataille aéronavale de Guadalcanal est
terminée.
Les Alliés ont perdu deux croiseurs lourds, un porte-avions d’escorte et deux destroyers. Un
croiseur lourd et deux destroyers sont gravement endommagés. Deux grands porte-avions, les
deux cuirassés français et quelques autres bâtiments sont plus légèrement atteints – voire très
légèrement, pour le Massachusetts.
Les Japonais ont perdu un porte-avions léger, un croiseur lance-torpilles et un destroyer
d’escorte, ainsi que douze transports. Un grand porte-avions et un cuirassé sont assez
gravement endommagés – le Hiei est hors de combat jusqu’en mars, le Shokaku jusqu’en
juillet. Le plus grave pour eux est sans doute que plus de la moitié des 188 équipages des
avions de la Flotte Combinée ont disparu dans la bataille.
………
« Les deux camps ne devaient pas tarder à tenir compte des résultats de ces deux jours de
bataille.
Dès le 29 au soir, le jumeau du Santee disparu, le CVE Chenango, reçut l’ordre de délaisser
l’escorte de convois dans l’Atlantique pour prendre le chemin du Pacifique Sud-Ouest. Les
réparations des navires endommagés furent hâtées au maximum, une garde vigilante des eaux
de la Baie au Fond de Ferraille fut organisée et le transfert de la Division AmeriCal sur
Guadalcanal accéléré. Enfin, l’amiral Halsey se promit que la prochaine fois qu’un
affrontement aéronaval majeur se dessinerait, il commanderait à la mer en personne !
………
Côté japonais, l’Armée Impériale n’était finalement pas trop mécontente de l’issue des
événements. Bien entendu, une offensive fut immédiatement mise sur pied avec les troupes
débarquées. Si elle réussissait, toute la gloire serait pour l’Armée. Si c’était un échec, la faute
serait facile à rejeter sur la Marine, qui n’avait pas réussi à préserver le matériel lourd des
renforts débarqués à Guadalcanal…
Néanmoins, la réplique de la Marine était prête : les pertes qu’elle avait subies (pertes
glorieuses, bien sûr, encaissées en infligeant de gros dommages à l’ennemi) étaient dues à
l’aveuglement de l’Armée, sourde à ses avertissements. En cas de succès sur terre, il faudrait
remercier les héroïques marins, en cas d’échec, il faudrait admettre que les amiraux avaient eu
raison depuis le début.
En effet, la Marine avait fait son deuil de Guadalcanal. Cette fois, si l’Armée ne parvenait pas
à reprendre l’île dans les semaines suivantes, il faudrait l’évacuer. L’essentiel était de
préserver l’arme aéronavale. La perte du Ryujo et les dommages subis par le Shokaku, sans
parler des pertes en aviateurs, obligeaient à prendre des mesures. C’est ainsi que Yamamoto
décida de faire transformer le porte-hydravions rapide Chitose en porte-avions léger, capable
de porter une trentaine d’avions et de naviguer à 28 nœuds. Cette transformation devrait être
achevée en août 1943. Le Chitose devait reformer avec le Zuiho une division légère, portant
de nouveau à huit le total des porte-avions utilisables en combat de la Marine Impériale. Il fut
même envisagé à ce moment de convertir aussi le Nisshin, mais devant l’utilité réelle de ce
navire comme transport rapide, mouilleur de mines et transport de mini-sous-marins (plus que
comme porte-hydravions), on préféra surseoir.
De plus, décision fut prise de renforcer les porte-avions d’escorte Taiyo, Unyo et Chuyo. Le
transport Argentina Maru deviendrait en novembre 1943 le CVE Kaiyo et le paquebot
Scharnhorst, acheté à l’Allemagne en juillet et dont la conversion en transport de troupes était
presque achevée, deviendrait en février 1944 le CVE Shinyo. Cependant, tous deux, comme
les trois premiers navires de cette catégorie, ne seraient jamais que des porte-avions très
médiocres, chargés de besognes ancillaires et non utilisables en combat.
Quant aux avions eux-mêmes, différents programmes d’amélioration des modèles existants ou
de mise au point de nouveaux modèles étaient en cours, mais ils progressaient bien lentement
et en 1943, les groupes aériens embarqués n’allaient pas être très différents de ceux de 1942
(voir Annexe C Y10).
Par ailleurs, l’impressionnante DCA américaine et l’utilité démontrée du radar pour voir venir
les raids aériens ennemis ne pouvaient que donner à penser.
Profitant (si l’on peut dire) des graves dégâts infligés au Mogami, il fut décidé d’en faire un
croiseur porte-hydravions anti-aérien. Il devait conserver trois tourelles doubles de 8 pouces
sur cinq, ses 8 pièces de 5 pouces d’origine et ses douze tubes lance-torpilles, tout en recevant
une abondante DCA légère et des radars performants (du point de vue japonais). Sur son
arrière dégagé par la suppression des tourelles Y et Z, il pourrait mettre en œuvre jusqu’à huit
petits hydravions.
Un débat animé éclata sur l’opportunité de modifier aussi les croiseurs Tone et Chikuma. La
suppression de deux tourelles doubles de 8 pouces sur quatre pouvait permettre d’installer
quatre tourelles doubles de 5 pouces double action supplémentaires (donnant un armement de
4 x 8 pouces et 16 x 5 pouces), une forte DCA légère et des radars, tout en conservant les
douze tubes lance-torpilles et de quoi mettre en œuvre jusqu’à six petits hydravions.
Accessoirement, la récupération des tourelles de 8 pouces permettrait d’accélérer la
construction du croiseur lourd Ibuki. » (Jack Bailey, op. cit.)
Guadalcanal – Vandegrift reçoit copie d’un message de King à Nimitz : c’est finalement la
25e Division d’Infanterie, actuellement stationnée à Pearl Harbour et initialement destinée à
partir en Australie, qui viendra compléter le futur XIVe Corps. Son arrivée sur Guadalcanal
est prévue à partir de la dernière semaine de décembre. Elle relèvera successivement les 7e, 6e
et 8e Régiments de Marines.
30 novembre
Campagne de Birmanie
Opération Fauconneau / Falconet
Ile d’Elphinstone, face à la côte sud-est de la Birmanie – Rapport mensuel du colonel
d’Astier de la Vigerie.
« Installations – Un de nos éclaireurs indigènes déguisé en pêcheur remonte régulièrement
sur plusieurs km la rivière qui se jette dans l’océan au sud de Mergui. Il y a installé au bord de
l’eau un campement bien visible, qui devrait masquer le site, dans la forêt toute proche, où a
été enterré un lot d’armes et de munitions.
Contacts – Rien de particulier à signaler, bien que la population évolue maintenant vers une
attitude hostile aux Japonais. Un exemple : un incident au marché, où des membres de la
nouvelle milice ont voulu rançonner un marchand. Celui-ci s’est rebellé, provoquant une
échauffourée qui a exigé l’intervention d’une patrouille japonaise. Au cours de l’incident, un
Japonais aurait été blessé, et l’officier dirigeant la patrouille a exercé des représailles brutales
et immédiates en décapitant le marchand au sabre.
Activités japonaises – Les hydravions alternent leurs patrouilles – une fois le Jake, une fois
le Pete – mais ces patrouilles sont plus rares : pas plus de deux par semaine ce mois-ci. »
Campagne du Pacifique Sud-Ouest
Red Beach – Le 132e Régiment de la 23e DI-US, dite Division AmeriCal (major-général
Patch) débarque en début de nuit. Les hommes sont convaincus qu’après leur entraînement
poussé en Nouvelle-Calédonie, ils feront sans difficulté aussi bien, voire mieux, que les
fameux US Marines dont la presse chante les louanges.
Il y a au moins un régiment de Marines qui est indifférent à la prétention des nouveaux
arrivants : le 5e Rgt USMC, qui doit embarquer en fin de nuit – donc le 1er décembre, comme
promis – sur les bateaux qui viennent d’acheminer le 132e. Sans doute le plus éprouvé des
régiments américains engagés sur l’île, il s’apprête sans regret à la quitter.
Cap Espérance – Pestant contre les « incapables de la Marine » après la perte de la moitié de
ses renforts d’artillerie, Kawagushi ordonne aux unités qui viennent de débarquer de prendre
immédiatement la route de la Matanikau, soit, dans l’ordre, le 28e Régiment de
Reconnaissance, le 28e Régiment du Génie, les 30e et 36e Régiments d’Infanterie et le 28e
Régiment d’Artillerie. Afin de préparer au mieux son offensive sans en trahir le lieu ni la date,
il demande aux unités de reconnaissance, si besoin en lançant des coups de sonde, de
rassembler autant d’informations que possible sur les positions des Marines, leurs plans de feu
et la force de leurs unités, qu’il estime – ou qu’il espère – au moins aussi éprouvées que les
siennes. Les chefs de batteries du 28e Régiment d’Artillerie doivent se rendre en première
ligne pour préparer l’installation et le camouflage de leurs pièces. Malgré les efforts de leurs
camarades du Génie pour ouvrir de nouvelles pistes ou, tout simplement, pour remettre en état
les pistes existantes, les servants, eux, apprennent à connaître l’enfer du transport d’artillerie
sur l’île : en dessous, la boue, au dessus, les Airacobra en maraude, et entre les deux, des
masses de métal rétives qu’il faut trimballer à la force des bras…
Plus au sud, Kawagushi note avec satisfaction l’avancement des travaux de fortification du
Seahorse. Le transport du ciment et des matériaux nécessaires lui a coûté une compagnie
entière du 3e Régiment, mais ces hommes déjà malades et épuisés n’auront aucune difficulté à
garnir les bunkers qui poussent sur la colline – et à mourir pour l’Empereur.
Surpris par la difficulté qu’il a eue à se procurer ces matières premières indispensables, alors
que l’Armée impériale est théoriquement à l’offensive (pour s’exonérer de tout soupçon de
couardise, Kawagushi avait présenté sa commande comme destinée à « fortifier le littoral de
Guadalcanal afin de repousser toute tentative de contre-attaque de l’ennemi qui sera bientôt
rejeté à la mer »), le commandant en chef des troupes japonaises a fait jouer quelques
relations à Rabaul. Il a ainsi découvert les travaux de mise en défense de Tarawa lancés par
Yamamoto et est arrivé à une conclusion qui l’inquiète : la Marine a déjà tiré un trait sur
Guadalcanal. Il en déduit que si son offensive ne connaît pas un succès incontestable, lui et
ses hommes risquent fort de refaire vers l’ouest, sous les attaques des moustiques et des
Américains, le chemin qu’ils tracent péniblement vers la Matanikau… Dans cette perspective
– certes improbable, mais sait-on jamais… – la mise en défense du Seahorse prend un tout
autre relief : avec cette épine dans leur flanc sud, les Américains ne pourront pas se permettre
de se lancer trop vite vers l’ouest. Kawagushi décide donc d’y envoyer en renfort, au cas où,
des éléments du 28e Régiment de Reconnaissance.
Iles Salomon – Le Sanyo Maru, toujours escorté du destroyer Amagiri, quitte les Shortland
pour Rekata Bay. Malgré les quelques dégâts subis neuf jours plus tôt, l’état-major estime que
sa présence est indispensable pour maintenir opérationnels les hydravions qui harcèlent
l’ennemi sur Guadalcanal ou en mer. Cette fois, le trajet se déroule sans incident.
Nouméa – Le croiseur lourd HMAS Australia et le croiseur HMNZS Achilles, réparés,
rejoignent l’ABDAF-Fleet de l’amiral Crace, déjà renforcée par les quatre grands torpilleurs
français Le Hardi, Le Foudroyant, L’Adroit et Casque – au contraire des Dunkerque et
Strasbourg, ils n’ont pas été affectés à l’escorte des porte-avions américains, car il était
souhaitable d’uniformiser les groupes de destroyers qui protègent ceux-ci des sous-marins.
L’amiral Scott, lui, va récupérer début décembre quelques éclopés des batailles précédentes –
le croiseur lourd San Francisco et le destroyer Monssen, remis en état à Pearl Harbor. Il lui
faudra une quinzaine de jours de plus pour voir revenir le destroyer Worden.
Les blessés de la bataille aéronavale de la journée du 28 (Hornet, Enterprise, Strasbourg,
Massachusetts) et le Dunkerque seront tous à nouveau opérationnels avant la fin de l’année,
après quelques réparations à Pearl Harbor (ou sur la côte ouest). Le Massachusetts sera
d’ailleurs remplacé dès le début de décembre dans le Pacifique Sud-Ouest par l’Indiana, venu
de Pearl Harbor.
Par ailleurs, le cuirassé Alabama, après la mésaventure subie devant Norfolk, rejoindra le
Pacifique en février. Enfin, le croiseur Columbia, endommagé lors de la bataille de la Pointe
Cruz, sera opérationnel en mars et le croiseur lourd Minneapolis en juillet.