Info-Caribou # 12 Vulnérabilité du caribou

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Info-Caribou # 12 Vulnérabilité du caribou
Info-Caribou # 12
Vulnérabilité du caribou migrateur à la chasse sportive
Projet PhD : Sabrina Plante
Directeur : Steeve D. Côté, Co-directeur : Christian Dussault
La majorité des populations de caribous et de
rennes (Rangifer tarandus) sont en déclin. L’une des
principales causes suggérées pour expliquer ce déclin
généralisé est l’augmentation des perturbations
d’origine humaine. Dans ce contexte, il est primordial
de comprendre les effets des perturbations sur les
caribous, particulièrement lorsque ces perturbations
peuvent causer directement la mort, comme la chasse
sportive.
La chasse, en plus d’être une source de
mortalité, peut aussi changer le comportement d’une
proie qui cherche à éviter les prédateurs. Par exemple, le
gibier a tendance à éviter les habitats risqués, comme
ceux à proximité des infrastructures (routes, camps de
chasse) ou ceux offrant peu de couvert de protection.
Les chasseurs, quant à eux, utilisent plutôt les habitats
accessibles, comme ceux près des infrastructures de
chasse, offrant une bonne visibilité pour facilement
détecter le gibier et l’abattre. Par conséquent,
l’utilisation du territoire par le gibier et les chasseurs
près des infrastructures de chasse peut différer et le
succès de chasse pourrait être plus faible près de ces
infrastructures.
Nous avons tenté d’identifier les facteurs
rendant le caribou migrateur plus vulnérable à la chasse
sportive. Nous avons évalué l’importance relative de la
présence des chasseurs, de la présence combinée des
caribous et des chasseurs et des caractéristiques de
l’habitat sur la distribution des sites d’abattage. Le
troupeau de caribou Rivière-aux-Feuilles est chassé de
façon sportive en hiver, en plus de faire l’objet d’un
suivi télémétrique à long terme. Nous avons décrit les
patrons de fréquentation pour 191 caribous de ce
troupeau (1997-2014) et 65 chasseurs (2013-2015)
sportifs. Nous avons ensuite caractérisé plus de 134 000
sites d’abattage de caribou pour la période de 1997 à
2015 en fonction de la présence de chasseurs, de la
présence combinée de chasseurs et de caribous ainsi que
des caractéristiques de l’habitat.
Nos
résultats
démontrent
que
les
caractéristiques de l’habitat, telles que la proximité aux
infrastructures de chasses (routes et pourvoiries), le type
de couvert de végétation et l’altitude, avaient une plus
grande influence sur la vulnérabilité du caribou à la
chasse que la présence des chasseurs ou de leur
cooccurrence avec les caribous. Les caribous étaient
beaucoup plus vulnérables à proximité des routes
(Figure 1). Toutefois, les caribous évitaient fortement
les routes alors que les chasseurs les utilisaient
fortement. Les caribous étaient également plus
vulnérables près d’une pourvoirie. Les caribous et les
chasseurs sélectionnaient les pourvoiries, suggérant que
Figure 1. Probabilité d’abattage d’un caribou du
troupeau Rivière-aux-Feuilles en fonction de la distance
à la route ou à la pourvoirie la plus près pendant les
saisons de chasse sportives hivernales de 1997-2015,
région de la Baie-James, nord du Québec, Canada.
la forte probabilité d’utilisation à la fois par les caribous
et les chasseurs pourrait expliquer cette vulnérabilité.
Finalement, les caribous étaient plus vulnérables sur les
lacs gelés, malgré le fait que les caribous les évitaient et
que les chasseurs ne privilégient pas particulièrement
ces endroits pour chasser. Les lacs constituent des
habitats ouverts qui offrent une bonne visibilité et qui
permettent aux chasseurs de facilement chasser le
gibier,
Nos résultats suggèrent que l’accessibilité au
territoire de chasse, via les routes et les pourvoiries,
ainsi que la visibilité, augmentent la vulnérabilité du
caribou migrateur à la chasse sportive. De futurs
développements dans les régions nordiques pourraient
donc accentuer l’accessibilité au territoire par les
chasseurs et augmenter la vulnérabilité du caribou à la
chasse. Nous recommandons donc que les études
d’impacts considèrent les routes non seulement comme
des sources de perturbations pouvant causer l’évitement
chez la faune, mais également comme une source
potentielle de mortalité due à l’augmentation de
l’accessibilité par les prédateurs humains.