Duel est, à la base, un téléfilm réalisé par Steven Spielberg en 1971

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Duel est, à la base, un téléfilm réalisé par Steven Spielberg en 1971
DABO Valentin – Analyse de séquences – CIAN 2013/2014
Duel est, à la base, un téléfilm réalisé par Steven Spielberg en 1971 pour la
chaîne américaine ABC. Le scénario est signé par Richard Matheson, il s’agit d’une
course poursuite entre David Mann, un représentant en informatique, et un camion dont
on ne voit jamais le conducteur. Le film est ressorti dans une version plus longue pour
le cinéma, passant de 1h14 à 1h34.
L’esthétique du film s’approche de celle du Nouvel Hollywood, pour son caractère
frontale avec la violence ainsi que dans ses thématiques, comme l’émancipation de la
femme1, notamment par le monologue à la radio sur cet individu qui déclare « qu'il se
féminise et déplore sa soumission peureuse à sa femme. » et on comprend que David
Mann est lui aussi dans cette situation lorsqu’il appelle sa femme qui lui reproche de ne
pas avoir endossé son rôle de mari (à la 8e minute). Spielberg crée alors cette figure du
père de famille absent ou fuyant qui sera récurrent dans le reste de sa filmographie.
Pour cette analyse, je m’arrêterai plus longuement sur la séquence du café. En effet, ce
moment diffère totalement du reste du film. Déjà, l’action ne se passe plus sur la route,
mais dans un intérieur. De fait, la poursuite n’est plus physique, mais devient mentale.
La paranoïa s’installe dans l’esprit de Mann. Comment Spielberg parvient-il à remplacer
la course poursuite par une lutte mentale où le sujet est à la fois objet et parvient à
retourner le statut de victime à fou ?
Alors que la poursuite semble être terminée pour David Mann lorsqu’il entre dans la
salle du Chuck’s Café, il aperçoit le camion par la fenêtre. Ce choc visuel est
accompagné d’un choc sonore, les boules de billards qui se heurtent, souligné
également par l’arrivée d’une musique de fosse inquiétante. C’est le début de la
montée de la paranoïa pour le personnage principal. Le chauffeur est dans la même
pièce que lui, il commence à soupçonner l’ensemble des personnes présentes. La
caméra se focalise, par des gros plans et des zooms, sur des indices qui pourraient
révéler l’identité du conducteur : les bottes que l’on avait aperçues lors de la scène de
la station-service.
David Mann est perdu dans ses pensées, mais lorsque la serveuse arrive pour prendre
sa commande la musique et la voix off s’arrêtent nettes et laissent place aux bruits
ambiants. Puis inversement lorsqu’elle part, Mann retourne dans sa paranoïa,
accentuée par les champs et contre champs entre lui et les autres clients. Mann est à la
fois le sujet, et l’objet du regard des autres. De plus, les gros plans pour les contre
champs sur les clients illustrent l’atmosphère pesante et angoissante de l’état mental
de David Mann. Le très gros plan sur l’œil du cowboy renvoie directement au camion et
à la traque.
Alors qu’il tente de rationaliser l’arrivée du camion pour se rassurer, (« il a dû ralentir et
faire demi-tour ») Mann ne parvient pas à quitter son état paranoïaque. La caméra
passe d’un plan rapproché taille à un débullage lorsqu’il boit un verre d’eau, c’est à ce
moment-là que ses délires reprennent. Illustrés par une vue subjective, il s’imagine en
train de parler au supposé conducteur du poids lourd. Mais encore une fois, la serveuse
l’interrompt de façon brutale.
Spielberg dramatise le départ d’un client par la musique, qui joue un rôle clé dans cette
séquence et fait monter la tension avec une contre-plongée sur le personnage principal.
Mais encore une fois, une rupture est créée par le son, qui s’arrête d’un coup lorsque la
silhouette démarre dans un autre véhicule que le poids lourd. Mann est obsédé par
l’idée de trouver le conducteur.
Puis la musique reprend lorsqu’il croit avoir reconnu celui qu’il cherche, encore une fois
par la présence d’indices montrés en gros plan. Lorsque Mann s’approche pour
l’aborder et lui demander de cesser de lui nuire, la bande sonore revient sur les sons
ambiants comme pour signifier l’arrêt de sa folie au moment ou Mann dit « Écoutez »
(Look en VO), mais à l’inverse, le cadre est en contre plongé pour les deux
protagonistes ce qui accentue une sensation de malaise pour Mann et
d’incompréhension pour le client. Par la suite, le même s’en va dans une camionnette.
Alors que Mann reste abasourdi par la lutte et sa seconde erreur de jugement, on
entend le bruit du camion qui démarre sans que l’on ait aperçu le conducteur. La
musique reprend. Le personnage principal s’élance alors à sa poursuite, mais
abandonne et la musique s’arrête au même moment. Il n’aura plus l’occasion d’être
face au chauffeur en dehors de son camion.
À travers cette séquence, le chauffeur du camion bien que présent ou non dans la salle
« s’insère parfaitement dans le décor, et donc dans la communauté »2 et Spielberg
s’amuse à lancer des fausses pistes. « Le véritable intrus, c’est David Mann »2 qui n’est
pas crédible face aux autres, en passant pour un fou alors qu’il s’agit de la victime.
Bibliographie
Le cinéma des années 70 – Jean Baptiste Thoret
Webographie
1. http://libresavoir.org/index.php?title=Duel_de_Spielberg
2. http://www.dvdclassik.com/critique/duel-spielberg
http://www.cineclubdecaen.com/realisat/spielberg/duel.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/Duel_(t%C3%A9l%C3%A9film)

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