Les antidépresseurs
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Les antidépresseurs
gravureMCF_134.qxd 19/10/05 15:19 Page 1 Revue de la Mutuelle Centrale des Finances ISSN 1141-4685 Prix 1,14 € Octobre 2005 DossIER o n 134 gravureMCF_134.qxd page 10 19/10/05 15:19 Page 10 SavOIR Antidépresseurs : pourquoi et comment ? Les antidépresseurs sont des médicaments utiles lorsqu’ils sont bien prescrits et bien utilisés. En respectant quelques règles simples, il est possible d’en tirer le meilleur profit et de s’en passer, le moment venu. A ncien cadre dans une grande entreprise nucléaire, Roland a aujourd’hui 70 ans. Il se souvient encore, il y a douze ans, de sa “mise au placard”. Pas de chance, sa femme le quitte au même moment. “Je ne m’intéressais plus à rien, ni à personne, relate-t-il. Je me demandais ce que je faisais sur terre.” Le traitement de sa dépression passera par une hospitalisation, plusieurs antidépresseurs et une psychothérapie. Aucun examen médical ne permet de détecter de façon certaine une dépression nerveuse et ses symptômes sont multiples. En outre, ils peuvent se confondre avec d’autres troubles. “Trop souvent, on se précipite sur les antidépresseurs, par exemple après un deuil ou un autre événement grave. Dans un premier temps, je préfère aider le patient à retrouver le sommeil avec un médicament adapté, explique le Dr Jean-Marie Grandjean, médecin chef du centre de traitement et de court séjour de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine). Je prescris un antidépresseur dans le cas d’une dépression qui se caractérise par la permanence de la tristesse… qui n’a rien à voir avec le chagrin !”, poursuit-il. Les antidépresseurs sont des médicaments qui améliorent la communication entre les cellules du cerveau (neurones) en agissant sur les intermédiaires chimiques (neuromédiateurs), des substances sécrétées par ces neurones. Au début du traitement, votre médecin vous demandera de le tenir au courant de votre état et de revenir le voir au bout de quelques jours. “On est parfois obligé de tâtonner pour trouver la molécule la mieux adaptée. Il faut au minimum trois semaines pour juger de l’efficacité d’un médicament pris correctement, précise le Dr Grandjean. Le traitement est prolongé trois mois après la disparition des troubles. Dans le cas d’une rechute, il doit durer au moins un an.” Des effets secondaires Comme tout médicament, un antidépresseur peut provoquer des effets Antidépresseurs et alimentation Certains antidépresseurs peuvent entraîner des prises de poids, d’autres des troubles digestifs. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) recommande d’adopter une alimentation équilibrée. Parlez-en à votre médecin, qui vous dira si vous devez modifier vos habitudes. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut éviter l’absorption d’alcool et de boissons alcoolisées pendant votre traitement. gravureMCF_134.qxd 19/10/05 15:19 Page 11 Les Français sont-ils accros ? Depuis quelques années, des voix s’élèvent pour dénoncer la surconsommation des médicaments psychotropes dans notre pays. Il est vrai qu’avec 150 millions de boîtes en 2002, ces médicaments occupent le deuxième rang des prescriptions remboursées par l’assurance maladie obligatoire(1). Dans un rapport remis au ministre de la Santé en 1996, Édouard Zarifian, professeur de psychiatrie et de psychologie médicale à l’hôpital de Caen, notait que la consommation de psychotropes en France est de deux à trois fois supérieure à celle des autres pays d’Europe. Le Pr Zarifian est l’auteur de l’ouvrage Le prix du bien-être, psychotropes et sociétés et de La force de guérir (Éditions Odile Jacob). Un autre livre, Antidépresseurs : la grande secondaires. À tel point qu’il faut parfois l’arrêter, mais toujours sur avis médical. Jacqueline, 65 ans, en a fait l’expérience. “Victime de harcèlement moral professionnel pendant deux ans, raconte-telle, je me suis écroulée chez mon médecin, qui m’a prescrit un antidépresseur. Mais un matin, en arrivant au métro Étoile, impossible de me lever pour changer de ligne ! Mon corps n’obéissait plus à mon cerveau ! J’ai appelé mon médecin et il m’a dit d’arrêter le traitement immédiatement.” À 36 ans, Cécilia a déjà seize ans d’antidépresseurs derrière elle ! D’une jolie voix calme, elle égrène ses malheurs : régime drastique à 20 ans, liaison avec un homme marié, licenciement et enfin un divorce qui l’oblige à repartir à zéro en logeant chez ses parents avec un “bout de chou” de huit mois. Une vie chaotique qu’elle ne supporte que grâce à la fluoxétine. Quand elle se sent mieux et qu’elle décide d’arrêter, elle se découvre totalement dépendante. L’arrêt des antidépresseurs pose en effet le problème du sevrage. Seul un médecin pourra vous conseiller sur la meilleure façon d’y parvenir, en douceur, en diminuant progressivement les doses. Aujourd’hui, Roland, notre ancien cadre, a repris goût à la vie. Après son traitement antidépresseur et sept années de psychothérapie, il a retrouvé un équilibre, même s’il connaît sa fragilité. Il ne prend plus de médicaments et porte un regard de philosophe sur l’existence : “Ne dites pas à un déprimé : ‘Secoue-toi, pars en voyage, cela te fera du bien !’, conseille-t-il. intoxication, écrit par Guy Hugnet, journaliste indépendant, ancien cadre commercial et marketing de l’industrie pharmaceutique (Éditions Le Cherche Midi), dénonce les prescriptions abusives et l’attitude de certaines firmes pharmaceutiques qui cachent de graves effets secondaires. (1) Étude Medic’AM, disponible sur le site de l’Assurance Maladie www.ameli.fr Dites-lui plutôt : ‘Plonge en toi-même et tu y trouveras le meilleur !’.” “Il faut considérer les antidépresseurs comme un passage, une bonne béquille, insiste le Dr Grandjean. C’est le traitement des symptômes. Ils rétablissent l’humeur. Après, il faut passer au traitement de fond, avec le travail psychothérapeutique. Il améliore la personnalité et permet de dépasser le conflit pour que l’état ne se reproduise pas.” Enfin, rien ne remplacera une bonne hygiène de vie. En premier lieu, il faut savoir préserver son sommeil. “On ne doit pas rester trois jours sans dormir, même pour faire la fête, conclut le Dr Grandjean. On ne doit pas travailler jour et nuit. Il faut savoir se protéger et connaître ses limites.” Nadine Allain