Quel modèle d`Etat-providence ? Comment concilier solidarité

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Quel modèle d`Etat-providence ? Comment concilier solidarité
Quel modèle d’Etat-providence ?
Capítulo 45 del libro de Serge Paugam (Dir.) Repenser la solidarité.
L’apport des sciences sociales, PUF, Paris, janvier 2007, p. 887-914.
Comment concilier solidarité sociale et efficacité économique à l’ère de
la globalisation : une lecture régulationniste
ROBERT BOYER
INTRODUCTION
Il est désormais largement admis qu’une nouvelle époque s’est ouverte en matière de
réforme des systèmes nationaux de protection sociale, que ce soit la conséquence des
problèmes internes, y compris financiers que rencontrent les divers régimes ou l’effet indirect
de la transformation des modes de régulation et régimes de croissance qui avaient permis
l’épanouissement de systèmes de couverture sociale généreux et à vocation universelle.
Souvent de façon implicite, et parfois tout à fait explicitement, les responsables politiques
sont à la recherche d’un modèle canonique vers lequel pourraient converger leurs efforts de
réformes, référence d’autant plus souhaitable qu’elles s’avèrent spécialement difficiles en
matière de couverture sociale. À grands traits, nombre d’analystes concluent à la nécessité
d’un passage du Welfare traditionnel, basé sur des compensations financières des divers
risques, vers un Workfare fondé sur une série d’incitations mobilisant la stratégie des acteurs
eux-mêmes pour éviter la plus grande partie des risques, en particulier ceux liés au chômage.
Le présent chapitre propose un angle d’attaque particulier, celui que permet
l’application des concepts et méthodes de la théorie de la régulation, à la question de la
couverture sociale. Il peut être intéressant de brièvement récapituler quels sont les
enseignements majeurs tirés d’analyses de longue période et plus récemment d’analyses
comparatives. L’une des particularités de cette approche est de souligner qu’aucune
configuration institutionnelle ne saurait prétendre à la perfection, pas plus qu’au succès en très
longue période : le succès d’une innovation institutionnelle conduit très généralement à
susciter des comportements individuels et collectifs qui finissent par remettre en cause la
viabilité d’un système au moment même où les acteurs le considèrent comme allant de soi et
doté de permanence. La seconde particularité tient à l’insistance sur la diversité des
trajectoires nationales, loin de la métaphore qui assimilerait les configurations
institutionnelles nationales aux choix organisationnels d’entreprises soumises au grand vent
de la concurrence internationale.
Dans un second temps, il est proposé d’appliquer la même méthode à l’analyse des
transformations des conceptions et modalités de gestion de la solidarité sociale au cours des
quinze dernières années. N’est-il pas couramment admis que le workfare l’a, d’ores et déjà,
emporté sur les stratégies visant à prolonger l’un des objectifs majeurs du welfare, à savoir
concilier solidarité et efficacité économique ? C’est dans ce contexte que prend tout son
intérêt le modèle danois de flexicurité, dont il est important de cerner les caractéristiques
structurelles, d’autant plus qu’il est devenu une référence fréquente pour nombre de
gouvernements européens. C’est à la lumière de ces résultats qu’il est possible d’expliciter
quelques conséquences, pour la France, en matière de réformes tant du droit du travail que de
la couverture sociale. Plutôt que de traiter cette question dans toute sa généralité, l’analyse se
concentrera sur la partie de la couverture sociale qui concerne directement le chômage et
l’emploi, à l’exclusion donc des questions liées à la famille, à la santé, ou encore à
l’éducation.
LES SYSTEMES NATIONAUX DE PROTECTION SOCIALE EN PERSPECTIVE
HISTORIQUE ET COMPARATIVE
Cette question n’est pas fondatrice de la théorie de la régulation mais très précocement
des chercheurs se sont intéressés à la formation des politiques économiques et sociales et ce
faisant, ils n’ont pas manqué de rencontrer la difficile question théorique que représente la
caractérisation de la couverture sociale dans les sociétés contemporaines. De près de deux
décennies de travaux sur la question, ressortent sept enseignements majeurs.
À l’intersection des logiques de trois ordres
La protection sociale n’est pas une notion simple au sein même des recherches
institutionnalistes. Les études internationales comparatives font ressortir des définitions très
variées, ce qui débouche sur des typologies extrêmement diverses, même si la taxonomie de
Esping-Andersen (1990) a tendu à constituer la référence commune à nombre d’analystes.
L’intérêt d’une approche structuraliste est de fournir une clé de lecture générale ainsi qu’une
taxonomie originale qui rend compte de la diversité persistante des systèmes nationaux de
protection sociale (SNPS). En effet, si à la suite de Bruno Théret (1997) on peut définir la
protection sociale comme ce qui assure les conditions de reproduction d’une population tant
pour l’activité économique que pour le pouvoir politique : « La consubstantialité à
l’économique de protection sociale salariale contraint le politique à la traiter comme moyen
d’une alliance avec l’économique, qui lui permette de refonder un lien administratif de
protection de l’ordre domestique, à la fois complémentaire et substituable à la relation
salariale passant par le marché du travail » (p.204). Ainsi la forme structurelle qu’est la
protection sociale est au confluent de trois ordres, respectivement économique, politique et
domestique entre lesquels peuvent se nouer diverses relations d’alliance ou/et de substitution.
On mesure le caractère composite de la protection sociale, bâtie sur des activités et des
logiques appartenant à ces trois ordres (Figure 1). Selon la force et la direction des liens
correspondants, sont concevables huit idéal-types de SNPS. Entre autres le SNPS libéral
présente deux variantes : individualiste lorsque l’ordre domestique est dominé par l’ordre
économique (les États-Unis), mais paternaliste si à l’inverse l’impératif de la reproduction
domestique se transmet à la sphère économique via le rôle de l’entreprise dans la couverture
du risque salarial (le Japon). Si au contraire le politique est fortement impliqué dans la
couverture sociale et qu’il intervient fortement dans la reproduction domestique, ce qui à son
tour impose des contraintes à la logique économique, le SNPS est alors de type étatiste
universaliste (Suède). Mais les SNPS universalistes-minimalistes (Royaume-Uni) ou encore
corporatistes-méritocratiques (Allemagne) définissent des configurations encore différentes
du fait du basculement de la hiérarchie entre ordres économique et domestique par rapport
aux deux précédents. Au demeurant certaines des combinatoires peuvent déboucher sur des
configurations non-viables, ce qui réduit le nombre des SNPS observables. Dernier intérêt de
cette approche, les précédentes et nombreuses taxonomies trouvent leur place et peuvent être
ainsi comparées.
Figure 1 – Structure élémentaire de la protection sociale
E : ordre économique
P : ordre politique
D : ordre domestique
S : forme structurelle de
protection sociale
Source : Bruno Théret (1997), p.207
L’extrême variété des formes d’organisation et des structures de financement n’est pas
une anomalie
Une conséquence directe de l’analyse est de dépasser, en les généralisant, les
oppositions traditionnelles entre assurance et assistance sociale, entre systèmes universalistes
et régime résiduel, entre systèmes bismarckien et beveridgien, entre financement par les
cotisations sociales ou par l’impôt. Ce sont autant de modalités qui varient selon le type de
SNPS et dont l’observation des systèmes existants confirme l’existence. À cet effet, on peut
projeter la représentation des SNPS en considérant comment sont produits et financés les
services correspondants : par prélèvement obligatoire organisé par l’État, par une solidarité
organisée au sein de la famille, par internalisation des coûts sociaux par la firme ou encore par
recours au marché pour la fourniture tant d’assurance que de services. Interviennent ainsi les
ordres politiques domestique et finalement économique. Ce dernier se décompose à son tour
en une myriade de formes organisationnelles qui s’échelonnent du marché (ou du contrat) à la
firme, en passant par exemple par le réseau.
À grands traits, il ressort des comparaisons internationales que ces quatre formes sont
simultanément présentes dans beaucoup de SNPS, même si chacun d’entre eux peut se
caractériser par une dominante (Boyer, 2004a) : de la firme au Japon, de la famille dans
l’Europe du Sud, de l’État dans les social-démocraties scandinaves et finalement de la
concurrence sur les marchés aux États-Unis (Figure 2).
Figure 2 – Les divers systèmes de protection sociale combinent différemment quatre principes
Organisé et financé par l’ETAT
Suède
Š
Danemark
Š
France
Š
Union Soviétique
Pays Bas
Offre privée,
gouvernée
par le MARCHE
Grande Bretagne
Š
Š
États-Unis
Š
Centré sur et
offert par
la FIRME
ŠJapon
ŠItalie Š
Portugal
Š
Espagne
Š
Centré sur et fourni par la FAMILLE
Source : Adapté de Boyer (2004a). Le segmentŠ
indique l’ampleur du recours au marché.
Au passage, cette diversité et le fait que l’évolution générale n’est pas partout et
toujours une « recommodification » de la couverture sociale, illustrent que l’enjeu de la
réforme des SNPS en Europe n’est pas nécessairement le passage du public et de l’obligation
au privé et au choix individuel. L’enjeu tient plutôt à une recomposition du rôle et des
contributions respectives à la couverture sociale de quatre modalités : centrée et fournie par la
famille, recours à l’offre privée, via le marché, via la firme et enfin une dernière
configuration, organisée et financée par l’État.
En effet, par principe, la couverture sociale introduit une recherche de sécurité qui, dans
nombre de cas, peut s’opposer à la logique des marchés qui appelle des ajustements parfois
drastiques pour préserver la viabilité de firmes en compétition. Lorsque, a contrario,
l’individualisation et le recours au marché président à la réorganisation d’un SNPS,
l’exclusion des agents économiques les plus faibles finit presque toujours par renouveler la
demande adressée à l’État de prendre en charge les laissés pour compte. La trajectoire
anglaise en matière de retraites est éclairante à cet égard (Atkinson, 2006), tout comme
d’ailleurs l’évolution de ce même problème au Chili depuis la révolution libérale (Garate,
2005).
Le résultat de luttes sociales, plus que la correction des imperfections de marchés
d’assurance
L’analyse théorique confirme l’existence de nombreux facteurs qui empêchent de
recourir exclusivement à une logique de marché pour organiser la couverture sociale.
D’abord, certaines approches de philosophie morale et politique suggèrent que la dignité, la
capacité de réalisation des potentialités de chacun, la sécurité sont des biens essentiels
auxquels tout individu devrait avoir droit. Dès lors ils ne sont pas commensurables avec les
biens typiques que sont les marchandises dont traitent les théories économiques (Rawls,
1976 ; Sen, 2000). Ensuite, d’un strict point de vue analytique, les théories économiques
reconnaissent aujourd’hui que les jugements de valeurs rétroagissent sur la possibilité
d’obtention d’équilibres économiques efficients (Akerlof, 2005). En conséquence, certaines
formes de sécurité garanties aux salariés peuvent contribuer à la performance des firmes,
comme des économies nationales (Boyer, 2006c). Enfin, la plupart des services fournis par les
SNPS se caractérisent par des externalités positives qu’un marché laissé à lui-même est
incapable d’internaliser. Ainsi, l’accès à l’éducation favorise l’innovation, améliore le recours
au système de santé ; ce dernier contribue à relever l’offre de travail donc de la production
tout en améliorant l’état de santé de la population ; la lutte contre le chômage peut éviter la
formation de trappes à pauvreté, limiter l’impact négatif des externalités de demande, sans
oublier les effets potentiels à long terme du chômage de masse sur les inégalités,
l’insécurité….
Pour autant, l’existence de ces imperfections de marché n’est pas une condition
suffisante, pas plus que nécessaire d’ailleurs1, pour qu’émergent des interventions publiques
ou collectives conduisant à un SNPS viable et légitime. D’un côté, les comparaisons
internationales montrent que, dans leur grande majorité, les pays ne garantissent pas un
minimum de sécurité à leur population à travers la constitution d’un SNPS en bonne et due
1
En effet, nombre d’interventions publiques sont le résultat de l’action de coalitions politiques et pressions de
groupes d’intérêt, dont les objectifs ne sont en rien de restaurer l’efficacité perdue des marchés sur lesquels ils
opèrent.
forme…même si cela serait souhaitable (ILO, 2004). Faute de moyens lorsqu’ils sont très
pauvres, mais aussi du fait de l’absence d’organisations sociales et politiques permettant de
convertir ce besoin de sécurité, assez universel, en des programmes dotés de moyens
financiers et matériels.
D’un autre côté, l’histoire des pays qui jouissent aujourd’hui d’une protection sociale
significative confirme que les grandes étapes de leur constitution correspondent à deux types
bien précis d’épisodes. Soit l’ampleur d’un chômage durable et de masse fait ressortir
l’évidence d’une intervention correctrice des équilibres – ou plutôt déséquilibres – de marché,
car ils sont préjudiciables à la préservation du lien social lui-même. Soit les victimes d’une
insécurité et/ou injustice se regroupent et s’organisent pour faire pression sur les États pour
qu’ils reconnaissent la nécessité d’une couverture collective des « risques » correspondants :
accidents du travail, maladies professionnelles, chômage, obsolescence des compétences,
paupérisation lors de la cessation d’activité.
Voilà pourquoi les SNPS sont encore plus variés que le sont par exemple les systèmes
financiers : ils sont l'expression de la stratification d’une série de compromis institutionnalisés
(André, Delorme, 1982), eux-mêmes expression de la séquence des luttes sociales et
politiques en vue de l’institutionnalisation de droits sociaux. Dans la mesure où les
compromis portent sur les relations sans doute les plus « structurantes » des sociétés salariales
et démocratiques, ils sont susceptibles de contribuer à la forme du mode de régulation et
même du mode de développement. Ce résultat du courant de recherche régulationniste
(Boyer, Saillard, 2002) n’est pas sans importance pour la prospective de la protection sociale
en Europe.
La couverture sociale : composantes du rapport salarial et/ou relation État /Citoyens ?
Les analyses de longue période portant sur les États-Unis et la France ont conduit à
cerner l’émergence de la couverture sociale comme développement d’une composante
nouvelle du rapport salarial. On définit ce dernier comme l’ensemble des conditions qui
régissent le rapport capital/travail : organisation du travail, règles gouvernant embauches et
licenciements, formation du salaire et du revenu, mode de vie. L’histoire fait clairement
ressortir que les premiers risques sociaux à être pris en compte en France l’ont été à partir du
contrat de travail à l’occasion par exemple des accidents du travail, puis du chômage. Mais
simultanément les lois sur les pauvres en Angleterre introduisent une relation particulière,
voire constitutive, avec l’État, ce qui d’une façon ou d’une autre se réfère directement à la
sphère politique, en l’occurrence de la citoyenneté dans le cas de la France.
Ainsi la couverture sociale ne constitue pas une forme institutionnelle à part entière
dans l’analyse des modes de régulation, mais elle est incorporée dans deux des cinq formes
institutionnelles : le rapport salarial et la relation État-économie. À ce titre la constitution des
SNPS après la seconde guerre mondiale a contribué à l’émergence et au succès du régime de
croissance fordiste. D’abord en complétant le compromis salarial fordien – acceptation des
méthodes modernes de production contre partage des gains de productivité – par un
compromis institutionnalisé entre les salariés et l’État concernant la couverture collective des
« risques » précédemment assurés par la solidarité au sein de la famille ou de la communauté :
maladie, maternité, chômage, retraite, aide au logement. Ensuite, d’un strict point de vue
économique, la montée des revenus de transferts associés à la couverture sociale et la fiscalité
ont introduit des stabilisateurs automatiques du cycle économique, au même titre que les
politiques contracycliques de type keynésien.
L’approche régulationniste a aussi été amenée à étudier tant l’émergence que la
maturation puis la crise financière des SNPS, d’abord dans le cas de la France (André,
Delorme, 1982), ensuite en comparaison internationale pour les pays de l’OCDE (André,
2002, 2006). Ces travaux ont fait apparaître trois résultats majeurs concernant la période
contemporaine et les raisons du basculement d’une synergie vertueuse entre fordisme et
couverture sociale étendue à l’apparition de déficits chroniques qui sont interprétés comme un
indice de crise structurelle, voire pour certains, de fin des régimes collectifs de couverture
sociale.
Deux conditions de viabilité d’un SNPS : stabilité d’un compromis institutionnalisé et
complémentarité avec les autres formes institutionnelles
C’est sans doute sur ce point que la présente problématique se distingue le plus
nettement des approches en termes d’imperfection de marché. Si la fonction des SNPS était
exclusivement de corriger ces imperfections, il deviendrait difficile de comprendre pourquoi
ils peuvent entrer en crise, après avoir connu le succès. Il est dès lors tentant d’invoquer une
irrationalité de la part des décideurs publics, des bénéficiaires ou encore des prestataires de la
couverture sociale. Ce n’est guère convaincant lorsqu’on se propose de rendre compte de la
séquence : émergence, maturation, succès puis crise des SNPS constitués après la seconde
guerre mondiale.
L’interprétation régulationniste est toujours historiquement et géographiquement située.
Un SNPS est viable, à défaut d’optimal, sous deux conditions. La première oppose la
volatilité des allocations de marché à la stabilité des règles qui régissent la redistribution
assurée par la couverture sociale et le système fiscal : il faut donc que soit acceptée cette
déviation permanente par rapport aux canons d’une économie de marché pure, par un
ensemble suffisamment important de groupes économiques et sociaux. Telle est
l’origine lointaine et quelque peu oubliée, des systèmes contemporains : traumatisés par la
crise des années trente et transformés par la seconde guerre mondiale, les entrepreneurs,
salariés et administrations publiques ont noué un compromis institutionnalisé original incluant
une couverture sociale étendue. S’il se délite ou est remis en cause par une fraction des
acteurs, la légitimité et l’acceptabilité des SNPS hérités du passé deviennent problématiques.
C’est une cause interne de crise des SNPS.
Mais il se peut qu’en l’absence même de remise en cause du principe fondateur des
divers régimes de couverture sociale, ils entrent en crise du fait de leur désajustement par
rapport à l’évolution des autres formes institutionnelles, conséquence par exemple d’un
durcissement de la concurrence, du changement de régime international, ou encore du régime
monétaire et de change. Un tel épisode fait apparaître a contrario que la seconde condition de
viabilité d’un SNPS est sa compatibilité avec le mode de régulation et le régime de croissance
en vigueur. Ainsi la constitution de SNPS étendus et très (ou assez) protecteurs ne fut possible
dans les années 1950 que grâce au dynamisme des gains de productivité et la stabilité de la
croissance, impliqués par la généralisation du rapport salarial fordiste dans un contexte de
concurrence oligopolistique et l’acceptation d’un État interventionniste assurant une notable
redistribution des revenus et une offre abondante de services publics. Trop d’analyses
contemporaines, raisonnant en équilibre partiel et sur des modèles statiques, oublient cette
complémentarité des SNPS avec la plupart des autres formes institutionnelles.
Certains SNPS peuvent concilier solidarité sociale et efficacité économique
Il est clair que les coûts de la couverture sociale sont plus faciles à mesurer que la
contribution qu’elle apporte au bien-être individuel et collectif : plus grande sécurité des
trajectoires personnelles et professionnelles, meilleur état de santé, allongement de
l’espérance de vie, maintien de la paix sociale, autant d’impacts qu’il est assez problématique
d’évaluer. De ce fait, la modélisation des économistes tend à privilégier des effets de
distorsion des SNPS par rapport aux allocations d’une économie de marché pure, de sorte que,
depuis le fameux manuel de Paul Samuelson, nombre d’économistes considèrent qu’une plus
grande solidarité sociale ne peut-être atteinte qu’au détriment de l’efficience économique,
puisque cela conduit à détourner la production vers des activités réputées non productives de
richesse et de valeur. Ce jugement négatif est encore renforcé par la théorie des incitations qui
ne peut s’empêcher de voir dans l’existence d’allocation de chômage non seulement l’origine
du chômage mais encore de la création de trappes à pauvreté et de dépendance des individus
par rapport aux aides sociales.
Le bilan coût/avantage d’un SNPS est susceptible de devenir favorable d’un strict point
de vue économique, si par contre l’on prend en compte les externalités positives que les
dépenses d’éducation, de formation, de sécurité et même les indemnités de chômage peuvent
avoir quant au ressort de la croissance. Dans le cas du régime de l’après seconde guerre
mondiale trois composantes de la couverture sociale ont favorisé l’efficacité dynamique. Tout
d’abord la redistribution du revenu associée à l’État du Bien-être et à la progressivité de
l’impôt a limité les inégalités, ce qui permet l’accès progressif du plus grand nombre au mode
de vie typique du fordisme. Or c’est l’un des deux piliers de ce régime de croissance fondé sur
l’institutionnalisation de la synchronisation de l’évolution des méthodes de production avec
celle des modes de vie. En France, comme dans nombre d’autres pays de l’OCDE, le conflit
entre solidarité sociale et efficacité économique s’est alors atténué, au point de diffuser l’idée
qu’ils étaient compatibles, voire même complémentaires. Si ensuite on inclut l’éducation et la
formation dans une définition élargie des SNPS, il est clair que les dépenses correspondantes
peuvent tout à la fois contribuer à réduire les inégalités et favoriser la productivité et le
changement technique, comme le suggèrent les théories de la croissance endogène et comme
le vérifient les études économétriques qu’elles ont suscitées. Même les allocations chômage
peuvent favoriser la croissance en rendant acceptable le changement technique qui en
permanence détruit de vieilles industries et provoque l’obsolescence des compétences. Ce
d’autant plus qu’une politique active de formation s’attacherait à requalifier les travailleurs en
fonction des produits et industries émergentes.
Mais cette complémentarité vertueuse n’est pas garantie a priori : tout dépend des
caractéristiques respectives du régime de croissance et de la nature du SNPS. En effet, si par
exemple disparaissent les rendements d’échelle associés à la production de masse de produits
standardisés, alors que s’étend la couverture sociale et s’institutionnalisent les processus de
redistribution, peut resurgir l’antagonisme entre sécurité sociale et performance économique.
Leur complémentarité n’est jamais assurée en tout temps et tout lieu, comme le montre à
l’évidence la chronique des deux dernières décennies.
Toute configuration finit par entrer en crise et appeler des réformes
En effet, la répétition d’une même stratégie de période en période conduit à faire
évoluer quelques-uns des paramètres clés de l’économie, au point de pouvoir provoquer le
basculement d’une zone de stabilité à une autre marquée par le développement des
déséquilibres cumulatifs qui appellent alors une intervention ad hoc des acteurs et plus encore
des pouvoirs publics pour réformer certaines des règles du jeu que sont les institutions et dans
une certaine mesure les organisations. En l’occurrence un SNPS peut entrer en crise du fait
aussi bien de déséquilibres internes qui lui sont propres que de son incompatibilité avec la
transformation du mode de régulation sous l’effet d’une crise majeure (Figure 3).
Paradoxalement, c’est le succès même de la réalisation des objectifs de l’État du Bienêtre qui a conduit à sa déstabilisation. N’avait-il pas pour propos de permettre
l’épanouissement de la société salariale ? Au fur et à mesure que ce processus s’approfondit,
aux luttes du salariat, se superposent – succèdent affirmeront certains – les luttes de
classement au sein des salariés (Aglietta, Brender, 1984), car avec la division du travail
s’approfondissent les spécialisations des individus. L’hétérogénéité salariale qui en résulte fait
éclater l’uniformité des demandes de sécurité adressées à la couverture sociale. Face à la
complexité croissante des risques et la tendance à l’individualisation des demandes, il n’est
pas étonnant qu’apparaissent certaines inefficacités dans l’administration des SNPS, d’autant
plus qu’aurait tardé l’utilisation des technologies de l’information et de la communication
pour recomposer les procédures et modalités de gestion (Boyer, 2002). Mais les déficits des
comptes sociaux ne peuvent s’interpréter uniquement comme la conséquence d’une mauvaise
gestion, ne serait-ce que parce qu’ils tendent à croître tout au long d’une décennie. En effet,
une troisième source de crise tient à la possibilité de divergence à long terme entre
l’engagement financier associé aux droits de tirage au sein de chaque régime de la couverture
sociale et le rendement des cotisations sociales et de la fiscalité, puisque rien ne peut garantir
un tel équilibre à long terme. En conséquence, le taux de contribution et l’ampleur des
prestations doivent être périodiquement réajustés, quitte à déboucher, lors de certaines
périodes, sur de redoutables dilemmes tant dans l’ordre économique que politique.
Figure 3 – Les facteurs de déstabilisation des SNPS de l’après-guerre
Chômage / Concurrence
internationale / Révolution
Technologique
Hétérogénéité salariale /
Individualisme
Crise du
mode de
régulation
Déséquilibres financiers
des États de Bien-être
Perception d’une crise de
l’État providence par les
gouvernements
Pression à la
réforme des
SNPS
Inefficacité
organisationnelle
Communauté épistémologique
internationale
Un second grand facteur de remise en cause trouve son origine dans la répercussion sur
la gestion des SNPS d’une crise économique majeure. D’un côté en généralisant le sentiment
et la réalité d’insécurité salariale et personnelle, un tel épisode accroît les dépenses de nombre
de régimes, qui sont de ce fait contracycliques. L’effet positif est de contribuer à la
stabilisation macroéconomique mais si la croissance ne retrouve pas les tendances antérieures,
les déficits persistent de période en période, au point de faire apparaître les problèmes de
financement du SNPS comme sectoriels, mais structurels car liés à une « mauvaise » gestion.
L’évolution du régime d’indemnisation du chômage est une bonne illustration des
conséquences du basculement d’une croissance au voisinage du plein-emploi vers une
trajectoire marquée par la persistance d’un chômage de masse. En fait instituée à la lumière de
la situation dramatique de l’entre-deux-guerres, l’indemnisation du chômage n’eut qu’un rôle
mineur tant que l’économie évoluait en suremploi puis au quasi-plein emploi : sa viabilité
financière semblait assurée. Lorsque se grippe la croissance fordiste et que les tendances de
l’emploi divergent par rapport à celle de la population active, apparaît la nécessité de relever
les taux de cotisation correspondants. Dans les systèmes bismarckiens peut s’amorcer un
cercle vicieux dans lequel le renchérissement du coût salarial pénalise à son tour l’emploi.
D’où la multiplication des propositions de réforme, selon une logique que l’on retrouve dans
nombre d’autres régimes, par exemple l’assurance-maladie. C’est ce processus qui conduit à
l’invention de la C.S.G. qui marque une inflexion significative dans le financement de la
sécurité sociale en France. C’est en quelque sorte une hybridation entre des sources
beveridgienne et bismarckienne de financement.
Bref, il faut concevoir la crise de l’État du Bien-être non comme l’expression d’un écart,
malencontreux et transitoire, par rapport à une configuration optimale immuable, mais comme
s’inscrivant dans une évolution de longue période. Ce fil directeur est utile dans l’analyse de
deux des successeurs possibles aux configurations des SNPS hérités de la période de forte
croissance.
DEUX RECONFIGURATIONS DE LA COUVERTURE SOCIALE
Ce n’est pas sans nombre de tâtonnements et d’essais et d’erreurs qu’ont fini par se
dégager deux configurations. Si dans les années quatre-vingt-dix, c’est le modèle du workfare
anglo-américain qui tend à s’imposer, depuis le début de la présente décennie, il coexiste avec
une autre conception qualifiée par certains auteurs d’État social actif (Vielle & al., 2005),
mais c’est sans doute la configuration danoise de la flexicurité (Barbier, 2005 ; Boyer, 2006)
qui a le plus retenu l’attention des analystes, y compris des organisations internationales qui
tendaient, auparavant, à privilégier une approche beaucoup plus défensive de la flexibilité
(OCDE, 2004).
L’apparent triomphe du workfare
Par rapport à l’époque des trente glorieuses, le contexte intellectuel qui sert de cadre aux
réformes des SNPS a radicalement changé, comme le montre une comparaison terme à terme
des argumentaires respectifs (figures 4 et 5). À l’issue de la seconde guerre mondiale, les
systèmes d’indemnisation du chômage sont bâtis sur l’idée que ce dernier résulte
essentiellement d’un risque macroéconomique qui dépasse largement la volonté et le pouvoir
d’adaptation des individus. Par contraste, les théoriciens contemporains insistent sur les
aspects proprement microéconomiques du chômage, lié par exemple à un système
d’incitations inadapté ou incohérent. En conséquence, l’universalisme présidait à la
conception des États du bien-être car l’organisation de la société elle-même et la politique
économique supposaient une responsabilité collective. À l’opposé les nouveaux dispositifs
introduits à partir du milieu des années quatre-vingt retiennent des actions ciblées et tendent à
invoquer des responsabilités individuelles, par exemple liées l’accoutumance au chômage et à
la dépendance par rapport à l’aide publique. On diagnostique une césure équivalente
concernant les relations entre les politiques sociales et le marché du travail. Dans le premier
cas, il appartenait aux interventions publiques et à la couverture sociale de corriger les failles
du marché, dans le second, le propos explicite ou implicite est de limiter un budget social,
réputé inefficace, grâce à l’activation de fortes incitations de marché. Enfin, comme le
chômage était supposé transitoire, dans les années de forte croissance le traitement du
chômage passait essentiellement par l’organisation de transferts monétaires compensatoires
afin d’éviter que les chômeurs ne tombent dans la pauvreté. Depuis une décennie au contraire,
la réduction de la générosité de l’indemnisation de l’inactivité est perçue comme une nécessité
pour favoriser l’intégration par le travail.
En définitive, les configurations respectives du welfare et du workfare font appel à des
complémentarités organisationnelles et institutionnelles complètement différentes (figures 4
et 5, déjà citées). Dans le domaine des idées donc, la crise du welfare est consommée et de
nouveaux principes canoniques tendent à se diffuser bien au-delà des pays qui ont adopté la
voie conservatrice en faveur de réformes radicales du welfare. Pour autant, l’analyse de
l’évolution des dépenses sociales par grandes catégories de risque est loin de confirmer la
généralité et la puissance du workfare. Certes, la plupart des réformes font effectivement
référence à ce modèle, mais compte tenu des traditions nationales, du style des relations
professionnelles et du plus ou moins grand interventionnisme de l’État les SNPS sont loin de
converger (André, 2002 ; 2006).
Figure 4 – Les complémentarités du welfare
Responsabilité
sociale /
Universalisme
Un risque
essentiellement
macroéconomique
Corriger les
failles du
marché par le
budget social
Transferts
monétaires
compensatoires
Figure 5 – Les complémentarités du workfare
Responsabilité
individuelle /
Actions ciblées
Limiter le budget
social grâce aux
incitations du
marché
Un risque
microéconomique
Intégration
dans/par le
travail
Le contre-exemple de la flexicurité
À la fin des années quatre-vingt-dix, le modèle anglo-américain du workfare était
devenu la référence par rapport à laquelle se mesurait la performance des autres SNPS. Or les
années 2000 ont été marquées par l’apparition d’une anomalie majeure. En effet, il est un
pays, largement ouvert à la concurrence internationale, dont la fiscalité et les cotisations
sociales absorbent près de la moitié du PIB, qui indemnise à 90 % pour près de 4 ans ses
chômeurs les plus défavorisés. Le taux de syndicalisation approche les 80 %, l’emploi public
représente près du tiers de l’emploi total et le pays n’est pas spécialisé dans les hautes
technologies. Les conditions de l’échec semblent réunies. Or, le taux d’emploi y est l’un des
plus élevés au monde, le chômage largement inférieur à la moyenne européenne, le niveau de
vie approche celui des États-Unis et il progresse au même rythme que la moyenne des pays de
l’OCDE. Ce pays n’est autre que le Danemark et l’on comprend qu’il ait retenu l’attention des
analystes comme des décideurs politiques (Boyer, 2006).
L’analyse de ce modèle fait l’objet de la contribution de Jean-Claude Barbier au présent
ouvrage (chapitre 46), de sorte qu’il suffit de limiter les présents développements à l’essentiel.
Au cœur de ce « modèle », se trouvent le rejet d’une protection durable des emplois existants
et l’adoption d’une stratégie favorisant au contraire la rapidité du redéploiement de la maind’œuvre entre entreprises. Cette flexibilité numérique est la conséquence de la législation, la
moins contraignante de tous les pays européens en matière de protection légale de l’emploi.
Comment faire accepter aux intéressés cette réallocation permanente et l’incertitude qui lui est
associée ? La générosité de l’indemnisation du chômage remplit cette fonction car elle assure
que l’état de chômeur ne correspond pas à une paupérisation et elle lève ainsi une partie de
l’incertitude salariale, celle qui a trait au revenu. C’est la fonction de la sévérité du contrôle
de la disponibilité des chercheurs d’emploi que de limiter un allongement « indu » de la
période de chômage. De plus, après une période initiale qui a été réduite de 4 à 1 année, le
chômeur est tenu d’accepter un emploi, même s’il ne correspond pas à sa fonction antérieure
et s’il implique une baisse du revenu. Entre-temps, il a en général suivi une formation lui,
permettant de s’adapter aux nouveaux emplois caractérisés par un revenu supérieur à celui de
l’emploi détruit.
On peut parler de complémentarité institutionnelle, puisque la fonction de réallocation
du travail n’est assurée qu’à travers la conjonction de trois dispositifs – le droit du travail, la
couverture sociale et une politique d’emploi active – régissant les relations des trois acteurs :
les entreprises, les salariés et l’État (cf. chapitre 46, schéma 1). Les bénéfices de cette
configuration – plus grande réactivité et croissance de la productivité - sont ensuite partagés
entre ces mêmes acteurs, selon leurs propres objectifs : la survie et la profitabilité des firmes
grâce à leur compétitivité, la sécurité du revenu pour les salariés, la capacité de prélèvements
obligatoires pour l’État.
La solidarité maintenue : la flexicurité n’est pas un workfare déguisé
Le workfare s’entend comme une stratégie visant, pour l’essentiel, à réduire la part des
budgets sociaux grâce à une baisse générale des normes antérieures et l’institution d’une série
d’incitations faisant sentir aux salariés la pression à l’acceptation d’un emploi quel qu’il soit.
Fondamentalement, les gouvernements comptent sur le renforcement du rôle des marchés
pour que les individus exercent des choix les plus favorables à l’emploi, dans un contexte où
les indemnités de chômage sont réduites et limitées dans le temps. En ce sens, il s’agit d’une
re-marchandisation de la relation salariale, dès lors que l’individu ne peut plus compter sur le
soutien d’un revenu assuré indépendamment de l’exercice d’une activité.
La flexicurité vise à améliorer l’efficacité des politiques d’emploi sans nécessairement
impliquer une réduction drastique de la part des dépenses sociales. En effet, dans sa variante
danoise par exemple, les contraintes à l’embauche et au licenciement sont réduites, voire
complètement supprimées, ce qui s’inscrit effectivement dans la logique d’un modèle de
relations professionnelles dans lequel les entreprises sont dominantes. Par contre, les
allocations de chômage sont maintenues à un niveau élevé car le but est aussi d’éliminer la
pauvreté des chômeurs, source d’accentuation des inégalités. De la même façon, alors que
dans le workfare anglo-saxon le choix de la formation est laissé aux individus, la flexicurité
déploie en général une politique active de formation des individus. Ainsi la solidarité sociale
est maintenue à travers des dispositifs collectifs et non pas seulement marchands.
Les complémentarités sont donc différentes de celles que recherche le workfare, ce qui
permet de distinguer entre diverses variantes d’adaptation à un même changement d’époque,
voire à la coexistence de deux paradigmes, en particulier de différentes configurations pour
les SNPS et politiques d’emploi. Il suffit à cet égard de comparer les États-Unis avec le
Danemark ou encore le Royaume-Uni avec la Suède, pour s’apercevoir que les systèmes sont
loin d’être équivalents, même si tous marquent une rupture par rapport à l’héritage du New
Deal et de l’après seconde guerre mondiale.
Référence de l’Agenda de Lisbonne, mais modèle sous tension
La première moitié des années 2000 livre un début de réponse puisqu’on dispose de divers
bilans du résultat de la stratégie de Lisbonne qui en 2000 proposait aux États membres de
l’Union Européenne de faire du vieux continent l’économie la plus compétitive et innovante
du monde tout en préservant, en la réformant, une solidarité sociale étendue. Encouragement
de l’innovation, politique de formation tout au long de la vie, relèvement du taux d’emploi
global et réforme, et dans certains cas extension de la couverture sociale, désignaient autant
d’objectifs qui ne sont pas sans rappeler les composantes du modèle danois. En fait les
résultats à mi-parcours sont décevants : l’Europe dans son ensemble et les pays tels que
l’Allemagne, la France et l’Italie en particulier sont loin d’avoir suivi les traces des pays
sociaux démocrates dans la construction des institutions qui permettraient de concilier
économie de la connaissance et de l’apprentissage avec la rénovation du modèle européen de
solidarité sociale (Kok, 2004 ; Pisani, Sapir, 2006). Ce, en dépit d’appréciations plus
favorables par certains des potentialités de la méthode de coopération ouverte qui a été
mobilisée pour la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne (Zeitlin et Trubeck (dir.), 2003 ;
Zeitlin, Pochet, 2005). Il n’est dès lors pas si facile de s’inspirer du modèle danois.
Mais cette difficulté se double d’un second paradoxe : nombre de responsables
Européens érigent au rang de norme et idéal une configuration institutionnelle au moment
même elle est à nouveau soumise à de fortes tensions qui font douter certains danois de la
résilience de la fléxicurité face aux évolutions récentes et plus encore celles qui sont
attendues. Les difficultés d’insertion des immigrés dans les politiques actives d’emploi
suscitent tant des réactions xénophobes que le questionnement de la légitimité d’un accès à
une généreuse solidarité nationale. La volonté de relever encore le taux d’emploi pour faire
face au vieillissement de la population risque de se heurter à l’effet dissuasif de l’ampleur des
prélèvements obligatoires requis pour soutenir la large fraction de la population – près du
quart – dont les revenus proviennent presque exclusivement de la solidarité. D’où
l’impression que d’un point de vue macroéconomique, l’économie danoise se trouve sur le fil
du rasoir. Il ressort aussi que la performance du système éducatif, tant secondaire
qu’universitaire, n’est pas à la hauteur des sommes investies, lacune préjudiciable pour une
société qui mise tant sur la capacité d’apprentissage des individus comme ressort de sa
croissance. On peut aussi s’interroger sur la résistance du réseau de PME danois face à une
explosion du coût de l’innovation et plus encore aux conséquences de la concentration des
entreprises à l’échelle multinationale sous l’effet de la globalisation financière. Enfin un
rapport de la commission sur la réforme de la couverture sociale, rendu public en
décembre 2005, propose entre autres une réduction de la durée maximale des allocations
chômage, soit une possible remise en cause de l’un des piliers de la flexicurité !
« Modèle » admiré à l’étranger, mais incertain au Danemark ! Ainsi la configuration qui
a émergé des réformes entreprises en 1993 est aujourd’hui sous pression moins du fait de la
mondialisation que des tensions sociales liées entre autres à l’immigration et aux tentations de
sa remise en cause par une coalition gouvernementale composée de libéraux, conservateurs et
populistes.
LES REFORMES DE LA COUVERTURE SOCIALE EN FRANCE : DU BON USAGE
DES « MODELES »
En tout état de cause, les analyses précédentes font ressortir deux enseignements qui
dépassent le seul cas danois. D’abord la possibilité d’une synergie entre solidarité sociale
forte et dynamisme économique n’a pas disparu avec la crise du mode de croissance fordiste
et des Welfare bismarckiens ou beveridgiens qui lui étaient associés. Ensuite et surtout dans le
contexte des années 2000, la viabilité d’un SNPS ne tient pas seulement à la compatibilité des
incitations qu’il oriente, mais tout autant à sa complémentarité par rapport aux formes
institutionnelles qui façonnent le régime de croissance : le rapport salarial, le degré et la
nature de la concurrence et les compromis institutionnalisés au titre des relations Étatéconomie. Armé de cette grille de lecture, il est possible d’éclairer certaines des difficultés
que rencontrent en France les réformes de la couverture sociale.
Copier l’intégralité des institutions danoises : mission impossible !
De fait, la configuration institutionnelle qui a conduit à l’émergence du modèle danois
est très particulière et se distingue fortement de la trajectoire française. Le Danemark s’inscrit
en effet dans une tradition quasiment séculaire de recherche d’un compromis entre des intérêts
différents, voire contradictoires, en particulier ceux des entreprises et des salariés, à l’opposé
des explosions sociales et des basculements du rapport de force qui traversent l’histoire
française. Le fait que le pouvoir soit clairement partagé entre le gouvernement et les
partenaires sociaux n’est pas sans influence sur la gestion attentive, et de plus en plus
décentralisée, de la flexicurité. Rien de tel en France, pays caractérisé par un permanent
chassé-croisé des responsabilités au gré des échéances électorales et des préférences
idéologiques et un goût marqué pour la centralisation au-delà des efforts de déconcentration,
souvent motivés par des préoccupations assez opportunistes de présentation des comptes
publics.
La densité des interactions entre les acteurs de la vie économique et politique est une
condition permissive importante de la construction de la confiance dans les actions du
gouvernement danois. On n’observe pas en France un degré de civisme équivalent encore
moins un lien communautaire aussi intense qu’au Danemark (Algan et Cahuc 2005), puisque
dans ce pays il rassemble l’ensemble de la population, à l’exception notable des immigrés De
plus, les particularités du système éducatif qui s’inscrivent elles aussi dans une tradition
séculaire et celles du système productif caractérisé par le dynamisme de PME tant
industrielles que tertiaires, sont deux composantes essentielles dans l’explication de
l’acceptation de la mobilité par les salariés. En France, l’impératif de sélection attribué à
l’école passe souvent avant la dotation de toute la population des capacités requises pour
opérer efficacement et de façon autonome dans un monde appelé à changer tout au long de la
carrière professionnelle. Dernière particularité danoise, le pragmatisme dans le réglage fin des
politiques actives d’emploi mérite d’être souligné. Il s’oppose aux fortes préférences
doctrinales qui marquent en France la formation des politiques économiques, même si ce trait
s’est quelque peu atténué.
Hybridation plus qu’imitation
Faut-il en conclure que la flexicurité est sans intérêt pour ce pays ? Pas nécessairement
dès lors que l’on adopte une approche moins naïve de ce qu’est un « modèle ». Ce terme porte
en lui le danger d’assimiler une configuration institutionnelle complexe - composée de formes
institutionnelles, d’organisations, de normes, de conventions et de règles, bref d’un
enchevêtrement de relations sociales, politiques et économiques entre les acteurs - à un
produit si ce n’est standardisé, tout au moins aux caractéristiques aisément reproductibles par
l’ingénierie sociale dont seraient dotés les gouvernements. On n’observe rien de tel dans les
sociétés contemporaines, d’autant plus qu’opèrent en leur sein simultanément un
approfondissement de la division du travail et une sophistication croissante des organisations,
des contrats, des relations sociales et économiques.
Si donc les gouvernements se proposaient d’importer l’ensemble de ces caractéristiques,
l’histoire des « modèles », successivement rhénan, japonais, américain, suggère que la copie
conforme d’une quelconque architecture institutionnelle est hors de portée, car l’hybridation
entre de nouveaux principes, qui ont montré leur pertinence ailleurs, et l’inscription dans une
trajectoire locale est la règle. On peut par contre rechercher les équivalents fonctionnels de ce
qui fait le succès de ce modèle et réformer en conséquence les institutions et formes
d’organisations existantes pour tenter de faire émerger les enchaînements vertueux
correspondants. Dans cette optique, quelques espoirs sont permis. C’est à la lumière de ce
principe que s’éclaire la difficulté des « réformes structurelles » en France. En fait, le
capitalisme français est un hybride entre le modèle méditerranéen en matière de protection de
l’emploi et social-démocrate en termes de couverture sociale (Amable, 2003), ce qui est
rarement reconnu. De plus, la stratégie des gouvernements hésite en permanence entre une
adhésion implicite à une flexibilité de marché et l’invocation, souvent rhétorique, d’un
modèle social européen idéal, qui n’est plus celui que représente l’Allemagne mais qui en fait
doit beaucoup au modèle social-démocrate scandinave. Or, en l’absence d’un compromis fort
sur un noyau dur garantissant une forme de sécurité des salariés, tout porte à croire que la
flexibilité de marché est un attracteur puissant, même si diverses mesures transitoires tendent
à freiner la vitesse de transformation en direction de cette configuration. Ce qui peut expliquer
la vigueur des protestations contre les tentatives – souvent maladroites et parfois non
pertinentes – de réforme de la couverture sociale – les retraites – et du droit du travail – le
CPE.
Savoir détecter la diversité des formes nationales de la flexicurité
Il est une autre raison pour considérer que l’échec des réformes de la couverture sociale
n’est pas une fatalité puisque les comparaisons internationales montrent la variété des formes
de la flexicurité au-delà même de la polarisation des analystes sur le seul cas danois. Au
Japon, dans le secteur exposé à la concurrence internationale, c’est la permanence de la
relation d’emploi qui est le compromis de base à partir duquel il est possible d’ajuster les
horaires, le salaire, la mobilité des salariés d’un poste de travail à l’autre. Quant au secteur
abrité, une myriade de types de contrat permet de rendre compatibles les formes de flexibilité
recherchées respectivement par les entreprises, surtout de service, et les différentes catégories
de salariés (étudiants, mères de famille, retraités,...). Aux États-Unis, la politique économique
vise un compromis équilibré entre stabilité monétaire et croissance, de sorte que la proximité
du plein-emploi fait accepter aux salariés une forte mobilité, même sans couverture sociale
étendue. Traditionnellement en France, c’était la stabilité de l’emploi et l’idéal de carrière
salariale dans les marchés internes du travail qui constituaient le compromis fondateur,
fortement institutionnalisé par le droit et les interventions publiques. Cette configuration a
montré ses limites tout au long des deux dernières décennies. Pour autant, cela n’invalide pas
la possible négociation d’un nouveau compromis qui garantirait une sécurisation des parcours
professionnels grâce à un redéploiement, progressif mais déterminé, des interventions
publiques et une nouvelle délimitation des responsabilités respectives de l’État et des
partenaires sociaux. Ce pourrait être la flexicurité à la française. Mais hélas si l’économie a
vocation à fournir un diagnostic, la politique de réforme institutionnelle demeure un art
d’exécution, spécialement difficile.
Évolution et réformes en France, ombres et lumières
Peut-on tenter de cerner les facteurs qui en France déterminent la possibilité d’une telle
bifurcation du système de solidarité ?
D’un côté les chercheurs de diverses disciplines des sciences sociales ont clairement mis
en évidence les changements intervenus en matière de mobilité du travail et d’évolution des
compétences tout au long du cycle de vie. Certains juristes ont proposé de redéfinir la sécurité
professionnelle par l’institutionnalisation de droits sociaux transférables et cumulables tout au
long d’une carrière (Supiot, 1999). De leur côté, des économistes proposaient de dépasser
l’opposition entre flexibilité externe et marché interne, en introduisant une troisième forme,
intermédiaire, celle des marchés transitionnels (Gazier, 2005). Pour leur part les syndicats,
tels la CFDT et la CGT, ont incorporé dans leurs analyses et revendications le changement
des formes de mobilité, car ils sont conscients qu’il appelait une reconstruction de la
couverture sociale comme du droit du travail. Enfin, les responsables politiques de divers
horizons ont rendu hommage aux mérites de la flexicurité danoise, suggérant que ce pourrait
être une référence dans l’élaboration de leur programme électoral. La conversion intellectuelle
semble donc en bonne voie, mais qu’en est-il des possibilités de mise en pratique ?
D’un autre côté en effet, le succès d’une telle réforme des objectifs et modalités de la
solidarité se heurte à nombre d’obstacles. D’abord la fragmentation de la représentation des
salariés favorise plus la compétition dans la défense des droits acquis et le blocage de
réformes mal conçues et pauvrement mises en œuvre, qu’elle n’incite à la négociation de
compromis novateurs qui pourraient avoir des effets redistributifs majeurs, et dont les
conséquences ultimes sont difficiles à anticiper complètement. Ensuite, la remise en cause
périodique de la ligne de partage entre le domaine de la loi et de l’accord entre partenaires
sociaux est peu propice à la construction de la confiance nécessaire à la recherche d’un
nouveau compromis institutionnalisé en matière de solidarité sociale. Enfin et surtout, la
stratégie de négociation que les gouvernements successifs ont adoptée pour réformer, tant le
rapport salarial hérité du fordisme que le SNPS, a consisté à sérialiser les enjeux quitte à
reporter, d’une sphère à l’autre, déséquilibres et conflits, sans surmonter la crise systémique
sous jacente. Bref la direction explorée depuis près de deux décennies est aux antipodes de la
stratégie d’internalisation des externalités qui est au cœur du succès des pays scandinaves. On
est donc loin de la volonté de synchronisation du droit, des politiques publiques, de la
couverture sociale et la fiscalité qui caractérise le « modèle » danois.
CONCLUSION
Il est néanmoins abusif de prolonger les déterminismes observés par le passé car les
périodes de crise sont précisément marquées par l’ouverture sur des alternatives, qui ex post
peuvent définir une nouvelle figure de la solidarité sociale. Trois facteurs sont a priori
favorables à une stratégie qui adapterait l’expérience social-démocrate aux spécificités
françaises. D’abord la relative diversité des variantes institutionnelles selon lesquelles elle se
décline dans les pays nordiques ouvre quelque espoir d’acclimatation. Ensuite tant la Suède
que la Finlande et le Danemark ont traversé des crises majeures qui ne sont pas sans rappeler
la trajectoire française. Enfin, c’est largement l’intensité des conflits et la sévérité des crises
que ces pays ont connues qui a amené les acteurs à innover, par exemple au titre des
politiques actives d’emploi, privilégiant la formation et l’incitation au travail au détriment
d’une simple indemnisation des chômeurs. À cette aune, l’ampleur des problèmes sociaux,
économiques et politiques qui se conjuguent aujourd’hui en France devrait être un puissant
stimulant à la capacité d’invention des acteurs.
En revanche, d’autres traits, outre ceux déjà mentionnés, tempèrent ce pronostic. La
passion française pour les débats manichéens (l’État ou le Marché ? Le gradualisme ou la
rupture ? La mondialisation ou le repli ? l’Europe contre le social ! ) n’est guère porteuse de
solutions mûries et du pragmatisme éclairé qui est au cœur des sociétés scandinaves. En outre
l’ampleur des incompréhensions à propos des changements – tant contraintes qu’opportunités
– apportés par la mondialisation, la construction européenne et le basculement de paradigme
productif, est un handicap majeur : la France est devenue une (relativement) petite économie
ouverte mais tous les acteurs n’ont pas pris encore la pleine mesure de ce changement
d’époque.
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