El burlador de Sevilla y el convidado de piedra (1630) - Histoire
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El burlador de Sevilla y el convidado de piedra (1630) - Histoire
El burlador de Sevilla y el convidado de piedra (1630) Tirso de Molina (1583-1648) Seudónimo de Fray Gabriel Téllez Jornada primera (En Nápoles, palacio real. Noche) Salen D. JUAN. TENORIO Y ISABELA, duquesa 35 ISABELA. Duque Octavio, por aquí podrás salir más seguro. D. JUAN. Duquesa, de nuevo os juro de cumplir el dulce sí. ISABELA. ¿Mis glorias serán verdades, promesas y ofrecimientos, regalos y cumplimientos, voluntades y amistades? D. JUAN. Sí, mi bien. ISABELA. Quiero sacar una luz. D. JUAN. Pues, ¿para qué? ISABELA. Para que el alma dé fe del bien que llego a gozar. D. JUAN. Mataréte la luz yo. ISABELA. ¡Ah, cielo! ¿Quién eres, hombre? D. JUAN. ¿Quién soy? Un hombre sin nombre. ISABELA. ¿Que no eres el duque? D. JUAN. No. ISABELA. ¡Ah de palacio! D. JUAN. Deténte; dame, duquesa, la mano. ISABELA. No me detengas, villano. ¡Ah, del rey! ¡Soldados, gente! Sale el rey de Nápoles con una vela en un candelero REY. ¿Qué es esto? ISABELA. ¡El rey! ¡Ay triste! 40 5 10 15 20 25 30 45 50 55 60 65 41 Première journée (Dans une salle du palais du roi de Naples. Nuit. Il n’y a pas de lumière) Entrent Don Juan Tenorio le visage caché jusqu'aux yeux et la duchesse Isabela. ISABELA. Duc Octavio, par ici tu pourras sortir plus sûrement. DON JUAN. Duchesse, je vous jure à nouveau de donner le doux consentement. ISABELA. Ainsi je serai vraiment heureuse, tes offres et tes serments, tes attentions, tes présents, ton amour et ton affection seront une certitude. DON JUAN. Oui, mon bien. ISABELA. Je vais allumer un flambeau. DON JUAN. Hé ! pourquoi ? ISABELA. Pour que mon cœur fasse paraître la joie qui me possède. DON JUAN. Je le soufflerai, ton flambeau ! ISABELA. Ah ! ciel ! Homme, qui est tu ? DON JUAN. Qui suis-je ? Un homme sans nom. ISABELA. N’es-tu donc pas le duc ? DON JUAN. Non. ISABELA. Ah ! Du palais ! DON JUAN. Arrête ! Donne-moi la main, duchesse. ISABELA. Lâche-moi, vilain ! Holà ! De par le roi !... A la garde ! Quelqu’un ! Entre le roi de Naples, avec une bougie dans un chandelier. LE ROI. Qu’y a-t-il ? ISABELA. Le roi ! Ah Misère ! Histoire des littératures hispaniques, ULB REY. ¿Quién eres? 70 D. JUAN. ¿Quién ha de ser? Un hombre y una mujer. REY. Esto en prudencia consiste. ¡Ah, de mi guarda! Prendé a este hombre. ISABELA. ¡Ay, perdido honor! 75 Sale D. PEDRO TENORIO, embajador de España, y GUARDA D. PEDRO. ¡En tu cuarto, gran señor, 80 voces! ¿Quién la causa fue? REY. Don Pedro Tenorio, a vos esta prisión os encargo. Siendo corto, andad vos largo: mirad quién son estos dos. 85 Y con secreto ha de ser, que algún mal suceso creo, porque si yo aquí lo veo no me queda más que ver. (Vase.) D. PEDRO. ¡Prendedle! 90 D. JUAN. ¿Quién ha de osar? Bien puedo perder la vida, mas ha de ir tan bien vendida, que a alguno le ha de pesar. D. PEDRO. ¡Matalde! 95 D. JUAN. ¿Quién os engaña? Resuelto en morir estoy, porque caballero soy del embajador de España. Llegue; que solo ha de ser 100 quien me rinda. D. PEDRO. Apartad; a ese cuarto os retirad todos con esa mujer. [Vanse.] Ya estamos solos los dos; 105 muestra aquí tu esfuerzo y brío. D. JUAN. Aunque tengo esfuerzo, tío, no le tengo para vos. D. PEDRO. ¡Di quién eres! D. JUAN. Ya lo digo: tu sobrino. 110 D. PEDRO. (¡Ay, corazón, que temo alguna traición!) ¿Qué es lo que has hecho enemigo? ¿Cómo estás de aquesa suerte? Dime presto lo que ha sido. 115 ¡Desobediente, atrevido! Estoy por darte la muerte. Acaba. D. JUAN. Tío y señor, mozo soy y mozo fuiste; 120 LE ROI. Qui est là ? DON JUAN. Qui veux-tu que ce soit ? Un homme et une femme. LE ROI. (à part). Cette affaire demande prudence. 125 (Haut.) Holà, ma garde ! Arrêtez cet homme ! ISABELA. Ah ! honneur perdu ! Entrent en scène Don Pedro Tenorio, 130 ambassadeur d'Espagne, et des gardes. 135 140 145 150 155 160 165 170 42 DON PEDRO. Dans tes appartements, grand roi, ces cris ! Qui en est la cause ? LE ROI. Don Pedro Tenorio, je vous charge de cette arrestation. En faisant vite, vous aurez une chance : voyez qui sont ces deux-là. Mais faites-le en secret, car je crains une sombre histoire. Pour ma part, ce que j’ai vu m’a suffi. [Il s'en va] DON PEDRO. Arrêtez le ! DON JUAN. Qui l'osera ? Je peux bien perdre la vie, mais elle sera si chèrement vendue que certains le regretteront. DON PEDRO. Tuez le ! DON JUAN. Qui vous aveugle ? Je suis prêt à mourir, car je suis gentilhomme de l'ambassadeur d'Espagne. Qu'il vienne ! Je ne me rendrai qu'à lui seul. DON PEDRO. Écartez-vous. Retirez-vous tous dans cette salle avec cette femme. (Isabela et les gardes s'en vont.) Nous voilà seuls tous les deux. Montre ici ton courage et ta valeur. DON JUAN. Je ne manque pas de courage, mais je n’en ai pas contre vous, mon oncle. DON PEDRO. Dis-moi qui tu es. DON JUAN. Je te l'ai déjà dit : ton neveu. DON PEDRO. (à part) Ah ! je pressens ici quelque trahison ! (Haut.) Mais qu'as-tu fait, démon ? Comment te trouves tu dans cette situation ? Dis-moi vite ce qui est arrivé. Rebelle ! Effronté ! J'ai envie de te donner la mort. Parle. DON JUAN. Mon oncle et seigneur, je suis jeune et tu l’as été aussi, et puisque tu as connu l'amour, pardonne le mien. Mais si tu m'obliges à dire la vérité, écoute et je te la Histoire des littératures hispaniques, ULB 175 180 185 190 195 200 205 210 215 220 y pues que de amor supiste, tenga disculpa mi amor. Y pues a decir me obligas la verdad, oye y diréla: yo engañe y gocé a Isabela la duquesa... D. PEDRO. No prosigas; tente. ¿Cómo la engañaste? Habla quedo y cierra el labio. D. JUAN. Fingí ser el duque Octavio. D. PEDRO. No digas más, calla, baste. [Ap.] (Perdido soy si el rey sabe este caso. ¿Qué he de hacer? Industria me ha de valer en un negocio tan grave.) Di, vil, ¿no bastó emprender con ira y con fuerza extraña tan gran traición en España con otra noble mujer, sino en Nápoles también y en el palacio real con mujer tan principal? ¡Castíguete el cielo, amén! Tu padre desde Castilla a Nápoles te envió, y en sus márgenes te dio tierra la espumosa orilla del mar de Italia, atendiendo que el haberte recebido pagaras agradecido, ¡y estás su honor ofendiendo y en tan principal mujer! Pero en aquesta ocasión nos daña la dilación; mira qué quieres hacer. D. JUAN. No quiero daros disculpa, que la habré de dar siniestra. Mi sangre es, señor, la vuestra; sacalda, y pague la culpa. A esos pies estoy rendido, y ésta es mi espada, señor. D. PEDRO. Álzate y muestra valor, que esa humildad me ha vencido. ¿Atreveráste a bajar por ese balcón? D. JUAN. Sí atrevo, que alas en tu favor llevo. D. PEDRO. Pues yo te quiero ayudar. Vete a Sicilia o Milán, donde vivas encubierto. D. JUAN. Luego me iré. D. PEDRO. ¿Cierto? D. JUAN. Cierto. D. PEDRO. Mis cartas te avisarán 225 230 235 240 245 250 255 260 265 270 43 dirai : j'ai dupé la duchesse Isabela, et je l’ai possédée… DON PEDRO. Ne poursuis pas, arrête ! Comment l'as-tu dupée ? Parle bas, ou tais-toi. DON JUAN. J'ai feint d'être le duc Octavio. DON PEDRO. N’en dis pas plus, tais-toi, assez ! [A part.] Je suis perdu, si le roi apprend cela ! Que faire ? Dans une affaire aussi grave, il me faut ruser. [Haut.] Dis-moi, scélérat, n'était ce pas assez de commettre en Espagne, avec une rage et une brutalité extrême, semblable traîtrise auprès d'une autre noble dame ? ...Non, il faut que tu recommences encore à Naples, et au palais royal, et envers une femme de si haut rang ! Que le Ciel te punisse, amen !... Ton père t’a envoyé de Castille à Naples, et sur son rivage, 1'écumeuse côte de la mer d'Italie t’a donné refuge, pensant que tu lui serais reconnaissant, et voici que tu offenses son honneur, sur une femme si noble !... Mais dans cette affaire, tout retard peut nous perdre. Dis-moi ce que tu comptes faire. DON JUAN. Je ne veux pas vous donner d’excuse car je devrais le faire de triste façon. Mon sang, seigneur, est le vôtre: versez le et qu'il paie ma faute. A vos pieds, je me rends. Voici mon épée, Seigneur. DON PEDRO. Relève toi et montre-toi courageux : ton humilité m'a vaincu. Oserais-tu descendre par ce balcon? DON JUAN. Oui, car ta faveur me donne des ailes. DON PEDRO. Alors, je veux t'aider. Pars pour la Sicile ou pour Milan, où tu vivras caché. DONJUAN. Je pars sans tarder. DON PEDRO. Vraiment ? DON JUAN. Vraiment. DON PEDRO. Mes lettres t’aviseront de la suite des tristes évènements dont tu es la cause. DON JUAN. (à part) Pour moi joyeux évènements, devrais-tu dire. (Haut.) J'ai eu tort, je l'avoue. DON PEDRO. C'est la jeunesse qui te leurre. Allez, saute par ce balcon. Histoire des littératures hispaniques, ULB 275 280 285 290 295 300 305 310 315 320 en qué para este suceso triste, que causado has. D. JUAN. [Ap. ] (Para mí alegre, dirás.) Que tuve culpa, confieso. D. PEDRO. Esa mocedad te engaña. Baja, pues, ese balcón. D. JUAN. [Ap.] (Con tan justa pretensión gozoso me parto a España.) Vase D. JUAN. y entra EL REY D. PEDRO. Ejecutando, señor, lo que mandó vuestra alteza, el hombre... REY. ¿Murió? D. PEDRO. Escapóse de las cuchillas soberbias. REY. ¿De qué forma? D. PEDRO. Desta forma: aun no lo mandaste apenas, cuando sin dar más disculpa, la espada en la mano aprieta, revuelve la capa al brazo, y con gallarda presteza, ofendiendo a los soldados y buscando su defensa, viendo vecina la muerte, por el balcón de la huerta se arroja desesperado. Siguióle con diligencia tu gente; cuando salieron por esa vecina puerta le hallaron agonizando como enroscada culebra. Levantóse, y al decir los soldados: «¡Muera, muera!», bañado de sangre el rostro, con tan heroica presteza se fue, que quedé confuso. La mujer, que es Isabela, -que para admirarte nombroretirada en esa pieza, dice que es el duque Octavio que con engaño y cautela la gozó. REY. ¿Qué dices? D. PEDRO. Digo lo que ella propia confiesa. REY. ¡Ah, pobre honor! Si eres alma del hombre, ¿por qué te dejan en la mujer inconstante, si es la misma ligereza? ¡Hola! [Sale un CRIADO] CRIADO. Gran señor. REY. Traed delante de mi presencia esa mujer. 325 330 335 340 345 350 355 360 365 370 44 DON JUAN. (à part) Avec de si beaux projets, je pars joyeux pour l'Espagne. [Il s'en va et entre le roi de Naples.] DON PEDRO. Je viens de faire exécuter grand roi, ta droite justice, l'homme... LE ROI. Est mort ? DON PEDRO. Il a échappé aux terribles épées. LE ROI. Comment ? DON PEDRO. Voici comment : à peine avais tu ordonné de l'arrêter que, sans autre excuse, il tire son épée, enroule la cape à son bras et, avec vaillance et adresse, il attaque les soldats. Cherchant à se défendre, voyant la mort prochaine, il s'est jeté désespéré par le balcon du jardin. Avec diligence, tes gens l'ont poursuivi, et quand ils sont sortis par la porte voisine, ils l’ont trouvé en train d’agoniser, lové comme un serpent. Comme les soldats criaient : « A mort ! A mort ! », il s’est relevé et le visage baigné de sang, il a disparu avec une si preste vaillance que j'en suis resté confondu. La femme, Isabela, que je nomme pour t'étonner, est enfermée dans cette pièce et dit que c’est le duc Octavio, qui par tromperie et ruse, la possédée. LE ROI. Que dis-tu ? DON PEDRO. Je dis ce qu'elle-même avoue. LE ROI. Ah ! pauvre honneur ! Si tu es l’âme de l’homme, Pourquoi te laisse-t-on dans les mains de la femme inconstante qui est la frivolité même ?... Holà ! Entre un serviteur. LE SERVITEUR Grand roi. LE ROI. Qu'on fasse venir cette femme devant moi. DON PEDRO. La garde arrive avec elle, grand roi. La garde amène Isabela. ISABELA. (à part) De quelle humeur vais-je trouver le roi ? LE ROI. Allez-vous-en, et gardez la porte de cette salle. (Le serviteur et la garde se retirent) Dis, femme, quelle rigueur, quelle furieuse étoile t’ont incitée à profaner, avec orgueil et beauté, le seuil de mon palais ? ISABELA. Sire… Histoire des littératures hispaniques, ULB 375 D. PEDRO. Ya la guardia viene, gran señor, con ella. [Trae la guarda a ISABELA] ISABELA. ¿Con qué ojos veré al rey? REY. Idos y guardad la puerta de esa cuadra. Di, mujer, ¿qué rigor, qué airada 380 estrella te incitó, que en mi palacio, con hermosura y soberbia, profanases sus umbrales? ISABELA. Señor... REY. Calla, que la lengua no podrá dorar el 385 yerro que has cometido en mi ofensa. ¿Aquél era el duque Octavio? ISABELA. Señor... REY. No importan fuerzas, guardas, criados, murallas, 390 fortalecidas almenas para amor, que la de un niño hasta los muros penetra. Don Pedro Tenorio, al punto a esa mujer llevad presa 395 a una torre, y con secreto haced que al duque le prendan, que quiero hacer que le cumpla la palabra o la promesa. ISABELA. Gran señor, volvedme el rostro. 400 REY. Ofensa a mi espalda hecha, es justicia y es razón castigalla a espaldas vueltas. (Vase EL REY.) D. PEDRO. Vamos, duquesa. 405 ISABELA. Mi culpa no hay disculpa que la venza, mas no será el yerro tanto si el duque Octavio lo enmienda. (Vanse, y sale EL DUQUE OCTAVIO y 410 RIPIO, su criado RIPIO. ¿Tan de mañana, señor, te levantas? OCTAVIO. No hay sosiego que pueda apagar el fuego 415 que enciende en mi alma amor. Porque, como al fin es niño, no apetece cama blanda, entre regalada holanda, cubierta de blanco armiño. 420 Acuéstase, no sosiega, siempre quiere madrugar por levantarse a jugar, que al fin como niño juega. Pensamientos de Isabela 425 me tienen, amigo, en calma, 430 435 440 445 450 455 460 465 470 475 45 LE ROI. Tais-toi. La langue ne saurait dorer l'erreur que tu as commise en m’offensant. Cet homme était-il le duc Octavio ? ISABELA. Sire… LE ROI. Qu’importe les gardes, les valets, les murailles fortifiées, les créneaux pour l’amour, si même ses forces d’enfant viennent à bout de ces défenses ! Don Pedro Tenorio, conduisez immédiatement cette femme dans une tour, prisonnière, et en secret, faites que le duc soit arrêté. Je veux qu’il tienne parole ou son engagement. ISABELA. Grand roi, tournez vers moi votre visage. LE ROI. Pour une offense faite dans mon dos, il n'est que justice et raison de la punir le dos tourné. (Le roi s'en va.) DON PEDRO. Allons, duchesse. ISABELA. (à part). Ma faute, nulle excuse ne peut la réparer, mais le mal, après tout n'est pas si grave, s'il est réparé des mains du duc Octavio. (Ils s'en vont.) (Dans une salle du palais du duc Octavio, à Naples.) Entrent le duc Octavio et Ripio, son valet. RIPIO. Debout de si bonne heure, Mon Maître ? OCTAVIO. Il n'est point de repos qui puisse éteindre le brasier que l'amour attise dans mon âme. Il est enfant, et ne désire pas de couche moelleuse, en fine toile de Hollande couverte de blanche hermine. Il s'étend sans trouver de repos. Toujours il veut se lever à l’aube pour aller jouer, car enfin, il aime jouer comme un enfant. La pensée d’Isabela, mon ami, me paralyse, et comme elle habite mon cœur, mon corps ne trouve jamais de sommeil : il garde, dans l'absence comme dans la présence, le château de l'honneur. RIPIO. Pardonne moi, mais ton amour me semble bien mal avisé. OCTAVIO. Que dis tu, pauvre idiot ? RIPIO. Je dis qu'il est mal d'aimer comme tu aimes. Veux-tu m'écouter ? OCTAVIO. Va, continue. RIPIO. Je continue. Est ce qu’Isabela t'aime ? OCTAVIO. De cela peux-tu douter, idiot ? Histoire des littératures hispaniques, ULB 480 485 490 495 500 505 510 515 520 525 que como vive en el alma anda el cuerpo siempre en vela, guardando ausente y presente el castillo del honor. RIPIO. Perdóname, que tu amor es amor impertinente. OCTAVIO. ¿Qué dices necio? RIPIO. Esto digo: impertinencia es amar como amas. ¿Quies escuchar? OCTAVIO. Ea, prosigue. RIPIO. Ya prosigo. ¿Quiérete Isabela a ti? OCTAVIO. ¿Eso, necio, has de dudar? RIPIO. No, mas quiero preguntar: ¿y tú, no la quieres? OCTAVIO. Sí RIPIO. Pues, ¿no seré majadero, y de solar conocido, si pierdo yo mi sentido por quien me quiere y la quiero? Si ella a ti no te quisiera, fuera bien el porfialla, regalalla y adoralla, y aguardar que se rindiera; mas si los dos os queréis con una mesma igualdad, dime, ¿hay más dificultad de que luego os deposéis? OCTAVIO. Eso fuera, necio, a ser de lacayo o lavandera la boda. RIPIO. Pues ¿es quienquiera una lavandriz mujer, lavando y fregatrizando, defendiendo y ofendiendo, los paños suyos tendiendo, regalando y remendando? Dando dije, porque al dar no hay cosa que se le iguale; y si no, a Isabela dale, a ver si sabe tomar. [Sale un CRIADO] CRIADO. El embajador de España en este punto se apea en el zaguán, y desea, con ira y fiereza estraña, hablarte, y si no entendí yo mal, entiendo es prisión. OCTAVIO. ¿Prisión? Pues, ¿por qué ocasión? Decid que entre. Entra D. PEDRO TENORIO con guardas 530 535 540 545 550 555 560 565 570 575 46 RIPIO. Non, mais je veux demander. Et toi, ne l'aimes tu pas ? OCTAVIO. Si. RIPIO. Eh bien, ne serais-je pas idiot de père en fils, si je perdais l'esprit pour qui m'aime et que j'aime ? Si elle ne t’aimait pas, il serait bien de lui montrer ta constance, de la combler, de l'adorer, en attendant sa reddition. Mais si tous deux, vous vous aimez d’un amour égal et partagé, dis-moi, quelle est la difficulté pour que, sans plus attendre, vous vous épousiez ? OCTAVIO. Pauvre sot, cela serait possible s'il s'agissait des noces d'un laquais ou d’une lavandière. RIPIO. Hé ! tiendrais tu pour rien la lavandière, qui lave, frotte et bat son linge, l’étend et le ravaude avec soin ? Donne-toi, disais-je - car rien ne vaut le don - et en te donnant à Isabela, tu verras si elle sait prendre. [Entre un valet.] LE VALET. L'Ambassadeur d'Espagne met à l’instant, pied-à-terre, dans le vestibule, et il veut te parler, avec une rage et une fureur étranges ; et si je n’ai pas mal compris, il s’agit de prison. OCTAVIO. De prison ! Mais pour quelle raison ? Dites lui d’entrer. Entre Don Pedro Tenorio, avec des gardes. DON PEDRO. Qui dort aussi paisiblement que vous, a la conscience tranquille. OCTAVIO. Lorsque votre Excellence vient m'honorer de sa faveur, il n'est pas juste que je dorme. Je veillerai ma vie entière. Dans quel but, et quelle est la raison de cette visite ? DON PEDRO. Parce que le roi m’a envoyé ici. OCTAVIO. Si mon Maître le roi se souvient de moi dans cette occasion, il sera juste et raisonnable que pour lui je perde la vie. Mais dites moi, Monsieur, par quelle bonne fortune ou quelle heureuse étoile, le roi s'est-il souvenu de moi ? DON PEDRO. Duc, ce fut pour votre malheur. Je suis ambassadeur du roi, de lui je vous porte une ambassade. OCTAVIO. Marquis, je suis sans inquiétude. Parlez : je vous écoute. Histoire des littératures hispaniques, ULB 580 585 590 595 600 605 610 615 620 625 D. PEDRO. Quien así con tanto descuido duerme limpia tiene la conciencia. OCTAVIO. Cuando viene vuexcelencia a honrarme y favorecerme, no es justo que duerma yo; velaré toda mi vida. ¿A qué y por qué es la venida? D. PEDRO. Porque aquí el rey me envió. OCTAVIO. Si el rey, mi señor, se acuerda de mí en aquesta ocasión, será justicia y razón que por él la vida pierda. Decidme, señor, ¿qué dicha o qué estrella me ha guiado, que de mí el rey se ha acordado? D. PEDRO. Fue, duque, vuestra desdicha. Embajador del rey soy; dél os traigo una embajada. OCTAVIO. Marqués, no me inquieta nada; decid, que aguardando estoy. D. PEDRO. A prenderos me ha enviado el rey; no os alborotéis. OCTAVIO. ¡Vos por el rey me prendéis! Pues, ¿en qué he sido culpado? D. PEDRO. Mejor lo sabéis que yo; mas, por si acaso me engaño, escuchad el desengaño y a lo que el rey me envió. Cuando los negros gigantes, plegando funestos toldos, ya del crepúsculo huyen tropezando unos con otros, estando yo con su alteza tratando ciertos negocios -porque antípodas del sol son siempre los poderosos-, voces de mujer oímos, cuyos ecos, menos roncos por los artesones sacros, nos repitieron «¡Socorro!». A las voces y al ruido acudió, duque, el rey propio; halló a Isabela en los brazos de algún hombre poderoso; mas quien al cielo se atreve, sin duda es gigante o monstruo. Mandó el rey que los prendiera; quedé con el hombre solo, llegué y quise desarmalle; pero pienso que el demonio en él tomó forma humana, 630 DON PEDRO. Le roi m’a envoyé vous arrêter. Ne vous emportez pas. OCTAVIO. Vous m'arrêtez au nom du roi. Mais de quoi suis-je coupable ? DON PEDRO. Vous le savez bien mieux 635 que moi. Mais si par hasard je me trompe, écoutez et soyez détrompé ; voici pourquoi le roi m'a envoyé. Quand les noirs géants, pliant leurs dais funestes, fuyaient devant l'aurore et se bousculaient entre eux, je me 640 trouvais auprès de son Altesse, traitant quelques affaires, car toujours les puissants sont du soleil les antipodes, nous perçûmes des cris de femme dont les sons amplifiés par les caissons des plafonds 645 nous répétaient : “ Au secours ! '' A l'écho de ces cris, duc, le roi lui-même accourut, et trouva Isabela dans les bras d'un homme très vigoureux. Mais qui défie ainsi le Ciel ne peut être que 650 monstre ou géant. Le roi m’ordonna de les arrêter ; je restai seul face à face avec l'homme, je m'approchai de lui, voulu le désarmer, mais je crois que le démon prit en lui forme humaine, car, se changeant en 655 fumée et poussière, il se jeta par le balcon entre les pieds de ces ormeaux qui couronnent le palais de leurs beaux chapiteaux. Je fis arrêter la duchesse, et devant tout le monde, elle dit que le duc 660 Octavio, en lui donnant sa main d'époux, venait de la posséder. OCTAVIO. Que dis tu ? DON PEDRO. Je dis ce qui est déjà pour tous un fait notoire et que l'on sait trop 665 clairement : qu’Isabela de mille façons … OCTAVE. Laissez moi ! Ne me dites pas qu’Isabela a commis semblable trahison!... Ah !... Mais si son honneur n’était que ruse ?... 670 Poursuivez !... Pourquoi vous taisez vous ?... Vous me versez un poison qui touche un cœur solide, mais qui me contraint de parler, à la façon de la belette qui conçoit par l'oreille et met bas par la gueule... 675 Serait-il vrai qu'Isabela, mon cœur, m'ait oublié au point de me donner la mort ?... Eh ! oui, car le bien sonne et le mal vole. Mon cœur ne peut plus juger si ce sont là de vaines craintes et, pour me mettre plus 680 en colère, ce qui par l’oreille est entré, ce 47 Histoire des littératures hispaniques, ULB 685 690 695 700 705 710 715 720 725 730 pues que, vuelto en humo y polvo, se arrojó por los balcones, entre los pies de esos olmos que coronan del palacio los chapiteles hermosos. Hice prender la duquesa y en la presencia de todos dice que es el duque Octavio el que con mano de esposo la gozó. OCTAVIO. ¿Qué dices? D. PEDRO. Digo lo que al mundo es ya notorio y que tan claro se sabe: que Isabela por mil modos... OCTAVIO. Dejadme, no me digáis tan gran traición de Isabela. Mas si fue su amor cautela, proseguid, ¿por qué calláis? Mas si veneno me dais, que a un firme corazón toca, y así a decir me provoca, que imita a la comadreja, que concibe por la oreja para parir por la boca. ¿Será verdad que Isabela, alma, se olvidó de mí para darme muerte? Sí; que el bien suena y el mal vuela. Ya el pecho nada recela juzgando si son antojos; que por darme más enojos, al entendimiento entró y por la oreja escuchó lo que acreditan los ojos. Señor marqués, ¿es posible que Isabela me ha engañado, y que mi amor ha burlado? ¡Parece cosa imposible! ¡Oh, mujer!¡Ley tan terrible de honor, a quien me provoco a emprender! Mas ya no toco en tu honor esta cautela. ¿Anoche con Isabela hombre en palacio?... ¡Estoy loco! D. PEDRO. Como es verdad que en los vientos hay aves, en el mar peces, que participan a veces de todos cuatro elementos, como en la gloria hay contentos, lealtad en el buen amigo, 735 740 745 750 755 760 765 770 que les yeux accréditent, est allé jusqu’à mon entendement. Monsieur le marquis, se peut-il qu’Isabela m’ait abusé, qu'elle se soit amusée de mon amour ?... Cela semble impossible !... Oh ! Femme, fausse pierre de l’honneur dont je veux encore éprouver l’aloi. Mais cette ruse, je ne l’estime plus à la pierre de ton honneur… Hier dans la nuit... Avec Isabela... Un homme au palais... Je deviens fou. DON PEDRO. Aussi vrai qu’il y a des oiseaux dans le vent, des poissons dans la mer qui participent ensemble aux quatre éléments, de même qu'il y a des joies dans la gloire, loyauté chez l’ami sûr et trahison chez l'ennemi, ombre durant la nuit et lumière dans le jour, ce que je dis est vrai ! OCTAVIO. Marquis, je veux vous croire. Il n’y a rien qui m’étonne, car la femme la plus constante reste toujours une femme. Je n'ai besoin d’en savoir plus: mon affront est évident. DON PEDRO. Puisque vous êtes prudent et sage, choisissez le meilleur remède. OCTAVIO. Partir est mon recours. DON PEDRO. Alors, faîtes vite, duc Octavio. OCTAVIO. Je veux m'embarquer pour l'Espagne et mettre un terme à mes malheurs. DON PEDRO. Par la porte du jardin, Duc, on peut échapper à la prison. OCTAVIO. Ah ! girouette ! Faible roseau ! Je sens croître ma colère et je touche à d'étranges contrées, afin de fuir cette traîtrise. Adieu, patrie ! Avec Isabela… Un homme... Au palais... Je deviens fou ! [Ils sortent.] (Sur la plage de Tarragona.) Entre Tisbea, pêcheuse, une canne à pêche à la main. 775 TISBEA. Moi parmi toutes celles dont la mer, sur son rivage, embrasse les pieds de jasmin et de rose avec ses vagues fugitives, seule épargnée par l’amour et 780 heureuse d’être seule, je me préserve orgueilleusement de ses liens insensés. 48 Histoire des littératures hispaniques, ULB 785 790 795 800 805 traición en el enemigo, en la noche escuridad y en el día claridad, así es verdad lo que digo. OCTAVIO. Marqués, yo os quiero creer. No hay cosa que me espante, que la mujer más constante es, en efeto, mujer. No me queda más que ver pues es patente mi agravio. D. PEDRO. Pues que sois prudente y sabio elegid el mejor medio. OCTAVIO. Ausentarme es mi remedio. D. PEDRO. Pues sea presto, duque Octavio. OCTAVIO. Embarcarme quiero a España y darle a mis males fin. D. PEDRO. Por la puerta del jardín, duque, esta prisión se engaña. OCTAVIO. ¡Ah, veleta! ¡Débil caña! A más furor me provoco y extrañas provincias toco huyendo desta cautela. ¡Patria, adiós! ¿Con Isabela hombre en palacio?... ¡Estoy loco! [Vanse todos] 810 [En la playa de Tarragona sale TISBEA, pescadora, con una caña de pescar en la mano] TISBEA. Yo, de cuantas el mar, pies de jazmín y rosa, 815 en sus riberas besa con fugitivas olas, sola de amor exenta, como en ventura sola, 820 Acto III [...] [Descúbrese un sepulcro de don GONZALO de Ulloa 825 DON JUAN. ¿Qué sepulcro es éste? CATALINON: Aquí don Gonzalo está enterrado. DON JUAN. Éste es a quien muerte di. Gran sepulcro le han labrado. 830 CATALINON: Ordenólo el rey ansí. ¿Cómo dice este letrero? DON JUAN. "Aquí aguarda del Señor el más leal caballero Acte III 835 [...] Ils découvrent un tombeau qui est celui de Don Gonzalo d'Ulloa. DON JUAN. Quel est ce sépulcre ? CATALINON. Ci-gît Don Gonzalo. 840 DON JUAN. C'est celui que j'ai tué…Quel grand sépulcre on lui a fait ! CATALINON. Le roi l’a ordonné ainsi. Que dit cette inscription ? DON JUAN. “C'est ici qu'attend du 845 Seigneur d’être vengé d’un traître, le gentilhomme le plus loyal”. L’épitaphe me fait bien rire ! (Il prend la statue par la barbe.) Alors, vous devez vous venger, bon vieux, barbe de pierre ? 850 CATALINON. Tu ne pourras pas l'épiler : il a la barbe dure. DON JUAN. Ce soir, je vous attends à dîner dans mon auberge. Nous nous défierons, si la vengeance vous agrée, 855 mais nous nous battrons bien mal, si votre épée est de pierre. [...] [Ils sortent.] [Une salle dans l'auberge à Seville où Don Juan est descendu] Deux valets mettent la 860 table. [...] [On frappe un coup dans les coulisses.] CATALINON. Ça, c'est un coup. DON JUAN. On a dû frapper à la porte, j'imagine. Va voir qui c'est. 865 [Le valet revient, comme s'il fuyait.] DON JUAN. Qui est-ce ? Pourquoi trembles-tu ? CATALINON. Il témoigne de quelque mal. DON JUAN. J'ai peine à maîtriser ma 870 colère ! Parle, réponds, qu'as-tu vu ? Un démon t'a-t-il effrayé ? Va, toi, et regarde à cette porte. Vite ! CATALINON. Moi ? DON JUAN. Oui, toi ! Finis-en, bouge-toi ! 875 CATALINON. On a trouvé morte ma grandmère, pendue comme une grappe, et depuis lors on raconte que son âme est toujours en peine. Ce coup-là ne me plaît guère. 880 DON JUAN. Finis-en. CATALINON. Mon Maître, puisque tu sais que je suis une Catherinette. [...] DON JUAN. Tu n'y vas pas ? 49 Histoire des littératures hispaniques, ULB 885 la venganza de un traidor". Del mote reírme quiero. Y, ¿habéis vos de vengar, buen viejo, barbas de piedra? CATALINON: No se las podrá pelar 890 quien barbas tan fuertes medra. DON JUAN. Aquesta noche a cenar os aguardo en mi posada; allí el desafío haremos, si la venganza os agrada, 895 aunque mal reñir podremos, si es de piedra vuestra espada. [...] Vanse don JUAN y CATALINON [En un mesón de Sevilla] 900 Ponen la mesa dos criados [...] [Un golpe dentro] CATALINON. Golpe es aquél. DON JUAN. Sea, no tengas temor. 905 [Vuelve el CRIADO huyendo] DON JUAN. De qué estás ¿Quién es? temblando? CATALINON: De algún mal da testimonio. DON JUAN. Mal mi cólera resisto. 910 qué has Habla, responde, visto? ¿Asombróte algún demonio? Ve tú, y mira aquella puerta, presto, acaba. CATALINON: ¿Yo? 915 DON JUAN. Tú, pues, acaba, menea los pies. CATALINON: A mi abuela hallaron muerta, como racimo colgada, y desde entonces se suena 920 que anda siempre su alma en pena, tanto golpe no me agrada. DON JUAN. Acaba. CATALINON: ¡Señor, si sabes que soy un Catalinón! 925 [...] DON JUAN. ¿No vas? CATALINON: ¿Quién tiene las llaves de la puerta? CRIADO 2: Con la aldaba está cerrada no 930 más. [...] Llega CATALINON a la puerta, y viene corriendo, cae y levántase DON JUAN. ¿Qué es eso? 935 CATALINON: ¡Válgame Dios, que me 940 945 950 955 960 965 970 975 980 985 50 CATALINON. Qui a les clefs de la porte ? 2è VALET. Elle est seulement fermée par le verrou. [...] Catalinon va à la porte et revient en courant. Il tombe et se relève. DON JUAN. Qu'est-ce que c'est ? CATALINON. Dieu me protège! On me tue !… On me tient ! DON JUAN. Qui te tient ? Qui te tue ? Qu'as-tu vu ? CATALINON. Monsieur, j'ai vu là-bas quand j'y suis allé tout à l'heure... Qui m'attrape?... Qui m'enlève ?... Je suis allé donc... quand... aveuglé... je l'ai vu... je le jure devant Dieu ! ... Il a parlé et j'ai dit : Qui êtes-vous ?... Il a répondu... Et j'ai répondu à mon tour…J'ai touché et j'ai vu… DON JUAN. Qui ? CATALINON. Je ne sais pas. DON JUAN. Comme le vin monte à la tête ! Passe-moi la torche, poule mouillée, et je vais voir moi-même qui frappe ainsi. Don Juan prend la torche et s'approche de la porte. Don Gonzalo vient à sa rencontre, sous la forme qu'il avait sur son tombeau, et Don Juan recule, troublé, empoignant d'une main son épée, et tenant toujours la torche dans l'autre main. Don Gonzalo avance vers lui, à petits pas, tandis que, sur le même rythme, Don Juan recule jusqu'à se trouver au milieu de la scène. DON JUAN. Qui va là ? DON GONZALO. C'est moi. DON JUAN. Qui êtes vous ? DON GONZALO.. Je suis le noble gentilhomme que tu as convié à souper. DON JUAN. Il y aura à souper pour deux, et si d'autres gens viennent avec toi, il y en aura pour tous. La table est déjà mise. Assieds-toi. CATALINON. Que Dieu soit avec moi ! Saint Panonceau ! Saint Mironton ! Eh ! dis, les morts mangent-ils donc ? Par signes, il répond oui. DON JUAN. Assieds-toi Catalinon ! CATALINON. Oh ! non, Mon Maître, j’ai déjà soupé. DON JUAN. C'est insensé ! Quelle peur astu d'un mort ? Que ferais-tu, si c'était un Histoire des littératures hispaniques, ULB matan, que me tienen! DON JUAN. ¿Quién te tiene? ¿Quién te mata? ¿Qué has visto? 990 CATALINON: Señor, yo allí vide, cuando luego fui, quién me ase, quién me arrebata. Llegué, cuando después ciego, cuando vile, juro a Dios, 995 habló, y dijo, ¿quién sois vos? Respondió, respondí. Luego, topé y vide... DON JUAN. ¿A quién? CATALINON: No sé. DON JUAN. ¡Como el vino desatina! 1000 Dame la vela, gallina, y yo a quien llama veré. Toma don JUAN la vela, y llega a la puerta, sale al encuentro don GONZALO, en la 1005 forma que estaba en el sepulcro, y don JUAN se retira atrás turbado, empuñando la espada, y en la otra la vela, y don GONZALO hacia él con pasos menudos, y al compás don JUAN, retirándose, hasta 1010 estar en medio del teatro. 1015 1020 1025 1030 1035 DON JUAN. ¿Quién va? GONZALO: Yo soy. DON JUAN. ¿Quién sois vos? GONZALO: Soy el caballero honrado que a cenar has convidado. DON JUAN. Cena habrá para los dos, y si vienen más contigo, para todos cena habrá, ya puesta la mesa está. Siéntate. CATALINON: ¡Dios sea conmigo, San Panuncio, San Antón! Pues ¿los muertos comen? Di. Por señas dice que sí. DON JUAN. Siéntate, Catalinón. CATALINON: No señor, yo lo recibo por cenado. DON JUAN. Es desconcierto. ¿Qué temor tienes a un muerto? ¿Qué hicieras estando vivo? Necio y villano temor. CATALINON: Cena con tu convidado, que yo, señor, ya he cenado. [...] [Tiemblan los CRIADOS] 1040 1045 1050 1055 1060 1065 vivant ? Sotte et peur de vilain ! CATALINON. Soupe avec ton invité, car moi, Maître, j'ai déjà mangé. [...] [Les valets tremblent.] [...] CATALINON. Jamais je ne voudrais souper avec des gens d'un autre pays. Moi, Mon Maître, avec un invité de pierre ? DON JUAN. Peur stupide ! S'il est en pierre, que peut-il te faire ? [...] CATALINON. Dis, mon Maître, à laquelle des multiples femmes que tu as abusé fontils allusion ? DON JUAN. Je me moque de toutes, ami, en cette circonstance. A Isabela, à Naples… CATALINON. Celle-là, mon Maître, n'est plus guère ta dupe, puisqu'elle va se marier, comme il est justice, avec toi. Tu as abusé la pêcheuse qui t’avait sauvé de la mer payant son hébergement d'une fausse monnaie. Tu as abusé Doña Anna… DON JUAN. Tais toi ! Il y a, près de nous, la partie qui a payé pour elle, et qui attend de se venger. [...] La statue fait signe qu'on ôte le couvert et qu'on la laisse seule avec Don Juan. 1070 DON JUAN. Holà ! Quittez cette table ! Il fait signe que nous restions seuls tous les deux, et que les autres s'en aillent. [...] Tous sortent, sauf Don Juan et la statue du 1075 Commandeur qui lui fait signe de fermer la porte. DON JUAN. La porte est fermée. Je t’attends maintenant. Dis, que veux tu, 1080 ombre ou fantôme ou vision ? Si tu erres en peine, ou tu attends, pour remède, quelque satisfaction, parle, car je te donne ma parole de faire ce que tu demanderas. Jouis-tu du paradis ? T'ai-je donné la mort 1085 en état de péché? Parle : je suis suspendu à tes lèvres. DON GONZALO. (doucement, comme une chose de l'autre monde). Tiendras-tu ta 51 Histoire des littératures hispaniques, ULB 1090 1095 1100 1105 1110 1115 1120 1125 1130 1135 CATALINON: Nunca quisiera cenar con gente de otro país. ¿Yo, señor, con convidado de piedra? DON JUAN. Necio temor. Si es piedra, ¿qué te ha de hacer? [...] CATALINON: ¿Con cuál de tantas mujeres como has burlado, señor, hablan? DON JUAN. De todas me río, amigo, en esta ocasión. En Nápoles a Isabela burlé. CATALINON: Ésa ya no es hoy burlada, porque se casa contigo, como es razón. Burlaste a la pescadora que del mar te redimió, pagándole el hospedaje en moneda de rigor. Burlaste a doña Ana... DON JUAN. Calla, que hay parte aquí que lastó por ella, y vengarse aguarda. [...] GONZALO hace señas, que se quite la mesa, y queden solos DON JUAN. Hola, quitad esa mesa, que hace señas que los dos nos quedemos, y se vayan los demás. [...] Vanse, y quedan los dos solos, y hace señas que cierre la puerta ¿Qué cierre la puerta? Ya está cerrada, y ya estoy aguardando lo que quieres, sombra, fantasma o visión. Si andas en pena, o si buscas alguna satisfacción, que mi palabra te doy de hacer todo lo que ordenes. ¿Estás gozando de Dios? ¿Eres alma condenada o de la eterna región? ¿Díte la muerte en pecado? Habla, que aguardando estoy. Paso, como cosa del otro mundo GONZALO: ¿Cumplirásme una palabra como caballero? DON JUAN. Honor tengo, y las palabras cumplo, porque caballero soy. aquí estoy, dímelo a mí, GONZALO: Dame esa mano, no temas. 1140 parole en gentilhomme ? DON JUAN. Je suis homme d’honneur et je tiens mes serments, car je suis gentilhomme. DON GONZALO. Donne-moi cette main, 1145 n'aie pas peur. DON JUAN. Comment peux-tu dire ça ? Moi, peur ? Si tu étais l'enfer en personne, je te donnerais quand même la main. Il lui donne la main. 1150 DON GONZALO. Sur ta parole et sur ta main, demain soir à dix heures, je t'attends pour dîner. Viendras-tu ? DON JUAN. J'attendais une action un peu plus difficile. Demain je suis ton hôte: où 1155 dois-je aller ? DON GONZALO. A ma chapelle. DON JUAN. Seul ? DON GONZALO. Non. Avec ton valet. Et tiens-moi ta parole comme je j’ai tenu la 1160 mienne. DON JUAN. J’ai dit que je la tiendrai, car je suis un Tenorio. DON GONZALO. Moi, je suis un Ulloa. DON JUAN. J'irai sans faute. 1165 DON GONZALO. Et je te crois. Adieu. [Il gagne la porte.] DON JUAN. Attends, je vais t’éclairer. DON GONZALO. Ne m'éclaire pas. La grâce de Dieu est avec moi. 1170 Il s'en va pas à pas, en regardant Don Juan, et Don Juan le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse, et Don Juan reste seul, épouvanté. DON JUAN. Que Dieu me protège ! Mon 1175 corps est trempé de sueur et mon cœur se glace dans mes entrailles. Quand il m'a pris la main, il l’a serrée si fort qu’on aurait dit l’enfer. Jamais je n'ai senti une telle chaleur. Il avait une respiration si froide, en 1180 articulant la voix, qu'on eût cru le souffle de l'enfer... Bah ! Toutes ces idées sont les fruits de l’imagination. La peur est un sentiment de vilain et la terreur des morts est encore plus vile. Car si l’on ne craint 1185 pas un corps noble et vivant, avec toutes ses facultés, son âme et sa raison, que redoute-t-on des corps défunts ?... Demain j’irai à cette chapelle où je suis invité, pour que Séville s’émerveille et s’étonne de ma 1190 valeur ! 52 Histoire des littératures hispaniques, ULB 1195 1200 1205 1210 1215 1220 1225 1230 1235 1240 DON JUAN. ¿Eso dices? ¿Yo temor? Si fueras el mismo infierno la mano te diera yo. [Dale la mano] GONZALO: Bajo esa palabra y mano mañana a las diez, te estoy para cenar aguardando. ¿Irás? DON JUAN. Empresa mayor entendí que me pedías. Mañana tu huésped soy. ¿Dónde he de ir? GONZALO: A la capilla. DON JUAN. ¿Iré solo? GONZALO: No, id los dos, y cúmpleme la palabra como la he cumplido yo. DON JUAN. Digo que la cumpliré, que soy Tenorio. GONZALO: Y yo soy Ulloa. DON JUAN. Yo iré sin falta. GONZALO: Yo lo creo. Adiós. DON JUAN. Adiós. Va a la puerta Aguarda, te alumbraré. GONZALO: No alumbres, que en gracia estoy. [Vase GONZALO muy poco a poco, mirando a don JUAN, y don JUAN a él, hasta que desaparece, y queda don JUAN con pavor] DON JUAN. ¡Válgame Dios! Todo el cuerpo se ha bañado de un sudor helado, y en las entrañas se me ha helado el corazón. [...] Un aliento respiraba, organizando la voz tan frío, que parecía infernal respiración. Cuando me tomó la mano de suerte me la abrasó, que un infierno parecía más que no vital calor. Pero todas son ideas que da a la imaginación el temor; y temer muertos es más villano temor. Si un cuerpo con alma noble, con potencias y razón, [Une rue avec la cathédrale de Séville] Don Juan et Catalinon entrent en scène. [...] 1245 1250 1255 1260 1265 1270 1275 1280 1285 1290 53 CATALINON. L'église est maintenant fermée. DON JUAN. Frappe. [...] DON JUAN. Suis-moi et tais-toi. [...] Entre Don Gonzalo sous la forme de statue qu'il avait précédemment, et va à leur rencontre. DON JUAN. Qui va là ? DON GONZALO. C'est moi. CATALINON. Je suis mort ! DON GONZALO. C'est moi qui suis le mort, sois tranquille. Je ne pensais pas que tu tiendrais parole, puisque tu te moques de tous. DON JUAN. Me prends tu pour un lâche ? DON GONZALO. Oui, car tu as pris la fuite, la nuit où tu m’as tué. DON JUAN. J’ai fui pour ne pas être reconnu. Tu m’as devant toi maintenant : dis vite ce que tu attends de moi. DON GONZALO. Je veux t’inviter à souper. DON JUAN. Soupons. DON GONZALO. Pour souper il te faut soulever cette dalle. DON JUAN. Et s'il t'importe, je soulèverai aussi ces piliers. [...] DON GONZALO. Donne-moi cette main n'aie pas peur, donne-moi donc la main. DON JUAN. Que dis-tu ? Moi ! Peur ?... Ah ! je brûle !... Ne m'embrase pas de ton feu ! DON GONZALO. Celui-là est peu pour le feu que tu as cherché. Les desseins de Dieu, Don Juan, sont impénétrables, et il veut que tu payes tes fautes par les mains d'un mort ; Si tu les payes ainsi, telle est la justice de Dieu: “Œil pour œil, dent pour dent.” DON JUAN. Ah ! je brûle ! Ne me serre pas si fort ! Je te tuerai avec ma dague... Mais... Ah !... Je m'épuise en vain à frapper dans le vide. Je n'ai pas dupé ta fille... Elle avait démasqué ma ruse avant que je... Histoire des littératures hispaniques, ULB y con ira, no se teme, ¿quién cuerpos muertos temió? 1295 Iré mañana a la iglesia, donde convidado estoy, porque se admire y espante Sevilla de mi valor. Vase don JUAN 1300 [...] 1305 1310 1315 1320 1325 1330 1335 1340 [En la catedral de Sevilla] Salen don JUAN y CATALINON CATALINON: Ya está cerrada la iglesia. DON JUAN. Llama. [...] DON JUAN. Sígueme y calla. [...] Sale don GONZALO como de antes y encuéntrase con ellos DON JUAN. ¿Quién es? GONZALO: Yo soy. CATALINON: Muerto estoy. GONZALO: El muerto soy, no te espantes, no entendí que me cumplieras la palabra, según haces de todos burla. DON JUAN. ¿Me tienes en opinión de cobarde? GONZALO: Sí, que aquella noche huíste de mí, cuando me mataste. DON JUAN. Huí de ser conocido, mas ya me tienes delante, di presto lo que me quieres. GONZALO: Quiero a cenar convidarte. [...] DON JUAN. Cenemos. GONZALO: Para cenar es menester que levantes esa tumba. [...] GONZALO: Dame esa mano. No temas, la mano dame. DON JUAN. ¿Eso dices? ¿Yo temor? ¡Que me abraso! No me abrases con tu fuego. GONZALO: Aquéste es poco para el fuego que buscaste. Las maravillas de Dios son, don Juan, investigables, y así quiere que tus culpas a manos de un muerto pagues, y así pagas de esta suerte las doncellas que burlaste. Ésta es justicia de Dios, DON GONZALO. Il n'importe, car telle était 1345 ton intention. DON JUAN. Laisse-moi appeler quelqu'un qui me confesse et qui m’absolve. DON GONZALO. Il n'est plus temps, tu te repens trop tard. 1350 DON JUAN. Ah ! je brûle ! Mon corps est embrasé ! Je meurs. (Il tombe mort.) CATALINON. Il n’y a personne qui puisse s'échapper : ici je dois mourir, moi aussi, pour t’accompagner. 1355 DON GONZALO. Telle est la justice de Dieu : “Œil pour œil, dent pour dent.” [Le sépulcre s'enfonce avec fracas, engloutissant Don Juan et Don Gonzalo, 1360 tandis que Catalinon se sauve en se traînant.] CATALINON. Dieu me protège ! Que se passe-t-il ? Toute la chapelle est en 1365 flammes. Je suis resté avec le mort, pour le veiller et le garder. Me traînant comme je peux, je vais prévenir son père... Saint Georges ! Saint Agnus Dei.!... Sortez-moi en paix jusqu’à la rue ! 1370 (Il s'en va.) [...] 54 Histoire des littératures hispaniques, ULB 1375 1380 1385 1390 1395 1400 1405 quien tal hace, que tal pague. DON JUAN. Que me abraso, no me aprietes, con la daga he de matarte, ay, que me canso en vano mas, de tirar golpes al aire! A tu hija no ofendí, que vio mis engaños antes. GONZALO: No importa, que ya pusiste tu intento. DON JUAN. Deja que llame quien me confiese y absuelva. GONZALO: No hay lugar, ya acuerdas tarde. DON JUAN. ¡Que me quemo! ¡Que me abraso! Muerto soy. [Cae muerto don JUAN] CATALINON: No hay quien se escape, que aquí tengo de morir también por acompañarte. GONZALO: Ésta es justicia de Dios, quien tal hace, que tal pague. Húndese el sepulcro con don JUAN, y don GONZALO, con mucho ruido, y sale CATALINON arrastrando. CATALINON: ¡Válgame Dios! ¿Qué es aquesto? Toda la capilla se arde, y con el muerto he quedado, para que le vele y guarde Arrastrando como pueda, iré a avisar a su padre, san Jorge, san Agnus Dei, sacadme en paz a la calle. [...] 55 Histoire des littératures hispaniques, ULB