Le jugement de Salomon - laplumedujardinier.fr
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Le jugement de Salomon Le roi Salomon est le plus grand des rois. Il vient de rendre justice tel un grand sage. Il a le sens aigu des relations entre les êtres. Il connait le cœur de ceux qu’il a en face de lui. Maakah vient de retrouver son nouveau né, la chair de sa chair, son printemps à venir avec ses mille floraisons en attente. Elle serre contre son flanc ce petit être, cette parcelle de vie que son bien aimée a plantée en sa terre nourricière. La foule de temple est médusée devant tant de sagesse. On entend des murmures unis en une mélopée commune. Salomon a su découvrir qui était la véritable mère de ce petit être dont deux femmes se disputaient la maternité. Maakah tient dans ses bras Abijah que la méchante Almérirah lui avait volé. Ce que tout le monde ignore, c’est comment cela c’est passé et pourquoi. Maakah et Almérirah se connaissent depuis longtemps. Leurs parents habitent la même rue commerçante en plein cœur de Jérusalem. Elles ont été toutes les deux dans la même école et sont devenues les meilleures amies du monde malgré leur tempérament opposé. Elles viennent d’avoir dix huit ans, à quelques jours d’intervalles, et elles sont parmi les plus belles filles de Jérusalem. Un jour de mai, quand les fleurs inondent le monde, elles sont en train de jouer au lavoir. Roboam, passe tout près sur son pur sang magnifique. L’ambiance et les rires l’attirent comme quelque chose de familier. Il les voit, s’amusant avec l’eau et riant sans se soucier du monde aux alentours. Il est séduit instantanément par leur étonnante beauté. Il s’arrête devant elles et descend de son cheval. Il repousse sa garde et fière et droit leur dit : - Quel est le Dieu qui osa créer si belles créatures sans m’en avoir informé. Surprises, elles se retournent comme deux papillons dansant dans l’azur frêle. Roboam est conquit pour l’éternité par leur grâce. Elles sont étonnées que cet homme puissant et beau, sûrement très riche tant ses vêtements sont somptueux, leur parle. Elles ne le connaissent pas, ne l’ont jamais vu. Qui est-il ? Son regard de nacre est profond et pénétrant. Son armure 1 scintille au soleil. On dirait un dieu descendu sur terre. Tout ce qui est autour disparait, les bruits, les gens, la vie, leur jeu, leur amitié. Il n’existe plus que cet homme et ces deux femmes réunis en cet instant. Almérirah parle la première : - Ce dieu est impardonnable. Je suis Almérirah, fille d’Antinople, le tailleur de pierres, dit-elle en faisant la révérence. Maakah reste silencieuse et dévisage avec tendresse ce jeune guerrier. Son silence fait comme un manteau de lumière sur tout l’espace. Roboam s’adresse à elle avec arrogance : - Et toi, demande-t-il, ta langue aurait-elle roulé à terre ? Qui es-tu ? - Je suis Maakah, dit-elle, en soutenant son regard de braise. Je suis la fille d’Antagore, le tisserand. Le Dieu qui nous a crée m’avait dit qu’un jour tu passerais ici… Almérirah interrompt Maakah, sentant que cet homme est important. - Qui êtes-vous, beau prince ? - Je suis votre Dieu, affirme Roboam et un jour je serai votre roi. Almérirah pose un genou à terre et le salue. Maakah reste droite et fière et laisse ses yeux emplir les siens. Elle réplique : - Vous serez peut-être un jour notre souverain si le destin le veut mais notre Dieu jamais. Nous en avons un qui nous est commun à tous. Roboam remonte sur son cheval et dit : - Ta beauté n’a d’égale que ton impertinence. Nous nous reverrons. Il claque ses talons sur sa monture et disparait au loin suivit de sa troupe endiablée. Dès ce jour, Almérirah cultive un sentiment de jalousie envers Maakah. Elle sent que Roboam l’a négligée pour s’enfoncer dans les yeux clairs et émerveillés de sa rivale. Depuis ce jour, Maakah s’imagine au bras du Prince. Son désir pour lui envahit tous ses jours comme l’évidence d’une floraison à venir sur les amandiers enneigés de splendeur. 2 Un an plus tard, Maakah accouche d’Abijah. Personne ne sait qui est le père car elle a promis de ne jamais révéler son nom, même à ses parents. Ceux-ci ont fini par comprendre qu’elle ne peut rien dire sous peine de mort. Seule Almérirah sait. Almérirah a vu Maakah rencontrer son amant en cachette et la haine au ventre, elle a préparé sa vengeance. Elle méprise Maakah sans le montrer. Elle la déteste au plus haut point car Maakah a su, par sa grâce et son amour, sans effort, séduire l’homme qui allait devenir le père de son enfant. Almérirah aurait voulu que cet homme lui appartienne. Pour détourner l’attention des voisins, Almérirah fait croire à Maakah que si toutes les deux paraissent être enceintes, les ragots ne pourront se poser ni sur l’une ni sur l’autre et finiront pas s’arrêter. Ce qui fut vrai. Durant toute la grossesse de Maakah, Almérirah roule des tissus sous ses vêtements montrant un ventre qui s’arrondit aussi. Tout le monde pense que ces deux femmes ont succombé au même amant et que celui-ci s’est enfui à l’étranger ou est parti à la guerre. Maakah met Abijah au monde avec l’aide d’Almérirah qui l’a convaincue de garder secret son accouchement. Quand Abijah sort la tête de la caverne obscure de l’amour, Almérirah la méchante l’arrache des cuisses de Maakah, coupe le cordon, ce lien sacré qui retient l’enfant à sa mère et s’enfuit avec le bébé laissant son amie dans son sang. Elle avait projeté de la tuer mais elle se ravisa et pensa que sa souffrance serait plus grande si elle était vivante sans son enfant. La rancune est un poison mortel. Maakah est douce autant qu’Almérirah est cruelle. Maakah le sait et par amour, elle a appris à l’aimer malgré sa méchanceté. Almérirah vole Abijah, retire les tapis sous son ventre et montre à tous ce bébé comme s’il était sorti de son propre ventre. Pendant plusieurs semaines, Maakah sent le sol se dérober sous ses pas. Sa beauté d’ashkénaze s’effrite comme une peau d’orange laissée au soleil en plein midi. Elle veut mourir. Comment prouver que cet enfant est le sien et non pas celui d’Almérirah ? 3 Rachel, la mère de Maakah apprend toute l’histoire depuis le début. Elle parvient à convaincre sa fille d’aller trouver le roi Salomon. Salomon est bon et juste. Il accepte de rendre justice. Il réunit dans le temple les deux femmes avec le bébé. De nombreux curieux sont là pour assister au jugement. Salomon les écoute. Chacune affirme que l’enfant est le sien. Devant l’assemblée et les deux femmes hagardes, Salomon prend Abijah par un pied et de l’autre main décroche un sabre du flanc de l’un de ses soldats et dit : - Puisqu’il est impossible de savoir qui dit la vérité, en ce jour d’équinoxe et de pleine lune réunis, je vais vous départager et rendre justice devant Dieu. Je vais couper cet enfant en deux et j’en donnerais la moitié à chacune. Maakah se précipite sur le roi Salomon et arrête son bras. La foule se lève médusée par son geste. - Pitié ! Oh mon bon roi, dit-elle, donnez-lui cet enfant, je ne veux point qu’il meurt. C’est ainsi que le roi Salomon, grand maître de justice et amoureux de la vérité, sut qui était la véritable mère d’Abijah. Ce qu’il ne savait pas en revanche, c’est qu’il avait failli tuer son petit fils. 4