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Motobécane ...
Souvenirs de guerre
Par Patrick BARRABES
L’histoire de Motobécane et Motoconfort, parfaitement répertoriée et décrite tout au long de ses quatre
vingt ans d’existence reste méconnue pendant ces sombres années, entre 1939 et 1945, ou le monde s’est
déchiré autour du plus important conflit de l’histoire de l’humanité. Quel fut le cheminement des hommes
de Pantin durant ces mois difficiles.
La drôle de guerre :
Pendant la période, appelée "drôle de guerre", qui dure du jour de la
déclaration de guerre, le 3 septembre 1939 au 10 mai 1940, et doit son
nom à l’inaction des armées alliées devant la défaite de la Pologne,
premiers bouleversement à Pantin avec un coup de frein brutal de la
production. La mobilisation déserte les ateliers et les bureaux. Eric
Jaulmes, un dés premiers concerné, sera rappelé en Syrie dés le mois
d'août 1939.
L’industrie française de la motocyclette, au moment où une production de
masse serait nécessaire, s’avère totalement désorganisée et paye les
conséquences de l’absence de politique visant à motoriser l’armée. Déjà
Le ministère de L’armement,
voulant optimiser l’utilisation du
potentiel industriel, sélectionne
les usines encore capables de
produire. Si Terrot à Dijon,
René Gillet à Montrouge et
dans une moindre mesure
Peugeot sont capables de
suivre, le résultat final sera une
armée faiblement équipée en
matériel
spécifique
et
fortement « encombrée » de
motos issues de la réquisition,
peu ou pas du tout adaptées à
l’utilisation militaire et dont la
disparité
des
modèles
nécessitera des moyens de
maintenance impossibles à
mettre en place.
Chez Motobécane, on reçoit
l’ordre de mettre en fabrication
une série de motos Gnome
Rhône, la D5A. Ce modèle,
une 500 à soupapes latérales,
est équipé du fameux châssis
en
tôle
emboutie,
caractéristique du constructeur
de moteurs d’avion.
Peu
d’informations
sur
ces
« Gnomes de Pantin ». Selon
diverses sources, une petite
centaine seraient sorties de la
rue Lesault, mais nous n’avons
aucune confirmation à ce jour.
Au dessus : Le cri
d’alarme de la chambre
syndicale du cycle et du
Motocycle en 1935
A droite : un exemplaire
de la Gnome Rhône D5A
dont quelques
exemplaires auraient été
assemblés à Pantin
3
en 1935, la chambre syndicale du
Cycle et du Motocycle tirait un signal
d’alarme en publiant une brochure
alertant l’opinion sur la montée en
puissance
de
la
production
motocycliste outre Rhin. Seulement
400 000 motos en France face au
million et demi disponibles en
Allemagne.
L’occupation :
L'appareil d'occupation allemand se
met très vite en place à Paris. Dès
le 15 juin 1940, l'Abwehr, service
de renseignements et de contreespionnage, s’installe à l’hôtel
Lutétia. Le Militärbefehlshaber in
Frankreich
(MBF),
haut
commandement
militaire
en
France, autorité principale en zone
occupée, siège à l'hôtel Majestic,
avenue Kléber. La Luftwaffe et la
Kriegsmarine, sont respectivement
installées au Palais du Luxembourg
et au ministère de la Marine.
A ce moment de la débâcle,
quelques centaines de personnes
restaient encore à l'usine de Pantin.
Un déménagement est tenté vers
Bordeaux entraînant la perte de
nombreuses machines outils et
d'une partie des archives de la
société.
Pantin sous l'occupation allemande – Le bureau d’étude « officiel »
Pantin s'installe dans la guerre et ses restrictions. Une
activité minimum est conservée. Quelques Poney AG1
et des 100 cm3 B1V2 sortent péniblement de chaînes
de montage alimentées au compte goutte. Le
caoutchouc manque, de même que les métaux non
ferreux, bronze et aluminium en particulier. Ils sont
supprimés (grippe genoux) ou remplacés par des
matériaux de substitution. Le chrome des jantes et
réservoirs brille bien sur par son absence.
En 1941, le Comité d'Organisation de l'Automobile
(COA), par un arrêté daté du 13 mai, autorise
seulement la fabrication de bicyclettes pour les civils.
Trois modèles seront fabriqués à Pantin, deux routières
homme à trois et quatre vitesses et un demi-course.
Le personnel de Pantin, en considérant bien sur les
trois usines: Motobécane rue Lesault, NOVI chemin
des Vignes et la Polymécanique, déjà amputées d'une
partie de leur personnel, voient encore leurs effectifs
réduits par les départs au titre du STO (Service du
Travail Obligatoire). De nombreux ouvriers seront
mutés outre Rhin, généralement dans les usines de
cycles.
Travail obligatoire également à Pantin ou le
classement " rüstung" de l'usine permet d'éviter sa
fermeture. L'occupant impose la fabrication de moteurs
servant à entraîner des pompes à incendie pour la
firme Rosenbauer de Karlsruhe. Ce gros bicylindre
deux temps à refroidissement liquide était équipé d'un
lourd volant magnétique réalisé chez Novi. Dans
"Souvenirs d'un ingénieur" Eric Jaulmes raconte la
"modification" de certains volants par une série de
trous créant une zone de fracture destinée à provoquer
leur éclatement.
Le bicylindre Rosenbauer / Motobécane monté sur un Opel
Blitz des services de lutte contre l’incendie.
Une étude de
bicyclette dont
les cartouches
des plans portant
la mention "Vélo
d'armée
d'occupation" est
réalisée vers
1942 / 43.
J'ignore, à ce
jour, si cette
bicyclette
extrêmement
robuste équipée
de lourdes
sacoches de cuir
a vu le jour.
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Pour compenser la faiblesse d'activité du bureau d'étude "officiel"
et ainsi conserver le maximum de personnel, il fut décidé de
lancer l'étude d'un moteur d'avion en modèle réduit, très
économe en matière. Ce deux cm3 deux temps fut développé
avec l'aide de Tycoszinski, agent à Charleville Mézières et ami
proche de Charles Benoît. Seulement un millier ce ces petits
moteurs seront fabriqués.
Toujours pour l’aviation mais dans un gabarit plus conventionnel,
deux moteurs en étoile, inspirés du bicylindre à plat A2AL et du 4
cylindres en X de 1937
furent développés, comportant
respectivement cinq et sept cylindres.
Du plus petit au plus gros
Ci-contre : le sept cylindres en étoile 7 G 1
Au dessus : le 2 cc Polymécanique (publicité publiée
dans un système D de 1943)
5
Dans le même ordre d’idée, un V8 de 150 cv refroidit
par air, le 8 F1, devait équiper un char. Ces études,
bien que menées à Pantin, étaient réalisées hors du
regard de l’occupant.
Le 5 juin 1943, le comité d’organisation de l’automobile
établit de nouvelles règles, fortement inspirées par
l’occupant.
La catégorie « Bicyclettes à Moteur
Auxiliaire » devient vélomoteur en passant à 125 cm3.
Cette décision influencera fortement l’orientation des
études. La catégorie 50 est crée par le même décret.
Un petit moteur est dessiné, destiné à motoriser
les bicyclettes. Fixé sur le côté de la roue arrière, il
préfigure
le
succès
gigantesque
des
micromoteurs, Mosquitos, Vap et autres Itom. Cet
AV 2, qui restera au stade du prototype porte pour
la première fois la dénomination « AV », utilisée
par la suite sur des millions de Mobylettes.
A Gauche : Le plus gros moteur dessiné par Motobécane
Au dessous : La seule vue connue de l’AV 2. Le montage en
porte à faux sera utilisé par de nombreux constructeurs de
micromoteurs
Les Remorques : Une série de
remorques seront proposées avec les
bicyclettes.
Deux modèles différents : La voiture
« double berceau », destinée à être
poussée à la main et la remorque
« Paysanne » adaptable derrière vélo.
Encore une fois, un beau coup de
crayon de Géo Ham pour ces petites
utilitaires certainement très sollicitées
pendant les années de guerre.
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Le manque de carburant pousse tout naturellement les chercheurs vers l’énergie électrique. En septembre 40, on
retrouve la trace d’un Poney AG1 dont le cadre a été modifié pour recevoir un moteur électrique mu par deux
batteries. La boite à deux rapports est conservée sur cette étude signée Steinbach
En 1941, une voiture
légère
est
développée
avec
Novi et Fulmen. De
cette
petite
décapotable à deux
places,
qui
fut
construite à quatre
exemplaires, il ne
reste
aucun
document. Une de
ces voiturettes fut
transformée
en
thermique
par
l’adoption d’un 100cc
2 temps, dérivé du
B1V2. Une vue du
train arrière nous
donne une idée du
faible gabarit de ce
véhicule.
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Steinbach
Présent chez Motobécane
depuis la fondation de la
société, Steinbach, que l'on
peu considérer comme étant
le père des quatre cylindres
Motobécane et du Blocs S
est responsable des études
au moment de la déclaration
de guerre.
Ne pouvant
admettre la folie guerrière
des hommes, il ignore
l'avertissement
de
son
commissaire de quartier qui
lui conseille de fuir. Déporté
à Dachau comme tant de
milliers de Juifs, il n'en
reviendra pas. Il travaillait
sur plusieurs projets.
Un vélomoteur de 125 cc, la
GL, traitée à l'italienne avec
quatre vitesse au pied, une
distribution
surélevée
entraînant des culbuteurs en
alliage léger, une bielle en
magnésium et un graissage
sous pression.
Un moteur deux temps 125
cc, reprenant une partie des
dessins de la GL mais
équipé d'une boite à vitesse
à trois rapports.
Deux vues du 125 GL (archives H. Mocard) Cette version n’est pas celle du GL initial. Vers
1950, les restes de la moto ont été récupérées à Pantin par quelques compères des essais
spéciaux qui l’on coursifiée pour tourner à Montlhéry. Curieusement, cette machine à été
présentée au Salon de Bruxelles de la même année en tant que « nouveauté ».
Une "super AB1", reprenant
le principe du bloc 4 temps à
soupapes latérales mais en
175 cc. De ce moteur,
considérablement
modernisé par rapport au
blocs B et S, il ne reste
aujourd'hui qu'un dessin.
Un bloc culbuté, daté du 10
décembre 40. De cette
étude, d’un modernisme
ahurissant,
seule
une
culasse nue a traversé le
temps. La forme de sa
chambre
d’explosion,
absolument plate, et ses
soupapes
parallèles,
laissent
supposer
la
présence d’une cavité dans
le piston, ce que nous
appellerons, trente cinq ans
plus tard sur la 3 ½ Moto
Morini une « chambre de
Herron ».
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