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COMMENT ENCOURAGER L’INDUSTRIE A COMMERCIALISER DES MEDICAMENTS VETERINAIRES EN AFRIQUE Dr Frans Van Gool Session 1: Situation actuelle et spécificité de la distribution et de l’utilisation des médicaments vétérinaires en Afrique Conférence de l’OIE sur les médicaments vétérinaires en Afrique, Dakar, 25-27 mars 2008 – F. Van Gool Comment encourager l’industrie à commercialiser des médicaments vétérinaires en Afrique F. Van Gool Merial, France Résumé La production animale évolue actuellement très rapidement en Afrique, du pastoralisme aux grandes unités d'élevage et de la basse-cour domestique à une industrie aviaire totalement intégrée. En outre la mentalité et le niveau d'éducation des agriculteurs évoluent tout aussi rapidement, ce qui fait naître une prise de conscience de la nécessité de faire passer leur production du stade “quantitatif” (nombre de têtes de bétail, symbole de statut social) à celui de l' “élevage de qualité soutenable”, qui permet de fournir des produits animaux de haute qualité et de créer des possibilités d'exportation, d'où une haute valeur ajoutée des produits. Du fait de la généralisation de prix élevés pour la viande et les produits laitiers, l'industrie alimentaire des produits animaux connaît une période de transformation sans précédent, allant des petites exploitations à des unités hautement productives. Pour pouvoir fournir des produits animaux de haute qualité, les agriculteurs ont besoin de médicaments vétérinaires de qualité de plus en plus élevée pour la prévention et le traitement de leurs animaux de grande valeur. Ceci doit pousser l'industrie à commercialiser des produits vétérinaires en Afrique, car le marché africain est en train de passer d'une situation très fortement dominée par les prix à un marché fondé sur la qualité. Malheureusement, il reste à améliorer plusieurs paramètres importants pour rendre le marché africain véritablement attirant pour l'industrie zoosanitaire. - Très souvent, les services de certification (s'ils existent) ne disposent pas des ressources humaines, des compétences ni des outils nécessaires (laboratoire d'analyse chimique) qui leur permettraient de n'enregistrer que des médicaments vétérinaires de qualité. - Il n'existe pas d'institutions de contrôle et de répression permettant de mettre fin à l'importation et à la circulation de produits non certifiés de mauvaise qualité ou contrefaits. - Aucun système véritable de pharmacovigilance n'est en place pour contrôler leur efficacité et leur innocuité. - Les systèmes de distribution des médicaments vétérinaires laissent encore beaucoup à désirer. Il existe en fait deux systèmes de distribution dans la plupart des pays africains, l'un, légal, passant par un réseau d'importateurs et de distributeurs qui fournissent des médicaments aux vétérinaires qui disposent d'une ou de plusieurs “boutiques vétérinaires”, et l'autre système, illégal, qui vend directement des “médicaments vétérinaires” sur tous les types de marchés ainsi que dans la rue. 2/9 Conférence de l’OIE sur les médicaments vétérinaires en Afrique, Dakar, 25-27 mars 2008 – F. Van Gool Le marché vétérinaire en Afrique devient de plus en plus intéressant pour l'industrie zoosanitaire vétérinaire, pour des raisons non seulement commerciales, mais aussi humanitaires. Le paysan africain a besoin de médicaments agréés de bonne qualité pour pouvoir créer un élevage soutenable en améliorant la santé de ses troupeaux, ce qui permet d'accroître la productivité, la qualité et la sécurité alimentaire de tous les produits animaux pour le consommateur, et ce qui aboutira également à une élévation significative du niveau de vie des agriculteurs du continent . 3/9 Conférence de l’OIE sur les médicaments vétérinaires en Afrique, Dakar, 25-27 mars 2008 – F. Van Gool I. Introduction En Afrique, la production animale évolue actuellement très rapidement du pastoralisme à d’importantes unités d’élevage, et de l’élevage de volailles de basse-cour à un secteur aviaire complètement intégré. De même, les mentalités et le niveau d’instruction des éleveurs évoluent très vite, ce qui créé les conditions propices pour les inciter à passer d’un « élevage quantitatif » (nombre d'animaux, symbole de statut social) à un « élevage qualitatif durable » qui permet de produire des produits d'origine animale de haute qualité et de créer des débouchés à l'exportation. Les produits bénéficient ainsi d’une importante valeur ajoutée. Le niveau global élevé des prix de la viande et des produits laitiers est responsable de la mutation profonde du secteur de la production animale qui délaisse les petites exploitations pour s’orienter vers les unités de production à grande échelle et à haute productivité. Pour pouvoir produire des produits d’origine animale de haute qualité, les éleveurs ont besoin de médicaments vétérinaires de qualité croissante pour assurer la prévention et le traitement de leurs animaux à valeur élevée. Il est très encourageant pour le secteur industriel de commercialiser des produits vétérinaires en Afrique en raison de l’évolution à partir d'un marché très orienté sur les prix vers un marché basé sur la qualité. II. Situation des médicaments vétérinaires en Afrique -Le marché africain est envahi par d’énormes quantités de médicaments vétérinaires contrefaits ou par des génériques de qualité médiocre. Ainsi, au Sénégal, 140 médicaments vétérinaires sont enregistrés mais plus de 1000 autres médicaments vétérinaires sont commercialisés, alors qu’il existe un laboratoire de contrôle analytique et chimique des produits vétérinaires (LACOMEV). Même si les éleveurs recherchent des médicaments de qualité, l'accès leur pose d'énormes difficultés car la plupart des importateurs, distributeurs, pharmacies de vente de médicaments à usage humain et « vet-shops » (pharmacies vétérinaires détenues par un vétérinaire) ont pour seul but d'augmenter leurs marges et ne tiennent pas compte des responsabilités qui leur incombent, en tant que vétérinaires, à savoir de vendre des produits de qualité. Ils prennent pour argument de défense le fait que les médicaments qu’ils vendent sont enregistrés (ce qui n’est pas toujours vrai!!) Il faut savoir que presque tous les produits à base du même principe actif (isométamidium, diminazène, lévamisole, tétracycline, etc) sont vendus à peu près au même prix aux éleveurs. De nombreuses vet-shops et pharmacies (de produits à usage humain) ont fortement intérêt à ne promouvoir que les produits génériques de qualité médiocre qu'ils achètent à très bas prix et qui sont vendus dans leurs magasins à un prix de 5 à 10% inférieur à celui du produit de référence original, afin d’obtenir des marges très élevées (=> ils "font de l'argent"). 4/9 Conférence de l’OIE sur les médicaments vétérinaires en Afrique, Dakar, 25-27 mars 2008 – F. Van Gool - Les systèmes de distribution des médicaments vétérinaires doivent être améliorés. Il existe en réalité dans la plupart des pays africains deux systèmes de distribution, l’un légal constitué d’un réseau d’importateurs et de distributeurs qui assure l’approvisionnement en médicaments des vétérinaires qui possèdent un ou plusieurs “Vet- shops” et l'autre, illégal, qui vend directement les "médicaments vétérinaires" sur tous les types de marchés et dans la rue. - Malheureusement, très peu de vétérinaires africains travaillent sur le terrain en tant que véritables praticiens. Ainsi, la plupart des diagnostics, des traitements et des suivis sont assurés par des techniciens qui ont un très faible niveau de formation professionnelle et sont très souvent salariés des vet-shops. - Plusieurs pays africains ne possèdent pas de Services vétérinaires, ou s’ils en ont, très souvent ils ne sont pas en activité en raison de l’absence de vétérinaires sur le terrain, de laboratoires bien équipés et de moyens de transport. - De nombreux pays africains ne disposent toujours pas de véritables autorités chargées de contrôler la qualité des dossiers d’enregistrement et celle des médicaments vétérinaires qui sont présentés en vue de leur enregistrement. De ce fait, de nombreux médicaments de qualité médiocre sont enregistrés et commercialisés. Même si plusieurs Conférences internationales ont été organisées (1986 Arusha, 1990 La Haye, 1997 Niamey, 2001 Dakar, 2005 Bamako) afin de sensibiliser les responsables africains à la nécessité de mettre en place des procédures d’Assurance qualité, on ne voit que très peu de signes d’amélioration. Plusieurs études et rapports récents ont mis en évidence l’existence en Afrique d’énormes quantités de médicaments de qualité médiocre, enregistrés ou non : 1/ Préparations à base d'acéturate de diminazène - Tettey J. et coll. (2002): Non-conformance of Diminazene preparations to manufacturer’s label claims: an extra factor in the development of parasite resistance (non conformité des préparations à base de diminazène par rapport aux instructions de la notice du fabricant : facteur supplémentaire de développement d’une résistance parasitaire). Dans : Integrated Control of Pathogenic trypanosomes and their Vectors, 5:24-25. • Matériel et méthodes - 104 échantillons de préparations à base de diminazène, représentant 19 marques différentes, ont été obtenus par la FAO de 11 pays participants en Afrique. - L’ étude a examiné l'influence des sources d’approvisionnement telles que les pharmacies du secteur privé, les cliniques vétérinaires, les marchés ouverts non réglementés et les systèmes d’approvisionnement gouvernementaux. - Limite de tolérance : ±10% 5/9 Conférence de l’OIE sur les médicaments vétérinaires en Afrique, Dakar, 25-27 mars 2008 – F. Van Gool - La teneur des échantillons en diminazène a été déterminée par une méthode de dosage CLHP validée • Résultats - Pour 68% des échantillons, la teneur était située dans la limite de tolérance de ± 10% - Pour 24% des échantillons, la teneur était de 90% inférieure à celle indiquée dans la notice -Pour 8% des échantillons, la teneur était supérieure à la limite supérieure - La comparaison entre les produits de sources gouvernementales et ceux obtenus auprès des pharmacies/boutiques de médicaments du secteur privé, des cliniques vétérinaires et des marchés ouverts non réglementés n’a pas montré de différences significatives en termes de teneur en acéturate de diminazène. 2/ Thèses vétérinaires sur la qualité des médicaments vétérinaires de l’Ecole inter-États des sciences et médecine vétérinaires, Dakar, Sénégal - Ndjana F.M. (2006): Study of the Distribution and Quality of Veterinary Drugs in Cameroun (étude sur la distribution et la qualité des médicaments vétérinaires au Cameroun) - Walbadet, L. (2007): Study of the Distribution and Quality of Veterinary Drugs in Senegal (étude sur la distribution et la qualité des médicaments vétérinaires au Sénégal) • Matériel et méthodes - Divers groupes de médicaments vétérinaires collectés dans différentes régions du Cameroun et du Sénégal ont été analysés par LACOMEV, Sénégal (Laboratoire de contrôle des médicaments vétérinaires). - Ces médicaments ont été obtenus aussi bien sur les marchés officiels (légaux) que sur les marchés ouverts non réglementés (marchés parallèles). - Limite de tolérance : ±10% • Résultats Tableau 1 : Taux de NON-CONFORMITÉ par groupe thérapeutique au Cameroun Groupe thérapeutique Agents trypanocydes Anthelminthiques et endectocides Antibiotiques Total Nombre d’échantillons analysés Nombre d’échantillons NONCONFORMES Taux de NONCONFORMITÉ 11 11 100 % 23 12 52 % 14 10 71 % 48 33 69 % 6/9 Conférence de l’OIE sur les médicaments vétérinaires en Afrique, Dakar, 25-27 mars 2008 – F. Van Gool Tableau 2 : Taux de NON-CONFORMITÉ par secteur d’échantillonnage au Cameroun Secteur d’échantillonnage Marché officiel (légal) Marché parallèle Total Nombre d’échantillons analysés Nombre d’échantillons NONCONFORMES Taux de NONCONFORMITÉ 28 18 64 % 20 15 75 % 48 33 69 % Tableau 3 : Taux de NON-CONFORMITÉ par type de médicaments vétérinaires au Sénégal Molécule Nombre d’échantillons NONCONFORMES Taux de CONFORMITÉ Albendazole Nombre d’échantillons analysés 15 2 13,3 % Diminazène 10 7 70 % Oxytétracyclines 15 14 93,3 % Ivermectine 15 14 93,3 % Total 55 37 67 % NON- Tableau 4 : Taux de NON-CONFORMITÉ par secteur d’échantillonnage au Sénégal Secteur d’échantillonnage Marché officiel (légal) Marché parallèle Nombre d’échantillons analysés 29 Nombre d’échantillons NONCONFORMES 20 Taux de NONCONFORMITÉ 69 % 26 17 65 % Total 55 37 67 % 3/ Autres études menées dans différents pays africains Au Mali (Abiola 2001), taux de NON-CONFORMITÉ constaté : 43% Au Bénin-Togo (Akoda 2001), taux de NON-CONFORMITÉ constaté : 48% En Mauritanie ( Abiola 2002), taux de NON-CONFORMITÉ constaté : 59% Au Tchad (Abiola 2005), taux de NON-CONFORMITÉ constaté : 61% III. Quelles actions doivent être mises en place d’urgence pour encourager le secteur privé à commercialiser des médicaments vétérinaires en Afrique ? Compte tenu des résultats publiés ci-dessus, plusieurs paramètres très importants doivent être améliorés pour rendre le marché africain réellement attractif aux yeux du secteur de la santé animale, afin qu’il puisse offrir des molécules originales et des médicaments vétérinaires génériques de haute qualité sur un marché fiable et sécurisé, dans lequel les règles de l’Assurance qualité, ainsi que la protection des marques et des brevets, seront respectées. Une surveillance rigoureuse de postcommercialisation sera mise en place. 7/9 Conférence de l’OIE sur les médicaments vétérinaires en Afrique, Dakar, 25-27 mars 2008 – F. Van Gool À cette fin, les mesures suivantes doivent être instaurées : - Des services d’enregistrement nationaux ou régionaux solides (UEMOA, Union économique et monétaire ouest africaine, par exemple), dotés des ressources humaines et des compétences nécessaires et d'un laboratoire de contrôle analytique et chimique afin de pouvoir enregistrer et contrôler la qualité des médicaments vétérinaires. - Un système de distribution très bien organisé et contrôlé pour les médicaments vétérinaires, de l’importateur à l'utilisateur final. - Des puissantes autorités chargées du contrôle et de la répression au niveau national et régional (transfrontalier) pour éviter l’importation, la circulation et la commercialisation de produits contrefaits, non enregistrés et de mauvaise qualité dans les Vet-shops, les pharmacies (vendant des produits à usage humain), sur tous les types de marchés, dans la rue et aussi pour contrôler l’ensemble du système de distribution. -Des Services vétérinaires solides et performants capables de contrôler et de prévenir les maladies et qui offrent une formation professionnelle aux éleveurs afin d’améliorer le statut sanitaire de leur bétail, ce qui permet d’augmenter la fertilité, la productivité ainsi que la qualité et la sécurité sanitaire de tous les produits d’origine animale. - Des associations vétérinaires nationales puissantes dans chaque pays, afin de vérifier le respect de la déontologie de tous les vétérinaires, et qui ont le pouvoir d'exclure les vétérinaires qui ne respectent pas le code d'éthique professionnel. - La création d’un laboratoire ou plusieurs de contrôle analytique et chimique indépendant(s), contrôlé(s) par une organisation internationale (FAO, OIE) où chaque professionnel (Services vétérinaires, Autorités chargées de l’enregistrement, vétérinaires et organisations internationales) intervenant dans le domaine de la production animale (FAO, ONG, etc.) peut adresser des médicaments vétérinaires en vue d’un contrôle de la qualité. Les résultats de ces analyses doivent être publiés de façon aussi large que possible, de sorte que tous les professionnels soient informés de la qualité des différents produits vétérinaires, ce qui permettra d'empêcher les intermédiaires et les entreprises pharmaceutiques qui ne respectent pas le code d’éthique de déverser sur les marchés africains des produits de qualité médiocre. La FAO et l’IFAH (Fédération internationale pour la santé animale) collaborent sur un projet visant à créer deux laboratoires de contrôle analytique et chimique (un en Afrique de l’Ouest et l’autre en Afrique de l’Est) dont la mission est indiquée plus haut. IV. Discussion Le secteur pharmaceutique vétérinaire suit de très près l’essor important de la production animale en Afrique mais il est également conscient qu’un grand nombre de changements sont encore 8/9 Conférence de l’OIE sur les médicaments vétérinaires en Afrique, Dakar, 25-27 mars 2008 – F. Van Gool nécessaires en Afrique, comme indiqué plus haut, avant que ce continent fasse l’objet de l’attention dont il a besoin et que le secteur privé n’investisse massivement dans le développement des produits pharmaceutiques et des vaccins pour lutter contre les « maladies africaines » classiques (theilériose à Theileria parva, Fièvre de la Vallée du Rift, peste équine…) et dans les besoins typiques des pays en développement (nombre de doses par flacon, volume par flacon, etc..). C'est seulement si les gouvernements africains ont la volonté de mettre en place les outils nécessaires pour assurer la sécurité de l’ensemble de la chaîne de production de médicaments vétérinaires, de l’enregistrement à l’utilisateur final, que l'ensemble du secteur africain de la production animale, du pastoralisme aux unités d'élevage importantes et de l'élevage de volailles de basse-cour à un secteur aviaire complètement intégré, sera capable de protéger et de traiter ses animaux à valeur élevée de la façon la plus efficace et la plus sûre, ce qui permettra de produire des produits d’origine animale de haute qualité. V. Conclusion Le marché vétérinaire africain intéresse de plus en plus le secteur de la santé vétérinaire, pour des raisons non seulement commerciales mais aussi humanitaires. Les éleveurs africains ont besoin de médicaments enregistrés de bonne qualité afin de pouvoir créer un élevage durable en améliorant la santé de leur bétail, ce qui permettra d’améliorer la productivité, la qualité et la sécurité sanitaire de tous les produits d’origine animale pour les consommateurs et aura pour effet d’accroître le niveau de vie des éleveurs africains. 9/9