1 Chap. III. Les déictiques 1. Introduction : le lien entre les énoncés

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1 Chap. III. Les déictiques 1. Introduction : le lien entre les énoncés
Chap. III. Les déictiques
1. Introduction : le lien entre les énoncés et la situation d’énonciation où ils sont produits et
interprétés.
1. Cf dessin : Le Chat (P. Gelluck)
à quoi renvoie « vous » ?
à quoi renvoie « ici » ?
D’où provient l’effet comique ?
Le « vous » et le « ici » sur la carte renvoient au lieu où se trouve le Chat – lecteur de la carte. Le
vous et le ici ne signifient pas que le Chat se trouve dans la carte, car la carte réfère à autre chose
qu’à elle-même : elle réfère aux lieux qu’elle représente et à l’individu qui est à cet endroit et la lit
pour savoir où il se trouve.
L’effet comique : vous ne renvoie pas au Chat mais à tout lecteur de la carte.
=> à retenir : vous et ici renvoient à la situation (l’endroit où se trouve la carte pour ici, et tout
passant susceptible de la lire pour vous)
2. Texte journalistique sur Virenque
Quel problème a manifestement rencontré le journaliste lorsqu’il a écrit ce compte-rendu de son
entretien avec Virenque ? Pourquoi ? Expliquez.
=> on retrouve ici la complexité de la situation d’énonciation : l’entretien a eu lieu un jour donné,
mais le texte où il en rend compte paraît dans le journal le lendemain. Autrement dit, le temps de
l’interview n’est pas le même que le temps du lecteur.
=> On trouve dans l’énoncé des traces de cette situation d’énonciation complexe, car à chaque fois
que le journaliste dit « aujourd’hui » ou « demain », le journaliste est obligé de repréciser que ce
n’est pas le « aujourd’hui » du jour où est paru l’article/ le journal, mais le « aujourd’hui » de
l’entretien, ce qui conduit à un ensemble de parenthèses et rend la lecture un peu confuse
=> ce que dit Virenque est relié à la date où il le dit, à la situation d’énonciation. Le journaliste le
relie à la date où son article va paraître (dans un quotidien).
NB : Au départ, ce sont précisément ces éléments linguistiques de type « aujourd’hui », « demain »
qui ont fait dire à certains linguistes qu’on ne pouvait pas étudier les énoncés hors de leur contexte,
sinon on n’arriverait pas à rendre compte de leur sens.
Ce sont des éléments linguistiques qui font référence à la situation d’énonciation (qui parle à qui, à
quel moment et à quel endroit), et pour lesquels on a besoin de la situation d’énonciation pour
pouvoir les interpréter
3. Observation de deux textes ancrés/ coupés , i.e. repérés ou non par rapport à la situation
d’énonciation.
Ces deux textes relatent le même événement, mais de manière différente. Qu’est-ce qui les
différencie ?
Pour répondre à cette question :
-expliquez la situation d’énonciation de chacun de ces textes
-quelles différences observez-vous du point de vue des marques linguistiques ?
Texte A
Cambriolage au centre ville
Dans la nuit du 5 au 6 janvier, la bijouterie Joncaille située Place Du Toc a fait l’objet d’un
1
cambriolage. De nombreuses pièces de valeur ont été dérobées sans que les cambrioleurs
aient été inquiétés. En effet, ils avaient réussi à neutraliser le système d’alarme, pourtant
réputé très performant. Une enquête est en cours, et la police est à la recherche de témoins
qui auraient pu observer quelque chose de suspect dans les jours qui ont précédé le méfait. Z.
C.
Texte B
Avis au personnel
La nuit dernière notre établissement a été victime d’un crime odieux. Des cambrioleurs se
sont introduits et ont emporté le fruit de notre travail. La police enquêtera dès ce matin dans
nos locaux à la recherche d’indices et d’informations. C’est pourquoi nous vous demandons
de bien vouloir collaborer dès aujourd’hui avec leurs services. Au cas où vous souhaiteriez
garder l’anonymat vous pouvez déposer vos témoignages dans la boite du DRH, ici même.
La Direction vous remercie de votre compréhension et de votre collaboration.
Deux situations différentes :
-article journalistique, où il est question du cambriolage.
-avis au personnel émis par la direction de l’établissement cambriolé.
Deux types d’énoncés différents. L’un comporte des références à la situation d’énonciation : un
certain nombre de marques renvoient à celui qui lit le texte et à l’endroit où il le lit (« vous », « icimême »). Ce sont des indices de l’énonciation dans l’énoncé qu’on appelle des déictiques. L’autre
n’en comporte pas.
=> Ces deux exemples illustrent la typologie des textes proposée par Benveniste. Il a montré en
effet qu’il existe deux types de textes, selon qu’ils sont ou non rapportés à la situation
d’énonciation, ie au lieu et au moment où ils ont été produits + à la personne qui les a produits, ou à
la personne à qui ils sont adressés.
-des textes qui sont ancrés dans la situation d’énonciation, qui s’y réfèrent explicitement. On a
besoin d’éléments sur cette situation pour pouvoir les comprendre pleinement.
-des textes autonomes par rapport à la situation d’énonciation. Ils ont bien été produits dans
une situation mais ne s’y réfèrent pas, donc on n’a pas besoin de connaître cette situation quand on
les lit. On dit qu’ils sont coupés de la situation d’énonciation.
2. Les déictiques
Quelques exemples à observer
1. Un graffiti dans les toilettes : RV demain à 17h30.
2. Un sms provenant d’un numéro qui vous est inconnu :je te souhaite une bonne année. Grosses
bises.
Face à ces messages, quels problèmes de compréhension se posent ?
=> comment déterminer quand est « demain », et qui est « je » dans le sms ? (Et même, « te », estce bien vous ?)
2
On retrouve avec ces exemples ce qu’on a vu dans le texte sur Virenque ou dans l’avis au
personnel de la bijouterie suite au cambriolage :
on y trouve certaines unités linguistiques comme aujourd’hui, demain, vous, ici, qui réfèrent à la
situation d’énonciation. Ces unités, nous les appelons les déictiques (on trouve également le terme
d’embrayage, mais nous nous limiterons au premier).
Définition des déictiques
Unités linguistiques qui renvoient à la situation d’énonciation.
Elles servent à situer ce qu’on dit : qui le dit, à qui, à quel moment et à quel endroit ?
Elles ne pouvant être interprétées que si on les rapporte à la situation d’énonciation : qui parle à qui,
à quel endroit, à quel moment ? Autrement dit, on a besoin de la situation d’énonciation pour
identifier le référent de ces éléments, et les comprendre pleinement.
(En d’autres termes encore, si on change les paramètres de la situation d’énonciation, les déictiques
n’ont plus la même référence ; ex : « je », c’est celui qui parle, sa référence dépend donc de qui est
le locuteur).
=> Les déictiques peuvent renvoyer aux trois paramètres de la situation d’énonciation :
-moment de l’énonciation (déictiques de temps)
-lieu de l’énonciation, çàd la position du locuteur dans l’espace, et objets présents dans cette
situation (déictiques spatiaux)
-locuteur ou interlocuteur (déictiques de personne)
-Nous distinguons les 3 types de déictiques, d’indices, par rapport aux 3 paramètres de la situation
d’énonciation ; mais il est important de souligner qu’ils fonctionnent ensemble. Ils ont en commun
de se référer au je/ici/maintenant de la situation d’énonciation.
Remarques
-Attention, toutes les unités linguistiques ne sont pas déictiques ! Quel est le critère pour
savoir si j’ai bien affaire à un déictique ?
-décider de la référence d’un terme = se demander comment je fais pour comprendre à quoi
il renvoie.
TD les déictiques
1. Après avoir souligné les indications temporelles dans les énoncés suivants, déterminez si
elles se réfèrent ou non à la situation d’énonciation.
-Hier Louis est venu me voir pour organiser la sortie lundi prochain. (déictique)
-La veille du 1er mai, juste un an après ton départ, ils ont voulu recommencer, mais ce jour-là j’ai
résisté. (non-déictique)
-Elle était chez nous depuis une semaine quand tu l’as vue. (non-déictique)
-Le surlendemain de ton anniversaire on invitera tes camarades. (non-déictique)
-Voilà 20 jours qu’il ne donne pas de nouvelles, aujourd’hui je suis vraiment inquiet car ça va
faire demain une semaine que Jean l’a vu pour la dernière fois. (déictique)
-Dans un mois tout sera fini mais j’espère que vous reviendrez l’an prochain ou dans les mois qui
viennent. (déictique)
3
-Ça fera 8 mois dans une semaine (par rapport au moment de l’énonciation) que Pierre est revenu.
(déictique)
-La veille de son allocution, le général a décidé de la reporter 9 jours plus tard. (non-déictique)
=>Attention : toutes les indications temporelles ne réfèrent pas à la situation d’énonciation, i.e au
moment où le locuteur a produit son énoncé.
=> Les indications temporelles qui réfèrent à la situation d’énonciation, et plus précisément au
moment où le locuteur a produit son énoncé
= déictiques de temps.
J’ai besoin de savoir à quel moment le locuteur a produit son énoncé pour situer l’indication
temporelle.
2. Dans cet extrait de la correspondance de Voltaire, déterminez parmi les passages soulignés,
lesquels réfèrent à la situation d’énonciation (les déictiques). A quoi réfèrent les autres ?
Il arriva ici, sur la fin de l’année passée, un jeune homme nommé La Beaumelle qui est, je crois, de
Genève, et qui est envoyé à Copenhague, où il était moitié prédicateur, moitié bel esprit. Il est
l’auteur d’un livre intitulé « Mes pensées », livre où il dit librement son avis sur toutes les
puissances de l’Europe. Maupertuis, avec sa bonté ordinaire et sans y entendre malice, alla
persuader à ce jeune homme que j’avais dit au roi du mal de son livre et de sa personne, et que je
l’avais empêché d’entrer au service de Sa Majesté. Aussitôt ce La Beaumelle, pour réparer le tort
prétendu que j’ai fait à sa fortune, a préparé des notes scandaleuses pour « Le siècle de Louis XV »,
qu’il va faire imprimer je ne sais où ; ceux qui ont vu ces belles notes disent qu’il y a autant de
sottises que de mots.
Quant à la querelle de Maupertuis et de Koenig, en voici le sujet : ce Koenig est amoureux d’un
problème de géométrie, comme les anciens paladins de leurs dames. Il fit, l’année passée, le voyage
de La Haye à Berlin, uniquement pour aller conférer avec Maupertuis sur une formule d’algèbre, et
sur une loi de la nature dont vous ne vous souciez guère. Il lui montra deux lettres d’un vieux
philosophe du siècle passé, nommé Leibniz, dont vous ne vous souciez pas davantage, et lui fit voir
que Leibniz avait parlé de la même loi, et combattait son sentiment…
Je n’ai appris que d’hier tous ces détails dans ma solitude. On ne laisse pas de voir des choses
nouvelles sous le soleil : on n’avait point encore vu de procès criminel dans une académie des
sciences. C’est une vérité démontrée qu’il faut s’enfuir de ce pays-ci.
(Extrait de la correspondance de Voltaire)
=> Déictiques : des déictiques de personne (je, vous), de temps (hier, l’année passée, encore) et de
lieu (ce pays-ci). J’ai besoin de savoir qui parle, à qui, à quel moment, et à quel endroit pour
comprendre ces éléments.
=>D’autres formes linguistiques non déictiques. A quoi réfèrent-elles ? Elles ont en commun de
référer à un autre élément du texte ; pour les comprendre, on a besoin de revenir en arrière dans le
texte.
On parle dans ce cas de référence co-textuelle, référence à un autre élément du texte.
3. Dans le texte suivant, classez les éléments soulignés selon leur type de référence.
4
Il y a un siècle seulement en Afrique, les éléphants se comptaient par millions. Aujourd’hui,
450 000 spécimen environ subsistent à l’état sauvage. Massacrés impitoyablement pour ses
défenses en ivoire, ce grand mammifère a failli disparaître de notre planète.
Depuis 5 ans, les éléphants sont protégés par une convention internationale, mais c’est une espèce
bien fragile. Actuellement, leur nombre augmente. Pour combien de temps ? La reproduction de
l’espèce est lente : un éléphant est adulte vers 30 ans et les couples n’ont qu’un petit tous les 4 ans.
Pourtant les éléphants peuvent survivre si l’homme leur en donne les moyens. La plupart des pays
africains semblent l’avoir compris et ont choisi de les protéger.
Pendant 4 ans encore, la vente de l’ivoire restera interdite. D’ici là, les hommes auront peut-être
compris qu’il faut continuer à sauvegarder cette espèce et interdiront définitivement le commerce de
l’ivoire.
Mais il faudra attendre encore une vingtaine d’années pour que des régions dépeuplées voient
revenir ces pachydermes à l’état sauvage.
M. Goldminc et C. Moncel, Télérama Junior, 4 février 1995
=> Plusieurs types de référence
-la référence déictique (déictiques de temps et de personne) : j’ai besoin de savoir qui parle à qui,
à quel moment, à quel endroit pour situer dans le temps/ pour savoir de qui il est question.
-la référence co-textuelle : l’, les, ces pachydermes
=> pour comprendre ces termes, je me réfère à un autre élément du texte
-d’autres éléments que je comprends sans avoir besoin de me référer à la situation ou au texte : des
indications spatiales et temporelles (en Afrique, 30 ans, tous les 4 ans), + les éléphants.
=> on dit que leur référence est absolue (on n’a pas besoin d’autre élément pour les interpréter
complètement).
4. Dans ce témoignage, relevez les pronoms personnels, ainsi que les indications spatiales et
temporelles. Puis, déterminez à quoi ils réfèrent.
Comment Bruno, viticulteur, a retrouvé la voiture qui a servi au rapt
« Hier matin, ma sœur qui partait au travail vers 8 heures a vu une voiture bizarre garée près de la
scierie de Jarnac*. Comme elle avait entendu parler de l’enlèvement à la radio, elle a préféré
m’appeler. J’ai pris mon 4 x 4 et je l’ai rejointe près d’une 405 bleu marine. Il y avait du givre
sur les vitres, cela voulait dire qu’elle était restée là toute la nuit. La vitre avant du chauffeur
était légèrement ouverte. A l’intérieur j’ai vu des cassettes en vrac et des papiers déchirés. Sur les
sièges arrière, il y avait une grosse branche de ronce. J’ai ouvert le coffre avec le bout de mon
couteau pour ne pas laisser d’empreintes. Les clés étaient pourtant restées dessus. J’avais peur de
retrouver le cadavre de l’enfant. Mais il n’y avait pas de corps. Je n’ai pas vu non plus de traces de
sang. J’ai tout de suite appelé la brigade de gendarmerie. Ils m’ont demandé le numéro de véhicule
et la couleur. Ils sont arrivés rapidement. »
=> A l’aide des définitions des différents types de mécanismes référentiels, on peut proposer la
catégorisation suivante :
Déictiques : ils référent à la
situation d’énonciation (la
prise de parole de Bruno)
Non déictiques :
Référence co-textuelle (l’élément renvoie à un autre
élément du texte) pour la plupart.
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Pronoms
personnels
ma - me - j’- mon - je- j’ - j’mon- j’- je - j’- m’
=> réfèrent au locuteur
Elle- elle- l’ => réfèrent à « ma sœur »
ils-ils => réfèrent à « la brigade de gendarmerie »
indications
temporelles
Hier matin (par rapport au
moment où le locuteur parle)
Vers 8 heures (référent = « hier matin »)
Toute la nuit (= cette nuit-là de « l’enlèvement » ou = la
nuit qui a précédé « hier matin »)
Tout de suite (= à ce moment-là)
Indications spatiales
-Près de la scierie de Jarnac
-Près d’une 405 bleu marine
=> référence absolue pour « Jarnac » et « une 405 »,
co-textuel pour « près de »
-là => = à cet endroit-là (renvoie à « près de la
scierie »)
-Sur les vitres - la vitre avant du chauffeur - à l’intérieur
- sur les sièges arrière - le coffre - dessus
=> réfèrent à la voiture : la « 405 »
NB : Les déictiques constituent des traces de l’énonciation dans l’énoncé, dans le sens où en
disant je, le locuteur s’inscrit dans son énoncé, il implante l’autre comme le dit Benveniste en
disant « tu », et il situe ce qu’il dit // moment et au lieu de l’énonciation.
Nous allons maintenant nous centrer sur chaque type de déictique : les déictiques de
lieu, de temps et de personne.
Les déictiques temporels
-On va au ciné demain ?
-L’été dernier je suis parti au Canada
-C’est bientôt le printemps !
-Cette semaine, je dois préparer l’exposé de lundi prochain
-Il pleut
Ce sont les éléments porteurs d’indications temporelles dont la référence est déictique (ils
renvoient au moment de la situation d’énonciation).
Ces marqueurs signalent, par rapport au moment de l'énonciation qui leur sert de repère, une
situation de simultanéité, d'antériorité ou de postériorité :
-ce repérage temporel se fait grâce aux formes temporelles des conjugaisons verbales : les
temps du passé indiquent l’antériorité, les temps du présent la simultanéité, les temps du futur
la postériorité :
ex : il pleut (pas besoin de dire en ce moment, ni d’ailleurs de préciser ici, mais simultanéité,
le locuteur parle de qqch qui est en train de se passer dans la situation d’énonciation)
Mais attention, les temps verbaux fonctionnent de manière complexe ; un passé composé,
traditionnellement décrit comme un temps du passé, n’a pas toujours une valeur d’antériorité
ex : je n’ai pas encore fini mon rapport
6
-à part le temps des verbes, le repérage temporel se fait par un ensemble d’autres indications
temporelles :
des adverbes (actuellement, en ce moment, maintenant, etc...) (hier, avant-hier, naguère,
récemment, autrefois) (demain, bientôt, prochainement)
des noms marquant une date : la semaine passée, ce mois-ci, lundi, l’année prochaine
On notera également le rôle des déterminants : cette semaine, la semaine prochaine...
Outre qu’ils marquent l’antériorité, la simultanéité et la postériorité par rapport au moment de
l’énonciation, les déictiques temporels peuvent selon l’indication temporelle qu’ils portent
indiquer
-la durée (combien de temps)
-la répétition (combien de fois)
-ou avoir une valeur ponctuelle
Les déictiques spatiaux :
Ce sont ces éléments de l’énoncé porteurs d’indications spatiales dont la référence est
déictique, c’est-à-dire qu’ils renvoient au lieu de l’énonciation. Ils servent au repérage spatial
de l’énoncé : ce qui est dit dans l’énoncé est situé par rapport au lieu de l’énonciation
-Viens ici !
-Fais attention à la voiture !
-Je veux celle-ci (en pointant une fleur)
-Attention, ne t’approche pas, il est dangereux ! (prononcé par le père à son fils qui
s’approche trop près d’un chien)
-à votre gauche vous apercevez le massif de la Chartreuse
Parmi les déictiques spatiaux, certains sont des :
Démonstratifs :
-déterminants : ce...ci/là « donnez-moi ce livre-là », « pouvez-vous fermer cette fenêtre ? »
-pronoms (ça, ceci/cela, celui-ci/celui-là, celle-ci, celle-là) souvent combinés avec un geste de
monstration.
Présentatifs (voici/voilà) ; « Tiens voilà Pierre », « voici » quand on vous rend la monnaie
Adverbiaux (ici/là/là-bas ; près/loin ; en haut/bas ; à droite/gauche ; etc..;)
Comme on peut l'observer, les éléments déictiques s'organisent en couples d'opposés dont
chaque élément marque respectivement la proximité ou l'éloignement de l'objet désigné, et
ceci relativement à la position que l'énonciateur occupe effectivement dans l'espace.
=> Les déictiques spatiaux servent au repérage spatial de l’énoncé : ce qui est dit dans
l’énoncé est situé par rapport au lieu de l’énonciation.
NB : attention les déictiques que l’on trouve sont pour certains des pronoms
démonstratifs, mais tous les pronoms démonstratifs ne sont pas déictiques ; idem pour
les adverbiaux. A l’écrit, certains sont co-textuels.
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Quelques exemples. Comparez :
(1)-Elle a le tuyau d’échappement percé (en désignant une voiture)
-Paul voit arriver une voiture au loin. Elle va peut-être lui permettre de regagner la ville
(2)-Attention, ne t’approche pas ! Il est dangereux ! (un père à son fils qui s’approche d’un
chien)
-Paul a enlevé son chapeau. Il avait trop chaud.
(3)-On se sent bien depuis qu’on habite ici
-Chapitre 2. Nous allons traiter ici de la question de la référence.
(4)-Je voudrais celui-ci (en pointant un bouquet).
-Berthe a interrogé Paul sur le vol de sucreries. Celui-ci ne savait absolument rien.
Bilan sur les déictiques spatiaux et temporels :
Rappel : attention, toutes les indications spatiales et temporelles ne sont pas des déictiques.
Critère pour savoir si on a bien affaire à un déictique = référence à la situation d’énonciation.
II.1.1 Les indices de personnes
-personne/ non-personne (cf document distribué)
a) la distinction entre personne et non personne formulée par E. Benveniste
Parmi ce que la grammaire traditionnelle appelle « pronoms personnels », E. Benvniste
distingue « je » (+ nous) et « tu » (+ vous) à « il(s) » et « on », traditionnellement identifiés
comme « forme de la troisième personne ».
« je » et « tu » (et les formes « nous » et « vous » correspondent selon Benveniste aux
véritables indices de personne, dans le sens où ils réfèrent respectivement à une « réalité de
discours », aux véritables personnes de la situation d’énonciation (locuteur et interlocuteur).
Le « il » représente les êtres ou objets dont on parle, le délocuté.
Cf textes de Benveniste sur les grammairiens arabes
Chez les grammairiens arabes, « la première est al mutakallimu, « celui qui parle » ; la
deuxième al muhatabu « celui à qui on s’adresse » » ; mais la troisième personne est alaya’ibu, « celui qui est absent ». Dans ces dénominations se trouve impliquée une notion
juste des rapports entre les personnes ; juste surtout en ce qu’elle révèle la disparité entre la
troisième et les deux premières ». (E. Benveniste, 1966, chap.18, p.230)
Dans la situation d’interlocution, je et tu peuvent s’inverser : celui que « je » définis par un
« tu » se pense et peut s’inverser en « je », et « je » (moi) devient un « tu ». Aucune relation
pareille n’est possible entre ces deux personnes et « il » puisque « il » en soi ne désigne
spécifiquement rien ni personne ». (E. Benveniste, 1966, chap.18, p.230)
8
rappel : indices de personne (quand renvoient aux acteurs de la situation d’énonciation) vs
non personne (le délocuté, êtres ou objets dont on parle).
ex : j'ai vu Didier hier, je sais que tu aimes cette maison
-A partir du dialogue suivant, nous allons aborder les différents indices de personne.
dialogue d’amorce sur les indices de personne [cf file « doc personnes »]
Dans le dialogue suivant, repérez les pronoms personnels sujets et compléments. Quelle est
leur valeur ? Identifiez ceux que l’on peut considérer comme des déictiques.
Des jeunes discutent devant une salle de concert.
1 Loc A : J’y crois pas… y a encore personne ici !
2 Loc B : Ca m’énerve ça, on te dit une heure et quand t’arrives y a personne, on se fout de
nous !
3 Loc C : Ben moi c’est pareil, le week-end dernier on est allés à un concert avec des potes.
Sur le flyer y avait marqué « ouverture des portes à 21 heures précises » et ça a pas
commencé avant onze heures. On a poireauté pendant deux heures !
4 Loc A : Ouais ben moi je te lui aurais dit au type « alors comme ça on commence à neuf
heures précises ? »
5 Loc B : Ben ouais mais il s’en fout, de toute façon, dans ce cas là t’arrives à l’heure, t’es
obligé, on sait jamais, si ça commence à l’heure ou si y a plus de place.
6 Loc A : Tiens*d’ailleurs c’est marrant ce matin on a parlé de ponctualité à la radio.
7 Loc B : Ah ouais ? T’as du feu ?
8 Loc A : ouais
* à commenter : phatique / tu générique
a) Le couple “ je/tu ” : ils réfèrent aux acteurs de la situation d’énonciation
-les pronoms personnels « je », « tu », « nous », et « vous »
-les possessifs correspondant :
déterminants possessifs : Mon, ton, nos, vos + N = le N de moi, toi, nous, vous
pronoms possessifs : le mien, le tien, le nôtre, le vôtre
-certaines formes verbales sont déictiques puisqu’elles peuvent porter des marques de
je/nous (« Signons ces papiers ! », « Faites les exercices page 12 »)
dans le dialogue d’amorce
j’y crois pas
ça m’énerve
on se fout de nous
moi c’est pareil
moi je
t’as du feu ?
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« Je » réfère généralement au locuteur, « tu » à l’interlocuteur. Cependant, ce n’est pas
toujours le cas. Nous allons nous intéresser à qqs emplois particuliers, appelés le « tu
générique » et le « datif éthique », où le « tu » est utilisé sans renvoyer tout à fait à
l’interlocuteur.
« « tu /vous » générique »
Exemples :
« y’a des gens tu peux pas leur faire confiance »
Phénomène fréquent dans la Pub : « Dans cette voiture vous devenez un autre homme » (Vous
générique qui correspond en fait à un on générique).
=> dans certains énoncés à valeur générale (valeur de vérité générale, d’où le terme de
générique)
=> le « tu » ou « vous » remplace en quelque sorte un « on », un sujet universel. Il ne renvoie
pas exactement à l’interlocuteur mais à tout le monde (dont l’interlocuteur). Une relation
vivante est maintenu avec la situation d’énonciation, l’interlocuteur est impliqué, constitué en
en partie prenante du procès (bénéficiaire, victime...).
dans le dialogue d’amorce
(vs « t’as du feu » où tu réfère à l’interlocuteur A)
on te dit une heure
quand t’arrives y a personne
t’arrives à l’heure, t’es obligé
=>vérité générale, valable pour tout le monde
+ tiens
Datif éthique
Exemples :
« Avec le passage à l’euro, ils t’ont augmenté les prix »
« Il te lui a mis une de ces beignes ! »
-un « tu » est intégré à l’énoncé à titre de témoin fictif, mais il ne joue aucun rôle dans le
procès.
-sa suppression n’altérerait en rien l’énoncé au niveau du contenu.
dans le dialogue d’amorce
je te lui aurais dit au type (ne réfère pas à l’interlocuteur
+ alternance pour désigner type de « te » et « lui », « type »)
=> on peut le supprimer
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On peut aussi parler de datif éthique pour certains emplois de la première personne, mais
cela suppose qu’il existe une relation de proximité entre l’énonciateur et les actants du procès.
Exemples :
Jean m’a trouvé le moyen de saccager le jardin
Range-moi ta chambre
Il m’a fait une varicelle
Tous ces énoncés ne se comprennent que si l’énonciateur est le père/ la mère… de Jean. De
cette façon, l’énonciateur entend marquer que l’évènement l’affecte
NB : « nous », « vous » = personnes amplifiées, plutôt que pluriels selon D.
Maingueneau, « nous » extension du « je » plutôt que multiplication du « je ».
b) Les emplois particuliers de la non-personne en tant que personne
Nous avons dit que la troisième personne grammaticale représente pour Benveniste la non
personne, le délocuté, ce dont on parle.
Mais il existe des emplois particuliers, où l’on utilise la 3ème personne pour parler à son
interlocuteur.
Exemples :
Madame est servie
Son Excellence est-elle satisfaite ?
Qu’est-ce qu’elle veut la p’tite dame
=> le « il » fonctionne bien comme indice de personne car il réfère à l’interlocuteur
=> le loc s’exclut de la réciprocité de l’échange linguistique, il ne dit pas « je » et ne pose pas
un « tu » en face de lui.
[NB : à propos de la référence que peut avoir il ou elle
le plus souvent représentants anaphoriques ou cataphoriques (référence co-textuelle)
leur référence peut aussi être relative aux connaissances partagées : qu’est-ce qu’il t’a
dit : X revient de chez le docteur, A et X savent qu’ils font ref à cette personne
leur référence peut aussi être relative à la situation : mais qu’est-ce qu’elle raconte, elle
désignant la prof…(déictique spatial dans ce cas)]
c) Le cas de « on »
L'analyse des indices de personnes serait incomplète si l'on ne prenait pas en compte cette
singularité du français : on
-il est toujours en position sujet et réfère nécessairement à un être humain
-il peut recevoir toutes les valeurs, tous les référents : je, tu, nous, vous, la rumeur publique,
quelqu’un, certains...
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Pour analyser ces différentes valeurs, il faut prendre en compte 3 critères :
1. Le premier est de savoir si « on » est indéfini (il ne désigne pas une personne en
particulier, mais un ensemble plus ou moins large, un groupe assez vague) ou renvoie à des
personnes bien identifiées.
a) « on a toujours besoin d'un plus petit que soi » (indéfini)
b) « en Chine on parle chinois » (groupe de personne bien identifié)
2. Le second critère consiste à voir si « on » est plutôt générique (il renvoie à un sujet
universel, à tout le monde, à la rumeur publique) ou non générique (il renvoie à un groupe
plus restreint de personne, qui peut être un groupe de personnes bien identifiées, ou un groupe
assez vague, indéfini).
c) « quand on boit de l’eau on reste en bonne santé » (générique)
d) « on m’a dit que le film passait à la Nef » (non générique)
NB : à voir générique = toujours indéfini, mais indéfini peut ne pas être générique (cf +
loin dans dialogue d’amorce : on a parlé à la radio, indéfini (qui a parlé ?), mais non
générique (certaines personnes ont parlé de)
3. Le dernier critère est de savoir si « on » est inclusif ou exclusif, c’est-à-dire si « on » inclut
ou non le locuteur.
e) on a de la fièvre ce matin ? (un docteur à un malade dans son lit d’hôpital) (exclusif)
f) il y a quelqu’un ? on vient, on vient (=> je) (inclusif)
g)on pourrait aller voir un film demain (=> nous) (inclusif)
cf dialogue d’amorce : reprendre les « on » du dialogue pour identifier leur valeur à l’aide
des 3 critères présentés ci-dessus
(laisser 5-10 minutes de réflexion en binômes)
-on te dit une heure et quand t’arrives y a
personne, on se fout de nous
-le week-end dernier on est allés à un concert
avec des potes.
On a poireauté pendant deux heures
-je te lui aurais dit « alors comme ça on
commence à neuf heures précises ? »
-on sait jamais, si ça commence à l’heure ou si
y a plus de place.
-ce matin on a parlé de ponctualité à la radio
-on : indéfini, non générique, exclusif
on : indéfini, non générique, exclusif
-personnes identifiées, non générique,
inclusif
-idem
-personne identifiée (mais plus large que le
« tu », non générique, exclusif
-indéfini, générique, inclusif
-indéfini, non générique, exclusif
Bilan sur « on » :
cf dans dialogue entre jeunes « alors comme ça on commence à 9 heures précises ? » (ou
exemple 5 du TD maison ) : la valeur de « on » déborde le « tu »
12
=> « on » peut prendre donc toutes les valeurs, notamment je, tu, mais il ne coïncide
exactement avec aucun.
En fait, « on » fonctionne comme une sorte de mélange entre les indices de personne et la
non-personne, de là son caractère insaisissable, volatile, et son intérêt dans le discours.
TD sur indices de personne et correction
texte de Baudelaire :
1. Dans ce poème de Baudelaire, définissez la situation d’énonciation, et relevez les
déictiques.
Epigraphe pour un livre condamné
Lecteur paisible et bucolique,
Sobre et naïf homme de bien,
Jette ce livre saturnien,
Orgiaque et mélancolique.
Si tu n’as fait ta rhétorique,
Chez Satan, le rusé doyen,
Jette ! Tu n’y comprendrais rien,
Ou tu me croirais hystérique.
Mais si, sans se laisser charmer,
Ton œil sait plonger dans les gouffres
Lis-moi, pour apprendre à m’aimer ;
Âme curieuse qui souffres
Et vas cherchant ton paradis,
Plains-moi !... Sinon je te maudis !
C. Baudelaire, Les Fleurs du Mal.
situation d’énonciation : à partir de quels paramètres définit-on une situation
d’énonciation ?
situation d’énonciation ici : Baudelaire s’adresse à son lecteur
=> on peut dire qqch des acteurs de la situation d’énonciation, le locuteur et l’interlocuteur,
en revanche on ne connaît pas le temps et le lieu
-les déictiques : des indices de personne (tu, lis-moi…)
des indices spatiaux (ce livre)
Quelles sont les différentes valeurs de "on" dans l'énoncé qui suit ?
“ On1 ne sait pas nous, pourquoi on2 nous en veut tout le temps quand on3 veut changer
quelque chose. C’est toujours pareil. L’autre jour j’arrive chez Luc avec PH, on4 entre et
Luc me fait : “ alors comme ça on5 veut tout casser ? ”.
1. personnes identifiées / non générique / inclusif: nous ou je
13
2.
3.
4.
5.
indéfini / non générique/ exclusif
indéfini/ générique ou non (? / )inclusif
personnes identifiées / non générique/ inclusif : nous
personnes identifiées / non générique/ exclusif, un tu ou un vous, avec commentaire
ironique, valeur de reproche indirect comme ds le dialogue
NB :
Quand est-ce que « on » fonctionne comme indice de personne ?
indice de personne = qui réfèrent aux acteurs de la situation d’énonciation, loc et interloc
=>« on » fonctionne comme indice de personne quand il est inclusif (il inclut « je » dans sa
référence), ou quand il inclut l’interlocuteur
=> dans ces cas-là, il est déictique de personne, tout en ayant aussi une valeur ajoutée
les interprétations de tu
On a vu que le “ tu ” peut recevoir diverses interprétations (interlocuteur, datif éthique, tu
générique). Dans les phrases qui suivent, indiquez les interprétations possibles en justifiant
vos choix :
- Tu es rentré fatigué. allocutaire
- Il te lui a coupé l'envie de recommencer ! datif éthique
- Tu peux pas lui parler, il est pas là; allocutaire
- Il te raconte de ces histoires ! allocutaire ou datif éthique ou générique
- Quand tu as vu ça, t'as vraiment envie de renoncer. générique
- Il te donne ça à une de ces vitesses ! datif éthique ou générique
- Tu sais jamais ce que t'as à faire. générique ou allocutaire
3-La différence entre énoncé Ancré/ énoncé coupé :
TD ancré/ coupé
1. Pour poser le problème : qu’est-ce qui cloche dans les extraits suivants ?
1.1. Dans un restaurant, Trachan commanda un steak au poivre, avec des tomates, des frites
et un truc vert qu’il ne parvint pas à identifier. Il mangea un gâteau au chocolat, demanda à la
serveuse jeune, charmante et fatiguée, ce qu’elle faisait ce soir ; elle haussa les épaules, dit
avec fatalisme : retrouver son mari (T. Batoille, Je vous salis ma rue).
1.2. « Allez, à ce soir ! » [...] en s’en allant, Catherine pensa à ce soir, elle rêva tout en
marchant qu’elle allait bien s’amuser. (Copie d’élève).
1.3. Le lendemain matin, ils discutaient longuement d’hier. Aurélien pensa à une idée pour
qu’elle n’ait plus peur la nuit... (id).
1.4. Ce matin-là, je me levai inquiet, non pas à l’idée qu’aujourd’hui c’était la rentrée, mais
par crainte de ne pas me retrouver avec mes camarades de l’an dernier (id.)
14
1.5. Il se présenta : « je suis votre professeur principal. » Ensuite, il nous distribua des
feuilles à remplir. Il nous expliqua ce que l’on allait faire au cours de l’année. Un moment
plus tard, il nous fit visiter le collège en nous disant qu’il ne fallait pas prendre ce couloir car
il était réservé à la directrice (id) 1
1.6. « Autrefois vivait un petit bonhomme qui s’appelait Jean de la lune. Il aurait aimé visiter
la lune, mais ses parents l’en empêchaient. Un soir, de pleine lune, il se leva, prit la grande
échelle de papa et sortit. Il mit l’échelle devant la lune et monta. Arrivé en haut de la lune, il
ne vit personne, puis il regarda et vit des yeux, une bouche et un nez. Tout à coup la lune
bougea et fit tomber la très grande échelle. Jean pleura mais une fusée arriva. Jean lui
demanda de l’emmener sur terre. L’astronaute dit « oui » de la tête et redescendit sur terre. Il
faisait déjà jour, plein de personnes l’attendaient. Et c’est pour ça que je m’appelle Jean de la
lune ». (texte produit par un élève de CE2, suite à la lecture de l’album de T. Ungerer : Jean
de la lune, l’Ecole des loisirs.)
=> des ruptures liées au passage d’un mode énonciatif à un autre :
différence que propose Benveniste entre textes ancrés dans leur situation d’énonciation, et
textes coupés de leur situation d’énonciation. Il parle également d’énonciation discursive (ou
discours) pour les textes ancrés dans leur situation d’énonciation, et d’énonciation
historique (ou histoire ou récit) pour les textes coupés de leur situation d’énonciation.
Enoncés ancrés dans leur situation d’énonciation (ou énonciation discursive) : les énoncés
sont repérés par rapport à la situation d’énonciation, donc comportent plusieurs déictiques.
Enoncés coupés de leur situation d’énonciation : ils ont bien sûr été produits dans une
situation d’énonciation, mais ils tendent à s’autonomiser par rapport à celle-ci. Autrement dit,
ils sont indépendants de cette situation, c’est-à-dire que pour les interpréter, il n’est pas
nécessaire de recourir à la situation d’énonciation, de savoir qui parle à qui, à quel endroit et à
quel moment). C’est le délocuté qui prime, la non personne, avec l’impression que les faits
parlent d’eux-mêmes.
A partir de quels critères distinguer ces deux types d’énoncés et d’énonciation ?
Pour aborder cette question, exercice du TD
Travail en sous-groupes
2. Lisez les deux textes suivants. Identifiez celui qui est « ancré » (énonciation discursive) et
celui qui est « coupé » (énonciation historique).
Dégagez alors les indices linguistiques qui peuvent caractériser selon vous l’énonciation
discursive et l’énonciation historique (temps utilisés, marqueurs de personne, indicateurs
spatio-temporels).
Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de
l’asile : « mère décédée, enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire.
C’était peut-être hier. L’asile de vieillards est à Marengo, à quatre vingt kilomètres d’Alger.
1
Les 5 premiers extraits sont cités par Reichler-Béguelin et al. Ecrire en français. Lausanne, Delachaux et
Niestlé.
15
Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai dans l’après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et
je rentrerai demain soir.
(Albert Camus, L’étranger)
Le matin du 16 avril, le docteur Bernard Rieux sortit de son cabinet et buta sur un rat mort,
au milieu du pallier. Sur le moment, il écarta la bête sans y prendre garde et descendit
l’escalier. Mais arrivé dans la rue, la pensée lui vint que ce rat n’était pas à sa place et il
retourna sur ses pas pour avertir le concierge. Devant la réaction du vieux M. Michel, il
sentit ce que sa découverte avait d’insolite.
(Albert Camus, La peste)
3. Vérifiez vos hypothèses en lisant le texte de d’E. Benveniste sur « Les plans de
l’énonciation ».
Complétez alors le tableau suivant pour présenter les principales caractéristiques des deux
systèmes d’énonciation.
Repérages
Enonciation discursive
Enonciation historique
Temps utilisés
Repères spatio-temporels
Marques de personnes
Types de texte
Discours
Passé composé / Imparfait
Présent
Futur
Oral et écrit
Déictiques
Modalisation
Histoire
Passé simple / Imparfait
Plus que parfait
Toutes les formes passées surcomposées
Ecrit
Absence de déictiques
Modalisation Zéro (assertion)
=> attention, c’est la co-présence d’indices qui va permettre de décider, et jamais une seule
marque !!
-Le passé simple n’est présent que dans les énoncés coupés de leur situation
d’énonciation. C’est au départ un des critères qui a permis à Benveniste de faire cette
distinction.
-ancré/ coupé ne recoupe pas la distinction oral/ écrit, ni la distinction énonciation immédiate/
différée.
Bien que les déictiques soient beaucoup plus fréquents à l’oral (car la situation d’énonciation
est la plus souvent immédiate), on en trouve naturellement à l’écrit (cf la lettre de Voltaire, ou
le texte que je vous ai fais produire). Cependant, l’énonciation historique ne fonctionne qu’à
l’écrit (ou un oral qui ne serait que de la lecture de l’écrit).
16
-enfin, peu de modalités dans l’énonciation historique, alors qu’il y en a davantage dans
l’énonciation discursive selon Benveniste, mais il y en a toutefois. Ce sont de ces
modalités dont nous allons parler bientôt, au chapitre IV.
=> avant, cf ce que dit E. Benveniste (texte sur les plans d’énonciation) : au sein d’un même
texte on peut passer d’un plan d’énonciation à l’autre :
4. Dans l’extrait de l’article « Pérou, à la rencontre des Incas », repérez les ruptures
dans le système énonciatif de ce texte. Quel effet produisent-elles ?
-le lecteur est impliqué, invité au voyage à la découverte des incas, par ce texte ancré.
-apport d’infos historiques dans courtes séquences de récit
Le passage d’un plan d’énonciation à un autre :
-il s’agit parfois de ruptures énonciatives qui nuisent à la cohérence textuelle (cf les erreurs
repérées dans des copies d’élèves ou d’étudiants, au point 1. du RD.
-Mais il peut s’agir aussi de ruptures qui ne nuisent pas à la cohérence textuelle, et qui au
contraire, permettent de produire certains effets.
17

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