Saïd Chraïbi

Transcription

Saïd Chraïbi
Saïd Chraïbi
~ Holm bi Fès ~
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Saïd Chraibi ~ Rêves de Fès
Un chant ancien des femmes de Fès dit : « Mon aimé m’a blessée du regard.
Qu’en serait-il s’il m’avait adressé la parole ?». J’ai été, moi aussi, blessée
par Fès, seulement à travers le rêve et je me demande ce qu’il en aurait été si
je l’avais réellement vue. Je dois avouer que je ne suis jamais allée à Fès et,
pourtant, si mes pas n’ont pas laissé leurs traces sur son sol, mon âme semble
avoir rencontré la sienne…
Souvent, je me distrais en évoquant Fès. Je l’imagine blanche de ses crépis
de chaux, engourdie de sieste dans ses patios marmoréens. Je l’imagine
grouillante et silencieuse, joyeuse comme une noria ou mystérieuse comme un
visage voilé. Le jour, le soleil introduit ses fils d’or dans les eaux transparentes
des sahrij installés en grands seigneurs au centre des riads. Au couchant,
l’astre peint en ocre les murs sacrés. La nuit, la lune insomniaque argente les
fenêtres en éveil, caresse les cimes des hauts cyprès et exalte l’arôme sensuel
des jasmins. Parfois l’après-midi mon rêve arpente les rues bigarrées et
caillouteuses, pour la plupart protégées du soleil par un treillis de roseaux…
Moi, je ne suis jamais allée à Fès et cependant me viennent à la bouche des
phrases singulières qui ont des résonnances de légende et d’énigme… Fèz
m’introduit dans ses murailles et je passe tour à tour les portes de Bab Idid
et de Bab Boujloud et je m’arrête, sans le vouloir, devant le seuil doré de Bab
An’Nasr non loin de Qobat al-Arch, le prodigieux palais royal.
Dans toute la ville, les fontaines adossées aux murs couverts d’azulejos me
chantent le refrain de leurs eaux bavardes. Jour après jour, je décèle dans
Fès les traces de notre histoire commune; je recueille les échos légendaires du
calife de Cordoue Abderraman lll qui ofrit à Fès la porte de la mosquée dite
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al-Andalous…
Si la vision de Fès s’habillait de réel, je rêverais encore de Fès. Car Fès est
ce filet qui nous attrape inéluctablement dans l’illusion comme dans la réalité…
Moi qui ne suis jamais allée à Fès, j’ai joué les devins, consciente de tout ce
qui me reste à voir, respirer, entendre, sentir… Pourtant je pressens qu’un jour
de fête et de lumière, mon rêve se confondra avec la réalité, l’un complétant
l’autre et Fès m’apparaîtra alors doublement.
Ce jour magique je pourrai alors m’exclamer : « Mais c’est donc vrai que je
suis allée à Fès ! ».
Madrid, 5 Octobre 1994
Fina de Calderón
Saïd Chraibi ~ Dreams of Fes
An old song sung by the women of Fez says «My love wounded me with a
look. What would it have been had he spoken to me?» I too was wounded by
Fez, only through a dream, and I wonder what would have happened had I
actually been there. I must admit I have never been to Fez but still, while my
feet have not left tracks on its soil, my soul seems to have met of the city’s...
Often, I spend time daydreaming of Fez. I imagine whitewashed, numb from
slumber in its Marmorean patios. I imagine it swarming and silent, joyous
like a chain-pump or mysterious like a veiled face. During the day, the sun
sends its gold threads through the transparent waters of the sahrij settled like
great lords in the center of the riads. At sunset, the star paints the sacred
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walls ochre. At night, the insomniac moon casts silver on the lighted window,
caresses the tops of the tall cypresses and intensifies the sensual perfume of
the jasmines. Sometimes in the afternoon my dream strides through the mottled
and rocky streets, most of which are protected from the sun by reed trellises...
I have never been to Fez but strange phrases come to my mind that resonates
of legends and enigmas... Fez takes me into its walls and I go through the
doors of Bab Idid and Bab Boujloud and I stop, despite myself, in front of the
golden door of Bab An’Nasr not far from the Qobat al-Arch, the prodigious
royal palace.
Throughout the city the fountains spouting from walls tiles in azulejos sing me a
refrain with their bubbling waters. Day after day, I detect in Fez the traces of
our common history; I collect the legendary echoes of the Caliph of Cordoba
Abderraman lll who offered Fez the door to the al-Andalous mosque...
If this vision of Fez became reality, I would still dream of Fez. For Fez is a
net that inevitably catches us both with illusion and reality...
I who have never been to Fez, I played the soothesayer, conscious of what
I have yet to see, breathe, hear, feel... Nevertheless I feel that there will
be a day of celebration and light when my dream will meet reality, each
complementing the other, and I will have a twe-fold vision of Fez.
That magical day I will be able to exclaim «Well, I have been to Fez
after all!»
Madrid, October 5, 1994
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Saïd Chraibi est né le 2 Février 1951 à Marrakech, fils d’une famille marrakchie fière
de ses traditions et de sa culture il s’initie au °ûd à l’âge de 13 ans et explore ensuite
au fil des années les richesses de la musique andalouse tout en menant des études
universitaires.
Premier prix d’interprétation de luth en Irak en 1986, Saïd Chraibi fait de
nombreuses tournées au Maroc et dans tout le monde arabe ainsi qu’en Europe et aux
Etats-Unis. Soliste il apprécie aussi les duos et les orchestres pour lesquels il compose
des œuvres qui sont aujourd’hui enseignées dans les conservatoires pour leur haut
degré de technicité.
Cet album est extrait dans sa presque totalité des œuvres composées par Saïd Chraibi
pour le folio «Fès à travers les estampes du rêve» réunissant Meriem Mezian, peintre
marocain et l’écrivain espagnol Fina de Calderón et présenté dans son intégralité au
festival international des musiques sacrées de Fès en Mai 1996.
Said Chraibi was born on February 2, 1951 in Marrakech from a local family proud of
its traditions and culture. He was initiated to the oud at 13 and through the years has
explored the riches of Andalusian music while studying at the University.
He won first prize for lute playing in Iraq in 1986. He has toured Morocco and the
entire Arab world as well as in Europe and the United States. While he is a soloist he
also appreciates duos and orchestras for which he has composed works that are now
taught in conservatories for their high degree of technique involved.
This album is almost entirely composed of works written by Saïd Chraibi for the «Fez
through dream prints» folio reuniting Meriem Mezian, a Moroccan painter and Fina de
Calderon, Spanish author. The integral composition was presented at the international
sacred music festival in Fez on May
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1) Souks de Fès
Pièce inspirée par les différents métiers traditionnels exercés dans les souks de Fès,
composée dans le mode Raml el Maya, rythme goubahi (5/4) bien connu dans le
malhoun.
2) Taksim (Improvisation) dans le maquam mohayar.
3) Mystique : Pièce en rythme 14/8, maquam mohayar, inspirée par les chants soufis
des Zaouias.
4) Holm bi Fès (Rêves de Fès) : «t’baa hijaz kabir» en rythme 4/4
C’est l’évocation de la magie d’une cité arabo-musulmane et évidemment de Fès, telle
qu’elle peut être rêvée par un éventuel visiteur.
5) Taksim dans le maquam hijaz.
6) Variations sur «Holm bi Fès».
7) “Abouabs Fès» (Portes de Fès) : «T’baa hijaz kabir» Insiraf B’tayhi en 8/4
Evocation dans la majesté et l’allégresse du rythme b’tayhi andalou de la splendeur des
différentes portes de cette ville millénaire.
8) Semaï Attâ’yr :
Pièce en 10/4, empruntant une des formes classiques de la musique arabe et qui fait
apparaître ici un des modes spécifiques à la musique marocaine : Ispahan.
9) Caprices de Fès : «T’baa gharibat al hoceine» au rythme Derj 4/4
Le rêve rencontre la réalité lorsque le visiteur étranger rencontre Fès après l’avoir
longtemps rêvée.
10) Taksim dans le maquam mahour
Dans cette improvisation Saïd Chraibi exprime son appartenance à une double culture
musicale marocaine et orientale.
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1) Souks de Fès
mode Raml el Maya,
rythme goubahi (5/4)
2) Taksim (Improvisation)
dans le maquam mohayar.
3) Mystique : Pièce en rythme 14/8,
maquam mohayar, inspirée par
les chants soufis des Zaouias.
4) Holm bi Fès (Rêves de Fès) :
«t’baa hijaz kabir» en rythme 4/4
5) Taksim dans le maquam hijaz.
6) Variations sur «Holm bi Fès».
7) “Abouabs Fès» (Portes de Fès) :
«T’baa hijaz kabir»
Insiraf B’tayhi en 8/4
8) Semaï Attâ’yr
9) Caprices de Fès :
«T’baa gharibat al hoceine»
au rythme Derj 4/4
10) Taksim dans le maquam mahour
Saïd Chraïbi : °ûd, Aziz el Achhab : arrangements & violon,
Mohamed el Ghazi : Direction d’orchestre et solos violon & alto,
Ahmed Cherkani : violon solo, Nabil Eddahâr, Mohamed
Lamkhantar, Niwe & Abdel’ilah Miry : violons, Mustafa el Amri :
alto, Abdelghani Khotba & Aziz Alami : percussions.
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