Affres et ravissements de la formation de pilote de transport dans l

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Affres et ravissements de la formation de pilote de transport dans l
GRAND FORMAT
Itinéraire d’une passion
Affres et ravissements de la formation
de pilote de transport dans l’armée de l’Air
Les étapes de la formation
de pilote de transport
Dernières vérifications
formation sur DR-400 avec Bernard Tarkali. A la date d’anniversaire de ses 15
ans, il effectue son premier vol solo. Avant
de passer son brevet à 17 ans, il travaille
au club pour payer sa formation de vol.
Parallèlement, il réussit son Bac S et s’inscrit en fac de Physique. Mais le virus de
l’armée l’a contaminé et avec cet objectif
en tête, il abandonne ses études pour se
préparer exclusivement au concours d’entrée. Pendant six à sept heures par jour,
il fait du sport, améliore son anglais, travaille les Maths et le calcul mental. Toute
son énergie est dédiée au destin aéronautique qu’il a choisi.
A
A
8 ans, Thomas Dubois fabriquait
des maquettes d’avions et à 23 ans,
il pilote un Transall. Son périple à
travers l’aviation a débuté au musée Delta
d’Athis-Mons (museedelta.free.fr) où il travaillait comme bénévole.
Les jours d’affluence, Thomas faisait visi-
La base de Salon-de-Provence
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La base de Cognac
ter le musée. Sinon il nettoyait les avions
ou remplissait des tâches de rangement.
Chaque membre avait la responsabilité ;
on lui avait confié la Caravelle, et il en a
rencontré des passionnés. « Les anciens
pilotes et mécaniciens venaient me voir.
Je me remémore ces excellents souvenirs
Deux Grob
120 de l’école
de pilotage
de Cognac
avec nostalgie. Nous discutions jusqu’à
point d’heure des performances et des histoires de la machine. Ces conversations ont
définitivement ancré ma motivation pour
les objets volants ».
A 14 ans, Thomas entre à l’Aéro-club Henri-Guillaumet de Lognes et commence sa
AVIASPORT ??? ????? ?????
L’armée de l’Air se féminise
En place avant
de l’Epsilon
Au préalable, le candidat devra s’infliger un bon entraînement physique et intellectuel (anglais, calcul mental). Suivent ensuite :
- des épreuves de sélection (tests psychomoteurs, Maths, psychologiques, résolution de problèmes en groupe, sport, entretien avec des
pilotes, visite médicale et radio) à Brétigny ;
- une Formation militaire initiale (FMI) et une Formation militaire d’officier (FMO) à Salon-de-Provence ;
- un stage d’anglais à Cognac ;
- la préparation à l’Airline Transport Pilot Licence (ATPL) à Salon-deProvence ;
- le tronc commun pour la formation en vol à Cognac sur monomoteur ;
- à l’issue de cette formation, les élèves-pilotes font des vœux : chasse
ou transport. Suivant leur classement, ils obtiennent ou non satisfaction.
Puis :
- préparation au CPL et IR à Avord sur Xingu ;
- formation théorique (Orléans) et pratique sur Transall et Multi Crew
Cooperation (MCC) à Evreux ;
- perfectionnement et découverte du métier de pilote de transport dans
l’armée de l’air (France et étranger).
Rien ne le dévie de sa route et c’est avec
une grande persévérance qu’il s’emploie à
mettre toutes les chances de son côté.
La Grande muette
Un dimanche de février 2006, un véhicule
militaire vient le chercher à la gare de
Brétigny pour l’amener au centre de recrutement de l’armée de l’Air. Le stress
se lit sur les regards des candidats, qui
ont pour la plupart passé une mauvaise
nuit. Il est placé dans une chambre avec
un autre postulant. Le lendemain matin,
après le petit-déjeuner, on leur demande
d’apporter leur bagage dans le centre
d’examens. En effet, un certain nombre
d’épreuves étant éliminatoires, en
cas d’échec, le malheureux prétendant prend ses affaires et rentre directement chez lui. C’est ainsi que le
nombre d’aspirants au métier de personnel naviguant diminue lentement
mais sûrement…
Le premier obstacle à franchir est le
test du palonnier. Face à un écran, les
futurs pilotes doivent suivre une lumière
rouge avec un viseur en agissant sur les pédales. Durant 15 minutes, ils doivent prouver à l’ordinateur qu’ils sauront s’en servir.
L’après-midi, ils subissent tout d’abord un
test de Maths qui comporte 30 problèmes
et dure trois quarts d’heure. « Je n’ai pas
eu le temps de terminer tous les exercices,
mais je me suis rendu compte ensuite
qu’aucun autre élève dans ma promotion
n’y est parvenu. Cela m’a un peu rassuré
! ». Puis des tests d’orientation permettent
de vérifier si le candidat arrive à se repérer dans l’espace. Face à un horizon artificiel, il doit déterminer si l’appareil tourne
à droite ou à gauche. « Bien que PPL, j’ai
trouvé cette épreuve délicate et pleine de
pièges ». Ensuite, des ombres d’avion sont
présentées et l’on doit déterminer le type
d’appareil. Un test de reconnaissance de
carte clôt la session de l’après-midi. Il
s’agit de situer des photos prises d’avion.
Chaque postulant trouve les épreuves
plus ou moins difficiles en fonction de ses
propres capacités. Mais le couperet tombe
impitoyablement après chaque exercice.
Mens sana…
Le mardi matin débute avec le test Secpil
(motricité et réflexe) pour déterminer les
aptitudes du candidat pour devenir pilote.
Placé dans un simulateur doté de vérins à
petit débattement, chaque postulant est affublé d’un casque de pilote et d’un masque
à oxygène. Deux écrans superposés, des
palonniers et un manche complètent le
dispositif. La torture commence. Sur le
panneau du haut, une croix se déplace :
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AVIASPORT ??? ????? ?????
La pucelle
Quand tous les pilotes de la promotion
ont fait leur premier vol solo, ils subissent le rite initiatique qui leur permettra de porter l’insigne de l’escadron. La
pucelle est mise au fond d’une chope
rempli d’un liquide particulièrement
nauséabond. Chaque bizuth doit en
boire une gorgée sous le regard goguenard des Anciens.
Deux Alpha-Jet
gu au roulage
Une patrouille de Xin
le pilote doit en suivre le mouvement avec
le manche. Après cet échauffement, des
chiffres s’affichent sur l’écran du bas et
l’aviateur doit les additionner. Finalement,
l’ordinateur lui demande d’utiliser ses
pieds en plus du manche pour suivre la
croix. A la fin de l’épreuve, l’élève doit inscrire le résultat de toutes les additions qu’il
a faites durant ces trente minutes. Ce test
est éliminatoire pour les pilotes, mais pas
pour les navigateurs. En effet, le concours
s’adresse à ces deux catégories de personnel et à la fin, le classement détermine à
quelle option le candidat peut postuler.
Même l’armée se doit de passer par la
case Psychologie. Le mardi après-midi,
les candidats remplissent un QCM, limité
en temps, qui leur pose des questions sur
eux-mêmes : « Etes-vous sportif ? Avez-
vous des amis ? » Cependant les réponses
sont restreintes. Elles sont censées filtrer
les candidats et déterminer s’ils pourront
s’adapter au profil militaire. Puis le mercredi matin, pendant 1 heure 30, les postulants vont devoir répondre à des questions
d’anglais dont la difficulté va crescendo. Un
minima de 12 sur 20 est demandé, mais
cette note n’est pas éliminatoire au premier test. Les candidats peuvent être admis au sein de l’armée de l’Air sans réussir : ils auront une seconde chance qui sera
disqualifiante en cas d’échec. Thomas n’a
pas trouvé ce test difficile, mais il attribue
son succès à son entraînement intensif lors
de sa préparation.
Pas de répit. L’après-midi se déroulent les
épreuves de montée à la corde, du 100 et
du 1 000 mètres, du lancer de poids et du
saut en hauteur. Une note du 8 sur 20 est
nécessaire, mais comme pour l’anglais, les
élèves auront une deuxième chance. « Un
candidat en bonne santé qui fait du sport
régulièrement devrait franchir cet obstacle
sans difficulté » estime Thomas. Un test en
groupe clôture cette journée. Placés par
équipe de quatre ou cinq, les candidats doivent résoudre une énigme (par exemple, libérer un groupe d’otages prisonniers dans
une grotte). Ils disposent de matériel et des
observateurs jugent leur capacité à commander, prendre des décisions, écouter,
synthétiser, etc.
Finalement, le lendemain matin, tout le
monde saute à l’eau pour un 50 mètres.
Après cette épreuve rafraîchissante, les
postulants rencontrent un psychologue et
deux pilotes de l’armée de l’Air pour des
échanges sur divers sujets. Une visite médicale similaire à une classe 1, avec en supplément une radio du dos, constituent le
dernier écueil avant un retour à la maison.
Ceux qui sont encore à bord savent qu’ils
ont prouvé leur bravoure, mais ignorent
s’ils vont être sélectionnés. Les dossiers
sont envoyés à une commission qui valide
les résultats des différentes promotions
(trois par an) et désigne les élus.
… in corpore sano
Le Xingu
Construit par Embraer, le EMB–121 Xingu (moustique, en portugais) a effectué son
premier vol en 1976.
Conçu comme avion d’affaires, il fut cependant acheté par l’armée de l’Air et la Marine
pour la formation de ses pilotes et le transport de ses cadres. Equipé de turbopropulseurs PT-6A-28 d’une puissance unitaire de 680 ch, le Xingu croise à 220 nœuds
pour 250 max. Son principal handicap est un pilotage délicat en panne moteur. « Il faut
botter à fond pour contrôler l’avion », précise Thomas. Ses performances correctes
peuvent être amoindries par la chaleur de même que la charge utile, notamment lors
d’une remise des gaz et en montée. « J’ai failli me faire piéger une fois… la leçon est
bien retenue » déclare Thomas. Bien trimé en fonction d’un régime moteur établi, le
Xingu est souple au pilotage et ne réserve pas de mauvaise surprise.
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Thomas se présente à Salon-de-Provence
le 22 mai 2006 pour la FMI (formation militaire initiale). Pendant quatre semaines,
c’est dans un groupe de 20 aspirants qu’il
apprend à marcher au pas, à tirer au fusil.
Il fait ainsi ses classes militaires. Le mois
suivant, la FMO (formation militaire d’officier) prend le relais. « Ces entraînements
plus spécialisés dans l’aspect commandement ressoudent la promotion en nous
mettant dans des situations problématiques, comme celle traverser un fleuve en
construisant un radeau. Je me suis fait 19
copains. Il est toujours possible de quitter
l’armée durant cette période, mais per-
sonne n’a voulu partir ». Ces jeux de plein
air terminés, Cognac est rejoint pour un
stage d’anglais aéronautique intensif d’un
mois. Ambiance lycée, mais studieuse avec
6 à 7 heures de cours par jour, entrecoupés d’un peu de sport. Le stress de cette
formation est compensé par la motivation
dont font preuve les futurs pilotes. Ils comprennent l’utilité de cet apprentissage et
fournissent le travail adéquat pour réussir.
Cependant, rien n’est acquis : deux jeunes
ont dû quitter la formation et un autre a été
décalé de promotion car il avait pris trop de
retard et ne pouvait suivre le rythme imposé par les enseignants qui étaient, d’après
Thomas, compétents et intéressants.
Ensuite, retour au Centre d’instruction au
sol du personnel naviguant à Salon-deProvence pour préparer les 14 unités de
l’ATPL (Airline Transport Pilot Licence).
Pendant 9 mois, les élèves s’échinent sur le
droit aérien, les performances humaines,
la météo, les masses et centrages, etc.
Mais dans sa grande mansuétude, l’armée
de l’Air leur offre un stage pratique de deux
semaines dans les forces actives. Les étudiants peuvent ainsi se retrouver en place
arrière sur Mirage 2 000, Rafale, ou à côté
du pilote en hélicoptère. « J’ai adoré cette
période que j’ai effectuée sur Alpha-Jet,
et qui m’a permis d’observer différentes
facettes du métier de pilote de chasse ».
Après cet intermède flamboyant, Thomas
a retrouvé les bancs de l’école pour finir
d’étudier et passer ses certificats.
Missions (im)possibles
Puis l’élève Dubois est à nouveau à Cognac
pour commencer le tronc commun de la
formation en vol. Soixante-dix missions
sur Epsilon l’attendent. « Ce fut le premier avion à cocardes sur lequel j’ai volé »,
commente-t-il avec nostalgie. Dénommé
petit chasseur ou Zeb (pour Zébulon) par
les militaires, c’est un avion assez performant pour ses 300 chevaux. Du même
format qu’un avion de chasse, le TB-30
autorise la voltige et un entraînement assez avancé. La patrouille Cartouche Doré
l’utilise avec brio lors des shows aériens.
Thomas est placé sous la responsabilité
du Lieutenant de vaisseau Aubry qui devient ainsi son parrain. Les parrains sont
des instructeurs qui suivent les progrès
de leurs ouailles, les conseillent et les aident quand ils traversent des périodes de
doute sur leurs compétences aéronautiques. D’ailleurs, fidèle à elle-même, l’armée exige de ses élèves des compétences
reconnues. Un élève de la promotion de
Thomas a été recalé car il avait trop de
difficultés en vol. Après passage devant
une commission qui écoute toutes les parties, une décision est prise. Si l’élève n’est
pas considéré apte, il peut continuer dans
l’armée à un autre poste, navigateur par
exemple, ou retourner dans le civil.
Le cursus du tronc commun comporte cinq
grandes catégories d’apprentissage. Durant l’étape du pilotage d’accoutumance,
Thomas a travaillé les tours de piste, les
assiettes en vol, les décollages et atterrissages. Pendant 1 heure à 1 heure 30, les
pilotes engrangent les connaissances et
terminent généralement sur les rotules.
Les briefings succèdent aux debriefings et
aux préparations des vols suivants. Les instructeurs forcent les élèves à corriger leurs
erreurs. Ils tolèrent l’avion à 100 pieds audessus du tour de piste, mais exigent que
l’apprenti identifie le problème et y remédie. « J’ai été surpris par la différence entre
l’aéro-club et l’armée. J’ai passé mon PPL
pour le plaisir, et toute la formation en club
est basée sur ce fondamental. A l’armée,
voler est surtout un métier. Il faut de la rigueur et respecter scrupuleusement les
procédures ».
A la croisée des options
La partie navigation, que Thomas a trouvée
difficile, consiste à apprendre à voler en
tenant compte de la dérive, de la radio, du
temps estimé d’arrivée et de la reconnaissance de points caractéristiques au sol. Un
test clôture cette session. En cas d’échec,
des vols supplémentaires sont programmés, mais les élèves n’ont qu’une deuxième
chance. Lors de la session pilotage de précision, les jeunes sont initiés à la voltige. Ils
enchaînent tonneaux, barriques et autres
figures acrobatiques dans le ciel. Cette partie, d’après Thomas, est fort gratifiante tout
en étant exigeante. Les vols de nuit qui suc-
Le mécanicien procède
à la prévol cabine du Transall
Thomas
aux commandes
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AVIASPORT ??? ????? ?????
». Cependant rien ne lui garanti
que son choix sera validé. Les
chevaliers de la table ronde
ignoraient s’ils allaient trouver le Graal, mais ils partirent
quand même. Thomas, à l’instar de Perceval, le plus chaste
et le plus valeureux d’entre
eux, allait donc commencer
une nouvelle aventure.
Une quête
initiatique
cèdent aux séances précédentes font travailler les réflexes dans un
environnement différent. Durant cinq vols,
les pilotes font des tours de piste, appréhendent le vol sans visibilité (VSV) et l’orientation radio-électrique (ORE). Puis le cursus
se termine avec le vol en formation. Pendant
huit vols, les pilotes apprennent à suivre
leur leader et à ne pas rompre la patrouille.
A ce moment-là, et uniquement si le test est
réussi, le parrain emmène son protégé en
vol solo. Cette preuve de confiance soude
leur relation et renforce l’assurance de
l’élève. La proximité d’un autre avion oblige
le suiveur à se concentrer du décollage à
l’atterrissage pour éviter l’accrochage. « Je
fus particulièrement tendu durant toute la
sortie », se rappelle Thomas.
Au terme de cette première étape dans la
progression, un comité de sélection classe
les pilotes et les oriente en fonction de leur
desiderata et des disponibilités : chasse
ou transport. Sur 20 élèves, 16 ont choisi
la première option. Arrivé troisième de son
escadron, Thomas a la liberté de choix. Depuis longtemps, il a jeté son dévolu sur le
Transall. « Avec cet avion, les missions sont
très variées : ravitaillement en vol, appui
tactique, etc. De plus il est engagé sur de
nombreux territoires, notamment ceux en
conflits armés. On peut ainsi accumuler les
heures de vol et une précieuse expérience
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Fidèle à elle-même, la Grande muette sait
mettre son personnel en état de choc pour
le préparer psychologiquement à son futur
métier. Arrivé à Avord, Thomas apprend
qu’il va se faire rogner les ailes pendant
deux mois, le temps d’apprendre tout sur
les systèmes du Xingu, de la pression des
pneus au calcul de carburant, les procédures IFR et la méthodologie du transport
aérien en équipage à l’armée.
Après ce purgatoire, 130 missions dont 90
en vol et 40 sur simulateur lui permettent
de préparer son CPL (Commercial Pilot Licence) et l’IR (Instrument Rating). Le simulateur prépare les vols en situation réelle.
Aucune voltige cette fois-ci, mais des vols
à basse hauteur à 220 nœuds maximum
et 500 pieds de minima. Thomas en profite pour aller en Espagne et à Dubrovnik.
Il se rend alors compte de l’importance de
maîtriser parfaitement la langue des Beatles grâce un contrôleur croate avec lequel
l’échange est laborieux. Il croise aussi ses
copains qui volent dans la chasse ou en hélicoptère. Les nombreuses heures de vol
sur Xingu l’instruisent au travail en équipage. Avec son binôme Anthony, ils échangent les fonctions et apprennent à gérer
les situations délicates en équipe. A l’issue
de cette formation, il reçoit ses ailes de pilote et passe du grade d’élève officier
à celui d’aspirant.
Le Graal
Thomas est ensuite versé à la base 123
d’Orléans pour apprendre pendant trois
semaines les systèmes du Transall. Une
fois la théorie acquise, retour à Evreux à
l’escadron Béarn d’instruction des équipages (EIE) pour la formation pratique qui
dure, suivant les disponibilités des pilotes,
instructeurs et avions, entre 12 et 18 mois.
Au début, les aspirants découvrent l’appareil, ses caractéristiques et ses systèmes
par l’intermédiaire d’entraînements en
simulateur. Ils apprennent à démarrer le
Transall, à le manœuvrer au sol, à gérer
des pannes de plus en plus compliquées.
Cette phase se déroule sur un ou deux
mois. Puis ils commencent à alterner vols
réels et simulateur. « Le premier vol demeure un moment mémorable. Mon rêve
s’est réalisé. Pour la première fois je me
suis assis en place gauche. J’ai mis l’avion
en route, je l’ai emmené jusqu’à la piste et
j’ai décollé pour un tour standard. Mais il
faut être prudent : à vide, le Transall est un
avion assez performant. Il atteint 60 nœuds
en une dizaine de seconde et son poids lui
confère une inertie qu’il faut anticiper en
cas de problème ». Ensuite, le programme
travaillé en simulateur est repris en pratique. A ceci s’ajoute des navigations sur
le territoire national et l’apprentissage
de stratégies pour réaliser le vol dans les
meilleures conditions et en tenant compte
de paramètres tels que la consommation,
le temps, les escales. Puis l’instructeur
initie le pilote au vol basse altitude. A 330
pieds/sol et à près de 210 nœuds, les pilotes doivent tout réapprendre et assimiler des références et des points de repère
différents. Durant cette formation, les aspirants obtiennent leur qualification Multi
Crew Cooperation (MCC). En effet, comme
ils travaillent étroitement avec un navigateur et un mécanicien, ils doivent utiliser
une phraséologie précise et rigoureuse qui
ne laisse aucune chance à l’interprétation.
Les pilotes doivent aussi passer des UV sur
plusieurs sujets théoriques. L’UV Reconnaissance avion vérifie qu’ils savent identifier les avions des pays étrangers, leur
mission, leur armement et les dangers à
affronter. L’UV Manuel d’emploi tactique
recueille toutes les informations pratiques
dont ils ont besoin lors des diverses missions qu’ils seront amenés à effectuer. Ils
sont aussi interrogés sur la Convention de
Genève qui stipule leurs droits s’ils sont
faits prisonniers. « Afin de mettre toutes
les chances de mon côté, j’ai pris une permission d’une semaine que j’ai passée à la
base afin de réviser pour l’examen ». Finalement, durant leur apprentissage, ils doivent aussi suivre le stage Resco (Recherche
et sauvetage au combat). Ils vont apprendre
à vivre cachés pour échapper à des ennemis
qui les recherchent avant d’être récupérés.
Pilote international
Très polyvalent, le Transall couvre une
vaste panoplie de missions (IFR, largage
de parachutistes de jour comme de nuit
en basse hauteur ou ouverture retardée
au niveau 120, transport de personnel,
de matériel, etc.). Les pilotes doivent en
découvrir le plus grand nombre. Dans ce
cadre, Thomas est parti à la Réunion pendant 10 jours. Après avoir obtenu les Diplomatic clearance (Dic), ils ont décollé
d’Evreux, atterri au Caire, à Djibouti, aux
Seychelles et finalement à Saint-Denis de
la Réunion. Durant ces vols, il faut savoir
gérer sa fatigue, apprendre à être vigilant
pour les phases délicates (décollage, atterrissage), se reposer, marcher. A l’issue
de la phase 1, l’aspirant obtient l’Adaptation en ligne (AEL). A partir de ce moment,
il peut voler avec un pilote qui n’est pas un
instructeur. La phase 2 les prépare à être
CR (Combat Ready). Ils partent à l’étranger pour découvrir d’autres aspects du
vol tels les atterrissages sur des terrains
sommaires et faiblement balisés ou une
Le Transall
Issu d’une collaboration franco-allemande, le Transall [diminutif de « TransportAlliance » – NDLR] dispose de deux turbopropulseurs Rolls-Royce Tyne de 5 665 ch
chacun qui lui permettent de décoller à la masse maximale de 51 tonnes, et de voler
à 54 tonnes pour les avions de ravitaillement avec un complément de plein après le
décollage.
Il vole à 500 km/h en croisière pour un plafond maximal au niveau 260 en mission
logistique (transport de personnel et/ou de matériel) et au niveau 300 en mission
tactique. L’assistance hydraulique le rend facile à piloter. En monomoteur, il n’est pas
nécessaire de mettre du pied à fond pour le garder en ligne de vol. Ses pneus bassepression autorisent des atterrissages sur tous types de terrains, qui peuvent aussi être
très courts. Equipés de système d’alarme autoprotection, il n’oppose pas de feu, mais
lance des leurres pour éviter les missiles. Il peut aussi recevoir des planchers blindés
et d’autres protections pour l’équipage. Thomas ne tarit pas d’éloges sur cette machine : « Il s’avère très maniable pour les évitements, et se pilote avec plaisir ».
climatologie différente. Le rythme des
missions implique un style de vie différent.
Cet apprentissage très enrichissant se
fait avec un pilote qui est plus âgé et qui
leur fait découvrir de nouveaux types de
situations. Une fois l’examen final réussi,
les aspirants deviennent opérationnels et
peuvent être déployés sur des zones de
conflit comme l’Afghanistan.
Arrivé au terme de sa formation, Thomas
effectue régulièrement des missions sur
Transall et voyage aux six coins de l’hexagone pour larguer des parachutistes. Il
semble d’ailleurs se spécialiser dans la
cuisine du sud-ouest (Toulouse, Pau, Carcassonne). Il va partir à l’étranger pour
s’imprégner des senteurs et de la cuisine
de l’Afrique de l’Ouest (à Libreville exactement) et accessoirement faire son vol
de contrôle ! Au cours des années qui suivent, il ne lui restera plus qu’à continuer
à passer de nombreuses qualifications
(commandant de bord, leader de section,
ravitaillement en vol, leader de peloton,
instructeur, etc.).
Devenir pilote à l’armée, c’est comme
construire une maquette. Il faut de la
patience, de la minutie, de la persévérance.
Jour après jour, mois après mois, on ajoute
une pièce pour finalement obtenir un aviateur confirmé et complètement opérationnel.
Pierre-Philippe REILLER,
photos SIRPA et Thomas Dubois.
Un simple appel téléphonique au centre de transfusion sanguine
proche de chez vous et vous aurez la chance de pouvoir sauver
une vie en faisant un don de moelle osseuse. Plus d’informations
sur le site de l’EFS (dondusang.net) ou sur mon site à la page
Lien (http://desirs.ailes.free.fr). Vous pouvez toujours me contacter pour plus de renseignements ([email protected]).
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