I-Pod, Beolab 4 et compression MP3

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I-Pod, Beolab 4 et compression MP3
AFDERS Confidences N°102 1
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I-Pod, Beolab 4 et compression MP3
Le 1er décembre a vu l'organisation d'une séance un peu particulière pour les membres
présents de l'association. Certains ont d'ailleurs protesté, en rappelant qu'ils étaient à la
recherche d'un meilleur son et que nous n'étions pas là pour relayer le discours marketing
de la grande consommation. Toutefois, ainsi que nous le rappelions dans un article récent,
les audiophiles ne font pas le marché, ils se limitent à évaluer et éventuellement à
optimiser ce que le marché sélectionne, en l'occurrence, l'i-Pod et la compression MP3.
D'ailleurs, nous pouvons imaginer que, compte tenu des difficultés qu'il y a à organiser des
écoutes techniques de qualité en un lieu peu approprié et à un moment où les revendeurs
ont mieux à faire, l'Afders ne s'oriente de plus en plus vers l'évaluation de matériels
appartenant aux deux extrémités du marché: le niveau professionnel ou semi-pro d'un
côté, et l'utilisation optimisée des éléments de grande consommation de l'autre. Les
boutiques spécialisées sont probablement aujourd'hui mieux à même de démontrer les
qualités des équipements de niveau intermédiaire.
La séance était donc consacrée à l'évaluation des systèmes de compression de données
MP3 ou équivalent, en se plaçant dans les conditions dans lesquelles ces systèmes sont
destinés à être utilisés, c'est à dire en liaison avec des enceintes de proximité autoamplifiées – en l'occurrence les modèles Beolab 4 de Bang et Olufsen – et en utilisant
deux baladeurs susceptibles d'être employés par les membres de l'Afders: un enregistreur
Edirol R1, et un baladeur Apple i-Pod en version HD 80 Go.
Présentation du baladeur i-Pod et des enceintes Beolab
L'enregistreur Edirol est bien connu de l'association; il a fait l'objet auparavant d'une
présentation technique et a récemment été discontinué pour être remplacé par un modèle
un peu plus moderne. Le
lecteur d'Apple n'est plus à
présenter. D'une taille de
l'ordre de 100 x 60 mm, pour
une épaisseur d'environ 15
mm, il peut lire photos, sons
et vidéos. Les formats
d'enregistrement utilisables
comprennent les formats non
compressés, AIFF et WAV,
ainsi qu'un grand nombre de
variantes compressées, l'une
sans
pertes
appelée
"lossless", les autres selon
les formats MP3 ou AAC,
avec le choix de différents
taux de compression.
Les enceintes Beolab 4 sont
de petites pyramides à base triangulaire de côté voisin de 20 cm. Mieux qu'un long
discours, l'illustration ci-jointe démontre un "look" cohérent avec l'expérience de B&O dans
ce domaine. Les revêtements sont interchangeables et sont disponibles dans les quatre
couleurs: noir, bleu, vert et rouge.
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Les enceintes comportent deux hauts parleurs de diamètres respectifs 10 cm et 1,9 cm,
alimentés par un amplificateur intégré de 35 W de type ICE Power en classe D. Le volume
de charge est de l'ordre de 1,5 litre et le poids de 1,7 kg pièce. La bande passante
revendiquée est de 50 – 20000 Hz et le prix de l'ordre de 1000 Euros la paire.
Deux entrées sont prévues avec sélection de l'impédance d'entrée sur trois niveaux, au
niveau ligne ou Powerlink B&O, qui permet de chaîner les enceintes via un même câble
couvrant les voies gauche et droite.
L'encodage MP3
MP3 signifie MPEG layer 3, soit le troisième niveau de compression développé par le
Fraunhofer Institute et adopté par un "Motion Picture Expert Group" international. D'autres
procédé avaient auparavant été développés par Philips pour la cassette DCC et par Sony
pour le Minidisc (Atrac).
L'encodage consiste à jeter tout ce qui n'est pas audible, compte tenu des propriétés
physiologiques de l'oreille: effets de masque d'un son fort par rapport à un son faible,
réduction des redondances entre canaux, etc. Qui a décidé que ce n'était pas audible et
sur quels équipements est une bonne question. Il n'empêche que les progrès dans ce
domaine sont impressionnants, ceci concernant tout autant l'image que le son.
La compression des données est obligatoire dans beaucoup de domaines, et notamment
si l'on souhaite télécharger les fichiers sur Internet. Le format CD audio utilise environ 600
Mo pour une heure, soit 10 Mo par minute ou encore 170 Ko par seconde, soit 1,4 Mbits
par seconde. La compression MP3 la plus faible (320 Kb/s) permet une réduction de débit
d'un facteur supérieur à 4. Le facteur est supérieur à 10 pour 128 Kb/s et peut atteindre
des valeurs encore très supérieures. D'autres formats équivalents, tel l'AAC (Advanced
Audio Coding) développé par Apple procèdent de la même logique.
Les supports physiques laisseront de plus en plus leur place aux supports virtuels et au
téléchargement. L'éditeur DG a ainsi mis en ligne au format MP3 320Kb/s un grand
nombre de références, dont environ 600 ne sont plus éditées en CD. Cela aurait de quoi
alimenter les craintes de l'Afders si d'autres éditeurs tels que Linn ne mettaient pas à
disposition en téléchargement des enregistrements au format haute définition 24/96…
Le cœur de la chaîne haute fidélité du futur sera de plus en plus constitué d'un serveur
100% numérique. C'est ainsi qu'après Marantz et d'autres, un serveur est annoncé par
B&O pour le 1er semestre 2008, et que la marque Revox bien connue de l'Afders se lance
également dans l'aventure (serveur M57, remplacé par le modèle M37).
Il est d'autres applications où un encodage est utile, voire nécessaire: la transmission de
certaines émissions de radio, numériques ou non, ou encore l'écoute en voiture, où un
seul CD peut contenir toute une collection de CD audio, qui nécessitait auparavant un
lecteur multiple encombrant. On assiste en effet à un tournant au niveau du son, dont
témoignent plusieurs observations effectuées lors du dernier forum du son multicanal: en
premier lieu, l'auditoire des radios est à 90% un auditoire mobile, ensuite, de plus en plus
de jeunes écoutent la radio ou leurs morceaux préférés sur un téléphone portable. Tout
ceci nécessite une compression. Il en va de même de la radio via Internet.
L'intérêt du MP3 est qu'il est universel et peut donc être lu par un très grand nombre de
lecteurs ou de logiciels. La version la plus répandue met en œuvre un débit constant. Des
versions plus évoluées ("pro") font appel à un débit variable, intéressant car modulant la
compression des données au gré de la complexité du message véhiculé. Le problème est
de trouver un lecteur qui le lise, ce qui n'est pas le cas de nombreux appareils, autoradios
ou lecteurs de DVD.
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L'encodage MP3 autorise une multitude de choix, en termes de taux de compression, mais
aussi de nature. Un CD mono peut par exemple ne comporter qu'une information
correspondant aux deux canaux identiques et non pas deux informations redondantes.
D'ailleurs, la réduction de l'effet stéréophonique est la première voie et la plus évidente à
laquelle il soit possible de songer. On peut aussi choisir une réduction de la fréquence
d'échantillonnage.
Aller trop loin dans la compression peut se traduire par un amaigrissement du son et
parfois une sorte de "flanging" sur les sifflantes, particulièrement sur les bas niveaux. C.
Ollivier a fait plusieurs essais en vue de la réalisation de CD pour écoute en autoradio. Il
conseille d'optimiser le niveau avant d'encoder et de procéder selon la démarche suivante
lorsque cette opération est conduite à l'aide d'un logiciel:
•
en premier lieu, normaliser, afin de porter les crêtes maximales à 0dB,
•
en deuxième lieu, compresser la dynamique selon une courbe à choisir par essais
et erreurs, afin de monter les niveaux bas et moyens suffisamment au dessus du
bruit ambiant. Normaliser à nouveau s'il y a lieu,
•
procéder à l'encodage MP3, en compression variable si un usage privé est prévu,
sinon selon le format le plus universel possible.
Bien évidemment, dans le domaine du son comme en photographie, chaque opération
d'encodage dégrade le signal. il convient donc de travailler si possible sur un original non
compressé et de n'encoder qu'à la fin. De nombreux musiciens se sont à cet égard laissés
abuser par le discours sur la "qualité CD" des dispositifs d'encodage.
Enfin, il existe une dernière possibilité de compression sans pertes, notamment mise en
œuvre sur l'i-Pod et pour le SACD, ce qui répond aux interrogations exprimées à l'Afders
en matière de capacité de ce support. Elle consiste à supprimer ce qui est redondant,
mais seulement cela. Le message se retrouve donc intact à la relecture.
Un petit "coup de gueule" avant les écoutes
Il semble bien que, selon l'adage bien connu, le mieux soit l'ennemi du bien. En effet, la
société dans laquelle nous vivons s'est voulue ouverte et peu directive, notamment au
niveau de l'éducation. Les effets pervers n'ont pas manqué de s'accumuler, conduisant
peu à peu à la société décrite par G. Orwell. A titre d'image et pour faire court, il existe
deux grandes familles d'organismes: les vertébrés et les mollusques; les premiers sont
structurés et tiennent debout tout seuls grâce à leur squelette, les seconds se
répandraient n'importe comment s'ils de disposaient d'une coquille pour les contenir. A
défaut d'un squelette, qui est essentiellement apporté par l'éducation et qui procure une
liberté d'action, l'on est amené aujourd'hui à multiplier les coquilles que sont les lois
multiples destinées à nous protéger contre tout et contre tous.
Qu'est-ce que tout cela a à voir avec le sujet de ce jour ? Deux points non négligeables.
Le premier concerne la "fermeture" du système i-Pod. L'inconscience des coûts et le culte
du gratuit a en effet conduit au téléchargement et à la copie incontrôlés. Conséquence: l'iPod a été conçu de sorte qu'il puisse copier ce qui est sur l'ordinateur, mais surtout pas
pour permettre le contraire. Il n'est pas prévu de sortir de l'i-Pod en numérique et l'on a
intérêt à ce que les ordinateurs avec lesquels l'on souhaite se "synchroniser" aient une
version compatible du logiciel i-Tunes. Il n'a ainsi pas été possible lors de la séance de
connecter le lecteur présenté à l'association à l'ordinateur amené par notre trésorier. En
outre, la qualité de la lecture est dépendante de la qualité (moyenne) des convertisseurs
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internes du baladeur, sauf intervention interne relativement coûteuse. Ce n'est pas avec
des lampes ou des "tripatouillages" externes que l'on améliore la qualité d'une source…
Le deuxième a trait au niveau de sortie maximal. Au lieu d'enseigner aux jeunes à limiter
le niveau d'écoute en vue de protéger leurs oreilles, on a édicté des lois que les revues de
consommateurs se plaisent à vérifier à la lettre, clouant au pilori, et condamnant par là
même à l'échec commercial, les lecteurs excédant les seuils ainsi définis. Ces niveaux
n'ont bien sûr aucune pertinence en dehors du casque avec lequel les lecteurs sont livrés,
et sont donc totalement inadaptés aux membres de l'Afders qui se hâtent de brancher un
Sony ou un Sennheiser de bon niveau en lieu et place de l'accessoire livré. Conséquence:
un niveau d'écoute parfois confidentiel, même réglage de niveau à fond.
Par ailleurs, un branchement de cette sortie casque – qui fait également fonction de sortie
ligne – sur une entrée ligne conduit à un niveau inférieur d'environ 10 à 15dB au niveau
normal de sortie d'un lecteur CD. Ce ne serait pas grave si les enceintes Beolab
disposaient d'un réglage de volume. Comme ce n'est pas le cas, niveau de i-Pod réglé à
fond, l'assistance a été obligée de subir un niveau d'écoute un peu trop limité pour une
séance d'écoute collective. L'on protège certes les oreilles de nos chers bambins, mais à
quel prix!
Les écoutes
Avant de résumer les impressions ressenties lors de cette séance, nous confirmerons les
impressions d'écoute publiées dans le numéro de Juillet-Août 2007 de la revue Diapason:
sur chaîne de bon niveau, il est en effet possible de dire que la restitution de l'i-Pod est
assez équilibrée, voire d'une certaine classe, ceci étant obtenu au travers d'une chasse
aux brillances et agressivités souvent reprochées aux lecteurs économiques, même si
cela est obtenu au prix d'une perte de détails et d'un équilibre un peu "feutré". Cela ne
manque pas de nuances, mais un peu de "piqué". On se doute dès à présent que ce
penchant se traduira par une relative acceptabilité de taux de compression raisonnables.
Pour la suite des
écoutes, les encodages utilisés
seront l'AAC pour
l'écoute de l'i-Pod
et le MP3 pour
l'écoute de l'enregistreur Edirol.
La
première
écoute de piano
effectuée avec l'iPod
relié
aux
enceintes Beolab
est
équilibrée,
mais très insuffisante en niveau,
conduisant à une
difficulté à apprécier les pertes
dues à l'encodage. Une écoute à partir de l'Edirol permet un niveau plus satisfaisant, mais
conduit à une restitution un peu moins équilibrée. Le retour sur l'i-Pod connecté aux
entrées ligne, volume à fond est plus propre. En configuration lossless comparée à
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l'encodage 192 Kb/s, le son présente plus de nuances, plus de relief d'image, davantage
d'attaque et un meilleur aigu ainsi que des couleurs plus belles. L'encodage à 192 Kb/s
apparaît plus "plat" en comparaison. L'écoute de O. Peterson est assez équilibrée en non
compressé, les chuchotements des musiciens sont bien audibles, cela sonne clair. En
compression 192 Kb/s, le triangle timbre un peu plus bas.
L'écoute de l'orgue ne présente aucune agressivité; elle est bien équilibrée, même si un
petit manque d'ampleur est regretté en non compressé. En position 192 Kb/s, il y a moins
d'aération et la réverbération est moins clairement identifiable. C'est un peu moins précis.
L'écoute du groupe "Magical Trio" est nette et propre. Les enceintes présentent de bonnes
qualité d'équilibre et présentent de bonnes performances pour des moniteurs de proximité.
Les timbres sont équilibrés, ça "swingue" bien. Le son est un peu plus "raboté" en 192
Kb/s, c'est moins nerveux, mais cela reste propre.
Afin de retrouver nos marques, passons à l'écoute du quintette Stertzel. En format WAV
non comprimé, l'écoute est un peu plus colorée dans le médium, et moins neutre qu'avec
l'i-Pod. L'auteur de l'enregistrement le reconnaît bien toutefois, même si cela manque un
peu de cuivre sur la trompette. La compression MP3 à 128 Kb/s constante rétrécit
significativement l'image stéréophonique, qui devient étriquée. L'aigu est également moins
fin. Les timbres sont également dégradés et il y a moins de contrebasse que dans
l'original. La compression MP3 effectuée après compression dynamique pour une écoute
en voiture, si elle présente un intérêt en milieu bruyant, n'apporte pas ici une plus-value
significative.
Quelques écoutes complémentaires en living-room privé conduisent à constater que la
compression n'est pas tout et qu'il y a au moins autant de distance entre les écoutes non
comprimées effectuées avec un Nagra V et un i-Pod qu'entre les versions non
comprimées et comprimées du même morceau lu sur l'i-Pod, ce qui n'est certes pas pour
surprendre.
En conclusion,
Il est possible de dire que les enceintes B&O sont apparues très équilibrées et
suffisamment résolvantes pour mettre en évidence les différences existant entre niveaux
de compression MP3 ou AAC. Elles devraient constituer d'excellents moniteurs de
proximité pour une station de montage, même si leur prix reste significatif.
L'écoute du lecteur i-Pod est apparue globalement plus équilibrée que celle de l'Edirol R1
dans les conditions d'écoute de cette séance. La compression AAC mise en œuvre ne
s'est pas traduite par une altération significative de l'image, ce qui n'était pas le cas de la
compression MP3 utilisée sur l'Edirol. Il est cependant noté qu'il est possible de comprimer
moins et d'imposer que, lors de l'encodage, l'image stéréo ne soit pas restreinte, ce qui se
traduit nécessairement par quelques pertes sur d'autres paramètres.
D'autres comparaisons effectuées en dehors de cette séance collective montrent que la
dégradation de qualité est très progressive d'un taux de compression à l'autre, et que
l'équilibre global reste très proche. La musique devient simplement de moins en moins
"intéressante".
Enfin, l'encodage MP3 laisse une grande latitude de choix. En règle générale, si la
compression en débit variable peut améliorer la qualité par rapport à l'option débit constant
pour les faibles taux de compression, la tendance est inverse pour les taux élevés.
Il reste donc à chacun d'exercer sa liberté de choix selon les besoins et les applications.
JM. Grandemange.