et risques esg

Transcription

et risques esg
Une étude
en partenariat avec
SECTEUR MINIER COTÉ
ET
RISQUES ESG
DE L’INFLUENCE DES
ONG SUR
L’ACTIVITÉ ET LA RÉPUTATION
DES ENTREPRISES MINIÈRES
Septembre
2011
Auteurs
Cécilia de Foucaucourt et Juliette Van Wassenhove (BeLinked)
Thomas Lafarie et Anne-Catherine Husson-Traore (Novethic)
© Novethic 2011
Toute reproduction intégrale ou partielle des contenus de ce
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Toute citation ou utilisation de données doit s’effectuer avec
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© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Introduction
Les grands groupes miniers génèrent un chiffre d’affaires annuel colossal à l’échelle
planétaire (plus de 386 milliards d’euros pour les 23 entreprises du panel de cette
étude). Ils extraient des matières premières dans de nombreux pays et sont, plus que
d’autres, confrontés à des enjeux Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG)
très importants. Ils sont régulièrement mis en cause, au plan local et international, par
de nombreuses organisations qui dénoncent dégâts environnementaux, captations
des richesses et manquements aux droits des populations locales. Ce contexte ne
compromet pas, au premier regard, les performances économiques exceptionnelles
de ce secteur qui attire de nombreux investisseurs. Cette étude, focalisée sur la
vingtaine de groupes miniers importants cotés sur des marchés européens, a pour
objet d’examiner leur communication sur leur politique de Responsabilité Sociétale
d’Entreprise (RSE), les problèmes ESG qu’ils affrontent, leurs modes de collaboration
avec la société civile, la gestion de leurs conflits avec les ONG ainsi que le mode
opératoire des diverses organisations qui interpellent le secteur minier sur ses
responsabilités. Elle permet ainsi d’alerter les investisseurs sur les risques ESG qui
peuvent peser sur les activités de ces entreprises à moyen et long terme. Ils sont
d’autant plus importants que leur incidence financière peut être non négligeable.
Or la faible médiatisation des groupes miniers, contribue à rendre ces risques peu
lisibles pour les investisseurs. Et pourtant…
Information insuffisante
L’extraction de matières premières est souvent la source principale de revenus dans
des pays à faible gouvernance, et les populations locales peuvent en payer le prix
fort sans forcément toucher les dividendes des richesses ainsi produites. La cotation
d’entreprises minières fait entrer en lice, dans un univers déjà complexe, les attentes
d’actionnaires de toutes sortes. Elle les soumet, en théorie, à des exigences de
transparence auxquelles elles sont loin de se conformer toutes. Or pour investir en
toute connaissance de cause et à long terme dans une entreprise, il faut être à même
de pouvoir évaluer les risques qu’elle court pour les mettre en balance avec les profits
qu’elle génère. L’étude, réalisée par Be-linked et Novethic, permet de montrer que
l’information fournie par ces entreprises n’est pas à la mesure des problèmes et des
conflits qu’elles doivent affronter et constitue en soi un risque.
L’introduction en mai 2011 sur la bourse de Londres de Glencore, géant minier
domicilié en Suisse, jusque-là relativement préservé des feux médiatiques, symbolise
le paradoxe du secteur minier. Elle a permis à l’entreprise de lever 7 milliards d’euros
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en très peu de temps. Mais la société, mise en cause au plan comptable, fiscal,
social et environnemental par de nombreuses ONG, est aujourd’hui attaquée pour
manquement aux principes directeurs de l’OCDE et fait l’objet d’une enquête de la
Banque européenne d’investissement (BEI) ainsi que d’une exclusion systématique de
tous les portefeuilles de la fondation suisse Ethos. Elle peut donc apparaître comme
un titre à risque pour des actionnaires de long terme, compte tenu de l’opacité de sa
communication.
Pouvoir d’influence des ONG
Pour mieux comprendre comment les entreprises travaillent sur ces enjeux, il est
important d’analyser non seulement leur communication mais aussi la nature des
relations qu’elles entretiennent avec leurs parties prenantes externes. L’étude
a permis d’établir une cartographie des organisations de la société civile qui
interagissent avec le secteur minier. Ces organisations protéiformes (groupements
communautaires, organisations non gouvernementales, syndicats, organisations
de populations autochtones, organisations caritatives, organismes confessionnels,
associations professionnelles et fondations privées) seront regroupées tout au long
de l’étude sous le terme d’ONG.
De plus en plus vigilantes sur les impacts environnementaux et sociétaux de
l’extraction grâce à leur expertise technique, les ONG constituent une force de frappe
médiatique qui peut au minimum nuire à la réputation des entreprises. Leur action
coordonnée peut aussi présenter un risque opérationnel pour les entreprises minières,
qui peuvent voir leurs activités locales menacées. Sans oublier les éventuels risques
juridique et financier générés par des procès intentés aux entreprises pour leur
demander réparation de dommages dont le coût est estimé en centaines de millions,
voire milliards, de dollars.
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Panel
L’étude analyse la communication de 23 entreprises minières cotées sur les marchés
européens (17 le sont à la bourse de Londres et 6 à la bourse de Paris). Ce panel
représente la diversité de l’activité extractive en termes d’origine des entreprises et
de zones géographiques d’implantations ainsi que du type de minerais (industriels,
métaux précieux, terres rares, diamants…).
opérationnels
CA 2010
(M€)
internationale
Londres
Royaume Uni
23 228
19 pays
Johannesburg
Afrique du Sud
3 889
10 pays
Londres
Royaume-Uni et Chili
3 227
9 pays
Luxembourg
Rotterdam
54 985
60 pays
Paris
France
9 104
43 pays
BHP Billiton
Melbourne
Royaume-Uni et Australie
37 194
25 pays
Boliden
Stockholm
Suède
4 093
7 pays
Londres
Kazakhstan
4 652
20 pays
Paris
France
3 576
8 pays
Luxembourg
Russie
9 433
12 pays
Fresnillo
Mexico City
Mexique
993
1 pays
Glencore
Jersey
Zoug, Suisse
102 081
30 pays
Paris
France
3 347
47 pays
Kazakhmys
Londres
Kazakhstan
3 417
1 pays
Lonmin
Londres
Afrique du Sud
1 126
5 pays
Norilsk Nickel
Moscou
Russie
5 947*
5 pays
Randgold
Jersey
Afrique
357
7 pays
Rio Tinto
Londres
Londres et Melbourne
39 855
40 pays
Severstal
Russie
Russie
9 560
9 pays
Rusal
Jersey
Russie
7 728
19 pays
Rio de Janeiro
Brésil
31 887
38 pays
Londres
Royaume-Uni et Inde
5 583
4 pays
Zoug, Suisse
Suisse
21 473
21 pays
Sièges
AngloAmerican
AngloGold Ashanti
Antofagasta
ArcelorMittal
Areva
ENRC
Eramet
Evraz
Imerys
Vale
Vedanta
Xstrata
sociaux
Sièges
Présence
* Chiffre d’affaires 2009
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Les
enjeux et risques
du secteur minier mis en
exergue par les ONG
L’étude recense des ONG particulièrement actives sur les thématiques
minières. Cet échantillon, représentatif sans être exhaustif, permet
de dresser un tableau des enjeux environnementaux, sociétaux et
de gouvernance du secteur extractif tels que les ONG les dessinent,
mais aussi, à travers l’analyse des modes d’action et des stratégies
de ces dernières, de qualifier les risques que leur action fait peser sur
l’activité des entreprises minières. Cette analyse a été complétée par un
recensement des relations que les entreprises du panel entretiennent
avec les ONG. Le constat qui s’en dégage est celui d’une difficulté des
entreprises minières à répondre aux attaques des ONG, à anticiper
et à gérer les risques créés par ces structures, mais aussi à quelques
exceptions près, à coopérer avec elles et à utiliser leur expertise,
notamment dans le domaine sociétal.
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Les enjeux environnementaux
Les ONG qui répertorient les impacts environnementaux sont souvent soit des
organisations à ancrage local émanant des communautés directement affectées par
l’implantation d’une mine, soit des ONG nationales ou internationales. L’expertise
des permanents de ces organisations, qui se partagent entre assistance technique et
plaidoyer, est comparable à celle des ingénieurs de l’industrie extractive, dont certains
sont parfois issus. De même, les impacts recensés vont d’une ampleur locale, aux
environs d’un site d’exploitation, à l’échelle mondiale.
Pollutions
Le traitement insuffisant des résidus de l’extraction est la première cause de pollution
mise en exergue par les ONG. Ces pollutions varient selon les types de mines et de
produits extraits. Les principaux types de pollution relevés sont ceux liés aux minerais
radioactifs, comme l’uranium ou le thorium, et la pollution au mercure et cyanure liée
à l’exploitation de l’or et de l’argent. La plupart des processus extractifs produisent
également des résidus toxiques, notamment du fait de la présence de métaux lourds
ou d’autres éléments qui se dégradent peu (arsenic, plomb, chrome…) ainsi que des
produits chimiques utilisés pour la séparation des minerais et de la gangue.
Pollution de l’air
La pollution peut se faire par l’air, directement (dispersion du radon, un gaz radioactif
provenant de la désintégration de l’uranium, par exemple, ou de la poussière
de bauxite quand les mines sont à ciel ouvert), ou indirectement lorsque le vent
disperse des particules arrachées aux terrils ou que des panaches de vapeur d’eau
et de poussières toxiques se forment au-dessus des piscines de stockage des boues
d’extraction.
Pollution de l’eau et des sols
La pollution de l’eau est l’un des impacts les plus documentés par les ONG, que ce
soit par infiltration dans les nappes phréatiques ou par rejet des eaux d’exploitation
dans les cours d’eau. Ces deux types de pollution contaminent à leur tour les sols
dans un périmètre plus ou moins important autour des sites.
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Dépollution/décontamination des sites miniers
Selon la réglementation et les contrôles mis en place par les institutions du pays
d’extraction et leur niveau d’application par les entreprises, les niveaux de pollution
liés à l’activité minière peuvent être plus ou moins bien maîtrisés. Il n’en reste
pas moins un problème pointé du doigt par de nombreuses ONG, celui des sites
exploités et fermés avant la mise en œuvre de telles régulations, ou pour lesquels
la restauration des sites et le traitement des déchets n’avaient pas été provisionnés.
Souvent documenté et dénoncé par des organisations locales, alliant des associations
d’habitants, des mouvements écologistes et des organisations confessionnelles
locaux, ce point de fixation se retrouve tant dans les pays en développement que
dans les anciennes républiques soviétiques ou aux États-Unis. Seuls les moyens et
la volonté politique de traitement diffèrent. Le Superfund américain, créé en 1980,
reste l’un des exemples les plus notables de législation nationale permettant soit
d’obliger les industries responsables à financer la décontamination des sites les plus
dangereux pour l’environnement et la santé (miniers et chimiques), soit à l’Etat de
se substituer aux entreprises insolvables (30% des cas).
Destruction de la biodiversité
L’exploitation minière peut potentiellement affecter la biodiversité tout au long
du cycle de vie d’un projet. En raison de la demande croissante de métaux et de
minerais et de l’amenuisement des ressources dans les zones facilement accessibles,
l’exploitation minière est de plus en plus souvent développée dans des écosystèmes
isolés et riches en biodiversité, qui demeuraient jusqu’alors inexploités. Cette
situation touche particulièrement les pays en développement, qui ont encouragé les
investissements directs de l’étranger et accueilli de nombreuses entreprises minières
sur leurs territoires, au prix parfois d’une dégradation des forêts, des cours d’eau et
de la faune et de la flore que ceux-ci abritent.
Déforestation
Le développement des activités minières est une des causes principales de la
déforestation, qui touche des régions riches en forêts et en biodiversité comme
l’Indonésie. On peut notamment citer le développement des activités de BHP
Billiton dans le « cœur de Bornéo », une région connue pour abriter de nombreuses
espèces menacées, et particulièrement des orangs-outans pour la défense desquels
l’entreprise se serait engagée. Ce comportement a suscité la critique de nombreux
experts environnementaux et d’ONG, parmi lesquelles Mines and Communities et le
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WWF (de façon plus modérée) qui accusent BHP Billiton d’avoir fait pression sur le
gouvernement pour que le statut d’aire protégée de la région soit levé.
Atteintes à la biodiversité terrestre et aquatique
De nombreuses espèces de la faune sont fortement dépendantes de la végétation.
Toute activité qui détruit les forêts ou la végétation près des cours d’eau et des
marécages réduit ainsi la qualité et la quantité de l’habitat essentiel pour les espèces
terrestres et aquatiques. Il est intéressant de noter que c’est dans ce domaine que
l’on trouve le plus de collaborations entre ONG et entreprises minières. Rio Tinto et
BirdLife International se sont ainsi récemment associées pour protéger les habitats
des oiseaux dans certaines zones aux Etats-Unis et en Afrique. Autre exemple,
l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a signé en 2002 un
partenariat avec le Conseil international des mines et métaux (ICMM), dans le cadre
duquel l’organisation (largement considérée comme une ONG) participe au dialogue
sur l’extraction minière et la biodiversité. L’UICN a par ailleurs mis en place un groupe
de travail intitulé « Extractive Industries and Biodiversity » afin de mettre en lien les
intérêts des organisations de conservation et ceux du secteur minier.
Concurrence pour l’accès à l’eau
L’eau est une ressource unique aux usages concurrents. Elle est particulièrement
indispensable à l’industrie minière, qui a besoin de quantités d’eau importantes pour
le traitement des minerais.
OCLA, Barrick Gold et l’eau des Andes
L’Observatoire latino-américain des conflits environnementaux (OCLA) observe
depuis le milieu des années 2000 le déploiement des opérations minières de Barrick
Gold dans la région de Pascua Lama (Chili et Argentine) concernant un gisement
d’or (mais aussi d’argent et de cuivre) important entouré de cinq glaciers.
L’un des principaux problèmes soulevés par l’OCLA est celui de la concurrence
entre les activités pour la ressource en eau. La région, surtout agricole, est en
stress hydrique (demande en eau excédant les ressources disponibles), et 50 %
des réserves d’eau dépendent non pas des glaciers de surface mais des glaciers
de roche, situés en profondeur, pour lesquels le plan d’exploitation ne semble
pas prévoir de dispositions particulières. OCLA rapporte que depuis 2009 l’eau
disponible pour l’agriculture a diminué, voire quasiment disparu. Or les procédés
d’extraction envisagés requerraient l’usage de 370 litres d’eau par seconde une
fois le site en activité…
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Emissions de gaz à effet de serre
Beaucoup de projets miniers sont développés dans les zones fortement boisées des
régions tropicales qui sont cruciales pour l’absorption de CO2. Or, en plus de la perte
d’absorption de CO2 liée à la déforestation des sites d’implantation, l’exploitation
minière et la transformation des minerais figurent parmi les activités les plus
émettrices de gaz à effet de serre (GES).
Xstrata devant la justice australienne
Xstrata Coal Queensland souhaite ouvrir une mine australienne visant une production
annuelle de 30 millions de tonnes de charbon qui devraient, lors de leur utilisation,
représenter environ 0,15% des émissions mondiales de GES. Friends of the Earth
Australia et dix éleveurs propriétaires de terrains situés à proximité du projet ont
donc intenté une action judiciaire en annulation. Pour la première fois, l’argument
évoqué est le changement climatique et l’impact qu’aurait cette exploitation sur la
grande barrière de corail qui reçoit chaque année un million de visiteurs. La justice
australienne doit dire, d’ici quelques mois, si les impacts environnementaux et
économiques sont suffisamment négatifs pour annuler l’ouverture de cette mine.
Les enjeux sociétaux
Comme pour les enjeux environnementaux, les ONG qui travaillent sur les enjeux
sociaux et sociétaux sont soit très locales, soit d’envergure internationale, mais liées
aux ONG locales par des activités d’appui et de renforcement des capacités. Les
impacts sociaux des projets miniers qu’elles étudient sont controversés et complexes.
Certes, l’activité minière peut potentiellement créer des richesses (création d’emplois,
de revenus, d’infrastructures, développement économique d’une région pauvre ou
enclavée), mais elles sont souvent inégalement partagées. De nombreuses ONG
dénoncent notamment l’appropriation des terres des communautés locales et leur
déplacement forcé, les impacts sur la santé, la modification des rapports sociaux,
la destruction des moyens de subsistance et des modes de vie des populations, la
désagrégation sociale, ainsi que les tensions et conflits parfois violents liés à l’activité
minière.
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Impacts sur la santé
Les substances dangereuses et la pollution de l’eau, de l’air et des sols mentionnées
précédemment peuvent, lorsqu’elles ne sont pas maîtrisées, avoir des répercussions
graves sur l’environnement, mais aussi sur la santé des travailleurs et des communautés
situées à proximité des sites d’extraction.
Effets directs
Le travail dans les mines est dangereux, et les conditions de travail y sont souvent très
difficiles. Les risques d’accidents du travail sont multiples : éboulements, explosions,
inondations, incendies…
Effets indirects
Les effets indirects de l’exploitation minière incluent l’incidence accrue de pathologies
chroniques et de maladies respiratoires (silicose, pneumoconiose) liées à la poussière
ou à la pollution de l’eau. Les villes minières improvisées et les camps menacent
également la disponibilité et la sécurité alimentaire, augmentant le risque de
malnutrition.
Prostitution et propagation de maladies sexuellement transmissibles
L’arrivée en masse de main-d’œuvre essentiellement masculine et célibataire
dans une région minière crée des conditions très favorables pour la prostitution,
phénomène synonyme en général d’une augmentation de la prévalence des maladies
sexuellement transmissibles. Cet enjeu commence à être pris en compte par les
entreprises minières, notamment en Afrique, où certaines d’entre elles développent
des programmes de prévention et de lutte contre le VIH/SIDA.
Impacts sur l’agriculture
En dehors des possibles pollutions déjà évoquées, le démarrage d’un projet minier
sur un territoire agricole prive la communauté de la possibilité de l’utiliser pour la
culture ou le pâturage du bétail. Les compensations financières, lorsqu’elles existent,
suffisent rarement, d’après les ONG, à compenser la destruction des moyens de
subsistance et les postes de travail perdus dans l’agriculture ou la pêche.
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Atteintes aux droits humains et aux droits des travailleurs
Le secteur minier est régulièrement accusé par les ONG d’enfreindre les droits
humains et, dans certains pays, les droits des travailleurs. L’ONG International Rivers
et la Confédération syndicale internationale en donnent une illustration récente :
en octobre 2010, alors que des centaines de mineurs zambiens participaient à une
marche de protestation en direction de la mine de charbon de Collum (détenue et
dirigée par des investisseurs chinois), deux contremaîtres chinois ont tiré sur 13
mineurs zambiens. Si aucun tir n’a été fatal, la décision des procureurs zambiens
d’abandonner les charges contre les deux contremaîtres – qui, ne parlant pas la
langue, n’auraient pas compris les revendications des mineurs – a été ressentie
comme un outrage par la population zambienne.
Alimentation des conflits
Les ONG, et notamment World Rainforest Movement, soulignent le nombre croissant
de mercenaires, anciens soldats et officiers de l’armée recrutés dans les services de
sécurité des entreprises minières – la présence accrue de ces « professionnels de la
guerre » participant au climat de violence et de tension.
Les conflits liés aux « diamants du sang » (notamment au Liberia et en Sierra Leone
pendant la guerre civile, mais aussi en République démocratique du Congo) illustrent
également le rôle que peut tenir l’exploitation minière dans l’alimentation de la
violence. Les logiques économiques et politiques de tels conflits peuvent devenir
difficilement maîtrisables pour les entreprises minières, d’où la remise en question
du processus de Kimberley (voir page 34) par l’ONG qui l’avait initié, Global Witness.
Droits des peuples autochtones
La découverte de ressources minières dans les sous-sols de territoires habités par
des peuples autochtones peut entraîner le déplacement et le déracinement de ces
populations, dans des conditions de consultation préalable et de dédommagement
dénoncées comme rarement satisfaisantes par les ONG. L’exploitation minière
entraîne également le remplacement des économies de subsistance spécifiques aux
peuples autochtones par une nouvelle économie de marché, qui peut conduire à la
détérioration ou à la disparition des valeurs et des coutumes traditionnelles de ces
peuples.
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Si de plus en plus d’entreprises minières se penchent sur la question des relations
avec les communautés avoisinant les sites miniers, il est opportun d’avoir une
politique adaptée pour ces communautés qui nécessitent un traitement spécifique.
Leur peuplement est bien souvent dispersé et enclavé, leur langue est souvent
différente de la langue nationale et leur culture peut être à l’origine du rejet d’un
projet d’infrastructure (route, mine, barrage…). Le droit spécifique des peuples
autochtones est encadré par une déclaration des Nations Unies.
Un consentement « préalable, libre et éclairé »
« Les peuples autochtones ne peuvent être enlevés de force à leurs terres ou
territoires. Aucune réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement préalable –
donné librement et en connaissance de cause – des peuples autochtones concernés
et un accord sur une indemnisation juste et équitable et, lorsque cela est possible,
la faculté de retour ».
Article 10, Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
adoptée en 2007.
Droit à la terre
L’accaparement des terres est un phénomène de plus en plus dénoncé par les ONG.
Si traditionnellement les terres appartiennent aux communautés paysannes locales
qui les cultivent, le sous-sol est propriété de l’Etat dans la plupart des pays, ce
qui lui permet de l’attribuer à différentes entreprises minières. Or il est impossible
d’exploiter le sous-sol sans occuper le sol, ce qui entraîne le déplacement des
communautés locales ou des peuples autochtones qui l’occupent. On peut citer un
exemple de co-entreprise entre AngloAmerican, Xstrata et BHP Billiton autour d’une
mine de charbon dans la région de Cerrejon (Colombie), qui a donné lieu à de vives
critiques de la part d’ONG depuis 2006. Friends of the Earth Australia, PressurePoint
et le Mineral Policy Institute accusent en effet les trois entreprises minières d’avoir
exproprié les peuples autochtones, de les avoir déplacés sans consultation préalable,
puis de leur avoir versé des compensations inadaptées. Elles ont déposé une plainte
auprès du point de contact national australien de l’OCDE.
Protection des pratiques culturelles
En bouleversant les modes de vie traditionnels des peuples autochtones, les entreprises
minières mettent également en péril leurs pratiques culturelles. Certaines, comme
Vale, s’engagent ponctuellement à protéger ces pratiques qui font l’identité des
peuples autochtones, mais c’est encore rarement le cas.
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Les enjeux de gouvernance
Les ONG concernées par ces enjeux sont assez spécifiques. La problématique de
l’extraction est souvent venue dans un second temps pour des ONG qui historiquement
s’intéressent au niveau mondial à la critique des institutions financières internationales
(FMI, Banque mondiale), aux flux financiers, à la dette, aux paradis fiscaux… Ces ONG
de plaidoyer, professionnelles du lobbying, sont d’ailleurs à l’origine des campagnes
et des efforts de régulation les plus remarquables au niveau du secteur, comme la
campagne « Publiez ce que vous payez » et l’Initiative pour la transparence des
industries extractives (ITIE). Récemment, l’institut associatif Revenue Watch, a
développé le « Revenue Watch Index », qui mesure le degré de transparence de
41 gouvernements dans leur gestion des activités liées à l’extraction du pétrole,
du gaz et des minerais. La question de la transparence du montant des revenus
liés à l’extraction et de leurs modes de redistribution est l’un des leviers cruciaux
identifiés par la société civile pour améliorer les impacts locaux de l’extraction pour
les populations locales.
Financement
Pauvres en capitaux, les pays en voie de développement riches en gisements miniers
ne peuvent se passer de la coopération avec des groupes miniers internationaux
pour financer l’exploitation minière. Mais plusieurs ONG estiment qu’au travers de la
promotion du développement économique via la libéralisation du marché, l’ajustement
structurel et l’augmentation du volume des investissements directs à l’étranger
(IDE), la Banque mondiale, le FMI ou même les instances bancaires européennes ont
contribué au développement de l’exploitation minière par des entreprises étrangères
au détriment des populations locales.
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Glencore et l’exploitation du cuivre en Zambie : une campagne active
Cinq ONG, parmi lesquelles Sherpa et les Amis de la Terre, ont récemment engagé
une plainte auprès de l’OCDE contre Glencore, au motif que sa filiale zambienne,
Mopani Copper Mine, aurait privé l’État zambien d’environ 550 millions de dollars
de recettes fiscales entre 2005 et 2008, en manipulant les prix de transfert. Mopani
Copper Mine aurait vendu une partie importante de sa production de cuivre à
un prix très inférieur à celui du marché à sa maison mère, basée en Suisse, qui
l’aurait ensuite revendue au prix du marché. Ainsi, Glencore ne réalise aucun profit
imposable en Zambie, mais seulement là où est situé son siège social, dans le
canton de Zoug, un paradis fiscal selon les ONG.
Les ONG interpellent également la Banque européenne d’investissement (BEI) sur
le rôle qu’elle a joué dans l’affaire, lui reprochant d’avoir accordé un prêt de 48
millions d’euros à Glencore en 2005, alors même qu’il n’est pas du rôle d’une
banque publique d’aider une multinationale privée basée dans un paradis fiscal et
réalisant d’importants bénéfices.
Corruption
L’exploitation minière devrait générer, sous forme de droits d’exploitation et d’impôts,
une rente financière utile à tout pays en développement pour investir dans l’éducation,
l’agriculture et l’industrie de base. Malheureusement, ce modèle de développement
demeure théorique et on assiste au contraire à l’émergence d’une économie reposant
uniquement sur un secteur dominant ainsi qu’une captation de la manne financière par
l’oligarchie locale. L’octroi de permis d’exploitation, la fixation de leur montant ou du
taux d’imposition des revenus miniers, la suppression de contraintes réglementaires
(sociales ou environnementales) sont autant d’occasions offertes aux dirigeants locaux
pour monnayer leur pouvoir de décision auprès des groupes miniers. Par exemple
en 2008, selon la Banque mondiale, pour une production minière nationale estimée
à 2 milliards de dollars, seulement 26,7 millions de dollars de recettes fiscales ont
été réellement versés sur les comptes bancaires de la République démocratique du
Congo. Le taux réel d’imposition (droits, redevances et impôts divers) y est pourtant
officiellement égal à 46%... C’est pourquoi l’ITIE incite gouvernements et entreprises
à communiquer l’ensemble des flux financiers générés par l’exploitation minière,
tandis que le réseau d’ONG « Publiez ce que vous payez » encourage les entreprises
extractives à publier ce qu’elles versent aux États, afin que toute corruption soit
aisément décelable par les ONG et les citoyens.
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Législations concernant les activités extractives
Plusieurs ONG ont choisi de se concentrer sur les problématiques liées à la législation
concernant les activités extractives, soit au travers de la dénonciation des atteintes
à la loi existante, soit au travers du lobbying pour la promulgation de lois plus
contraignantes.
Dénonciation du non-respect de la législation en vigueur
Sherpa, dont la mission est « d’accompagner les populations victimes de crimes
économiques dans leur quête de justice », est l’ONG la plus active sur cette question.
L’association apporte actuellement son soutien juridique aux travailleurs des sites
miniers d’Areva au Gabon et au Niger ainsi qu’au collectif des anciens travailleurs
de la COMILOG - une société minière gabonaise appartenant à la multinationale
française Eramet.
Lobbying pour la promulgation de lois plus contraignantes
L’ONG Développement et Paix a mis en place une campagne de plaidoyer pour
améliorer le projet de loi canadienne sur « l’exploitation minière responsable »
(notamment à la suite d’un rapport sur les impacts sociaux et environnementaux
dans les mines d’or au Honduras), devant la Chambre des Communes au Canada.
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Panorama des relations ong / entreprises
sur internet à l’été 2011
Les ONG mènent de multiples campagnes liées à la diversité des enjeux, mais
peuvent aussi collaborer avec les entreprises.
Entreprises
ong
Conservation International
Earthwatch Institute (Europe)
Fauna & Flora International
AngloAmerican
type de relation
Collaboration
ActionAid
Earthworks
Friends of the Earth UK
Natural Resources Defence Council
Dénonciation
War on Want
Conservation International
Pact
Collaboration
ActionAid
CAFOD
AngloGold Ashanti
CCFD Terre Solidaire
Déclaration de Berne
Ghana Coalition of NGOs in Health
Greenpeace Suisse
Dénonciation
Human Rights Watch
Les Amis de la Terre
Wacam
Conservation International
CEE Bankwatch Network
Collaboration
European Coalition for Corporate Justice
France Nature Environnement
Friends of the Earth International
Global Witness
ArcelorMittal
Green Salvation
GroundWork (Friends of the Earth South Africa)
One World Trust
Dénonciation
Oxfam
Sandbag
Southern Africa Revenue Watch
Sustainable Development Institute Liberia
Vaal Environmental Justice Alliance
Habitat for Humanity
Partenariats pour les Compétences et l'Emploi des
Autochtones
Collaboration
Alhak-n-Akal
Areva
Brainforest
Commission de Recherche et d'Information
Indépendantes sur la Radioactivité (CRIIRAD)
Déclaration de Berne
Dénonciation
Réseau des Organisations pour la Transparence et
l'Analyse Budgétaire
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Entreprises
ong
Fauna & Flora International
Greening Australia
BHP Billiton
type de relation
Collaboration
Arbeitsgruppe Schweiz-Kolumbien
Friends of the Earth Australia
Friends of the Earth International
Dénonciation
International Rivers
Eramet
Brainforest
Coordination de Défense du Sud
Les Amis de la Terre
Dénonciation
Action de Carême
Glencore
Kazakhmys
Norilsk Nickel
Randgold
Déclaration de Berne
Les Amis de la Terre
Pain pour le prochain
Sherpa France
Global Witness
Bellona
Fédération Internationale des Ligues des Droits de
l'Homme
Dénonciation
Dénonciation
Dénonciation
Dénonciation
BirdLife International
Conservation International
Earthwatch Institute (Europe)
Fauna & Flora International
Rio Tinto
The Royal Botanic Gardens, Kew
Union Internationale pour la Conservation de la
Nature
Friends of the Earth UK
National Wildlife Federation
Rusal
Vale
Collaboration
Oyu Togloi Watch
Elora
Fédération Internationale des Ligues des Droits de
l'Homme
Sandy Pond Alliance
Dénonciation
Collaboration
Dénonciation
Action for Southern Africa
Vedanta
ActionAid
Amnesty International
Peuples solidaires
Suvival International
Aurum
Xstrata
Les Amis de la Terre
Northern Land Council
Rhéébù Nùù
Dénonciation
Collaboration
Dénonciation
Antofagasta, Boliden, ENRC, Evraz, Fresnillo, Imerys, Lonmin et Severstal ne figurent pas
dans ce tableau non exhaustif, dans la mesure où elles ne font l’objet d’aucune campagne de
dénonciation visible sur Internet à l’été 2011.
18
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Les risques liés à
l’activité des ong
Il existe un nombre considérable d’ONG qui s’intéressent aux enjeux de l’industrie
extractive, les répertorient, les analysent. Dans leur grande majorité elles sont hostiles
aux entreprises du secteur. Quelques-unes ont une position neutre parce qu’elles se
focalisent sur l’appui au développement des communautés locales, et une minorité
d’entre elles collaborent de manière plus ou moins ponctuelle avec les entreprises.
Cette hostilité est un facteur clé qui détermine les modes d’action des ONG, fait peser
un certain nombre de risques sur l’industrie minière, et influence l’environnement
normatif de l’activité extractive.
Des
angles d’attaque multiples pour des
enjeux de plus en plus intégrés
Les ONG s’inscrivent dans une analyse globale des enjeux de l’extraction, popularisée
par l’expression « la malédiction des ressources ». Celle-ci désigne, dans les travaux
économiques académiques ou des institutions internationales, le paradoxe par lequel
les populations des pays riches en ressources naturelles et dépendants des industries
extractives, ne profitent pas de cette manne et restent pauvres. Dans ce mécanisme,
les bénéfices financiers sont accaparés par les firmes multinationales qui exploitent ces
ressources, les gouvernements des pays producteurs et certains groupes d’intérêts
aux dépends d’une redistribution vers le développement, l’éducation et la santé de
toute la population.
Un travail en réseau sur des échelles géographiques
variées
L’activité de l’industrie minière, notamment en ce qui concerne les multinationales du
panel, se déploie de l’échelle locale, celle du site minier, à une échelle internationale,
en particulier pour ce qui concerne l’accès aux financements publics et privés. Les
ONG interviennent à tous ces niveaux, qui impliquent des modes d’actions spécifiques.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
19
L’efficacité des ONG face au secteur minier réside dans celle des réseaux auxquels
elles collaborent. Par leurs dimensions géographique, thématique, militante,
personnelle, ils permettent la circulation de l’information, soutiennent l’organisation
des contestations locales et organisent les actions plus larges. De nombreuses
coalitions ont même désormais un statut d’ONG comme « Publiez ce que vous
payez » dont le secrétariat est basé à Londres. Elle regroupe aujourd’hui des ONG
membres dans une soixantaine de pays.
Typologie des modes d’action critiques des entreprises
minières
Plaidoyer
C’est l’un des modes d’action classiques des ONG, et sans doute le plus visible. Les
ONG de plaidoyer prennent au nom de l’intérêt général la défense d’une cause, d’une
politique ou d’un groupe de personnes, au service desquels elles mettent en œuvre
une variété de techniques de communication, notamment de campagnes médiatiques
globales relayées par les membres de leurs réseaux. Elles agissent alors comme un
groupe de pression qui tente d’influencer les pratiques des entreprises, l’élaboration
des lois, des réglementations et des normes (industrielles par exemple).
Renforcement des capacités des communautés et ONG locales
C’est un mode d’action généralement peu connu du grand public, par lequel des
ONG, souvent de stature nationale ou internationale, contribuent (par la formation,
la diffusion de procédures, l’information, etc.) au processus d’amélioration des
compétences des individus et au renforcement institutionnel d’une ou plusieurs
organisations locales afin de rendre leur action plus efficace.
Ces deux modes d’action sont majoritaires au sein des ONG du panel, toutes échelles
confondues ; quasiment toutes font l’un, l’autre ou les deux, en combinaison avec les
modes d’action suivants :
Action judiciaire
Les ONG portent une action en justice devant les juridictions du site minier ou du
siège de l’entreprise ou s’y associent. On assimile à l’action judiciaire les plaintes
devant les points de contact nationaux (PCN) pour les Principes directeurs de l’OCDE
à l’intention des entreprises multinationales, bien que leur rôle soit essentiellement
un rôle de médiation entre les entreprises et les ONG ou syndicats qui les alertent.
20
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Le recours en justice, s’il est minoritaire, a un impact médiatique important et peut
avoir des impacts financiers considérables.
Gabon : COMILOG contre ONG et collectif d’habitants
En avril 2011, la justice gabonaise a considéré comme recevable la plainte d’un
collectif d’habitants, de quatre ONG dont Brainforest et d’un député de l’opposition
contre la COMILOG, filiale d’Eramet au Gabon, pour la pollution présumée due
à l’exploitation du minerai de manganèse à Moanda dans la Province du HautOgooué. Ce collectif réclame 490 milliards de francs CFA (746 millions d’euros) de
dédommagements.
Diffusion d’information
Les ONG produisent de l’information en continu, sous la forme d’agrégation
d’informations locales ou de travaux d’enquête sur les impacts ESG des entreprises
et du secteur minier. Ces rapports de recherche, études, lettres d’information forment
le socle des actions judiciaires ou des campagnes médiatiques.
Typologie des modes de collaboration
L’étude d’impact
C’est l’un des savoir-faire des ONG les mieux mobilisés par les entreprises, qui font
réaliser des études d’évaluation en amont de l’exploitation d’un site, mais aussi des
études d’impacts environnementaux sur des sites actifs et polluants, ainsi que des
études d’impact social. Les modalités contractuelles sont diverses, mais impliquent
souvent une publication totale des résultats par les ONG, ce qui garantit leur
indépendance et leur crédibilité.
Appui à la gestion des impacts
De nombreux partenariats sont centrés sur la valorisation de la biodiversité et
l’intégration de celle-ci dans les processus de management de l’entreprise, mais
on trouve également des partenariats concernant la dépollution à petite et grande
échelle ainsi que la réhabilitation de sites en fin de vie. Il existe encore peu de travaux
communs sur la gestion des impacts sociaux. On peut citer quelques rares cas comme
les observatoires pluralistes de la santé entre Areva, Médecins du Monde et Sherpa et
le travail de l’ONG CDA Collaborative Learning Projects.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
21
Du
risque opérationnel local au risque
de réputation global
Les pratiques de réseau des ONG, décrites précédemment, fonctionnent sur le
mode d’une chaîne militante liant les ONG locales (parfois animées par une poignée
seulement de gens engagés) et les ONG globales, au sein de laquelle les informations,
les savoir-faire et les types de mobilisations circulent. Par ailleurs, si les campagnes
des ONG ont pour objectif de faire changer une situation locale, l’idée sous-jacente
est aussi de faire évoluer les pratiques d’un groupe ou d’une entreprise dans son
ensemble. Tant au niveau des objectifs des campagnes que de leur fonctionnement,
l’action des ONG imbrique risques local et global pour les entreprises extractives.
On peut citer l’exemple de la campagne menée par CEE Bankwatch Network (réseau
international basé en Europe de l’est) contre ArcelorMittal. En mai 2008, elle a publié
un rapport au moment de l’assemblée générale d’ArcelorMittal intitulé « Dans le
sillage d’ArcelorMittal : les impacts locaux du géant global de l’acier » . Son avantpropos résume la philosophie dans laquelle s’inscrivent bon nombre d’ONG qui
combattent le secteur minier : « Les défis que doivent affronter les communautés
vivant près des installations d’ArcelorMittal que nous décrivons ne sont pas seulement
les problématiques environnementales “sexy” qui font la une des médias, tels que le
changement climatique ou la fonte des calottes polaires. Ils consistent plutôt, comme
nous le présentons ici, en des luttes au quotidien pour une justice environnementale
et pour un environnement dépourvu de pollution et qui ne soit pas dangereux pour la
santé. Pendant que le monde se préoccupe des impacts globaux, n’oublions pas que
tout commence au niveau local – les entreprises qui ont des impacts locaux ayant
invariablement des impacts à l’échelle mondiale – et que sans une forte mobilisation
qui part du terrain, nos réponses globales n’ont aucun effet. C’est ce que nous
présentons ici aujourd’hui, une mobilisation mondiale concertée qui part de la réalité
de terrain ».
Les risques provoqués par les ONG
Risque opérationnel
Outre les problèmes de fonctionnement et les surcoûts occasionnés par une forte
mobilisation locale des populations locales, l’action sur les sites miniers eux-mêmes
des ONG peut entrainer le blocage de la construction ou des opérations, ce qui peut
avoir des conséquences financières importantes.
22
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Risque juridique
Il peut se matérialiser devant les juridictions nationales des pays d’implantation et
par le dépôt de plaintes auprès de PCN de l’OCDE. La tendance actuelle est plutôt
au développement d’actions collectives devant les juridictions des pays développés
qui le permettent contre des maisons mères qui y ont leur siège. La condamnation
financière potentielle est alors accompagnée d’un risque médiatique pour l’entreprise
beaucoup plus conséquent.
Risque Investisseur
Des grandes ONG de plaidoyer (Amnesty International, Greenpeace, les Amis de la
Terre, etc.) font de l’activisme actionnarial ou des actions spécifiques pour toucher les
investisseurs et les convaincre de faire pression soit directement soit en se retirant
du capital des entreprises dont elles estiment les comportements irresponsables.
Vedanta, ArcelorMittal ou Rio Tinto ont été confrontés à ce type d’actions. Rio Tinto fait
par exemple partie des entreprises exclues par le fonds du gouvernement norvégien.
Risque de réputation
Lorsque que plusieurs risques se conjuguent, les pratiques dénoncées par les ONG
finissent par constituer une menace sur les actifs intangibles de l’entreprise, qui
constituent une part importante de la valorisation d’une entreprise cotée (sa marque
globale, la fierté d’appartenance des salariés, la facilité à recruter…) mais aussi sur
sa capacité d’accès aux financements.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
23
Bougainville : du risque opérationnel local au risque juridique global
Entre 1972 et 1989, via sa filiale Bougainville Copper, le groupe Rio Tinto a exploité
une des plus grandes mines de cuivre à ciel ouvert à Panguna en Papouasie NouvelleGuinée. Le comportement du groupe (dégradation massive de l’environnement,
discrimination raciale…) a provoqué une rébellion des habitants de l’île et conduit
à la fermeture de la mine en 1989. D’après plusieurs ONG, relayées par le London
Mining Network, l’entreprise aurait joué un rôle important dans la guerre civile qui
a suivi, fournissant à la police et à l’armée des hélicoptères de combat, des pilotes,
de l’essence et des baraquements pour les soldats, et poussant le gouvernement
à la répression. L’objectif aurait été d’obtenir la réouverture de la mine avec le
soutien du gouvernement en place. Le groupe est actuellement visé aux États-Unis
par une plainte collective (class action) menée par les habitants de Bougainville, qui
l’accusent d’avoir participé au conflit ayant fait entre 10 000 et 15 000 morts lors
de la guerre civile qui a duré de 1990 à 1997, et d’être indirectement responsable
de crimes contre l’humanité. Si Rio Tinto dément ces accusations, l’action judiciaire
pourrait lui porter un sérieux préjudice si elle donnait raison aux habitants de
Bougainville, soutenus par leur actuel gouvernement.
Faible
réponse publique des entreprises
sur leurs risques avérés
Si les conflits opposant les ONG et les entreprises du panel sont nombreux, seule
une minorité d’entre elles communique sur ces conflits et les éventuelles actions
judiciaires qu’ils provoquent. Antofagasta, BHP Billiton, Vale et Xstrata y font
notamment référence dans leurs rapports, mais la plupart sont muettes sur la question
et préfèrent évoquer ce qu’elles font pour les communautés (voir tableau p.17).
On peut citer Vedanta qui pousse cette stratégie à l’extrême : malgré le conflit très
médiatisé qui l’oppose à la tribu des Dongria Kondh depuis plusieurs années, Vedanta
parle des Dongria Kondh dans ses rapports 2010 uniquement pour insister sur toutes
les actions positives que l’entreprise mène en leur faveur (amélioration de leur qualité
de vie, aide à la conservation de leur culture), sans faire aucune allusion au conflit
qui les oppose. Il a pourtant fait l’objet d’un débat lors de son assemblée générale en
2010 et conduit au gel du projet par le gouvernement indien.
24
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Vedanta, les ONG et la montagne sacrée
Le conflit remonte à 2002, date à laquelle Sterlite, filiale indienne de Vedanta, avait
obtenu une licence l’autorisant à installer une usine pour transformer la bauxite en
aluminium dans l’État d’Orissa. Vedanta comptait en effet exploiter des gisements
de bauxite se trouvant dans le Niyamgiri, une montagne constituant le territoire
de la tribu des Dongria Kondh, et transformer directement la bauxite dans l’usine
située à proximité. La Cour suprême indienne a confirmé en août 2008 le droit de
Sterlite d’exploiter la montagne sacrée des Dongria Kondh, ce qui a suscité une
forte mobilisation des ONG, et notamment de Survival International qui a relayé
l’histoire des Dongria Kondh sur la scène internationale. Les Dongria Kondh veulent
empêcher Vedanta d’exploiter la bauxite située dans la montagne, vénérée comme
un temple car elle abrite pour eux l’esprit du dieu Niyam Raja. Le 24 août 2010, le
ministère indien de l’environnement a pris la décision de « geler » le projet.
La pression exercée par Survival International et d’autres ONG, comme Amnesty
International, a conduit l’Église d’Angleterre à se retirer du capital de Vedanta
(elle en detenait environ 6 millions de dollars en actions), suivie par d’autres
investisseurs. Enfin, l’usine construite au pied des collines est loin d’être amortie
par Vedanta.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
25
Analyse de la
communication des
entreprises minières
26
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Méthodologie
La communication de 23 entreprises minières cotées a été passée en revue pour
analyser ce qu’elles disent des enjeux ESG auxquelles elles sont confrontées et de
leurs rapports avec la société civile.
Recherche dans la communication des entreprises
Ont été passées en revue les sources publiques de communication des entreprises
sur Internet uniquement (rapports annuels 2010 ou 2009 quand la version 2010
n’était pas encore disponible, rapports consacrés au développement durable ou à la
responsabilité sociétale d’entreprise, sites internet de l’entreprise, en français et en
anglais).
Recensement des enjeux de l’extraction minière mis en
exergue par la société civile
Ont été passées en revue des sources publiques sur Internet, uniquement en français
et en anglais entre mars et août 2011. Les problématiques liées à l’industrie extractive
et les initiatives sectorielles ont été systématiquement recensées sur les sites Internet
des ONG et réseaux internationaux d’ONG (WWF, Friends of the Earth, Oxfam…)
faisant référence dans le secteur, ainsi qu’au sein des Forums sociaux mondiaux et
régionaux.
Recensement des relations entre les entreprises minières
du panel et la société civile
Recherches croisées sur Internet à partir de mots clés (ONG, société civile) et du nom
de l’entreprise ou du groupe, en français et en anglais.
Les organisations qui travaillent sur les impacts de l’industrie extractive sont de taille
hétérogène, de la petite organisation communautaire autour d’un enjeu très local
à l’ONG internationale reconnue qui utilise son capital médiatique pour mener des
campagnes sur les enjeux globaux du secteur. Leur nombre important, les relations
qu’elles entretiennent entre elles et avec les entreprises, la diversité de leurs modes
d’action et des thématiques qu’elles traitent, forment un paysage complexe.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
27
Les travaux de la société civile dans certaines zones, russophones en particulier, se
sont révélés peu accessibles.
Le mode de recherche ne permet pas d’appréhender certaines organisations locales
mais très actives du fait de leur absence de visibilité sur Internet (dans les pays en
voie de développement notamment).
Grille d’évaluation
Pour évaluer la transparence des entreprises minières sur leurs enjeux ESG et qualifier
leurs relations avec les ONG, une grille de 18 critères listant les éléments requis
dans leur communication a été établie. Les questions posées sont classées en quatre
catégories : Réglementations et initiatives sectorielles, Parties prenantes externes,
Environnement et Société. Elles recouvrent les points essentiels de relation entre
ONG et entreprises du secteur minier. Elles sont détaillées de la page 32 à la page 46.
Le questionnaire initial comptait deux autres questions dont les réponses ne
figurent pas dans l’étude : L’entreprise a-t-elle un poste dédié aux relations avec les
ONG ? L’entreprise collabore-t-elle avec des ONG spécialisées dans la lutte contre la
corruption ? L’absence d’informations sur ces deux sujets a conduit à les retirer
de l’analyse mais ces points sont pourtant clés. Dans le premier cas, l’existence
d’un poste dédié aux relations avec les ONG est souvent le signe visible d’une
stratégie de relation spécifique avec la société civile. Dans le second, l’absence d’une
communication spécifique sur la lutte contre la corruption en partenariat avec des ONG
illustre la difficulté pour ces entreprises à aborder de front dans leur communication
le sujet de la corruption.
28
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Classement des entreprises
COMMUNICATION
ET DIALOGUE
AngloAmerican
Vale
BHP Billiton
Rio Tinto
Xstrata
Lonmin
COMMMUNICATION
PARTIELLE
AngloGold Ashanti
ArcelorMittal
Areva
Fresnillo
Antofagasta
Norilsk Nickel
Randgold
Vedanta
Eramet
Rusal
Boliden
Imerys
Entreprise
ayant
entre
15
et
10
réponses positives
On retrouve dans cette catégorie les
meilleures entreprises du secteur en
termes de communication. Elles font
régulièrement référence aux ONG dans
leurs rapports annuels et développement
durable et les ont intégrées comme
parties prenantes à part entière dans
leur stratégie de RSE. Les six entreprises
de ce groupe (AngloAmerican, BHP
Billiton, Lonmin, Rio Tinto, Vale, Xstrata)
répondent positivement à plus de la
moitié des questions listées dans la grille
d’évaluation mais restent lacunaires sur
certains enjeux ESG clés comme la lutte
contre la corruption.
Entreprises
ayant
entre
4
et
9
réponses positives
Cette catégorie regroupe des entreprises
qui communiquent sur leurs relations
avec les ONG et ont pu mettre en
place des partenariats intéressants
(ArcelorMittal, Areva), mais aussi des
entreprises qui, si elles mentionnent
très peu les ONG, ont une stratégie de
RSE développée (Boliden en étant la
meilleure illustration), sans oublier, en
bas de tableau de cette catégorie, des
entreprises qui communiquent peu non
seulement sur leur stratégie de RSE
mais aussi sur leur relation aux ONG.
Entreprises
ayant
entre
1
et
2
réponses positives
OPACITÉ
ENRC
Kazakhmys
Evraz
Glencore
Severstal
Cette dernière catégorie réunit des
entreprises
franchement
opaques
(ENRC, Evraz, Glencore, Kazakmys,
Severstal) qui ne mentionnent quasiment
pas les ONG et ont une stratégie de
RSE balbutiante, voire inexistante. Elles
n’ont aucun rapport de développement
durable et les chapitres « Responsabilité
sociétale de l’entreprise » du site ou du
rapport annuel sont particulièrement
pauvres.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
29
A retenir
Les grandes multinationales communiquent mieux que les
entreprises de taille plus réduite…
Parmi les entreprises qui répondent positivement à plus de la moitié
des critères identifiés, on retrouve 5 des 7 entreprises aux chiffres
d’affaires 2010 les plus élevés (AngloAmerican, BHP Billiton, Rio
Tinto, Vale, et Xstrata). La taille et la diversité d’implantation de
ces entreprises minières les exposent en effet davantage. Il paraît
donc logique qu’elles aient des éléments de réponse plus nombreux.
Certaines entreprises de taille modeste peuvent malgré tout, à l’image
de Lonmin, communiquer de façon satisfaisante sur leurs enjeux et
leurs risques.
…mais Glencore est l’exception qui confirme la règle.
Le n°1 du secteur minier se classe dernier ex-æquo pour sa
communication sur les enjeux ESG, en obtenant une seule réponse
positive et 17 négatives. Basé en Suisse, coté à Londres et générant
un chiffre d’affaires annuel supérieur à 100 milliards d’euros, présent
dans de nombreux pays, le groupe ne publie paradoxalement, à l’heure
actuelle, ni rapport annuel, ni rapport de développement durable.
Les entreprises du panel ont des relations floues et limitées
avec les organisations représentant la société civile.
En dehors des entreprises qui ne mentionnent jamais le terme
même d’ONG, les relations entre les entreprises et les organisations
de la société civile s’inscrivent dans un large éventail qui va d’une
simple interaction pour certaines, jusqu’au partenariat stratégique
de long terme pour d’autres. La qualité de l’information sur ces
dimensions est par ailleurs inégale. Si plusieurs entreprises analysent
les préoccupations des parties prenantes (notamment des ONG) en
fonction des impacts que celles-ci ont sur leurs activités ou dressent
des descriptions circonstanciées des partenariats mis en place avec
elles, d’autres se contentent de se référer aux ONG de façon générique
sans donner de précisions.
30
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Les entreprises françaises ne se différencient pas.
Depuis dix ans, les entreprises françaises cotées ont une obligation
légale d’informations de leurs actionnaires sur des enjeux ESG (article
116 de la loi sur les Nouvelles régulations économiques) mais cela ne
conduit pas les entreprises françaises du panel à faire preuve d’une
transparence plus grande que les autres. Les trois entreprises françaises
du panel (Areva, Eramet et Imerys) se situent dans la moyenne. Elles
communiquent notamment peu sur leur relation aux ONG, Imerys ne
les mentionnant pas du tout.
Les
entreprises
minières
russes
et
kazakhes
sont
plus
silencieuses.
Les sociétés basées en Russie ou au Kazakhstan communiquent
très peu sur les questions de RSE et ne mentionnent quasiment pas
les ONG. En tant qu’entreprises cotées en Europe occidentale, elles
devraient pourtant être en mesure de fournir une communication sur
ce plan en anglais à destination de leurs actionnaires. Sur les quatre
entreprises russes du panel, seule Norilsk Nickel publie un « Rapport
sur la responsabilité sociétale de l’entreprise » en anglais, dans lequel
des éléments de sa relation aux ONG sur l’année 2009 sont décrits.
Il faut noter néanmoins que plusieurs des collaborations mises en
place avec les ONG l’ont été sur le site minier de Stillwater Mining
Company aux Etats-Unis, dont Norilsk Nickel détient 53 % du capital.
Le développement d’opérations dans des territoires autres que les
anciennes républiques soviétiques semblerait donc décisif pour pousser
l’entreprise à communiquer sur ces questions. Par ailleurs, les grandes
sociétés minières russes ont souvent, après leur privatisation dans les
années 1990, continué à assurer une fonction sociale importante auprès
des communautés (éducation, santé); elles témoignent toutes d’une
forme d’engagement sociétal, définis en termes de « philanthropie »,
de « charity » ou de « mécénat », qui traduisent une approche des
relations avec la société civile qui n’est pas d’ordre stratégique.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
31
Analyse détaillée par
thématique ESG
Réglementation et initiatives sectorielles
L’étude se penche ici sur le degré d’autorégulation du secteur au travers de l’adhésion
volontaire des entreprises du panel à différents standards, initiatives et systèmes de
reporting.
• L’entreprise encourage-t-elle la mise en place de l’Initiative pour la transparence
des industries extractives (ITIE) dans ses pays d’implantation (hors OCDE) ?
• L’entreprise publie-t-elle le montant des impôts et droits d’exploitation versés
dans ses pays d’implantation ?
• Si son activité comprend l’extraction de diamants, l’entreprise applique-t-elle les
principes du processus de Kimberley ou d’autres standards existants ?
• L’entreprise est-elle signataires des Principes volontaires sur la sécurité et les
droits humains ?
• L’entreprise applique-t-elle les principes du Pacte mondial ou le référentiel de
la Global Reporting Initiative (GRI), notamment les directives du supplément
« Mining and Metals » ?
• L’entreprise a-t-elle une position officielle sur le respect des principes, textes et
conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) ?
Les référentiels d’engagement volontaire
Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE)
L’ITIE a été lancée à l’initiative du gouvernement anglais. Elle fédère des États, des
entreprises, des investisseurs et des ONG, l’une des principales étant Transparency
international. Elle a publié en 2003 des principes dont la finalité est d’accroître la
transparence des paiements et revenus dans le secteur des industries extractives.
Les Etats signataires de ces principes s’engagent à rendre publics les montants des
revenus liés à l’extraction qu’ils reçoivent, et les entreprises les montants versés afin
32
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
que les populations locales puissent en avoir connaissance. Elle partage l’objectif
de la campagne « Publiez ce que vous payez » que les ONG mènent à destination
des entreprises afin de permettre aux citoyens d’exiger des comptes quant à l’usage
que leur gouvernement fait de la rente extractive afin de réduire les risques de
détournement de fonds et de corruption.
L’ITIE a trouvé un prolongement dans Dodd Frank Act, une loi américaine signée le
21 juillet 2010 par le président américain Barack Obama. Celle-ci impose en effet aux
compagnies pétrolières, gazières et minières enregistrées auprès de la Securities and
Exchange Commission (SEC), de révéler publiquement leurs revenus ainsi que les
versements, pays par pays, qu’elles effectuent auprès des gouvernements concernés.
Toutefois, les principales compagnies pétrolières cotées à Wall Street font aujourd’hui
pression sur la SEC et l’administration américaine afin que des dérogations soient
autorisées pour certains pays (Angola, Chine, Qatar…).
Pacte mondial
Le Pacte mondial, ou Global Compact, a été lancé par les Nations Unies. Il comprend
10 principes que les entreprises signataires s’engagent à respecter, dans les domaines
de l’environnement, des droits humains, des droits du travail et de la lutte contre la
corruption. Elles sont pour cela tenues de publier annuellement une « Communication
on Progress (CoP) », c’est-à-dire un document présentant les progrès réalisés au
cours de l’année pour le respect des 10 principes.
Global Reporting Initiative (GRI)
Créée en 1997, la GRI a pour vocation de définir des standards de reporting de
développement durable avec des déclinaisons sectorielles. La GRI publie des lignes
directrices, régulièrement mises à jour, qui servent de référentiel aux entreprises
pour l’élaboration de leur rapport annuel ou de développement durable. Il s’agit d’une
démarche volontaire pour chaque entreprise, mais la vérification du respect de ses
lignes directrices par la GRI est facultative.
La GRI comporte un supplément spécifique au secteur minier, « Mining and Metals ».
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
33
Principes volontaires sur la sécurité et les droits humains
Ils ont été lancés en 2000 pour répondre à une problématique spécifique du secteur
extractif qui concernait les abus commis par des entreprises de sécurité et des
armées nationales employées par les entreprises minières pour sécuriser les sites
d’exploitation.
Seules 6 entreprises du panel sur 23 ont signé les Principes volontaires sur la sécurité
et les droits humains : AngloAmerican, AngloGold Ashanti, BHP Billiton, Lonmin, Rio
Tinto et Xstrata.
Processus de Kimberley
Ce
programme
international
de
certification,
lancé
en
2003,
a
rassemblé
gouvernements, entreprises diamantifères et organisations de la société civile pour
éviter que les pierres précieuses ne financent guerres et guérillas, comme cela
avait été le cas au Liberia et en Sierra Leone. Il a également permis d’améliorer
les rentrées fiscales de gouvernements éprouvés par le trafic illégal de diamants.
En Sierra Leone par exemple, suite à l’application du processus de Kimberley, les
exportations officielles de diamants « propres » sont passées de 10 millions de dollars
en 2000 à 140 millions en 2005. Mais il est aujourd’hui remis en question depuis la
certification donnée au Zimbabwe et à la République démocratique du Congo qui
vendraient des diamants extraits de mines où l’armée est accusée d’exactions par de
nombreuses ONG.
Sur les trois entreprises qui extraient des diamants (AngloAmerican, BHP Billiton et
Rio Tinto), seule la filiale d’AngloAmerican, De Beers, fait référence au processus de
Kimberley, auquel elle affirme se conformer.
Les standards de durabilité sociale et environnementale de la Banque
mondiale
Les conséquences environnementales et sociales de l’exploitation minière à très
grande échelle, telle que la pratiquent les multinationales, les conduisent aujourd’hui
à devoir prendre des engagements de conformité à des standards minimum qui leur
permettent d’assurer et de financer leurs projets. Ceux de l’International Finance
Corporation (IFC) jouent ce rôle dans le secteur minier.
Institution de la Banque mondiale chargée des opérations avec le secteur privé, L’IFC
34
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
a mis en place un cadre d’évaluation sociale et environnementale des projets,
accompagné de 8 critères de performance. Cette évaluation « constitue un facteur
déterminant dans sa décision de financement et définit le périmètre des conditions
sociales et environnementales de ce financement ».
Ces standards, qui théoriquement s’appliquent stricto sensu aux projets financés par
l’IFC, constituent une référence internationale en matière de maîtrise d’impacts en
général.
Les critères, entrés en vigueur en 2006 et mis à jour en 2011, évaluent les aspects
suivants de la vie d’un projet et de ses impacts :
1. Système d’évaluation et de maîtrise des risques et impacts sociaux et
environnementaux
2. Conditions de travail
3. Optimisation des ressources et prévention de la pollution
4. Santé et sécurité de la collectivité
5. Acquisition foncière et déplacement involontaire.
6. Biodiversité et gestion des ressources naturelles vivantes
7. Populations autochtones
8. Patrimoine culturel
Depuis 2010, les grandes lignes de ces standards sont intégrées aux lignes directrices
pour le secteur minier de la GRI, ce qui permet de faire converger en partie les
référentiels volontaires d’engagement dans ce domaine.
Principes volontaires sur la sécurité et les droits humains
L’ICMM, Conseil international des mines et métaux, a été créé en 2001 et regroupe :
•
20 entreprises minières et métallurgiques, dont AngloAmerican, AngloGold
Ashanti, Areva, BHP Billiton, Lonmin, Rio Tinto, Vale et Xstrata, qui font partie du
panel de l’étude ;
•
31 fédérations nationales ou continentales d’entreprises minières ou
métallurgiques, parmi lesquelles Euromines, Eurométaux, l’International Copper
Association et le World Gold Council.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
35
Sa mission est de promouvoir la mise en place de bonnes pratiques de développement
durable parmi ses membres, notamment grâce à des publications concernant les
peuples autochtones, les droits humains, la planification de fermeture de mine
intégrée ou la gestion des risques liés au mercure. L’ICMM exige par ailleurs une
certification par un tiers du bilan réalisé annuellement par chaque entreprise sur le
respect des 10 principes de l’organisation :
1. Adopter et maintenir des pratiques commerciales éthiques et des systèmes
rigoureux de gouvernement d’entreprise
2. Intégrer les questions de développement durable au processus décisionnel
de l’entreprise
3. Défendre les droits fondamentaux de la personne et le respect des cultures,
des coutumes et des valeurs dans les rapports avec nos employés et toutes
les personnes touchées par nos activités
4. Mettre en œuvre des stratégies de gestion des risques fondées sur des
données valables et des principes scientifiques objectifs
5. Chercher à améliorer continuellement notre performance en matière de
santé et de sécurité
6. Chercher à améliorer continuellement notre performance environnementale
7. Contribuer à la conservation de la biodiversité et aux approches intégrées à
la planification de l’utilisation du sol
8. Faciliter et promouvoir la conception, l’utilisation, la réutilisation, le recyclage
et l’élimination responsables de nos produits
9. Contribuer au développement social, économique et institutionnel des
collectivités dans lesquelles nous menons des activités
10.Mettre en œuvre, avec nos intervenants, des dispositions d’engagement,
de communication et de production de rapports indépendants qui soient
efficaces et transparentes
L’appartenance à l’ICMM repose sur le principe de la cooptation et seules les entreprises
s’engageant formellement à respecter ces principes peuvent intégrer l’organisation.
En conclusion, si ces initiatives et normes volontaires ont un effet d’entrainement
incontestable, ils exposent les entreprises à une pression plus forte de leurs parties
prenantes. En effet, les ONG contrôlent la réalité des engagements affichés et
dénoncent avec d’autant plus de virulence des pratiques qui leur semblent contraires
aux dits engagements. Dans le cas des entreprises silencieuses comme Glencore et
les groupes russes et kazakhes, leur rôle est axé sur la dénonciation des pratiques
existantes et le lobbying pour obliger les entreprises à les changer et à devenir plus
transparentes.
36
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Panorama des initiatives sectorielles auxquelles adhérent
les entreprises du panel
ITIE
Pacte Mondial
GRI
Entreprises adhérentes
Entreprises signataires
Entreprises utilisant les
lignes directrices
10
12
12
AngloAmerican
AngloGold Ashanti
Antofagasta
ArcelorMittal
Areva
BHP Billiton
Boliden
Eramet
ENRC
Evraz
Fresnillo
Glencore
Imerys
Kazakhmys
Lonmin
Norilsk Nickel
Randgold
Rio Tinto
Severstal
Rusal
Vale
Vedanta
Xstrata
23
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
37
Parties prenantes externes : une
communication lacunaire qui reflète les
difficultés d’intégrer les ong comme des
parties prenantes à part entière
Ces questions ont pour objectif d’évaluer le degré de reconnaissance des organisations
de la société civile par les entreprises minières, en cherchant à savoir si les ONG
étaient intégrées comme des parties prenantes stratégiques à prendre en compte
dans les politiques et les pratiques de l’entreprise, et si c’était le cas, à comprendre
la manière dont cette reconnaissance était formalisée.
• L’entreprise a-t-elle mis en place un processus formalisé de consultation des
parties prenantes incluant des ONG ?
• L’entreprise a-t-elle mis en place une stratégie de relation aux ONG, incluant
toute la chaîne de projet (des études en amont à l’évaluation) ?
• L’entreprise a-t-elle des partenariats avec des ONG sur des questions de RSE ?
Processus de consultation formalisé des ONG et stratégie
de relations avec les ONG
11 entreprises sur 23, soit la moitié du panel, ont mis en place un processus de
consultation formalisé des parties prenantes incluant des ONG. Une seule entreprise,
AngloAmerican, obtient 3 réponses positives en ayant mis en place des partenariats
avec des ONG sur des questions de RSE, un processus de consultation des parties
prenantes, et une stratégie de relations aux ONG incluant toute la chaîne de projet.
Elle a mis en place un processus dit SEAT (« AngloAmerican’s Socio-Economic
Assessment Toolbox »), qui définit pour chaque projet les étapes à respecter et inclut
la consultation d’ONG.
En revanche, de nombreuses entreprises ont procédé à une forme de consultation des
parties prenantes à un moment ou à un autre du cycle de vie d’un projet. Onze d’entre
elles développent des exemples ponctuels de consultation des parties prenantes.
Xstrata, par exemple, fournit une information plus détaillée en s’appuyant sur
des données chiffrées. « Le processus de consultation des communautés locales
a représenté une activité particulièrement importante ces deux dernières années,
puisque nous avons accéléré notre rythme de développement de projets et d’expansion
38
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
des installations existantes. (…) Nous avons tenu près de 3000 réunions avec les
parties prenantes en 2010, avec plus de 34 000 personnes présentes » (p. 89 du
rapport de développement durable 2010).
Partenariats sur des stratégies de RSE
Si quasiment la moitié du panel (11 réponses positives et 12 réponses négatives)
affiche l’existence de partenariats de RSE, ils ne sont pas tous de la même envergure.
Ceux mis en place par AngloAmerican, Areva ou Vale semblent plus développés que
les collaborations moins stratégiques et plus ponctuelles organisées par Fresnillo ou
Norilsk Nickel.
AngloAmerican, en plus de programmes de formation et d’éducation à la performance
sociale assez novateurs mis en place pour ses employés, travaille en partenariat
avec l’ONG Care dans plusieurs régions du monde depuis 2003. Elles collaborent sur
des programmes de lutte contre le VIH/SIDA au Lesotho et en Afrique du Sud, les
deux acteurs partageant leur expertise en matière de prévention et de lutte contre
la pandémie. Care s’appuie également sur son expérience du terrain pour aider
AngloAmerican à mieux répondre aux besoins et aux attentes des communautés
dans les régions où l’entreprise est implantée.
Le groupe Areva a quant à lui conclu un accord avec les associations Sherpa et
Médecins du Monde portant sur la création, en 2009, d’observatoires pluralistes
de la santé autour de ses sites miniers au Niger et au Gabon. Bien que contesté
par certaines ONG, notamment par la Commission de recherche et d’information
indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD), ce dispositif, placé sous l’égide des
autorités des pays concernés, est une première mondiale. Il a pour objet l’étude de
la santé des travailleurs dans les mines d’uranium d’Areva et de l’impact potentiel
de celles-ci sur la santé des populations voisines. Si des cas de maladies imputables
à ces activités minières étaient mis en évidence, les soins correspondants devraient
être pris en charge par le groupe en respectant le taux de couverture médicale
française.
Vale, assisté par des ONG, a développé de nombreuses collaborations avec des
communautés autochtones à travers le monde. En Nouvelle-Calédonie, par exemple,
l’entreprise a signé un pacte de développement durable avec la population kanake
en octobre 2009, qui garantit la participation de celle-ci au suivi environnemental de
Vale. Le partenariat porte aussi sur la préservation de la culture kanake en NouvelleCalédonie.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
39
Environnement : une communication
développée mais incluant peu les ONG
Ces questions permettent non seulement d’avoir une idée générale de la stratégie de
RSE des entreprises en matière de communication sur leur politique environnementale,
mais aussi de regarder si elles mènent les politiques de maîtrise des impacts
spécifiques à leur industrie en intégrant l’expertise des ONG environnementales, en
particulier sur l’évaluation des impacts de leur activité.
• L’entreprise a-t-elle une politique de maîtrise de l’eau et de l’énergie sur ses sites
en partenariat avec des ONG ?
• L’entreprise a-t-elle une politique de réhabilitation des sites en fin d’exploitation
en partenariat avec des ONG ?
• L’entreprise
réalise-t-elle
des
évaluations
d’impact
de
son
activité
sur
l’environnement et la biodiversité en partenariat avec des ONG ?
• L’entreprise travaille-t-elle avec des ONG sur le traitement de ses impacts sur
l’environnement et la biodiversité ?
Si la communication sur la politique environnementale en général présente des
éléments de reporting relativement développés, elle intègre peu les ONG expertes sur
le sujet. Le nombre de réponses négatives (79) est six fois supérieur au nombre de
réponses positives (13). Seule Vale répond positivement à 3 des 4 questions, suivie
par AngloAmerican et Rio Tinto. Dans la mesure où les pratiques environnementales de
ces entreprises sont particulièrement dénoncées par les ONG, il n’est pas surprenant
de constater que le secteur est très loin de quitter le terrain de la confrontation pour
rejoindre celui de la collaboration.
Politique de maîtrise de l’eau et de l’énergie
La plupart des entreprises ont des politiques environnementales définies à
leur initiative, mais très rarement avec des ONG. Le meilleur exemple de cette
stratégie est l’entreprise suédoise Boliden qui a une attitude proactive en matière
environnementale bien qu’elle ne mentionne pas une seule fois les ONG dans son
rapport de développement durable. Ceci s’explique sans doute par les conflits qu’elle
a affrontés à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Boliden a en effet
40
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
été attaquée par le WWF et Greenpeace à la suite de la rupture de barrages liés
aux mines que l’entreprise exploitait en Espagne et en zone arctique. Ces accidents
médiatisés et leurs conséquences désastreuses (raz de marée de boues contenant
des résidus métalliques hautement toxiques) ont incité Boliden à revoir sa politique
environnementale et à en tirer les leçons qui s’imposaient.
Sur la question de la maîtrise de l’eau et de l’énergie, ArcelorMittal fait exception
puisqu’elle a formé un comité de pilotage sur l’eau, auquel ont participé des
ONG engagées dans l’initiative CDP Water Disclosure. Avec l’aide de celles-ci et
d’autres parties prenantes clés, ArcelorMittal a pu identifier les axes prioritaires
de développement pour sa stratégie de maîtrise de l’eau. Vale fait figure d’acteur
particulièrement engagé sur la question de la maîtrise de l’énergie. Avec l’institut
Ethos et le Sustainable Amazonia Forum, le groupe brésilien a supervisé la publication
d’une « lettre ouverte au gouvernement brésilien pour le changement climatique
», dans laquelle, pour la première fois, des entreprises industrielles brésiliennes
s’engageaient conjointement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Sous
l’impulsion de Vale, 30 entreprises avaient signé le document à fin 2009. Le groupe
travaille également avec des ONG sur les questions de maîtrise de l’eau et de l’énergie
dans le cadre d’un fonds dédié, le Vale Fund for Sustainable Development.
Evaluations et traitement des impacts de l’activité de
l’entreprise sur l’environnement en partenariat avec des
ONG
7 entreprises (AngloAmerican, BHP Billiton, Fresnillo, Norilsk Nickel, Rio Tinto, Vale,
Xstrata) affirment travailler sur le terrain avec des ONG pour maîtriser leurs impacts
sur l’environnement et la biodiversité, mais seulement deux (AngloAmerican et Vale)
communiquent clairement sur les évaluations des opérations réalisées en partenariat
avec des ONG.
AngloAmerican a inclus une norme de performance en matière de biodiversité au sein
de sa politique environnementale (« The Environment Way »), qui requiert de tous
les projets et opérations qu’elle mène des évaluations régulières de leurs impacts
sur l’environnement. Plusieurs ont été menées en partenariat avec Fauna & Flora
International, qui a aidé AngloAmerican à évaluer les risques auxquels ses sites
étaient exposés en termes de destruction de biodiversité. Mais c’est surtout Vale qui
se distingue sur la question des partenariats environnementaux avec des ONG.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
41
Au travers du Vale Fund for Sustainable Development, Vale mène régulièrement des
évaluations d’impacts et développe des programmes de conservation et de protection
de la biodiversité avec les organisations locales.
Rio Tinto travaille sur ses impacts directs avec des ONG mais recourt également
au système de land swaps (voir encadré). Le groupe a en effet mis en place des
partenariats avec les ONG Conservation International, BirdLife International et
Earthwatch Institute, qui l’aident à intégrer les problématiques de biodiversité dans
sa politique environnementale et à mieux gérer ses impacts directs. Fauna and Flora
International doit pour sa part aider Rio Tinto à avoir un «impact net positif » sur la
biodiversité.
Le principe controversé des land swaps
Les land swaps reposent sur l’idée de compensation. Cela consiste pour l’entreprise
à acheter des parcelles possédant les mêmes qualités en termes de biodiversité
que celles qui sont exploitées et à en confier la gestion à une ONG pour compenser
la détérioration de la parcelle exploitée par l’entreprise. Ce principe fait débat
au sein des ONG environnementales. Certaines n’y voient qu’un subterfuge de
la part des entreprises minières pour « verdir » leur image sans avoir à réduire
leurs impacts directs sur leurs sites d’exploitation. Pour d’autres, les programmes
de compensation comme les land swaps peuvent avoir du sens à condition d’être
accompagnés d’un travail parallèle de l’entreprise sur ses impacts directs.
Politique de réhabilitation des sites avec des ONG
Seules 2 entreprises sur 23, Randgold et Rio Tinto, ont mis en place une politique de
réhabilitation des sites en partenariat avec des ONG. Randgold, entreprise spécialisée
dans l’extraction aurifère et implantée principalement en Afrique, a commencé à
développer un projet agricole en partenariat avec des ONG (dont les noms ne sont
pas cités dans le rapport annuel 2010), afin de réduire l’impact de la fermeture de la
mine de Morila au Mali. Ce projet pilote devrait, d’après Randgold, permettre d’offrir
des alternatives économiques intéressantes au travail de la mine et développer le
commerce local. Rio Tinto a également mis en place plusieurs partenariats avec des
ONG autour de projets de réhabilitation de sites miniers. En plus de travailler avec
les Royal Botanic Gardens sur des techniques spécifiques de réhabilitation, Rio Tinto
participe à l’«Eden Project», un jardin d’attraction à visée éducative situé dans le
sud-ouest de l’Angleterre, dont l’objectif est de promouvoir une utilisation durable
des ressources de la planète. Le projet a été développé sur un ancien site minier pour
42
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
fournir un exemple de réhabilitation de site après exploitation. L’objectif de ce
partenariat est de développer un centre global pour la réhabilitation post mine.
D’autres entreprises (Areva, Lonmin) développent des exemples de réhabilitation
de sites menés avec les communautés locales, mais sans préciser si des ONG sont
associées ou pas à la démarche.
Société : une communication
insuffisamment liée aux impacts des
activités de l’entreprise et incluant peu
les ONG
• L’entreprise démontre-t-elle l’existence d’un dialogue social local avec des
interlocuteurs identifiés, syndicats ou ONG ?
• L’entreprise a-t-elle une position officielle sur le respect des droits humains
(référence aux conventions et textes internationaux standards ou existence
d’une charte interne) ? Et/ou sur le respect des droits des peuples autochtones
(référence aux conventions et textes internationaux standards ou existence d’une
charte interne) ?
• L’entreprise réalise-t-elle des évaluations d’impacts de son activité sur les
communautés locales (santé, sécurité alimentaire, sites et patrimoines intangibles)
en partenariat avec des ONG ?
• L’entreprise a-t-elle mis en place une politique de consultation et de compensation
en cas de déplacement de population par rapport à la zone d’implantation du site
minier ?
• L’entreprise a-t-elle des pratiques d’engagement sociétal avec des ONG ?
L’acceptabilité des activités minières repose en grande partie sur la capacité des
entreprises à s’intégrer dans un territoire (respect des lieux, communautés et modes
de vie) et à respecter les règlementations en vigueur mais aussi les droits humains
et plus particulièrement ceux des populations autochtones. Les questions ci-dessus
reçoivent un peu plus de réponses négatives que positives (67 réponses positives pour
71 réponses négatives), AngloAmerican, Areva, BHP Billiton, Eramet, Lonmin, Rio
Tinto, Vale et Xstrata étant les entreprises les plus actives avec 4 réponses positives
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
43
ou plus sur les 6 questions.
Existence d’un dialogue social
18 entreprises sur 23 déclarent avoir établi un dialogue social mondial et local. La
grande majorité des entreprises affirme consulter leurs salariés au travers des syndicats
et dialoguer avec eux, et le justifie en s’appuyant sur le taux de syndicalisation.
Certaines, comme Areva, font également référence aux cartographies des parties
prenantes mises en place pour consulter les interlocuteurs clés, parmi lesquelles les
ONG.
Politique de consultation et de compensation en cas de
déplacement de population
6 entreprises sur 23 affirment avoir mis en place ce type de politique. Des
réglementations nationales existent en matière de consultation et de compensation,
mais leurs limites sont souvent pointées par les ONG, notamment en ce qui concerne
les populations autochtones. Un quart du panel seulement affirme avoir mis en
place une politique de consultation et de compensation en cas de déplacements de
populations par rapport à la zone d’implantation du site minier (AngloAmerican, BHP
Billiton, Lonmin, Randgold, Vale et Xstrata), alors que ce point est essentiel au regard
des impacts sociétaux de l’implantation minière. De plus, il s’agit le plus souvent
d’exemples ponctuels de consultation de populations plutôt que d’une véritable
politique généralisée. Randgold reste ainsi assez évasif, tandis qu’AngloAmerican
détaille dans son rapport de développement durable 2010 un cas unique de consultation
des populations en Australie dans le cadre d’un projet d’exploration, sans préciser si
la même logique prévaut à chaque fois pour tous les projets.
D’autres entreprises ont une approche globale et affirment calquer leur politique en
matière de déplacement des populations sur celle des standards de l’IFC. BHP Biliton
affirme ainsi que « dans les cas où le déplacement et la réinstallation de populations
sont inévitables, ceux-ci doivent être menés en accord avec le standard 5 de l’IFC sur
l’« Acquisition de terres et la relocalisation involontaire » et précise que « le principe
du consentement préalable libre et éclairé, qui peut être défini comme le soutien de
100 % de la communauté, est seulement obligatoire là où il est clairement requis et
défini par la loi ».
44
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Les questions de l’appropriation des terres, des déplacements involontaires, de la
réinstallation et de l’indemnisation des communautés demeurent malgré tout parmi
les plus dénoncées par les ONG.
Vale au Mozambique : un cas exemplaire
Vale a relocalisé 980 familles au Mozambique, dans trois districts avoisinant la future
zone d’exploitation minière, et a construit pour cela 300 nouveaux logements ainsi que
des infrastructures de santé et d’éducation. Des « Knowledge Stations », des centres
pour le développement économique et humain encourageant les activités culturelles,
sportives et assurant des formations professionnelles, sont en cours d’implantation
dans ces districts. Vale affirme avoir respecté les standards de l’IFC en matière de
déplacement de populations (consultation, participation des communautés à tout le
processus, recensement économique et social pour identifier les personnes à déplacer
et réinstaller, mise en place d’un système pour recevoir les plaintes et y répondre…).
Evaluations d’impact de l’activité sur les communautés
avec des ONG
L’étude préalable aux impacts est clé, mais quasiment aucune entreprise ne
communique sur la réalisation d’évaluations d’impacts de son activité sur les
communautés locales (santé, sécurité alimentaire, site et patrimoine intangibles)
en partenariat avec des ONG, à l’exception d’Areva et de Vale. Ces deux entreprises
affirment mener des évaluations de ce type avec des ONG mais de qualité différente.
Areva le fait au travers de la mise en place d’observatoires de la santé près de ses
sites miniers au Niger avec Sherpa et Médecins du Monde. Vale déclare simplement
effectuer « des diagnostics socio-économiques » avec des ONG, sans développer
davantage.
En revanche, plusieurs entreprises minières, notamment Eramet et Xstrata, mènent
des évaluations d’impacts de leurs activités sur les communautés locales sans les
ONG. En Indonésie, sur le site de Weda Bay Nickel, Eramet a lancé des études
approfondies sur la santé publique, les habitudes alimentaires des populations
locales et le patrimoine culturel. Le groupe français développe par ailleurs des études
ethnographiques relatives à une population nomade présente sur et à proximité de
la concession. Xstrata, de son côté, explique qu’elle « mène également des études
initiales et des évaluations de risques pour mesurer les impacts socio-économiques
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
45
sur les communautés locales et sur la région à chaque stade du cycle de vie d’un site,
et utilise les résultats pour accroître les bénéfices et anticiper et éviter les impacts
négatifs ». Néanmoins de telles initiatives ne préservent pas ces deux entreprises des
critiques émanant d’ONG.
Position officielle sur les droits humains et les droits des
populations autochtones
Les entreprises minières sont souvent confrontées à la présence, dans les sites
qu’elles souhaitent exploiter, de populations autochtones que l’exploitation minière
peut pénaliser. C’est donc un sujet prégnant. Ceci explique que la majorité des
entreprises ait une position officielle sur le respect des droits humains (19 sur 23)
et pour 6, d’entre elles une position spécifique sur le droit des peuples autochtones
(BHP Billiton, Eramet, Lonmin, Rio Tinto, Vale, Xstrata).
BHP Billiton et Rio Tinto font référence à la Déclaration des Nations unies sur les
droits des peuples autochtones, tandis que Lonmin et Xstrata précisent qu’en tant
que membres du Conseil international des mines et métaux (ICMM), ils soutiennent
le document de prise de position de celui-ci sur les peuples autochtones. L’idéal serait
plutôt de s’engager à respecter chacun de ces deux textes…
Engagement sociétal
Une grande majorité des entreprises (17 sur 23) témoigne d’une forme d’engagement
sociétal avec des ONG. Les programmes mis en place (le plus souvent avec des ONG)
sont assez proches et touchent des domaines aussi variés que la santé, l’éducation,
le développement d’infrastructures, le développement économique local, le sport, la
culture, etc. Dans le meilleur des cas, ceux-ci sont mis en place après évaluation des
besoins des communautés. On peut classer en trois grandes catégories leur degré
d’engagement (voir graphique page 46).
Dans la première catégorie, on trouve les entreprises ne communiquant pas (Glencore)
ou très peu sur leur engagement, que l’on peut qualifier de philanthropie classique
et peu poussée.
Dans la seconde, la plus importante, se placent celles qui ont
un engagement philanthropique plus poussé et qui communiquent davantage, avec
cependant des nuances importantes, entre les mentions peu détaillées de projets
menées avec des ONG (2-), une communication moyenne (2) et une communication
précise et chiffrée (2+). Le troisième niveau rassemble enfin les entreprises qui une
46
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
véritable stratégie d’engagement sociétal, au-delà de la philanthropie, intégrée à leur
politique globale et explicitée dans leur communication. Cela permet aux observateurs
de comprendre comment l’entreprise conçoit le lien entre ses actions et ses impacts
sur les sites et les populations locales.
3
ArcelorMittal
BHP Billiton
Rio Tinto
Vale
Xstrata
stratégie
d’engagement
sociétal intégrée
2+
AngloAmerican
Randgold
2
Antofagasta
Areva
Eramet
Lonmin
Vedanta
Engagement
philantropique
poussé
2AngloGold
Ashanti
Fresnillo
Kazakhmys
Norilsk nickel
Rusal
1
Boliden
Evraz
ENRC
Severstal
engagement
philantropique
peu ou pas
0
documenté
Glencore
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
47
Points
de vue croisés
sur le jeu d’influence
des parties prenantes
Les enjeux Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) mis en exergue
par les ONG à propos des activités minières ainsi que l’analyse de la communication
des 23 entreprises du panel sur ce sujet permettent de mesurer l’étendue des
lacunes à combler sur l’information mise à disposition des parties prenantes. Or
cette information est importante pour les investisseurs qui intègrent des critères ESG
dans leur gestion financière. C’est le cas, par exemple, des signataires des Principes
pour l’Investissement Responsable des Nations Unies (PRI). Les ONG qui font des
campagnes contre certaines pratiques des entreprises minières s’efforcent de les
mobiliser pour faire cause commune.
S’il s’agit encore d’un mouvement embryonnaire, il est intéressant de voir comment
fonctionne l’usage complexe d’alliances destinées à inciter le secteur minier à changer
de pratiques. Pour mieux le comprendre, l’étude réunit trois témoignages d’acteurs
impliqués : une agence de notation extra-financière, EIRIS, une entreprise minière
cotée, Eramet, et une ONG qui travaille sur le sujet, SHERPA.
48
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
EIRIS
EIRIS est une agence de notation extra-financière créée en 1983 au Royaume-Uni.
Elle produit de l’analyse ESG pour le compte d’investisseurs sur 3000 entreprises
dans le monde et des outils d’alerte sur les violations des grandes conventions
internationales par les entreprises. En juillet 2010, quelques jours avant l’assemblée
générale de Vedanta à Londres, EIRIS a publié un rapport sur l’activité de l’entreprise
concernant la bauxite dans la région d’Orissa en Inde en partenariat avec Amnesty. Il
montrait que l’absence de prise en compte réelle et sérieuse des enjeux ESG auxquels
fait face une entreprise finit par peser sur son modèle économique. Il a servi d’alerte
pour les actionnaires de Vedanta. Quelques mois plus tard, l’annonce du gel du projet
indien a entrainé une chute de 30 % du cours de l’entreprise.
Typhaine
de
Analyste
Borne
senior
Selon vous, l’extraction minière est-elle un des secteurs les plus
risqués pour un investisseur ?
Le secteur minier, comme l’industrie gazière et pétrolière, a la particularité d’être
exposé à tous les types de risques environnementaux et sociaux possibles. Certains
peuvent d’ailleurs avoir pour un investisseur des conséquences financières graves,
notamment entraînées par la fermeture provisoire d’un site, due par exemple à des
accidents mortels de mineurs, une pollution accidentelle, une sécheresse restreignant
l’accès à l’eau indispensable à l’activité minière, la perte de la licence d’exploitation,
etc. Le risque de réputation est également important pour les institutions investissant
dans ce secteur, compte tenu des nombreuses violations de normes internationales
constatées sur le terrain par diverses organisations.
Quel est le minimum à exiger auprès d’une entreprise minière
de la part d’un investisseur pour limiter la prise de risques ?
La mise en œuvre des Principes volontaires sur la sécurité et les droits
humains, de l’Initiative pour la transparence des industries extractives, du
Guide des bonnes pratiques de l’ICMM ou des Principes directeurs des Nations
Unies relatifs aux entreprises et aux droits humains (cadre de référence
« Protéger, respecter et réparer » du représentant spécial John Ruggie adopté
en juin 2011) sont un bon préalable pour limiter les risques d’un investisseur.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
49
A quels risques vos clients investisseurs sont-ils les plus
attentifs concernant le secteur minier ?
Les investisseurs semblent correctement cerner les risques que constituent les
impacts directs sur les populations voisines d’un site minier : pollution locale, atteinte
à la biodiversité, accès à l’eau, déplacement de populations, recours à des forces de
sécurité… Sans doute car ce sont ces risques qui sont le plus suivis par les ONG et
relayés par les médias.
Un investisseur peut-il se contenter des documents publiquement
disponibles pour décider d’investir dans une entreprise minière ?
S’il souhaite identifier les risques ESG auxquels elle est exposée, mieux vaut l’interroger
directement. Prenons un exemple : dans des régions politiquement instables, la
sécurité des sites est confiée par les groupes miniers à des entreprises privées. Et les
moyens utilisés par ces dernières pour remplir leur mission ne font pas l’objet d’une
communication publique. Les interactions avec la sécurité publique (police, armée)
non plus. Un investisseur doit donc contacter directement l’entreprise pour consulter
les contrats et les procédures mises en place afin de s’assurer que ces gardes armés
sont suffisamment cadrés pour éviter toute violation des droits humains. De même,
il est préférable qu’un investisseur obtienne directement auprès de l’entreprise les
évaluations complètes d’impacts sur l’environnement et notamment la biodiversité
ou les détails des relations avec les populations locales.
50
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
ERAMET
ERAMET est l’une des trois entreprises françaises du panel de l’étude. C’est un des
principaux producteurs mondiaux de métaux d’alliages, notamment de manganèse
et de nickel, ainsi que d’aciers spéciaux à hautes performances, utilisés par exemple
dans l’aéronautique. ERAMET a aussi d’importants projets dans de nouveaux métaux
comme le lithium, le niobium, les terres rares, sans oublier le recyclage. Ce groupe
minier coté emploie 14 000 personnes dans une vingtaine de pays sur les 5 continents.
Il existe dans son périmètre actuel depuis 1999 et a absorbé des entreprises comme
la néo-calédonienne Nickel SLN ou COMILOG au Gabon. Le développement actuel
d’ERAMET ainsi que le projet Weda Bay de mine de nickel en Indonésie lui ont donné
plus de visibilité et contribuent à attirer l’attention des ONG.
Catherine Tissot-Colle
Directrice
de la
Communication
et du
Developpement Durable
Quelle est votre stratégie de communication sur votre politique
de développement durable ?
Jusqu’à l’année dernière, notre culture d’entreprise était plutôt axée sur la discrétion.
Nous ne privilégions pas la communication autour de nos engagements mais
plutôt sur des actions déjà réalisées et sans mettre particulièrement l’accent sur la
dimension Internet. Nous avons revu notre stratégie. La politique développement
durable actuelle date de 2010, année où nous avons aussi adopté une charte éthique.
Les mois suivants ont été consacrés au déploiement interne de cette politique.
Nous voulions en quelque sorte « faire d’abord et dire ensuite ». Nous avons ajusté
notre stratégie et décidé d’avoir plus d’ambition dans notre communication externe.
Concrètement nous allons entièrement refondre notre site Internet d’ici le printemps
2012 et lancer des sites thématiques sur les projets qui font actuellement l’objet de
campagne d’ONG comme celui de Weda Bay en Indonésie.
Ce projet vous a valu le prix Pinocchio des Amis de la Terre en
2010. Quelle a été votre réaction et comment travaillez-vous
avec les ONG sur ce dossier dorénavant sensible ?
Il y a deux dimensions à retenir. La première c’est qu’il s’agit bien d’un projet sur lequel
notre décision de lancer ou non ce projet de mine et d’usine de transformation du
nickel ne sera prise que fin 2012. C’est un projet d’environ 3 milliards de dollars. Il est
donc évident que, pour trouver les financements nécessaires, nous devons respecter
les meilleurs standards internationaux sur les dimensions environnementales et
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
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sociales du projet. Nous avons fait auditer le dispositif sur place par la MIGA, une
organisation à laquelle collaborent les ONG. Elle nous a accordé sa certification en
juillet 2010 mais nous avons sans doute commis l’erreur de ne pas communiquer plus
sur cette garantie dont bénéficie le projet de Weda Bay, en particulier sur Internet.
C’est un gage important de la crédibilité de nos opérations pour lesquelles nous avions
jusque-là choisi d’avoir une communication très locale, en Indonésie même. Le prix
Pinocchio nous a semblé injuste puisqu’il « récompense » en principe une stratégie
de communication mensongère. Or, nous n’avions rien dit ou presque sur Internet
concernant ce projet. Nous avons donc décidé de répondre sur le fond en lançant d’ici
la fin de l’année un site dédié qui expliquera tous les programmes que nous avons
mis en place localement en trois langues, française, anglaise et indonésienne.
Qu’est-ce que représente votre adhésion à l’ITIE et quels
programmes développez-vous en lien avec cette adhésion ?
Elle est récente puisqu’elle date de 2011 mais cette adhésion est parfaitement
cohérente avec la stratégie du groupe. Nous sommes prêts à respecter les principes de
transparence prônés par cette initiative auxquels adhèrent des pays importants pour
nous comme le Gabon. Nous sommes convaincus qu’il faut lutter contre la corruption,
ce qui est l’objectif de l’ITIE, pour favoriser le développement et la démocratie. Cela
créée finalement un environnement économique plus favorable pour des entreprises
comme la nôtre.
Avez-vous des questions de vos actionnaires sur les enjeux ESG
liés à votre activité minière ?
Notre conseil d’administration s’intéresse vraiment à cet aspect de notre stratégie.
Il a d’ailleurs recruté comme administratrice la directrice développement durable de
Total, Manoele Lepoutre. Nous commençons à recevoir quelques questions écrites
d’actionnaires sur nos projets sensibles mais c’est encore très marginal. En assemblée
générale nous n’avons eu, en 2010 comme en 2011, aucune question sur les volets
ESG de nos grands projets. Ceci dit, nous espérons qu’à terme les investisseurs et
les marchés feront la distinction entre les entreprises qui respectent les meilleurs
standards environnementaux et sociaux de leur secteur et celles qui n’en font rien en
donnant une prime aux premières. Ce n’est pas encore le cas, loin de là.
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© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Sherpa
SHERPA est une organisation à but non-lucratif créée en 2001 pour protéger et défendre
les populations victimes de crimes économiques. Elle rassemble des juristes et des
avocats venus de divers horizons, et travaille en collaboration avec de nombreuses
organisations de la société civile à travers le monde. Ses campagnes ont deux axes
principaux : la dénonciation de la fuite illicite des capitaux et l’incitation à la mise
en place d’un cadre juridique contraignant envers les entreprises transnationales
concernant la RSE, c’est-à-dire la façon dont elles intègrent les enjeux sociaux et
environnementaux liés à leurs activités commerciales ainsi que leurs relations avec
leurs parties prenantes.
Sandra Cossart
Responsable
du programme
Globalisation
et
Droits
humains
William Bourdon
president
Pour une ONG comme Sherpa quels sont les axes d’interpellation
d’entreprises minières ?
Les entreprises minières ont la caractéristique de cristalliser à peu près l’ensemble
des problématiques liées aux enjeux environnementaux, sociaux, économiques et de
gouvernance. De par la nature même de leurs opérations et des pays dans lesquels
elles opèrent, elles cumulent bien souvent dommages environnementaux, violations
des droits humains et faible gouvernance.
Les axes d’interpellation sont donc multiples pour une ONG comme SHERPA dont
l’angle est d’utiliser le droit comme outil aux services des victimes. « Les forces
innovantes du droit », comme nous avons été surnommés, se doivent donc d’imaginer
de nouveaux recours, qu’ils soient judiciaires, extra-judiciaires (appelé aussi « droit
mou ») ou hybrides pour contraindre les multinationales à davantage de responsabilité
au regard de leur activités.
L’obstacle principal aujourd’hui est celui de l’autonomie de la personne morale
invoquée par les groupes pour opposer leur irresponsabilité s’agissant des dommages
causés par leurs filiales. Nous considérons que le droit, tel qu’il existe, offre des pistes
d’action et nous sommes convaincus que les engagements pris par les maisons mère
en faveur du développement durable les rendront de plus en plus comptables des
agissements de leur filiales et peut être demain de leurs fournisseurs.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
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La faiblesse de l’information disponible chez les 23 entreprises
de notre panel vous surprend-elle ?
Malheureusement, ce constat ne nous surprend nullement. Nous sommes convaincus,
depuis toujours, que tant que la publication des informations extra financières
relèvera de la seule bonne volonté des entreprises, et sans réelle sanctions à la clé,
nous n’obtiendrons guère plus que ces balbutiements souvent tactiques. Ce manque
d’information et de transparence n’est-il pas d’autant plus choquant à l’heure où
ces multinationales disposent et mettent en œuvre des moyens de communication
encore jamais égalés pour nous persuader qu’ils sont les nouveaux bienfaiteurs de
l’humanité ?
Cette information, pour être utile, non seulement à l’entreprise mais également aux
acteurs de la société civile, doit être pertinente, fiable et comparable d’une entreprise
à l’autre et d’une année sur l’autre mais également accessible aux différentes parties
prenantes ; cette condition doit permettre de prévenir certains impacts négatifs et
réduire le nombre des victimes. Face à la pression et l’organisation de la société
civile locale et internationale, les entreprises minières pourront de moins en moins
se contenter de constater les dommages sans conséquences sur leurs activités, ainsi
que l’illustre le cas de Vedanta en Inde.
En quoi peut-elle constituer un risque juridique et de quelle
nature ?
Le risque juridique n’est pas déconnecté du risque financier sur ces enjeux ESG. Par
exemple, les risques de blocage d’un projet d’exploitation peuvent ouvrir des droits
à compensation pour des partenaires financiers ; les risques en termes de sécurité
du personnel peuvent ouvrir des droits pour celui-ci à dommages et intérêts. Les
entreprises peuvent également perdre leur droit à opérer dans un pays (« Licence
to operate ») et se voir ainsi priver de contrats importants. Plus généralement, le
risque d’un procès, sans même mentionner celui d’une condamnation financière, peut
représenter un coût financier exorbitant. Pour preuve, la condamnation de Texaco/
Chevron par une cour équatorienne à plus de 8 milliards de dollars de dommages et
intérêts (portés à 18 milliards si Chevron ne publie pas d’excuses publiques) dans un
procès qui a duré 18 ans.
Or ces risques ne peuvent que s’intensifier dans un contexte économique mondial en
crise et de raréfaction des ressources. Les « global managers » doivent donc comprendre
que, à terme, le reporting des informations extra financières permet une meilleure
prévention des risques, et par conséquent une réduction des coûts négatifs a postériori.
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© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Vous êtes à l’origine d’une saisine du Point de contact suisse
contre l’entreprise Glencore ?
En effet, SHERPA, avec 4 autres associations, a déposé une plainte, appelée
« circonstance
spécifique » dans le vocabulaire de l’OCDE, devant les points de
contact national (PCN) suisse et canadien à l’encontre de Glencore et de First Quantum
pour les manipulations financières et comptables auxquelles leur filiale zambienne,
Mopani, a recours afin de se soustraire à l’impôt sur place.
Les faits dénoncés s’appuient sur les résultats d’un audit réalisé en 2009 à la demande
du gouvernement zambien avec l’appui du gouvernement norvégien par les cabinets
Grant Thornton et Econ Pöyry. Parmi les anomalies constatées, une augmentation
inexpliquée des coûts d’exploitation, des volumes déclarés de production de cobalt
étonnamment faibles par rapport à d’autres entreprises minières de taille comparable
opérant dans la région, et des manipulations des prix du cuivre dans le cadre des
ventes au profit de Glencore, en violation du principe de pleine concurrence tel que
défini par l’OCDE.
Ces différents procédés ont permis d’abaisser de plusieurs centaines de millions de
dollars les recettes de Mopani pour la période 2003-2008 et par conséquent d’alléger
considérablement le montant de son imposition. Ces violations sont d’autant plus
déplorables que le consortium Mopani opère dans un contexte fiscal déjà très
attractif et favorable à l’investissement étranger bénéficiant notamment d’importants
avantages et exemptions fiscales accordés par l’État zambien.
Notre action repose sur le constat que l’évasion fiscale des multinationales
représenterait, chaque année en moyenne depuis dix ans, une perte de 400 à 440
milliards de dollars pour les pays en développement.
Que risque l’entreprise ? Quel a été l’impact de ce dépôt de
plainte ?
Rappelons qu’il s’agit d’une procédure extra-judiciaire. Nous attendons des PCN
saisis qu’ils constatent la violation des principes directeurs de l’OCDE par Glencore
et First Quantum, qu’ils s’assurent que ces entreprises rétrocèdent à l’autorité fiscale
zambienne les taxes impayées et enfin qu’ils obtiennent des entreprises visées un
engagement de se conformer scrupuleusement aux principes directeurs de l’OCDE
ainsi qu’aux lois et règlements applicables en Zambie.
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
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Après l’annonce de l’exclusion de Glencore des prêts accordés par la Banque Européenne
d’Investissement (BEI) le temps qu’elle mène une enquête interne, le gouvernement
zambien a paru envisager de réclamer à la multinationale suisse les taxes impayées
en Zambie. Ce nouveau rapport de force en faveur d’une justice fiscale démontre à
quel point il est important que l’Europe soutienne les États victimes d’évasion fiscale,
et refuse notamment d’attribuer des prêts de la BEI aux entreprises qui la pratiquent.
Enfin, le PCN suisse vient d’accepter le dépôt de plainte et examinera donc l’affaire.
Pour autant, nous sommes conscients des limites de ce ‘droit mou’ qui est
insuffisant ; mais pour qu’il y ait contrainte, il doit y avoir pression de la société
civile et des consommateurs or les entreprises minières y sont peu sensibles et
donc peu réactives au tribunal de l’opinion. Elles seront cependant amener à le
devenir de plus en plus, comme nous le prouve la position récente de Glencore.
Pensez-vous qu’une absence de communication RSE
compatible avec la cotation sur les marchés boursiers ?
est
Qu’une entreprise de la taille de Glencore rentre sur le marché de la cotation sans
que les investisseurs ne lui imposent plus de transparence est édifiant et démontre
une fois de plus que la valeur pour l’actionnaire reste malheureusement encore
uniquement indexée sur la rentabilité financière à court terme. Que la cotation en
bourse facilite, dans certains cas, la transparence, ne doit pas occulter que le véritable
ressort boursier reste l’augmentation de la valeur cotée.
Force est de constater que les questions de développement durable, de transparence,
de respect des droits de l’homme et de l’environnement ne doivent donc pas être
laissées exclusivement à l’appréciation des actionnaires et investisseurs, fussentils des investisseurs socialement responsables, mais exigent une réglementation
nationale, européenne et internationale.
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© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Conclusion
Les impacts environnementaux tout comme les enjeux sociétaux, et notamment les
questions de la répartition des richesses, de l’intégration dans les territoires et du
respect des cultures locales, sont des sujets qui continueront à nourrir les actions et
interpellations des ONG locales et internationales. Ils vont peser sur l’octroi des droits
d’exploitation des sites, indispensables aux entreprises minières, et peuvent conduire
à remettre en cause ceux déjà accordés. Les gages demandés en termes de respect
des populations et de l’environnement devraient aller croissant pour obtenir des
financements publics mais aussi garder des investisseurs de long terme qui prennent
en compte des critères ESG dans leurs politiques d’investissement.
Les risques que va devoir affronter le secteur minier dans les années à venir vont
devenir de plus en plus aigus et complexes à gérer. Les investisseurs ont donc deux
options. La première consiste à favoriser le rendement de court terme qu’apportent
les cours élevés des matières premières issues de l’extraction. Les profits affichés
par les entreprises aux méthodes moins-disantes en matière de gestion des impacts
peuvent sembler, au premier abord, plus intéressants. Cependant, la pression des ONG
augmentant, cela peut mettre à mal certaines de leurs opérations, leur réputation et
donc, in fine, avoir un impact négatif sur leur cours de bourse.
Besoin de transparence
La seconde option pour les financiers consisterait, à l’inverse, à favoriser les entreprises
qui peuvent avoir parfois une rentabilité immédiate moins forte mais qui limitent leurs
risques ESG. Pour que ce type d’investissement se révèle fructueux à moyen et long
terme, il faut pouvoir miser sur les acteurs qui ont clairement identifié ces risques et y
apportent des réponses convaincantes. Cela suppose que les investisseurs disposent
d’une information de qualité sur les dimensions environnementales et sociales des
projets miniers en provenance des entreprises. Quoi qu’il en soit, ils peuvent jouer un
rôle important auprès des groupes miniers cotés pour obtenir plus de transparence et
de meilleures pratiques sur la gestion des impacts de leurs activités sur les territoires
où ils opèrent.
Le mode de relations qu’entretient la grande majorité des entreprises du panel de
cette étude avec les ONG montre le chemin qu’il reste à parcourir pour qu’elles
développent des stratégies associant ces organisations et contribuant à optimiser la
gestion de leurs risques ESG. Les ONG peuvent, le cas échéant, leur apporter des
connaissances et des savoir-faire sur des territoires et des populations pour lesquels
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
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l’expertise des entreprises reste limitée. Même les partenariats existants sont souvent
mal valorisés. Insuffisamment relayés et expliqués, ils ne contribuent pas assez à
l’amélioration de la perception des entreprises.
L’affichage d’engagements volontaires sectoriels ne suffit pas, bien qu’il constitue une
première étape indéniable vers une meilleure gestion des impacts environnementaux
et sociaux des activités de l’entreprise. Une fois qu’elle a adhéré à un ou plusieurs
référentiels (ITIE, Principes Volontaires sur la sécurité...), l’entreprise doit rendre
compte de ses actions dans le domaine concerné, et les ONG, les États et la société
civile seront alors d’autant plus vigilants à ce que ces engagements soient suivis
d’actes. Pour mesurer leur progression, il est indispensable que les entreprises se
donnent publiquement des objectifs et communiquent sur leur degré d’atteinte. Dans
ce domaine, le secteur minier coté a incontestablement une marge de progression
tout à fait importante.
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© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
Sommaire
Introduction
3-4
Panel
5
Les enjeux et risques du secteur minier mis en exergue par les ong
6-25
Les enjeux environnementaux
7-10
Les enjeux sociétaux
10-13
Les enjeux de gouvernance
14-16
Panorama des relations ONG / entreprises
17-18
Les
risques liés à l’activité des ong
19-25
Des angles d’attaque multiples pour des enjeux de plus en plus intégrés
19-21
Du risque opérationnel local au risque de réputation global
22-24
Faible réponse publique des entreprises sur leurs risques avérés
24-25
Analyse
de la communication des entreprises minières
Methodologie
Classement
27-28
29-31
des entreprises
À retenir
Analyse
26-46
30-31
détaillée par thématique
ESG
32-46
Réglementation et initiatives sectorielles
32-36
Parties prenantes externe : une communication lacunaire
37-38
Environnement : une communication développée mais incluant peu les ONG
39-42
Société : une communication insuffisamment liée aux impacts de l’entreprise
42-46
Points de vue croisés sur le jeu d’influence des parties prenantes
47-55
Interview de Typhaine de Borne, EIRIS
48-49
Interview de Catherine Tissot-Colle, ERAMET
50-51
Interview de Sandra Cossart et William Bourdon, Sherpa
52-55
Conclusion
56
© Novethic 2011. Secteur minier coté et risques ESG
59
Les études RSE de Novethic
Novethic analyse les pratiques de communication des entreprises sur des thématiques
Environnementales, Sociales ou de Gouvernance (ESG) spécifiques, susceptibles
d’intéresser les investisseurs par l’impact qu’elles peuvent avoir à moyen, long terme
sur les entreprises. L’objectif est de regarder si les stratégies et la communication RSE
des entreprises répondent ou non aux attentes d’investisseurs prenant en compte
des critères extra-financiers.
Ces études portent sur des thématiques encore émergentes mais déjà suffisamment
présentes dans le débat public et susceptibles de concerner un nombre significatif
d’entreprises cotées européennes appartenant à différents secteurs d’activité.
Filiale de la caisse des dépôts, Novethic est un centre de
recherche sur l’investissement Socialement Responsable
(ISR) et la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE),
ainsi qu’un media expert sur le développement durable.
www.novethic.fr
Be-linked Business & Community Intelligence est un cabinet
de conseil en stratégie et en management totalement dédié
à la relation ONG-Entreprise. Notre mission est d’intégrer
les relations aves la société civile au cœur de la stratégie
de l’entreprise, pour créer, par l’innovation, de la valeur
économique, sociétale et environnementale durable.
www.be-linked.fr