Edgar Chahine (1874-1947) Un regard arménien

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Edgar Chahine (1874-1947) Un regard arménien
Edgar Chahine (1874-1947)
Un regard arménien
Exposition du 22 avril au 19 juin 2015
Salle Boullée de l’Hôtel de Ville
92130 Issy-les-Moulineaux
Le Promenoir. 1903. Eau-forte, aquatinte et pointe sèche.
2015, année de la commémoration du génocide arménien, voit la ville d’Issy-lesMoulineaux organiser de nombreuses manifestations autour de l’Arménie –
occasion de présenter un artiste qui jette un regard inspiré sur le Paris qui
l’entoure mais aussi sur les événements tragiques de son époque.
Edgar Chahine, Arménien de Paris, fut le peintre et le
graveur des types humains, de la femme, de l’élégance
parisienne et des visages secrets de Venise. Une
sélection de ses œuvres sur papier nous replonge au
cœur de la « Belle Époque » aux multiples facettes.
Il disait : « Je suis rebelle à la scène composée et
artificielle… Je ne fais que le portrait ». Arrivé à Paris à
l’âge de vingt ans, après une enfance à Constantinople
et des études d’art à Venise, Edgar Chahine devint
rapidement un graveur virtuose et connut de son vivant
un grand succès, relayé avec enthousiasme par la
critique.
Naturalisé français en 1924, il entretint une longue
amitié avec Anatole France, mais aussi avec
l’intellectuel Archag Tchobanian et la diaspora artistique arménienne. L’exposition offre
un parcours à travers son œuvre gravé mais présente également des dessins, pastels et
peintures rarement montrés.
« Élève de la rue », Chahine se consacra aux visions d’un Paris en pleine
transformation, bientôt pourvu d’un tout nouveau métro, où des tombereaux charriaient
la terre sous le fouet des cochets, mais où des saltimbanques, lutteurs et danseuses de
corde égayaient aussi les fortifs. Sous sa pointe, les contrastes de noir et de blanc, les
effets de lumière rendent à merveille le monde du théâtre, de la nuit parisienne, du cafconc’ et des élégantes alanguies.
De quelques traits, il croque des visages arméniens (ceux de son père, de jeunes
orphelins, ou de Nubar Pacha). Il fait aussi le portrait répété de Venise et de ses
habitants, grave et dessine des paysages de Normandie ou du Croisic. Ces œuvres
sont pour lui l’occasion d’utiliser toutes les ressources du papier ancien, souvent teinté,
et des encrages sur la plaque.
L’exposition s’achève sur un hymne à la beauté féminine (souvent celle de sa femme,
Simone), saisie sur le vif entrant dans son lit, après le bain ou à sa toilette. La couleur et
la délicatesse du pastel et de la tempera dévoilent un aspect moins connu d’un artiste,
unanimement célébré comme graveur, qui se révèle aussi un peintre sensible et
accompli.
PARCOURS DE L’EXPOSITION
Vie populaire
Arrivé à Paris en 1895 avec sa mère, le jeune Chahine, qui maîtrise parfaitement la langue,
s’intègre facilement. Les deux exilés se fixent près de la gare Montparnasse, dans la rue des
Fourneaux (actuelle rue Falguière), très populaire. Tout en suivant les cours de l’Académie
Julian, il croque les ouvriers, charretiers, chiffonniers, vagabonds, et se dit lui-même « élève de
la rue ». Sa première toile (1896), exposée à la Société des Artistes Français, s’intitule Le
Gueux. En 1898, il y présente deux sujets d’une veine très populiste, l’intérieur d’une maison
ouvrière et une mère qui se suicide au gaz avec son enfant.
À partir de 1900, année où il reçoit la médaille d’or en gravure à l’Exposition Universelle, il
délaisse ses pinceaux pour l’eau-forte et la pointe sèche, soutenu par le marchand et éditeur
Edmond Sagot. Comme Steinlen ou Toulouse-Lautrec, il est fasciné par les saltimbanques et les
fêtes populaires de Paris, et grave les lutteurs et danseuses de corde des fortifs. Vers 19081910, il arpente Paris pour rendre l’image des démolitions entreprises en vue de la création du
métro. Ces compositions très architecturées, jetées sur le cuivre ou le zinc, révèlent une parfaite
maîtrise et attirent les louanges des critiques de l’époque tels Loÿs Delteil ou Camille Mauclair.
L’artiste (qui a fait ses armes chez le célèbre imprimeur en taille-douce Delâtre, à Montmartre)
tire lui-même ses plaques et travaille ses encrages riches et texturés, sur des papiers choisis
avec soin.
La Banquiste. 1908. Eau-forte et pointe sèche.
Portraits de la Belle Époque
« Je suis rebelle à la scène composée et artificielle, tout exactement d’après le modèle. Je ne
fais que le portrait. Si je fais une maison, une voiture, un miséreux, une femme, c’est toujours le
portrait de cette maison, le portrait de cette voiture, le portrait de ce miséreux, le portrait de cette
femme », disait Edgar Chahine.
Ses élégantes gracieuses, dont il griffe l’image sur la plaque à la pointe sèche, évoquent l’œuvre
de ses contemporains les graveurs Helleu ou Villon. Grâce à l’éditeur d’estampes Sagot, il entre
rapidement en relation avec des personnalités du monde littéraire et artistique et se lie
notamment d’amitié avec Anatole France, alors au faîte de sa gloire. Les bibliophiles Henri
Beraldi et Eugène Rodrigues l’amènent à illustrer les œuvres de Flaubert, Huysmans, Barrès,
Mirbeau et Colette. Il saisit aussi la vie nocturne du monde des cabarets et des gigolettes fin de
siècle, et décline toute une palette d’expressions, depuis la posture mutine et aguicheuse de la
danseuse Jane Avril jusqu’au visage raviné de la comédienne Louise France, rendu avec un
réalisme cru.
La période 1909-1919 est marquée par une succession d’événements douloureux : le massacre
de ses compatriotes, le décès de sa mère, la guerre. C’est aussi à ce moment que Chahine
noue et intensifie ses relations avec la communauté culturelle arménienne. Son implication
transparaît dans les intenses portraits de son père, des orphelins arméniens ou des figures
d’autorité tel Nubar Pacha, fondateur en 1906 de la puissante Union Générale Arménienne de
Bienfaisance (UGAB).
Le Boa de plumes. 1902. Pointe sèche.
Paysages
Chahine aime Venise par-dessus tout. La ville lui est familière car c’est là qu’il fait ses études
artistiques en 1893-1894 ; là encore qu’il se réfugie pour oublier la mort de sa jeune fiancée
Mary en 1906 ; là qu’il achève son voyage de noces en 1921 et qu’il retourne les années
suivantes. En 1924, une salle entière de la Biennale de Venise est consacrée à ses œuvres. Il
illustre aussi un essai de Barrès, La Mort de Venise. Ses gravures, souvent très essuyées,
laissent au blanc de la plaque le soin de rendre la lumière crue du ciel d’été. Les barques sur la
lagune sont juste esquissées de quelques petits coups vifs de pointe sèche.
Il sait aussi rendre par le pastel les paysages vert cru de Normandie ; par la gravure, la plage de
Villers-sur-mer à marée basse, dont le sable humide est figuré là encore par le blanc de la
feuille ; les thoniers du Croisic ou la maison de la Béchellerie, près de Tours, résidence de son
ami Anatole France chez qui il séjourne à maintes reprises. Tant dans les vues de Paris que
dans celles de Venise, les arches des ponts lui offrent des cadrages photographiques. Parfois
aussi, c’est en laissant un voile d’encre sur la plaque qu’il obtient les jeux d’ombres et de lumière
sur la Seine ou sous les arbres.
Venise,
la
lagune.
1923.
Pointe
sèche.
Nus féminins
D’un érotisme délicat, les nus de Chahine
rappellent ceux de Suzanne Valadon ou
de Degas, surtout lorsqu’ils sont traités au
pastel. À partir des années 1930, l’artiste
délaisse la gravure pour s’adonner à la
tempera (peinture « à l’œuf », où les
pigments sont mélangés au blanc ou au
jaune pour une meilleure fixation et
transparence). Il prend souvent pour
modèle sa femme Simone – ainsi dans le
grand tableau Après le bain, qui la
représente pareille à une nymphe au bord
de l’eau. Il décline fréquemment un même
sujet : en gravure, en dessin, puis en
tableau (Entrant dans le lit « à
l’italienne »), comme s’il cherchait à en
épuiser les ressources.
Asperges me. Tempera sur carton.
En 1928-1930, les illustrations qu’il grave pour Novembre de Flaubert et Mitsou de Colette lui
donnent l’occasion de décliner à loisir les postures féminines. L’une des gravures, en 1 er état,
avant coupure du cuivre, est ornée d’une « remarque » gravée représentant le visage de son
épouse, qui figure aussi dans le sujet principal debout en pied, appuyée au lit – manière de
suggérer la proximité de l’artiste avec son modèle favori. Le recours à l’aquatinte plus qu’à la
pointe sèche (technique consistant à faire chauffer un grain de résine sur la plaque pour ensuite
le mordre à l’acide, comme dans l’eau-forte) lui permet d’obtenir des veloutés soyeux et de
modeler le contour des corps. La Loge souligne que la sensualité n’est pas exempte d’une
certaine théâtralité. Le corps féminin est en effet souvent mis en scène, encadré de voiles ou de
rideaux, suspendu dans un instant de grâce où il s’offre au regard, paré d’une éblouissante
perfection.
Edgar Chahine (1874-1947)
Un regard arménien
Exposition du 22 avril au 19 juin 2015
Salle Boullée de l’Hôtel de Ville
92130 Issy-les-Moulineaux
Lieu : Espace Boullée de l'Hôtel de Ville, 92130 Issy-les-Moulineaux
(salle d'exposition sous l'Hôtel de Ville d'Issy-les-Moulineaux)
Métro Ligne 12, terminus Mairie d'Issy
Dates : 22 avril au 19 juin 2015
Entrée libre du lundi au vendredi de 9h à 19h
Le samedi de 9h à 12h et de 14h à 16h30
(Les samedis 2, 9 et 16 mai en matinée seulement)
Une conférence sera donnée par Benoît Noël, historien de l’art,
le jeudi 4 juin à 18h30 au Musée
Renseignements : Musée Français de la Carte à Jouer
16, rue Auguste Gervais
92130 Issy-les-Moulineaux
01 41 23 83 60
Contact presse :
Commissaire : Hélène Bonafous-Murat
Expert en estampes anciennes et modernes
Membre de la Compagnie Nationale des Experts
06 23 66 44 45
[email protected]

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