Art-thérapie: une pratique thérapeutique devenue profession

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Art-thérapie: une pratique thérapeutique devenue profession
Art-thérapie: une pratique thérapeutique devenue profession reconnue
Depuis mars 2011, l’art-thérapie est sanctionnée par un diplôme fédéral et le RME reconnaît officiellement les cinq nouvelles spécialisations comme des disciplines réglementées à compter du 1er juillet 2012. Nous évoquons l’évolution de la profession
d’art-thérapeute avec Dietrich von Bonin, diplômé en éducation médicale, président de
la commission d’assurance de la qualité de l’organisation du monde du travail Conférence des associations suisses des art-thérapeutes (OdA KSKV/CASAT) et directeur
du service de recherche de l’Instance collégiale de médecine complémentaire (KIKOM)
de l’université de Berne.
M. von Bonin, vous avez été associé au
développement d’un «examen professionnel supérieur pour l’art-thérapie»
depuis le départ. Avec le recul, quels
ont été les principales étapes sur le
chemin d’une reconnaissance de cette
profession?
C’est la nouvelle ordonnance sur la formation professionnelle qui a amorcé la professionnalisation de l’art-thérapie, en
créant la possibilité d’obtenir un diplôme
fédéral supérieur (de degré tertiaire B)
dans les domaines du social, de la santé
et des arts. Dès lors, il est devenu possible d’introduire un examen professionnel
supérieur pour l’art-thérapie. Toutefois,
l’Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT) a tout de
suite fait savoir qu’une seule qualification
professionnelle serait reconnue pour
l’ensemble des thérapies par l’art. Pour
nous, l’équation était donc la suivante:
«soit nous travaillons ensemble, soit nous
ne bénéficions pas d’un diplôme reconnu». A cet égard, l’OFFT nous a apporté
une aide précieuse pour unifier les différentes spécialisations, si bien qu’en 2002,
l’OdA KSKV/CASAT a pu être fondée en
tant qu’organisation faîtière.
L’enquête que nous avons menée entre
2004 et 2005 pour relever les compétences clés que doit posséder un artthérapeute a également représenté une
étape importante. Nous avons établi une
liste de 48 compétences essentielles, que
nous avons ensuite communiquée par
courrier électronique à environ 1300 artthérapeutes ainsi qu’à près de
400 médecins référents. Les résultats de
cette étude ont permis de jeter les bases
du nouveau diplôme professionnel.
Ce dernier a été élaboré dans le cadre
d’un processus au long cours par une cinquantaine de spécialistes en art-thérapie,
en étroite collaboration avec l’OFFT. Par
chance, plusieurs de ces professionnels,
y compris moi-même, avaient suivi des
formations éducatives spécifiques à cet
effet; nous disposions ainsi de compéten-
ces techniques en matière de didactique
et de conception d’examens.
A quoi ressemble le nouveau diplôme
professionnel en art-thérapie?
La particularité de cet examen est que
l’évaluation des compétences est précédée d’une formation découpée en modules. Concrètement, un art-thérapeute doit
valider en tout huit modules avant d’être
autorisé à passer l’examen. C’est
l’organisation faîtière qui décide quelles
sont les compétences qui doivent êtres
intégrées aux modules mais elle n’en détermine pas le contenu spécifique. Ce
fonctionnement permet de tenir compte de
toute la diversité de la discipline de l’artthérapie en Suisse.
L’OFFT a toutefois exigé que certains enseignements soient intégrés, par exemple
des connaissances de base en anatomie,
en physiologie et en pathologie. Il s’agit là
de compétences médicales fondamentales, qui sont depuis longtemps déjà exigées par le RME. Il s’agit pour nous du
module 1 des bases théoriques.
Il faut justifier d’une pratique professionnelle de trois ans avant de pouvoir passer
l’examen professionnel supérieur. Jusqu’à
présent, près de 80 thérapeutes ont décroché leur diplôme.
Quels sont les avantages d’une reconnaissance de la profession d’artthérapeute?
L’introduction d’un diplôme fédéral assorti
d’un profil professionnel spécifique nous
permet de nous distinguer des autres métiers de la santé. Par ailleurs, nous disposons maintenant de normes de qualification communes pour toutes les spécialisations et les méthodes. Enfin les établissements qui proposent des modules de formation peuvent bénéficier de subventions
cantonales, puisqu’ils préparent désormais
leurs étudiants à un examen fédéral.
Quelle est la signification de ce nouveau profil professionnel pour les thérapeutes?
Le nouveau diplôme professionnel contribue grandement à forger l’identité des artthérapeutes. La reconnaissance de la discipline tire la qualité vers le haut, ce qui
profite à l’ensemble de la profession, y
compris à ceux qui n’ont pas encore passé
l’examen supérieur. Pour ceux qui l’ont
déjà décroché, le nouveau diplôme représente un excellent moyen de se démarquer de la concurrence. Enfin les praticiens salariés sont en meilleure position
pour négocier leur rémunération. Globalement, les thérapeutes y trouvent surtout
des avantages.
Bien sûr, des critiques ont été formulées
car l’introduction d’une nouvelle norme de
qualification réduit quelque peu la marge
de liberté. Mais toute profession qui entreprend sa réglementation connaît une
phase de mutation jusqu’à ce que les nouvelles règles soient respectées par tous.
Pour accompagner les art-thérapeutes sur
ce chemin, une période de transition plutôt
souple a été accordée: jusqu’en 2016,
tous les art-thérapeutes justifiant de plus
de cinq ans d’expérience professionnelle
peuvent passer directement l’examen et
décrocher le nouveau diplôme. Ils ne sont
pas soumis à l’obligation de valider les
modules ni à celle d’exercer une profession tertiaire. Par ailleurs, nous considérons qu’il est important de conserver les
homologations qui existaient jusqu’à présent, par exemple celle du RME.
Quelles sont les prochaines étapes
pour faire connaître cette nouvelle profession?
Pour nous, il est très important de continuer notre collaboration satisfaisante avec
le RME. Nous voulons aussi poursuivre
les négociations avec les assureurs. Nous
avons anticipé en les informant à l’avance
des évolutions à venir et, lorsque les nouveaux numéros d’enregistrement du RME
seront communiqués, nous reprendrons le
dialogue avec eux. Nous continuerons
donc de travailler en collaboration étroite
avec le RME pour éviter les confusions et
les effets de doublon.
Une autre étape consiste par exemple à
se manifester auprès des offices cantonaux, par exemple dans le cadre des différentes conventions relatives à la pédagogie spécialisée ou à la thérapie sociale.
Pour favoriser l’information et la formation
continue de nos thérapeutes, nous organisons une conférence en automne, ainsi
qu’une journée de l’art-thérapie à destination du public intéressé. Nous avons
d’ores et déjà prévu de publier plusieurs
articles dans la presse et comptons bien
continuer ainsi.
Selon vous, quel sera le rôle du RME à
cet égard?
Le RME entretient des relations solides
avec les assureurs et nous nous réjouissons de bénéficier de son soutien plein et
entier à cet égard. Nous sommes également ravis de pouvoir utiliser le canal
Entretien : Bärbel Weiss
d’information du RME pour faire mieux
connaître notre nouveau profil professionnel et communiquer sur la hausse de la
qualité qui en découle.
Et après? Quels sont les prochains objectifs de votre association?
La prochaine grande étape sera
l’intégration de l’examen professionnel
supérieur dans le cadre de qualification
qui va être élaboré par l’OFFT. Cet instrument doit permettre de comparer les
degrés tertiaires A et B, c’est-à-dire les
diplômes universitaires et professionnels.
Pour le moment, cette compétence relève
de l’OFFT mais l’OdA KSKV/CASAT serait
très intéressée à déterminer la place
qu’occupe l’examen professionnel supérieur en art-thérapie par rapport à un bachelor ou à un master.
Enfin parmi nos autres objectifs figurent
également l’intégration de nouvelles associations représentant des méthodes axées
sur l’art, par exemple la thérapie par la
marionnette. Nous avons une attitude
complètement ouverte à cet égard et serions ravis d’accueillir de nouveaux membres.

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