Fiche n° 1307 Dior et moi de Frédéric Tcheng Le film met en lumière

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Fiche n° 1307 Dior et moi de Frédéric Tcheng Le film met en lumière
Fiche n° 1307
Dior et moi de Frédéric Tcheng
sortie : 06/07/2015 – 1h26
Documentaire - France
Du 23 au 29 septembre 2015
Dior et moi
de Frédéric Tcheng
Nommé directeur artistique de la maison Dior en avril 2012, suite au départ précipité de John Galliano, le styliste belge
Raf Simons ne dispose que de huit semaines pour lancer sa première collection haute couture. Le défi se révèle une
aventure collective, pleine d’humour et d’émotions, autour de la passion d’un métier et au service de la vision d’un
créateur atypique, qui fuit les projecteurs. Loin des clichés inhérents à un univers où podium et excentricités ont souvent
la part belle, la caméra attentive de Frédéric Tcheng livre un portrait attachant et haut en couleurs des petites mains et
collaborateurs d’une des maisons françaises les plus mythiques.
Le film met en lumière le processus de création, la personnalité du styliste belge, ses inspirations, mais il
recueille aussi les sentiments des couturières qui s’affairent dans des ateliers où semble toujours planer
l’esprit de Christian Dior. Et c’est là toute son originalité : il n’est pas seulement question ici du côté
paillettes de la mode, mais du travail de précision qu’elle requiert, des tensions qu’elle provoque parfois,
et des joies qu’elle suscite chez ceux qui la font. Une réussite.
créateur belge va lui aussi saluer mais part trop tôt, et se retrouve à
attendre, un peu penaud, tandis que les filles passent devant lui.
Malgré les centaines de personnes friquées et influentes qui le
considèrent comme le héros du jour, mais aussi la machinerie
incroyable et délirante d’un mastodonte du luxe, Raf Simons est,
pendant quelques secondes, le spectateur de sa propre œuvre.Dior et
moi, documentaire de Frédéric Tcheng, repose sur ce type de
moments fugaces.
La scène se passe le 2 juillet 2012, jour du premier défilé que Raf
Simons signa pour la maison Dior. Dans un hôtel particulier du
XVIe arrondissement parisien, aux murs couverts de milliers de fleurs,
les mannequins font, comme il est de coutume, un dernier tour en file
indienne pour clore le show. Applaudi par son équipe, en larmes, le
Pendant plusieurs semaines, le réalisateur s’est immergé dans la
maison de luxe, suivant les premiers pas du designer dans l’un des
rares antres de la couture française, rencontrant les équipes, les
ateliers «flou» et «tailleur».La mode est à peine un art, mais c’est un
art appliqué, fait de concessions, de compromis et négociations.
Simons a une idée de décor pour le défilé, et l’on entend que «de toute
façon, c’est M. Arnault [propriétaire de la marque, ndlr] qui a le
dernier mot». Le même Simons veut imprimer des motifs de l’artiste
américain Sterling Ruby sur des tenues. La chose semble impossible
pour les fabricants, qui, finalement, y parviennent. La justesse de Dior
et moi tient à la mise en scène d’un travail collectif, à sa manière de
montrer qu’il ne s’agit pas de caprices de créateur, de délire, mais de
coordination entre différentes compétences. Et c’est avec une certaine
franchise que Tcheng montre les impératifs économiques, les
premières d’atelier qui doivent partir à New York pour fignoler une
robe, alors qu’elles devaient rester à Paris pour travailler au studio.
Comme s’il voulait ne surtout froisser personne, Dior et moi esquive
toute acidité possible, n’évoque jamais vraiment la figure de John
Galliano, que Simons a remplacé après son pétage de plomb très
médiatisé, ni même les autres marques et groupes avec lesquels le
Belge a collaboré. Plutôt que de décrire ce milieu comme un creuset
d’hystérie, Tcheng préfère montrer le travail acharné qui se fait dans
les ateliers. Et la caméra suit les «premières», stressées à l’idée que la
robe sur laquelle elles ont passé des heures soit refusée, angoissées
par les dessins qui n’arrivent pas, perturbées par ce créateur calme et
apparemment gentil mais qui parle un très mauvais français. Que
Simons soit l’une des personnalités actuelles les plus intéressantes de
la mode, c’est une évidence pour qui suit le milieu. Mais,
audacieusement, le documentaire inscrit le discret créateur dans une
filiation. Avec Christian Dior, évidemment, dont des extraits du
journal intime sont lus. Se dessinent alors des allers-retours entre la
modernité de l’après-guerre et celle d’aujourd’hui, et la mode apparaît
comme elle n’a que rarement été montrée : une usine détachée des
réalités où se fabrique l’imaginaire d’une époque. Libération
En février 2011, la maison Dior traverse l’une des pires
crises de son histoire après le départ de son directeur
artistique, John Galliano, capturé par des images
amateurs en plein délire antisémite dans les rues de
Paris. Un an plus tard, la marque recrute le très discret
créateur Raf Simons pour lui succéder, avec pour
mission de créer la prochaine collection en moins de
huit semaines.
Formé au minimalisme et à l’épure moderniste, le
nouveau designer devra réussir dans ce court laps de
temps à fondre son style dans l’héritage Dior, tout en
gérant une entreprise fragilisée, soumise à une brutale
réorganisation de ses ateliers.
C’est cette double révolution – esthétique, sociale – que
met en scène le documentariste Frédéric Tcheng,
réalisateur de mode français repéré pour avoir cosigné
Diana Vreeland: The Eye Has to Travel, un bel
hommage à la mythique tête chercheuse du Vogue
américain.
Bénéficiant d’un accès inédit aux coulisses de la maison
de haute couture (au prix, on s’en doute, de certains
petits arrangements, le nom de Galliano n’étant par
exemple jamais cité), le cinéaste infiltre l’écosystème
de la mode au rythme d’un récit choral, un portrait
composite et égalitaire qui passe de l’ombre des
ateliers, où s’échinent les petites mains ouvrières, au
luxe des podiums.
Cette articulation habile entre artisanat et business,
esthétique et industrie, renvoie évidemment à l’œuvre
de Frederick Wiseman, qui n’a cessé de décrire les
institutions artistiques comme autant de petites
entreprises humaines, régies selon des codes très figés.
Mais c’est avant tout dans ses partis pris de mise en
scène que Dior et moi évoque le maître américain, dans
sa manière de circonscrire son sujet via d’infinis détails
captés à partir de points stratégiques : salles d’essayage,
coulisses, ascenseur, bureaux, et autres lieux interdits
où se raconte sans filtre la création de mode.
Le geste a ceci de paradoxal qu’il normalise le milieu
de la haute couture tout en lui redonnant une aura
mythique : au terme de huit semaines de travail intense
et de conflits humains, la vue de la collection enfin
achevée a quelque chose de l’ordre de l’apparition
fantasmatique, surréelle.
Belle et sensible façon de rendre hommage à Raf
Simons, dont les créations pop et futuristes se
nourrissent autant d’une tradition prestigieuse de la
mode que des arts de la rue. Les Inrocks
A sa mort en 1957, Christian Dior a laissé derrière lui une marque que ses successeurs à la tête de sa maison de
couture ont transformée en empire du luxe. Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferre, John Galliano et le petit
dernier Raf Simons, autant de directeurs artistiques qui, depuis cinquante-huit ans, ont fait perdurer le nom et l’image.
Dior et moi aurait pu se pencher sur les liens de filiation entre le fondateur de la maison et Raf Simons. Il aurait pu se
contenter de tisser une couronne de lauriers à celui qui a insufflé un esprit minimaliste à une ligne qu’avait coloré d’une
folle exubérance son prédécesseur de 1996 à 2011. Frédéric Tcheng montre au contraire le créateur en figure distante,
chétive, en proie aux angoisses, presque autiste. Le réalisateur se prémunit ainsi de tout panégyrique ronflant. C’est en
fait son bras droit, Pieter Mulier que l’on montre sous un jour positif. Un personnage humain, drôle, proche des petites
mains. Il a tant d’admiration à leur égard qu’il les considère moins comme des ouvrières que comme – c’est son mot –
« des business women ». Dior et moi apporte un vent de fraîcheur bienvenu et pose un regard original sur l’univers de
la mode, objet d’un grand nombre de procès en superficialité. Les Fiches du Cinéma
Le Cinémateur projette aussi cette même semaine
« THE LESSON »
de Kristina Grozeva et Petar Valchanov Belgarie/Grèce – 1h45
La semaine prochaine, du 30 septembre au 6 octobre
« Hill of freedom » de Hong Sang-soo – Corée du Sud – 1h06
et « Much
Loved
» de Nabil Ayouch – Maroc/France – 1h44
Réservez les fins de semaine 26 et 27 septembre et 3 et 4 octobre
pour
Les mille et une nuits
de Miguel Gomes