La NBI, source de contentieux ?

Transcription

La NBI, source de contentieux ?
STATUT
La NBI, source
de contentieux ?
RESSOURCES HUMAINES
Les textes fixent des
critères permettant
de savoir si un poste
peut donner lieu au
bénéfice de la NBI.
Mais ces critères
sont trop souvent
généraux. L’application
des textes est donc
très différenciée
selon les collectivités
et génératrices de
contentieux. Le juge
administratif est donc
souvent sollicité pour
s’efforcer de préciser
chacun de ces critères.
Î Pierre Larroumec
44
[email protected]
L
a nouvelle bonification indiciaire NBI a
été créée par l’article 27 de la loi
n° 91-73 du 18 janvier 1991 portant
dispositions relatives à la santé publique et
aux assurances sociales. D’abord prévu pour
les fonctionnaires de l’État et les militaires,
le bénéfice de la NBI a été étendu aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.
Les premiers textes réglementaires relatifs à
la NBI mêlant critères fonctionnels et d’appartenance à un grade ont dû être réformés,
réforme d’autant plus nécessaire du fait des
nombreux transferts d’agents de l’État vers les
collectivités territoriales. Si le cadre juridique
réformé de la NBI fixe les modalités d’attribution, des imperfections et incompréhensions
génératrices de contentieux demeurent.
LA NBI RÉFORMÉE
LES FONDEMENTS JURIDIQUES
La NBI dans la fonction publique territoriale
repose principalement sur trois textes : le
décret n° 93-863 du 18 juin 1993 modifié
relatif aux conditions de mise en œuvre de la
NBI dans la fonction publique territoriale, le
décret n° 2006-779 du 3 juillet 2006 portant
attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction
publique territoriale et enfin le décret
n° 2006-780 du même jour portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à
certains personnels de la fonction publique
territoriale exerçant dans des zones à caractère sensible.
Certains emplois administratifs de direction
bénéficient aussi de la NBI (1).
LES MODALITÉS D’ATTRIBUTION DE LA NBI
Véritable complément de rémunération versé
mensuellement se traduisant par l’attribution
de points d’indices supplémentaires, son
octroi ne nécessite ni une délibération de la
collectivité ni la consultation préalable du
comité technique paritaire. Elle ne peut être
refusée à un agent au motif de l’insuffisance
de crédits disponibles.
Elle est prise en compte pour l’établissement
des droits à pension et est soumise à une cotisation pour la vieillesse, ce qui la distingue
des autres primes versées aux agents.
Son versement est toutefois conditionné par
l’exercice de fonctions présentant comme
l’exige la loi « une responsabilité ou une technicité particulières ».
Les titulaires ainsi que les stagiaires ont droit
à la NBI (2). Le fait que les dispositions du
décret créant une NBI indiquent que celle-ci
ne peut être versée mensuellement que « dans
la limite des crédits disponibles » ne saurait
avoir pour objet ni pour effet de dispenser
l’administration du respect du principe d’égalité. En ce qui concerne la nouvelle bonification indiciaire, ce principe exige que les
agents qui occupent effectivement des
emplois correspondant aux fonctions ouvrant
droit à cet avantage et qui comportent la
même responsabilité ou la même technicité
particulière bénéficient de la même bonification (3).
“ La NBI ne peut être refusée
à un agent au motif de
l’insuffisance de crédits
disponibles ”
La Lettre du cadre territorial • n° 431 • 1er novembre 2011
RH-Statut-NBI.indd 44
25/10/11 11:02
“ Les textes permettant
de savoir si un poste peut
donner lieu au bénéfice
de la NBI sont trop souvent
généraux ”
LES IMPERFECTIONS TEXTUELLES
ET LES INCOMPRÉHENSIONS, SOURCES
DE CONTENTIEUX
LES IMPERFECTIONS
Le droit à la NBI ne naît qu’à la date à laquelle
le décret l’instaure. La loi ne prévoit pas l’octroi de la NBI de manière rétroactive (4).
Les critères textuels permettant de savoir si
un poste peut donner lieu au bénéfice de la
NBI sont trop souvent généraux : accueil,
encadrement d’un service administratif… etc.
L’application des textes est donc très différenciée selon les collectivités et génératrice
de contentieux, le juge administratif s’efforçant de préciser chacun de ces critères (voir
par exemple en matière d’accueil accompli à
titre principal CE, 4 juin 2007, commune de
Carrières-sur-Seine n° 284380 qui remet en
cause la réponse du ministre chargé de la
Fonction publique à la question écrite
n° 14617 de M. Mercier, JO Sénat du 29 avril
1999) qui estimait qu’un « service accompli à
plus de 80 % de la durée d’un service à temps
plein répond à la notion de titre principal » (5).
LES INCOMPRÉHENSIONS
Les collectivités publiques n’apprécient pas
toujours correctement la règle selon laquelle
l’agent doit exercer les fonctions. Certes le
décret du 18 juin 1993 prévoit que la NBI est
maintenue pour les fonctionnaires en congé
annuel, en congé maladie, en congé de maternité, en congé de longue maladie dans la
mesure où l’emploi n’est pas occupé par un
remplaçant, ou quand l’agent ne reçoit pas de
nouvelle affectation en fin de congé de longue
maladie (6) mais l’appréciation est souvent
délicate (7). Par ailleurs, les collectivités
publiques ignorent souvent que la NBI peut
être réclamée devant le juge après le délai de
recours contentieux dans le cadre d’une
requête portant sur d’autres indemnités (8)
et qu’ainsi il peut être de leur intérêt de verser
la NBI « spontanément ».
LES INCOMPRÉHENSIONS DES AGENTS
- La position de congé de longue durée, bien
que correspondant à l’une des positions
d’activité du fonctionnaire, n’implique
l’exercice effectif d’aucune fonction, ce qui
exclut les bénéfices de la NBI (9) ;
- l’agent auquel la NBI est refusée doit indi-
quer au juge le fondement sur lequel il la
revendique et préciser les caractéristiques
de l’emploi (10).
La perte de la NBI du fait d’un changement
d’emploi ne permet pas à elle seule de considérer que ce changement ne constitue pas
une mesure d’ordre intérieur insusceptible de
recours pour excès de pouvoir (11). Toutefois
le Conseil d’État a jugé que la perte de l’avantage pécuniaire NBI du fait d’une nouvelle
affectation sur un poste n’ouvrant pas droit
à la NBI fait grief, ce qui rend recevable le
recours en annulation de la décision de nouvelle affectation (12). En revanche, la perte
de la NBI ne crée pas à elle seule une situation
d’urgence permettant d’obtenir la suspension
par voie de référé de la décision ayant
entraîné cette perte (13).
La NBI, si elle suscite encore des litiges, a
l’immense mérite d’être moins génératrice de
« différence de revenus » du fait de sa référence indiciaire que le « régime indemnitaire
local ». Sa sensible revalorisation participerait
utilement à une meilleure diffusion des services publics sur tous les territoires et à une
plus grande reconnaissance des agents occupant des emplois souvent difficiles et chronophages.
1. Décret n° 2001-1274 du 27 décembre 2001, décret
n° 2001-1367 du 28 décembre 2001.
2. CE, 30 juillet 2003, ministre de la Jeunesse et des Sports
n° 243678.
3. CE, 26 mai 2010, Garde des sceaux n° 307786 ; CE,
16 mai 2011, Mme E n° 330159.
4. CE, 4 février 2011, commune de Limoges n° 334313.
5. Pour une application récente, TA Dijon, 22 septembre
2011, Mme T n° 1001762.
6. CAA Nantes, 18 juin 2004, M.D n° 03NT00816, emploi
de secrétaire générale de commune.
7. CAA Nancy, 8 décembre 2008, Mme S n° 07NC00632,
une partie des fonctions de DGS exercée par une autre
personne.
8. CE, 21 mars 2011, commune des Saintes-Maries-de-laMer n° 339062.
9. CE, 6 novembre 2006, Mme S n° 223041.
10. CAA Lyon, 10 mai 2010, Mme M. n° 08LY00604.
11. CAA Lyon, 15 février 2011, Mme P n° 10LY01198.
12. CE, 4 février 2011, Mme V n° 335098.
13. CE, 22 juillet 2001, M.H n° 346265.
DOC
DO
OC
DOC
À lire
Sur www.lettreducadre.fr,
rubrique « au sommaire
du dernier numéro » :
- Piloter et gérer la masse salariale,
un enjeu essentiel, La Lettre
du cadre territorial n° 425,
1er juillet 2011.
- Des primes repeintes du plafond
au plancher, La Lettre du cadre
territorial n° 406, 1er septembre
2010.
Pour se former
Formation d’Experts :
Le régime indemnitaire : un outil
de management.
Cette journée abordera les aspects
du régime indemnitaire liés à la mise
en œuvre de la PFR.
Jeudi 24 novembre 2011 à Paris
Renseignements au 04 76 65 61 00 ou
par e-mail [email protected]
À télécharger
Sur www.lettreducadre.fr/
base-juridique.html
- CE, 30 juillet 2003
- CE, 26 mai 2010
- CE, 4 février 2011
Un frein à la mobilité
La NBI, tant dans son fondement fonctionnel (postes à technicité ou responsabilités
particulières, décret n° 2006-779 du 3 juillet 2006) que territorial (exercice des
fonctions en zones sensibles, décret n° 2006-780 du 3 juillet 2006), est un outil
de gestion des ressources humaines visant à assurer une contrepartie financière.
La NBI, curieusement compte tenu de son faible montant (en dehors de celle
attribuée aux emplois de direction) est très rapidement devenue un frein à la
mobilité, les agents attributaires ne voulant plus être affectés sur un poste non
doté d’une NBI. Les collectivités publiques peuvent être tentées d’attribuer la NBI
en dehors des cas prévus ou d’opérer une compensation financière par le biais
d’autres primes et indemnités.
La Lettre du cadre territorial • n° 431 • 1er novembre 2011
RH-Statut-NBI.indd 45
45
25/10/11 11:02