Intérêt d`un enseignement reposant sur la simulation basse
Transcription
Intérêt d`un enseignement reposant sur la simulation basse
Intérêt d’un enseignement reposant sur la simulation basse fidélité pour diminuer l’anxiété des étudiants en médecine vis-à-vis de l’examen gynécologique Mémoire de DIU de pédagogie médicale Justine Hugon-Rodin et Charlotte Sonigo Soumis à la presse médicale Octobre 2016 Intérêt d’un enseignement reposant sur la simulation basse fidélité pour diminuer l’anxiété des étudiants en médecine vis-à-vis de l’examen gynécologique. Justine Hugon-Rodin1,2*, Charlotte Sonigo3*, David Drummond4, Michael Grynberg3, Geneviève Plu-Bureau1,2, Antoine Tesniere,2,4,5 1 Unité de Gynécologie – Endocrinologie, Hôpital Port Royal, Paris, France 2 Faculté de médecine Paris Descartes, Hôpital Universitaire Paris centre, Paris, France 3 Service de Médecine de la Reproduction et Préservation de la Fertilité, Hôpital Jean-Verdier, Bondy, France 4 Département de simulation en santé iLumens, Université Paris Descartes, 5 Service d'anesthésie et de réanimation chirurgicale, Hôpital Cochin, Paris, France. *Ces deux auteurs ont contribué également au travail. Nombre de signes : 19548 Correspondance : Pr Antoine Tesniere, Département de simulation en santé iLumens, Université Paris Descartes, 45, rue des Saints Peres, 75006 PARIS Tél : 01 76 53 01 00 [email protected] Pas de conflits d’intérêt Résumé Objectifs : L’apprentissage de l’examen gynécologique se prête particulièrement bien à un apprentissage sur simulateur, méthode promue par la Haute Autorité de Santé depuis 2012 avec comme directive « Jamais la première fois sur la patiente ». Si la simulation s’est révélée efficace pour améliorer les compétences techniques des étudiants, son intérêt pour diminuer leur appréhension vis-à-vis de cet examen reste peu étudié. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’intérêt des séances de simulation basse fidélité pour réduire la gêne et l’appréhension des étudiants en médecine quant à l’examen gynécologique. L’objectif secondaire était d’apprécier la satisfaction des étudiants quant à ces séances. Méthodes : Analyse descriptive de l’enseignement par simulation des gestes médicaux en gynécologie auprès d'étudiants en DFGSM3 et en DFASM2 sur la plateforme Ilumens à l’université Paris 5. Il s'agissait d'une étude avant/après avec un 1er questionnaire anonyme d’auto-évaluation et de satisfaction distribué en début de séance puis un 2ème en fin de séance. L’auto-évaluation concernait le savoir-faire, l’appréhension et la gêne à l’idée de réaliser les diverses étapes de l’examen gynécologique. Les compétences techniques n’étaient pas évaluées. Résultats : Quatre-cent-trente-deux étudiants ont répondu aux questionnaires avant et après la séance de simulation. Soixante-douze pourcent des étudiants appréhendaient l’examen pelvien initialement et 62% étaient gênés à l’idée de le réaliser. Parmi les étudiants n’ayant jamais examiné de patientes, plus de 80% se sentaient moins gênés à l’idée de réaliser un examen pelvien et appréhendaient moins le geste à l’issu de la séance de simulation. Plus de 97% des étudiants étaient satisfaits qu’une telle séance de simulation leur soit proposée. Cependant, l’appréciation en fin d’atelier était significativement moins bonne en matière de satisfaction, de durée et nombre de gestes réalisés pour les étudiants en DFGSM3 par rapports à ceux en DFASM2. Discussion : Les séances de simulation basse fidélité permettent l’amélioration de la gêne et de l’appréhension des étudiants quant à l’examen gynécologique. C’est un atout majeur tant pour la formation des étudiants que pour le vécu des patientes. Ces séances de simulation basse-fidélité sont plébiscitées par les étudiants en médecine. Conclusion : Les bénéfices de la simulation basse fidélité en gynécologie s’étendent au bienêtre des étudiants en médecine qui appréhendent moins la réalisation de l’examen gynécologique. Mots clés : pédagogie médicale, simulation, mannequin, gynécologie, appréhension, satisfaction Introduction L’enseignement et l’apprentissage de l’examen clinique gynécologique (EG) sont essentiels dans le cursus des étudiants en médecine. Les seins et l’aire génitale étant considérés comme des parties particulièrement intimes du corps humain [1], les premiers examens pelvien et mammaire sur une patiente sont des sources de stress et d’anxiété pour les étudiants qui redoutent ou appréhendent cette première mise en situation [2–4]. De plus, les étudiants ressentent de l’inconfort, de l’embarras, de la gêne ou de la peur au moment de leur premier examen gynécologique en situation réelle [5–7]. Par ailleurs, les patientes sont souvent ambivalentes concernant leur participation à la stratégie d’apprentissage des étudiants [8]. Afin de pallier ces problématiques, diverses méthodes d’apprentissage pré-clinique de l’examen gynécologique ont été proposées, comme le recours à des patientes professionnelles, l’examen clinique sur patientes sous anesthésie générale ou l’apprentissage sur mannequin (simulation basse fidélité) [9]. Alors que l’apprentissage grâce à des patientes professionnelles (dites standardisées) est répandu dans les pays anglo-saxons [9], il n’est pas ou très peu utilisé en France. L’examen clinique sur patientes sous anesthésie générale soulevant de nombreuses questions éthiques [10], l’apprentissage sur mannequin bassefidélité apparaît aujourd’hui comme la méthode d’apprentissage pré-clinique de référence. Ce type d’apprentissage est promu depuis 2012 par la Haute Autorité de Santé avec la volonté que les patientes ne soient pas du matériel docimologique, selon la formule « jamais la première fois sur une patiente » [11]. La simulation basse fidélité, développée dès les années 1970 en gynécologie [12], est un outil d’apprentissage largement répandu dans le monde [9] et de plus en plus utilisé en France [13–15]. A l’université Paris 5, la plateforme de simulation Ilumens permet, depuis l’année universitaire 2012/2013, à tous les étudiants en 3ème année du Diplôme de Formation Générale en Science Médicale (DFGSM3) d’assister à une séance de simulation en gynécologie sur mannequin basse fidélité. Par ailleurs, depuis l’année 2015/2016 un tiers des étudiants en 2ème année du Diplôme de Formation Approfondie en Science Médicale (DFASM2) se voient proposer également une telle séance. Ce type d’enseignement est reconnu comme étant performant pour améliorer les performances techniques des étudiants concernant l’EG [9]. Cependant, peu d’études ont évalué l’impact de ce type d’enseignement sur le ressenti des étudiants, notamment en matière de gêne et d’appréhension avant la mise en situation réelle [13,14]. L’objectif principal de ce travail était d’évaluer l’intérêt des séances de simulation basse fidélité pour réduire la gêne et l’appréhension des étudiants quant à l’EG. L’objectif secondaire était d’apprécier la satisfaction des étudiants en DFGSM3 et en DFASM2 quant à cet enseignement. Méthodes Notre étude, de type avant/après, a été menée au cours des enseignements par simulation basse fidélité des gestes médicaux en gynécologie entre février et juillet 2016 sur la plateforme Ilumens à l’université Paris 5. Population La population de l'étude était constituée d'étudiants en DFGSM3 et en DFASM2 à l’université Paris 5. La population des DFGSM3 représente l'ensemble de la promotion 2015/2016 avec des séances de simulations qui sont systématiques dans le cadre de l'enseignement de sémiologie. Les étudiants en DFASM2 concernés sont tirés au sort et un tiers de la promotion a accès à cette formation. Les étudiants étaient évalués au cours des 20 séances, réparties sur 7 demi-journées, de simulation basse fidélité dans le cadre de ce programme de simulation habituel de la faculté. Intervention La séance débutait par un accueil des étudiants et une présentation du contenu de la séance par un chef de clinique-assistant hospitalo-universitaire et un interne de gynécologie. Le questionnaire initial numéroté était ensuite distribué à chacun, rempli et retourné au formateur. Une information orale et un support vidéo concernant la réalisation des différents gestes étaient délivrés par le formateur. Les étudiants réalisaient ensuite, à tour de rôle, les examens gynécologiques sur les mannequins en suivant les conseils des formateurs à leur côté. Nous avions à notre disposition deux mannequins de type Mk3 (CFPT) (Figure 1A) permettant l’enseignement et la réalisation d’une pose de spéculum, d’un toucher vaginal (TV) et d’un frottis cervico-utérin (FCU). Nous avons pu également disposer de 2 bustes de type KOKEN LM-018 (Figure 1B) pour l’examen mammaire. Enfin, le questionnaire final numéroté était distribué à chacun, rempli et retourné avant de quitter la plateforme. Pour les DFGSM3, la séance durait 1h avec 2 formateurs et 30 étudiants en moyenne. Pour les DFASM2, la séance durait 1h30 avec 2 formateurs pour 10 étudiants en moyenne. Critères de jugement et recueil des données Il s’agissait d’une auto-évaluation par questionnaire de l’appréhension et de la gêne des étudiants à l’idée de réaliser les diverses étapes de l’EG avant et après la séance, du savoirfaire des étudiants et de leur satisfaction quant à l’atelier réalisé. Un numéro était attribué à chaque étudiant en début de séance permettant d’anonymiser les questionnaires et de lier le questionnaire initial au questionnaire final. Les compétences techniques n’étaient pas évaluées. Les questionnaires ont permis le recueil des caractéristiques des étudiants (âge, sexe, année d’étude, réalisation au préalable d’un atelier de simulation similaire, réalisation au préalable d’un examen gynécologique sur une patiente, l’auto-évaluation du savoir-faire des différentes étapes de l’examen gynécologique). L’appréhension et la gêne pour chaque étape de l’examen gynécologique (examen pelvien, réalisation d’un FCU, examen mammaire) étaient évaluées initialement et en fin de séance, uniquement chez les étudiants n’ayant jamais examiné de patientes. Les étudiants attribuaient une note de 0 à 10 à chaque item, la note 0 correspondant à « pas du tout » et la note 10 à « beaucoup ». Nous avons considéré qu’un étudiant appréhendait ou était gêné initialement si la note attribuée était ≥ 3. Parmi ces étudiants, la diminution de leur appréhension ou de leur gêne initiale était autoévaluée en fin de séance. Nous avons considéré que l’appréhension et la gêne étaient diminuées si la note attribuée après la séance à la question « appréhendez-vous moins ou êtes-vous moins gêné à l’idée de réaliser un examen pelvien, un FCU, un examen mammaire » était ≥ 5. La satisfaction initiale des étudiants en rapport avec l’apprentissage par simulation de la gynécologie était évaluée par la question « êtes-vous satisfait qu’une formation par simulation en gynécologie vous soit proposée ? » La réponse attendue était en oui/non. A l’issue de la séance, l’appréciation des étudiants a quant à elle été évaluée à l’aide de 5 items : satisfaction, atout pour leur formation, qualité de la séance, durée de la séance adaptée et nombre de gestes réalisé lors de la séance. Pour chaque item, une note de 0 à 10 était attribuée par l’étudiant, la note 0 correspondant à « pas du tout » et la note 10 à « beaucoup ». Les étudiants étaient considérés comme très satisfait si la note attribuée était ≥ 8, satisfait si la note attribuée était de 5, 6 ou 7 et enfin non satisfait si la note était ≤ 4. Le même type de classification était effectué pour les questions portant sur le fait que la séance soit un atout pour leur formation (tout à fait, probablement, pas un atout), la qualité de la séance (excellente, bonne, mauvaise), la durée de la séance (parfaitement adaptée, adaptée, non adaptée), et le nombre de gestes réalisés (parfaitement adapté, adapté, non adapté). Statistiques Les données ont été informatisées dans le logiciel Excel à l’aide du numéro attribué à chaque étudiant permettant de relier pour un étudiant donné son questionnaire initial et final. L’analyse statistique a été effectuée à partir cette base dans le logiciel SAS (SAS Institute, Inc, Cary, NC). L’analyse des caractéristiques a été effectuée en utilisant les procédures statistiques classiques (test t, test chi-square, analyse de variance…). Un test chi-square de Mantel-Haenszel a été utilisé lorsque l’effectif était inférieur à 20. Les coefficients de corrélation de Pearson ont été utilisés pour évaluer les corrélations entre l’auto-évaluation du savoir-faire et les caractéristiques des étudiants. Nous avons évalué, dans le sous-groupe des étudiants n’ayant jamais réalisé d’EG sur une patiente au préalable, la diminution de la gêne et de l’appréhension aux différents temps de l’EG. Les différents items évaluant l’appréciation des étudiants en DFGSM3 ont été comparés à celle des DFASM2. Un p<0.05 indiquait un test statistiquement significatif. Résultats Caractéristiques des étudiants Quatre cent quatre-vingt-dix-huit étudiants étaient attendus sur la plateforme de simulation Ilumens entre février et juillet 2016. Ils se répartissaient en 391 étudiants en DFGSM3 et 107 étudiants en DFASM2. Au total, 432 (87%) étudiants se sont présentés à leur séance de simulation et tous les étudiants présents ont rempli les 2 questionnaires. Les caractéristiques des étudiants sont présentées dans le tableau 1. La moyenne d’âge des étudiants était de 21.5 ±2.3 ans. Les étudiants en DFASM2 avaient plus fréquemment eu dans leur cursus accès à un atelier de simulation basse fidélité en gynécologie que les étudiants en DFGSM3 (78.2% versus 24.3%, respectivement, p<0.0001). Un examen pelvien sur patiente n’avait jamais été réalisé avant l’atelier pour 332 étudiants, soit 87.9% des DFGSM3 et 26.9% des DFASM2. Parmi les 100 étudiants qui avaient déjà réalisé un examen pelvien sur une patiente, 35 n’avaient jamais eu d’atelier de simulation. Il s’agissait de 22 étudiants en DFGSM3 et 13 étudiants en DFASM2. Deux cent quarante-sept étudiants soit 57.2% n’avaient jamais réalisé d’examen gynécologique pelvien ni sur une patiente ni en simulation dont 243 étudiants en DFGSM3 et 4 en DFASM2. Par ailleurs, 96,1% des étudiants n’avaient jamais réalisé de FCU. L’auto-évaluation initiale du savoir-faire était positivement corrélée à l’année d’étude (r=0.45 ; p <0.0001), au fait d’avoir déjà participé à une séance de simulation (r=0.43 ; p<0.0001) ou d’avoir déjà examiné une patiente (r=0.55 ; p<0.0001). A l’issue de la séance, 77% et 97.9% des étudiants ont déclaré que leurs connaissances théoriques et pratiques avaient été améliorées, respectivement. Les étudiants se disaient plus améliorés sur le plan pratique s’ils n’avaient jamais eu de séance de simulation (p=0.005) ou s’ils n’avaient jamais examiné auparavant (p=0.002). Evaluation de la gêne et de l’appréhension des étudiants quant à l’examen gynécologique L’évaluation du ressenti des étudiants, limitée aux étudiants n’ayant jamais examiné de patientes, a concerné 332 étudiants pour l’examen pelvien (311 DFGSM3 et 21 DFASM2), 330 étudiants pour l’examen mammaire (298 DFGSM3 et 32 DFASM2) et 414 étudiants pour le FCU (347 DFGSM3 et 67 DFASM2) (Tableau 1). Deux étudiants n’ont pas répondu aux questions concernant l’examen pelvien, 1 concernant l’examen mammaire et 4 pour le FCU. Concernant l’appréhension initiale vis-à-vis de l’examen, 237 (72%) étudiants appréhendaient l’examen pelvien, 148 (45%) l’examen mammaire et 277 (68%) le FCU. Il n’y avait pas de différence significative entre les années d’étude ou entre la pratique d’une séance de simulation au préalable ou non pour les 3 types d’examen. La réalisation du geste était source d’appréhension chez 195 (74%) des étudiants qui avaient déclaré ne pas penser savoir-faire un examen pelvien, versus 63% des étudiants qui avaient déclaré penser savoir le faire (p=0.08). Concernant la gêne vis-à-vis de l’examen, 206 (62%) des étudiants se déclaraient gênés à l’idée de réaliser un examen pelvien, 137 (42%) un examen mammaire et 236 (58%) un FCU. Il n’y avait pas de différence significative entre les années d’étude ou entre la pratique d’une séance de simulation au préalable ou non pour l’examen pelvien et mammaire. Pour le FCU, 60% des étudiants en DFGSM3 et 42% des étudiants en DFASM2 étaient gênés (p=0.007). L’enseignement par simulation basse-fidélité permettait d’améliorer le ressenti des étudiants qui appréhendaient ou étaient initialement gênés à l’idée de réaliser un examen gynécologique (Figure 2 et 3). L’appréhension de réaliser un examen pelvien, un examen mammaire et un FCU diminuait chez 92%, 93% et 87% des étudiants respectivement (Figure 2). La gêne à l’idée de réaliser un examen pelvien, mammaire et un FCU diminuait chez 87%, 89% et 83% des étudiants respectivement (Figure 3). Il n’existait pas de différence significative entre les années d’études ou entre le fait d’avoir déjà participé à un enseignement sur simulation ou non. Evaluation de la satisfaction des étudiants Parmi les 432 étudiants présents, 420 (97.2%) étudiants étaient initialement satisfaits qu’une telle séance de simulation leur soit proposée dans leur cursus. Ils étaient satisfaits quelle que soit leur année d’étude avec 98.7% de satisfaction pour les DFASM2 et 99.4% des DFGSM3 (p=0.5). Les étudiants ayant déjà réalisé un EG sur une patiente étaient également satisfaits (99% vs 99.4% des étudiants n’ayant jamais examiné, p=0.7). A l’issue de la séance, l’appréciation des étudiants était également évaluée au travers de 5 items (satisfaction, atout dans la formation, qualité de la séance, durée de la séance adaptée et nombre de gestes réalisés au cours de la séance adapté). Les étudiants étaient satisfaits avec une note moyenne attribuée de 8.2±1.5. L’appréciation des étudiants en DFASM2 étaient statistiquement meilleure que celle des étudiants en DFGSM3 et ceux pour les 5 items évalués. En effet, si 77% des DFASM2 déclaraient que le nombre de gestes réalisés au cours de la séance était parfaitement adapté, cela concernait uniquement 47% des DFGSM3 (p<0.0001). De même la durée de l’atelier était parfaitement adaptée pour 77% des DFASM2 vs 43% des DFGSM3 (p<0.0001) (Figure 4). Discussion Alors que l’intérêt des simulations sur mannequin pour améliorer les compétences techniques des étudiants quant à l’EG n’est plus à démontrer [9], ce travail a permis d’évaluer l’impact de ces séances de simulation sur le ressenti des étudiants face à l’EG. Cette étude a mis en évidence, sur une cohorte de 432 étudiants en médecine à Paris 5, d’une part que les étudiants n’ayant jamais examiné de patientes étaient gênés à l’idée de réaliser un EG et appréhendaient ces gestes intimes et d’autre part que leur ressenti était amélioré à l’issu de la séance de simulation. Par ailleurs, plus de 95% des étudiants étaient très satisfaits qu’une telle séance de simulation basse fidélité leur soit proposée et jugeaient que leur savoir-faire avait été amélioré. Cependant, l’appréciation des ateliers étaient significativement moins bonne en matière de satisfaction, qualité, durée et nombre de gestes réalisés pour les étudiants en DFGSM3 par rapport à ceux en DFASM2. La gêne, définie comme « un état ou sensation de malaise physique, de peine, de trouble, de difficulté éprouvés dans certaines situations », est souvent ressentie par les étudiants lors d’un premier EG sur patiente [2,5]. Nous avons effectivement retrouvé dans notre étude que la majorité (62 et 58%) des étudiants n’ayant jamais réalisé d’examen pelvien ou de FCU sur une patiente se sentaient gênés à l’idée de réaliser ce geste, et ce quelle que soit leur année d’étude. Cette gêne est probablement accentuée par le caractère intime de l’EG par rapport à l’examen clinique en général [5]. Une gêne à l’idée de réaliser un examen mammaire était également ressenti, mais uniquement par 42% des étudiants, possiblement du fait du caractère moins intime et intrusif de cet examen. L’apprentissage sur simulateurs basse fidélité est efficace pour diminuer cette gêne, puisque dans notre étude, 80% des étudiants étaient moins gênés à l’issue de l’enseignement. Nous avons également évalué l’appréhension des étudiants avant la réalisation des différentes étapes de l’EG. Cette notion est différente de la gêne car elle liée plus au côté technique des gestes à réaliser qu’à l’intimité de l’examen. Nous avons retrouvé des résultats similaires avec 72%, 68% et 45 % des étudiants qui appréhendaient la réalisation de l’examen pelvien, du FCU et de l’examen mammaire et plus de 85% des étudiants, qui à l’issue de la séance, appréhendaient moins de réaliser les différentes étapes de l’EG. Cette diminution de l’appréhension est possiblement liée au fait que 97,9% des étudiants jugeaient que leurs connaissances pratiques avaient été améliorées en fin de séance. Ainsi, nos résultats viennent conforter ceux d’études antérieures réalisées sur de plus petites cohortes d’étudiants, qui avaient montré qu’ un apprentissage reposant sur la simulation basse fidélité permettait de diminuer le stress, l’inconfort ou l’appréhension des étudiants vis-à-vis de l’EG [2,13,14]. En effet, sur une cohorte de 344 étudiants en première année de médecine, Pugh et al a montré que la simulation sur mannequin de l’examen pelvien permettait d’améliorer significativement le confort des étudiants avant la réalisation d’un examen sur patientes standardisées [2]. Grynberg et al, a évalué l’utilisation de la vidéo associé à la simulation basse-fidélité pour l’examen pelvien et mammaire chez 79 étudiants avant une mise en situation réelle et retrouvait une augmentation significative de la confiance en eux après la séance de simulation pour toutes les étapes de l’EG [14]. Enfin, Bouet et al a retrouvé, chez 72 étudiants en DFASM2, une diminution significative du pourcentage d’étudiants en médecine stressés ou appréhendant la réalisation des divers étapes de l’EG après une séance de simulation basse-fidélité (41 vs 20% et 41 vs 15% respectivement pour le stress et l’appréhension) [13]. L’amélioration du vécu des étudiants face à l’EG, par la diminution de la gêne et de l’appréhension à l’idée de réaliser les divers gestes, est un atout majeur tant pour la formation des étudiants que pour les patientes. En effet, les étudiants qui se sentent plus confortables lors d’un EG ont un meilleur relationnel avec les patientes au moment de la mise en situation réelle : ils communiquent plus, les regardent plus dans les yeux et posent plus de questions [2]. Par ailleurs, il est intéressant de relever que la gêne et l’appréhension initiale à l’idée de réaliser un EG, chez les étudiants n’ayant jamais été en situation réelle, étaient identiques que les étudiants aient déjà participé, ou non, à un atelier de simulation basse fidélité. Ces résultats suggèrent que l’amélioration apportée par ces ateliers est de courte durée et qu’une mise en pratique rapide est nécessaire afin de profiter pleinement des apports de la séance de simulation. Ainsi, plusieurs équipes ont proposé un entrainement sur patientes standardisées à l’issu d’une formation sur mannequin basse fidélité [2,16]. Duffy et al, a montré, lors d’une étude randomisée contrôlée sur 94 étudiants, que l’association de l’apprentissage sur mannequin basse fidélité avec une mise en pratique sur patiente standardisée améliorait la connaissance, le confort et la confiance des étudiants [16]. Cependant, cette méthode d’apprentissage, largement proposée dans les pays anglo-saxons, n’est pas répandue en France. Il semblerait alors intéressant de proposer (ou reproposer) cette formation en début de stage de gynécologie ou d’obstétrique, afin que les étudiants puissent examiner des patientes réelles, avec leur consentement, rapidement après la séance de simulation. Concernant la satisfaction, les étudiants, quelle que soit leur année d’étude (98.7% des DFASM2 et 99.4% des DFGSM3) étaient satisfaits qu’une séance de simulation leur soit proposée. Globalement, les étudiants étaient satisfaits ou très satisfaits de leur séance de simulation. Ces résultats sont concordants avec les différentes études de la littérature concernant la simulation en général [17,18] et la simulation en gynécologie en particulier [9,13,15], qui retrouvent des taux de satisfaction supérieurs à 90%. Cependant, nous avons mis en évidence une différence significative en fonction de l’année d’étude concernant l’appréciation de la séance de simulation en termes de satisfaction, de qualité de l’enseignement, de durée ou du nombre de gestes effectués : les étudiants en DFGSM3 ayant significativement moins apprécié cet atelier que les DFASM2. Cette différence peut être principalement expliquée par le fait que les séances de simulation étaient plus longues (1h30 vs 1h) et par plus petits groupes (10 vs 30 étudiants) pour les DFASM2. Cette différence d’enseignement est probablement liée à l’effectif plus important d’étudiants passant en atelier de simulation en DFGSM3 par rapport à ceux en DFASM2 et à l’inadéquation avec le nombre de formateurs disponibles. Cependant, d’autres éléments, comme la moindre maturité ou le manque d’expérience clinique des étudiants en DFGSM3 peuvent également participer à cette différence d’appréciation. Ainsi, notre étude a permis de mettre en évidence que, même si la majorité des étudiants sont satisfaits de cette formation, des améliorations sont possibles, notamment en matière de durée et de nombre de gestes réalisés par ateliers, et ce surtout pour les étudiants en DFGSM3. Outre son caractère prospectif et anonyme, notre étude présente l’avantage de présenter la plus grosse cohorte française d’étudiants évaluant une séance simulation basse fidélité en gynécologie. Par ailleurs, grâce à la stratégie d’apprentissage mise en place à Paris 5, avec des ateliers de simulation proposés à divers moments du cursus universitaire, nous avons pu évaluer, pour la première fois, les différences en matière de ressenti et de satisfaction en fonction du niveau d’étude. La principale limite était l’absence d’évaluation au moment d’une mise en situation clinique, afin de mesurer la réelle efficacité de la séance de simulation, tant sur les compétences pratiques que sur le vécu des étudiants. En effet, notre étude se limite à une auto-évaluation de la satisfaction et du ressenti des étudiants (niveaux 1 et 2a sur l’échelle de Kirkpatrick [19]), et il serait intéressant de vérifier si la diminution de l’appréhension et de la gêne observée dans notre étude est retrouvée lors d’un examen gynécologique sur une patiente (Niveau 3) et si cela a des répercussions bénéfiques pour la patiente (Niveau 4). En conclusion, cette étude montre qu’un apprentissage de l’examen gynécologique reposant sur la simulation basse fidélité permet aux étudiants en médecine n’ayant jamais encore examiné une patiente de ressentir moins d’appréhension et de gêne à l’idée de réaliser cet examen. D’autres études sont nécessaires pour évaluer si cette amélioration du ressenti se traduit par une meilleure qualité de la relation entre l’étudiant – soignant et les patientes. Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] Metcalf NF, Prentice ED, Metcalf WK, Stinson WW. Peer group models in examination instruction as an integral part of medical gross anatomy. J Med Educ 1982;57:641–4. Pugh CM, Obadina ET, Aidoo KA. Fear of causing harm: use of mannequin-based simulation to decrease student anxiety prior to interacting with female teaching associates. Teach Learn Med 2009;21:116–20. doi:10.1080/10401330902791099. Campbell HS, McBean M, Mandin H, Bryant H. Teaching medical students how to perform a clinical breast examination. Acad Med J Assoc Am Med Coll 1994;69:993–5. Ker JS. Developing professional clinical skills for practice - the results of a feasibility study using a reflective approach to intimate examination. Med Educ 2003;37 Suppl 1:34–41. Chinnah TI, de Bere SR, Collett T. Students’ views on the impact of peer physical examination and palpation as a pedagogic tool for teaching and learning living human anatomy. Med Teach 2011;33:e27-36. doi:10.3109/0142159X.2011.530313. Beckmann CR, Sharf BF, Barzansky BM, Spellacy WN. Student response to gynecologic teaching associates. Am J Obstet Gynecol 1986;155:301–6. Abraham S. Gynaecological examination: a teaching package integrating assessment with learning (693). Med Educ 1998;32:76–81. Mol SSL, Peelen JH, Kuyvenhoven MM. Patients’ views on student participation in general practice consultations: a comprehensive review. Med Teach 2011;33:e397-400. doi:10.3109/0142159X.2011.581712. Dilaveri CA, Szostek JH, Wang AT, Cook DA. Simulation training for breast and pelvic physical examination: a systematic review and meta-analysis. BJOG Int J Obstet Gynaecol 2013;120:1171–82. doi:10.1111/1471-0528.12289. Conférence des Doyens de Faculté de mMédecine. Rapport sur la formation clinique des étudiants en médecine 2012. Granry JC, Moll M. Rapport de mission: état de l’art (national et international) en matière de pratiques de simulation dans le domaine de la santé. Rapport HAS. Janvier 2012:1-110 2012. Johnson GH, Brown TC, Stenchever MA, Gabert HA, Poulson AM, Warenski JC. Teaching pelvic examination to second-year medical students using programmed patients. Am J Obstet Gynecol 1975;121:714–7. Bouet P-E, Jeanneteau P, Legendre G, El Hachem H, Richard I, Granry J-C, et al. [Training of medical students for pelvic examination: Benefits of teaching on anatomic models]. J Gynécologie Obstétrique Biol Reprod 2016;45:679–84. doi:10.1016/j.jgyn.2015.09.006. Grynberg M, Thubert T, Guilbaud L, Cordier A-G, Nedellec S, Lamazou F, et al. Students’ views on the impact of two pedagogical tools for the teaching of breast and pelvic examination techniques (video-clip and training model): a comparative study. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2012;164:205–10. doi:10.1016/j.ejogrb.2012.06.009. Piessen G, Louvet A, Robriquet L, Bailleux E, Jourdain M, Cosson M. [Setting-up and evaluation of an educational program for the teaching of breast and pelvic examination in undergraduate medical students: the “PRESAGE” simulation center experience of the medicine university of Lille, France]. Gynécologie Obstétrique Fertil 2014;42:591–6. doi:10.1016/j.gyobfe.2014.07.004. Duffy J, McManus RJ. Influence of methodology upon the identification of potential core outcomes: recommendations for core outcome set developers are needed. BJOG Int J Obstet Gynaecol 2016;123:1599. doi:10.1111/1471-0528.14219. Cook DA, Brydges R, Hamstra SJ, Zendejas B, Szostek JH, Wang AT, et al. Comparative effectiveness of technology-enhanced simulation versus other instructional methods: a systematic review and meta-analysis. Simul Healthc J Soc Simul Healthc 2012;7:308–20. doi:10.1097/SIH.0b013e3182614f95. Drummond D, Arnaud C, Thouvenin G, Guedj R, Grimprel E, Duguet A, et al. An innovative pedagogic course combining video and simulation to teach medical students about pediatric cardiopulmonary arrest: a prospective controlled study. Eur J Pediatr 2016;175:767–74. doi:10.1007/s00431-016-2702-1. [19] Kirkpatrick DL, Kirkpatrick JD. Evaluating training programs. 1975. Légendes des figures Figure 1 A : Mannequin de simulation basse fidélité pour réaliser l’examen pelvien et le frottis cervico-utérin de type Mk3 (CFPT) Figure 1 B : Mannequin de simulation basse fidélité pour l’examen mammaire de type KOKEN LM-018. Figure 4 : Pour chaque item, la réponse des étudiants en DFGSM3 est comparée à celle des DFASM2. p = comparaison des 3 classes. *p<0.05; **p<0.01;***p<0.0001. Tableau 1. Caractéristiques des étudiants présents sur la plateforme de simulation. Effectifs N (%) Moyenne d’âge (ans±ET) Femme Homme Atelier de simulation en gynécologie déjà réalisé Auto-évaluation Savoir-faire un examen pelvien Savoir-faire un FCU Savoir-faire un examen mammaire Total des étudiants 432 21.5 ±2.3 246 (57.2) 184 (42.8) Etudiants en DFGSM3 354 (82) 21.0 ±2.0 200 (56.8) 152 (43.2) Etudiants en DFASM2 78 (18) 23.4 ±2.3 46 (59.0) 32 (41.0) P 147 (34.3) 86 (24.3) 61 (78.2) <0.0001 155 (36.1) 34 (7.9) 171 (39.9) 94 (26.7) 13 (3.7) 120 (34.1) 61 (79.2) 21 (27.3) 51 (66.2) <0.0001 <0.0001 <0.0001 Examen pelvien déjà réalisé sur patiente jamais 332 (76.8) 311 (87.9) 21 (26.9) 1-10 fois 86 (19.9) 39 (11.0) 47 (60.3) >10 fois 14 (3.3) 4 (1.1) 10 (12.8) Examen mammaire déjà réalisé sur patiente jamais 330 (76.6) 298 (84.4) 32 (41.0) 1-10 fois 93 (21.6) 53 (15.0) 40 (51.3) >10 fois 8 (1.8) 2 (0.6) 6 (7.7) FCU déjà réalisé sur patiente jamais 414 (96.1) 347 (98.3) 67 (85.9) 1-10 fois 13 (3.0) 3 (0.85) 10 (12.8) >10 fois 4 (0.9) 3 (0.85) 1 (1.3) ET : écart-type ; FCU : frottis cervico-utérin ; 2 données manquantes concernant Homme/Femme, 1 concernant l’examen mammaire et le FCU. <0.0001 0.7 <0.0001 <0.0001 <0.0001 le statut Figure 1 : les mannequins de simulation basse fidélité en gynécologie A B Figure 2. Diminution de l’appréhension après une séance de simulation basse fidélité. Appréhension de l'examen pelvien Pas d'appréhension initiale 28% Appréhension initiale 72% Diminution de l'appréhension 92% 8% N=330 N=237 Appréhension de l'examen mammaire Pas d'appréhension initiale 55% Appréhension initiale 45% Diminution de l'appréhesion 93% 7% N=329 N=148 Appréhension du Frottis cervico-utérin Pas d'appréhension initiale 32% Appréhension initiale 68% Diminution de l'appréhension 87% 13% N=410 N=277 Figure 3. Diminution de la gêne après une séance de simulation basse fidélité. Gêne ressentie par rapport à l'examen pelvien Pas de gêne initiale 38% Gêne initiale 62% Diminution de la gêne 87% 13% N=330 N=206 Gêne ressentie par rapport à l'examen mammaire Pas de gêne initiale 58% Gêne initiale 42% Diminution de la gêne 89% 11% N=329 N=137 Gêne ressentie par rapport au frottis cervicoutérin Pas de gêne initiale 42% Gêne initiale 58% Diminution de la gêne 83% 17% N=410 N=236 Figure 4. Appréciation des étudiants après la séance de simulation en fonction de leur année d’étude. Satisfaction des étudiants 100 Atout de la séance dans le cursus Qualité de la séance ** * ** Pourcentage d'étudiants 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 DFGSM3 Non satisfait Satisfait DFASM2 DFGSM3 Très satisfait Non Durée de la séance 100 Pourcentage d'étudiants Probablement Oui Nombre de gestes réalisés lors de la séance *** 90 DFASM2 *** 80 70 60 50 40 30 20 10 0 DFGSM3 Non adaptée Adaptée DFASM2 Parfaitement adaptée DFGSM3 Non adapté DFASM2 Adapté Parfaitement adapté DFGSM3 Mauvaise DFASM2 Bonne Excellente