La Corée, nouveau « hub » de l`Asie du Nord - LOMAG

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La Corée, nouveau « hub » de l`Asie du Nord - LOMAG
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Septembre 2004
La Corée, nouveau « hub » de l’Asie du Nord
Devenir la plaque tournante logistique et financière de l’Asie du
Un objectif
ambitieux : le «hub» Nord : voilà l’objectif ambitieux que les autorités sud-coréennes se sont
fixées pour les années à venir. C’est aussi l’unique voie possible, selon
logistique…
elles, pour réussir à s’imposer au milieu des géants chinois et japonais.
Elle sont curieusement servies ces temps-ci par une mode qui émerge en
dehors de toute volonté politique. Les consommateurs chinois et
japonais, en effet, font preuve actuellement, d’un véritable engouement
pour la culture coréenne. Les séries télévisées par exemple ou bien
encore les jeux vidéos en ligne deviennent de plus en plus populaires
dans toute l’Asie du Nord-Est.
… pour trouver une
place nouvelle en
Asie du Nord,…
… et soutenir la
croissance
L’aéroport
d’Incheon : fer de
lance de cette
stratégie,…
… est une réussite
Le défi auquel la Corée doit faire face dans la région est double.
Le premier consiste à savoir se démarquer du Japon. Le second tient à la
nécessité de ne pas se faire rattraper par la Chine. Les autorités savent
aussi que la stratégie de croissance actuelle, qui repose sur les
exportations, a ses limites. Il est temps de trouver un nouveau relais
d’autant que le marché de l’emploi reste tendu, la hausse du chômage, en
particulier chez les jeunes, devenant préoccupante. Pour un milliard
d’exportations supplémentaires, l’économie sud-coréenne ne crée plus
que 15,7 nouveaux emplois quand elle en fabriquait encore 46,3 en 1990.
Dans ce contexte, la constitution d’un hub logistique est l’une
des solutions que la précédente administration avait envisagée et qui a
obtenu tous les suffrages de la nouvelle. Fruit d’une stratégie qui vise à
regrouper autour d’un aéroport d’envergure internationale une zone
économique spéciale, le hub logistique est donc en train de prendre
forme. L’ouverture en mars 2001 de l’aéroport d’Incheon, à 52
kilomètres de Séoul a lancé concrètement le projet. Aujourd’hui, la
qualité des services proposés lui permet de se positionner dans le top
cinq du classement des aéroports mondiaux. Cette année, la capacité de
ses zones de fret va dépasser les 1,35 million de tonnes (un niveau
équivalent à celui géré par ADP sur la plate-forme de Roissy) avant
d’atteindre, en 2010, les 4,5 millions. Fedex a d’ailleurs décidé en janvier
d’utiliser Incheon comme centre logistique pour l’ensemble de l’Asie du
Nord-Est aux dépens de sa base actuelle aux Philippines. DHL devrait
suivre le mouvement puisque la firme allemande prévoit de construire à
côté de l’aéroport un terminal fret de 20 000m² destiné à desservir la
Chine, le Japon et l’Australie. L’aéroport dans sa version finale prévue
pour 2008, avec son terminal passager et ses trois terminaux de fret verra
atterrir 410 000 vols chaque année contre 240 000 à son ouverture. En
outre, seule compagnie asiatique à participer à l’alliance SkyTeam,
Korean Air devrait pouvoir permettre à Incheon de renforcer sa capacité
à devenir un hub majeur pour le transport de passagers en Asie du Nord.
44 millions de passagers sont ainsi attendus chaque année à partir de
2010.
La Chine est en
embuscade…
… mais le pays
dispose d’un autre
atout : les ports de
Pusan et
Gwangyang
Spécialisation
régionale…
… et appel aux
investisseurs
étrangers…
Mais rien n’est encore gagné pour Incheon. L’ouverture récente
du nouvel aéroport international de Baiyun à Canton, plébiscité en
particulier par Fedex, réduit sa marge de manœuvre. Situé dans la
province à l’origine du tiers des exportations chinoises, Baiyun prévoit
en 2010 d’assurer la gestion de 2,5 millions de tonnes de fret avant de
porter ses capacités à 5 millions en 2015.
Les autorités coréennes ont bien su anticiper la croissance
annuelle du fret qui devrait se stabiliser autour de 10% dans les
prochaines années : Incheon profite d’une bonne desserte aérienne (51
villes de plus d’un million d’habitants sont accessibles depuis Incheon en
trois heures et demi maximum) et ses possibilités d’extension sont
importantes. Mais pour faire face à la concurrence croissante japonaise et
chinoise, il leur faut encore développer l’intermodalité entre l’avion et le
train et, profiter davantage des bonnes liaisons routières et ferroviaires
entre Incheon et les deux ports les plus importants du pays, Pusan (3ème
après celui de Hong Kong et de Singapour) et Gwangyang (à eux deux,
ils se placent déjà au 6ème rang mondial en terme de transport cargo).
Seule une bonne coordination entre les installations portuaires et le hub
d’Incheon permettra à la Corée du Sud de se positionner en tant que
plate-forme logistique compétitive dans un environnement qui, à n’en
pas douter, restera très concurrentiel.
Pour le moment, les autorités ont fait le choix de développer
indépendamment ces trois zones en accentuant les spécificités
industrielles de chacune d’elles. Deux zones économiques spéciales ont
été lancées en mars en plus de celle créée en août 2003 près d’Incheon. A
Pusan, l’accent est mis sur le développement des centres de R&D et, sur
l’augmentation des capacités portuaires destinées, notamment, à faciliter
l’exportation de voitures coréennes. A Gwangyang, le pôle pétrochimie,
sidérurgie et chimie devrait se renforcer.
En dehors des « traditionnelles » incitations fiscales (qui se
traduit dans ce cas précis, par une non imposition pendant les cinq
premières années de l’implantation suivie d’une imposition à hauteur de
50% pendant les deux suivantes), trois mesures phares doivent être
progressivement mises en place pour attirer les investisseurs étrangers.
En premier lieu, les syndicats seront interdits, ce qui a de quoi surprendre
dans ce pays quand on sait le pouvoir qu’ils peuvent détenir. Sur ce plan
d’ailleurs, le gouvernement négocie encore avec eux. Deux langues
officielles ensuite, le coréen et l’anglais, coexisteront; l’objectif étant de
faciliter les démarches administratives des entreprises étrangères qui
viendront s’implanter. Enfin, deux monnaies auront cours : le dollar et le
won.
Le gouvernement veut ainsi rééquilibrer la croissance et limiter
… pour équilibrer la
croissance entre la la concentration de l’activité économique autour de Séoul. Toutefois, il
zone aéroportuaire est clair que la zone autour de l’île d’Incheon sera le fer de lance de cette
stratégie de « hub » logistique. En dehors des opportunités
d’Incheon qui se
précédemment évoquées, trois plate-formes vont être constituées.
renforce…
Songdo au sud de l’île, tournée vers le secteur des hautes technologies et
qui devrait être reliée par un futur pont à la zone aéroportuaire ;
Yeongjong au nord, qui se concentrera sur l’industrie aéronautique ; et
Cheongna à vocation touristique. Songdo semble particulièrement
intéresser les Américains. D’ailleurs le concepteur de cette ville qui va
bientôt surgir de terre vient tout droit des Etats-Unis. Il prévoit d’investir
trois milliards de dollars dans le projet !
Pusan et Gwangyang sont aussi promis à un bel avenir malgré la
… et les deux
principaux ports en très forte concurrence chinoise. Déjà entre 1991 et 2001, le trafic
conteneurisé qu’ils géraient (Le port de Pusan manutentionne à lui seul
forte croissance…
80% du marché des conteneurs.) s’est accru de 14,1 %, un rythme
supérieur donc aux 9,75% dans le reste du monde. Leur emplacement
stratégique leur permet d’assumer un rôle de plaque tournante d’autant
que le nombre de conteneurs transitant par ces ports continue de croître
très rapidement, tiré par la croissance chinoise (60% des marchandises
qui transitent par Pusan ont un lien avec la Chine). Gwangyang assurera
donc un relais nécessaire à Pusan en attendant l’investissement de 44,1
milliards d’euros que le gouvernement prévoit d’engager dans de
nouvelles infrastructures.
Pourtant, comme pour Incheon, la concurrence est rude.
… le tout dans un
environnement très Shenzen et Shanghai leur font déjà de l’ombre. Shanghai est au coude à
coude avec Pusan après avoir dépassé le port de Kaoshiung (Taiwan) en
concurrentiel
devenant le 4ème port mondial en terme de trafic conteneur. Et les
investissements déjà réalisés à Pusan et Gwangyang par Hutchison
(HongKong), CSX (Etats-Unis) ou PSA (Singapour) n’empêchent pas
ces majors de regarder le développement de Shenzen et Shanghai d’un
œil très favorable.
Au prix d’efforts sans cesse renouvelés, la Corée du Sud
continue donc de nous étonner. Il est temps, elle le sait, de relayer les
« success story » à la Samsung dans d’autres secteurs de son économie.
L’option du hub logistique, si elle aboutit la conduira, elle l’espère, à
devenir l’acteur incontournable en Asie du Nord qu’elle s’acharne à être.
Reste à creuser l’écart avec des concurrents qui ne s’en laissent pas
compter…
L.B
Rappel géographique : localisation des trois zones
constitutives du « hub » logistique
Gwangyang
Un positionnement géographique
avantageux
Coûts de manutention et de stockage
dans les grands ports d’Asie
Ports
Busan
Gwangyang
Shanghai
Kaoshiung
Singapour
HongKong
Yokohama
Coûts en won
52 626
35 000
55 257
105 684
140 251
329 775
456 976
indice
100
67
105
200
266
626
868
ANNEXE : Où en est le dialogue Corée du Sud- Corée du Nord ?
Le dialogue inter-coréen : Un dialogue de sourds
Depuis la fin de la guerre de Corée en 1953 et la fermeture de la frontière entre la Corée du Nord
et la Corée du Sud au niveau du 38ème parallèle, les relations entre les deux Corée ont été tendues.
Les premiers contacts gouvernementaux datent du début des années 1970. La déclaration
conjointe du 4 juillet 1972, toujours d’actualité, prône le dialogue pour envisager la réunification
de la péninsule, mais la façon d’y parvenir diffère au Nord, pour une confédération politique, et
au Sud, favorable à une reprise préalable de relations économiques. Propagandes et fanatisme
idéologique, intimidations, actions terroristes ou d’espionnage, accrochages militaires, ou
incursion de navires de pêche dans les eaux territoriales sud-coréennes n’ont cessé d’entretenir un
climat d’insécurité sur la péninsule coréenne, souvent instrumentalisé par les deux
gouvernements.
La « dénucléarisation » de la Corée du Nord
Ce n’est qu’en 1991 que les deux Corée sont admises à l’ONU et que ces deux pays signent des
accords en matière d’armement nucléaire et de réconciliation. La question nucléaire complique
particulièrement les relations entre le Nord et le Sud. En 1992, la Corée du Nord signe un accord
avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) autorisant l’inspection de ses
installations nucléaires. Cependant, la Corée du Nord refuse aux inspecteurs de l’AIEA la visite
de sites sensibles et menace de se retirer du traité de non-prolifération nucléaire qu’elle a ratifié
en 1985. Les accords signés à Genève en 1994, stipulant un arrêt du programme nucléaire nordcoréen en échange de la construction de deux réacteurs nucléaires à eau légère et de livraison
d’hydrocarbures, évitent une crise nucléaire avec les États-Unis mais ne sont pas suivis d’effet.
La Corée du Nord ayant autorisé des représentants américains à visiter un site suspect, et, surtout,
s’étant engagée par l’accord de Berlin du 13 septembre 1999, en contrepartie d’un
assouplissement des sanctions commerciales frappant le pays, à geler ses essais de missiles à
longue portée, on constate une amélioration des rapports de la Corée du Nord avec les États-Unis
en 1999. En juin 2000, une rencontre historique très médiatisée a lieu à Pyongyang entre Kim
Jong-il, secrétaire général du parti communiste nord-coréen, et le président sud-coréen Kim DaeJung avec la signature d’un accord permettant à une centaine de familles des deux pays de se
rencontrer aux alentours du 15 août. C’est à cette date que les deux Corée rouvrent leurs bureaux
de liaison à Panmunjom dans la zone démilitarisée et envisagent de reconnecter leurs réseaux
ferroviaires.
L’arrivée à la Maison-Blanche de George W. Bush en janvier 2001 marque une radicalisation de
la politique américaine à l’égard de la Corée du Nord considérée comme appartenant à « l’axe du
mal ». Le 10 janvier 2003, après avoir annoncé la reprise de son programme nucléaire, la Corée
du Nord déclare son retrait immédiat du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) à la suite de
la dégradation de ses relations avec les États-Unis.
Inlassablement, la Corée du Sud ainsi que le Japon et les États-Unis et la Chine continuent de
réclamer l’arrêt du programme nucléaire nord-coréen : en contrepartie des promesses d’aide
économique sont faites. Pour la Corée du Nord, la menace nucléaire reste un de ses seuls moyens
de pression dans les négociation avec le Sud et le reste de ses voisins. Cependant, la Chine, lassée
par les échecs successifs des différentes « rencontres à six » (les deux Corée, Chine, Japon,
Russie, Étas-Unis) sur le nucléaire à Pékin, menace en 2004 de laisser tomber son allié
communiste.
Vers une « démilitarisation » de la péninsule coréenne ?
L’annonce au printemps 2004 du déplacement de troupes terrestres américaines stationnées en
Corée du Sud vers l’Irak, ainsi que le repli des bases américaines (30 000 soldats) à distance du
38ème parallèle, au Sud, ne doit pas laisser croire à un désengagement massif des États-Unis sur
la péninsule coréenne : il semblerait qu’il s’agisse plus d’une diminution des forces terrestres, au
profit d’une intensification des forces navales et aériennes, moins coûteuses en effectifs humains
et plus adaptées à la situation coréenne. Voulant couper court à toute « paranoïa sécuritaire », le
ministre sud-coréen a demandé un budget pour la défense en hausse de 9% (contre 2 %
auparavant). Le budget de la défense sud-coréenne correspond pratiquement au PNB nordcoréen. Au Nord, l’armée compte un million de personnes qui ont été mobilisées encore
récemment pour construire des abris (80 nouveaux tunnels), suite aux annonces américaines et
sud-coréennes.
La rencontre militaire inter-coréenne fin mai 2004, constitue une avancée importante dans les
relations entre les deux Corées, techniquement toujours en guerre. La volonté affichée y était à
« l’établissement de la confiance ».
Du changement dans la coopération économique ?
Depuis 10 ans, des événements aussi divers que la mort du leader nord-coréen Kim Il-sung, la
situation économique désastreuse et une famine meurtrière au Nord à partir de 1995, ou encore
des défections de certains cadres du régime nord-coréen, ainsi que l’arrivée au pouvoir au Sud de
Kim Dae-jung, ancien opposant à la dictature militaire qui prône une politique de tolérance vis-àvis du Nord, la « sunshine policy », vont créer un climat favorable au changement. En Corée du
Sud, depuis la campagne présidentielle de 2002, la « sushine policy », puis la « politique de paix
et de prospérité » de Roh Moo-hyun sont critiquées par les Conservateurs pour leur manque de
résultat. On reproche au gouvernement de Kim Dae-jung d’avoir « payé » la Corée du Nord, par
l’intermédiaire du groupe Hyundai, pour que le sommet de 2000 ait lieu. Il est vrai que la Corée
du Nord exerce un certain chantage pour obtenir des compensations économiques consenties par
le Sud ou par le Japon, mais cela ne doit pas occulter l’évolution en cours.
Jusqu’ici toutes les « réunions à six » n’ont rien donné de spectaculaire depuis octobre 2002 dans
les relations inter-coréennes, et certains annoncent même une impasse dans celle qui est prévue
en septembre 2004 à Pékin, suite à la nouvelle dégradation des relations entre Pyongyang et
Washington, et dans l’attente des résultats de l’élection présidentielle américaine. Cependant, en
marge de la question nucléaire, une certaine évolution se fait sentir au Sud, sous l’impulsion du
gouvernement de Roh Moo-hyun. De nombreux réfugiés Nord-Coréens ont été officiellement
accueillis au Sud, durant l’été 2004, en dépit des protestations du Nord, marquant ainsi une
position plus ferme du Sud sur la question des droits de l’homme en Corée du Nord, et à terme,
une possible solution pour les réfugiés. D’autre part, le débat en septembre 2004, à Séoul,
concernant l’abolition de la Loi de Sécurité Nationale, loi qui encadre de manière très rigide tout
contact avec la Corée du Nord, peut influencer les rapports inter-coréens. L’abolition de cette loi
est une des seules demandes nord-coréennes non encore satisfaites depuis le sommet inter-coréen
de 2002. L’abolition voulue par le gouvernement de Roh Moo-hyun se heurte à une opposition
forte du côté des aînés et des Conservateurs.
Marie-Orange Rivé-Lasan

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