Patrick ARTUS - Gestion et Finances Publiques
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Patrick ARTUS - Gestion et Finances Publiques
finances publiques Patrick ARTUS Directeur de la recherche et des études d’IXIS CIB Dans quels pays l’accumulation de dette publique finira-t-elle mal ? Les économistes Sargent et Wallace ont proposé le célèbre modèle suivant : si la politique monétaire est telle qu’il ne peut pas y avoir de financement monétaire des déficits publics, et si le Gouvernement a un biais dépensier, la dette publique augmente. A un certain niveau d’endettement, les prêteurs refusent d’accroître davantage l’encours prêté (ou exigent des taux d’intérêt réels très élevés), et la crise de financement force à monétiser la dette (ce qui peut se faire par l’inflation vis-à-vis des prêteurs domestiques, par la dévaluation du change par rapport aux prêteurs étrangers). Nous nous demandons ce qui pourrait faire apparaître une dynamique de type « Sargent-Wallace », c’est-à-dire d’excès d’endettement puis de crise de solvabilité, aux Etats-Unis et dans les pays de la zone euro, ce qui fait intervenir évidemment les niveaux relatifs de croissance potentielle et de taux d’intérêt réel. RAPPEL SUR LA DYNAMIQUE « A LA SARGENT-WALLACE » QUELLE DYNAMIQUE A MOYEN TERME POUR LES DETTES PUBLIQUES ? LES ÉLÉMENTS DE BASE Regardons dans quelles conditions une dynamique à la « SargentWallace » pourrait apparaître à moyen terme dans ces différents pays. Pour qu’il y ait hausse permanente du taux d’endettement public, on sait qu’il faut que : Le schéma ci-dessous rappelle la dynamique « à la Sargent-Wallace » Politique monétaire excluant la monétisation de la dette publique du PIB aux Etats-Unis, 63 % en Allemagne, 67 % en France, 108 % en Italie. En ce qui concerne la politique monétaire, on voit une différence claire entre la Réserve fédérale et la BCE : la base monétaire croît rapidement dans la zone euro avec une forte croissance des actifs domestiques détenus par la Banque centrale, ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis. On voit donc que les conditions initiales de la dynamique à la SargentWallace sont réunies aux Etats-Unis et dans la zone euro (France, Allemagne, Italie) et que pourtant il y a déjà monétisation partielle des dettes dans la BCE, sans laquelle les taux d’endettement progresseraient beaucoup plus vite. Excédent budgétaire Taux d’endettement public primaire % PIB ҂ 쏜 (hors intérêts sur la dette) (Taux d’intérêt réel – % PIB Croissance potentielle réelle) Hausse du taux d'endettement public Gouvernement ayant un « biais déficitaire » Monétisation inévitable Hausse forte du taux d'intérêt réel et/ou impossibilité d'accroître davantage la dette Limite à l'endettement acceptable Seigneuriage = crise de solvabilité et recours à la taxe inflationniste Domestique = inflation Extérieur = dévaluation L’idée de base est que, si le déficit public est excessif, et si la Banque centrale refuse de monétiser la dette publique, le taux d’endettement public augmente continûment jusqu’au point où les prêteurs refusent de prêter davantage (au moins à un taux d’intérêt « normal »). La monétisation de la dette publique, rejetée initialement, devient alors inévitable, ce qui implique la spoliation des prêteurs, domestiques par l’inflation, étrangers par la dépréciation du change. Sommes-nous aujourd’hui dans les conditions initiales de cette dynamique aux Etats-Unis, en Allemagne, en France, en Italie ? Les niveaux de déficits publics sont tels que les taux d’endettement public ont monté continûment de 2001 à 2006 aux Etats-Unis, en France, en Italie, en Allemagne. Le taux d’endettement public harmonisé par l’OCDE est en 2006 de 65 % Le solde primaire (hors intérêts sur la dette publique) est voisin d’un déficit de 1 % du PIB en 2006 aux Etats-Unis, et en Allemagne, voisin de l’équilibre en France et en Italie. L’évolution de la productivité par tête de la population en âge de travailler et du taux d’activité permet d’estimer la croissance potentielle réelle (annuelle) à cinq ans à : • 3,2 % aux Etats-Unis ; • 1,7 % en Allemagne ; • 1,4 % en France ; • 0 % en Italie. La croissance potentielle, on le sait, est nettement plus faible dans la zone euro qu’aux Etats-Unis et particulièrement en Italie. Enfin, le taux d’intérêt réel à long terme est compris entre 2 et 3 % dans les pays analysés. TAUX D’ENDETTEMENT PUBLICS : DEUX SIMULATIONS Nous disposons maintenant des éléments de base qui permettent de nous interroger sur les risques de dynamique à la « Sargent-Wallace », donc d’abord sur une divergence durable des taux d’endettement publics. Le tableau 1 reprend les éléments de base utiles pour nos interrogations. 7 finances publiques Tableau 1 Eléments de base Pays Dette publique % PIB (1) Solde primaire récent % PIB* (2) Taux d’intérêt réel récent (3) Etats-Unis ...... Allemagne ... France .......... Italie .............. 65 63 67 108 – 0,8 – 1,0 – 0,3 0 1,7 3,2 2,0 2,4 – avec une faible hausse (0,3 point) du taux d’intérêt, le problème apparaît aussi aux Etats-Unis. Solde Croissance primaire potentielle nécessaire* (4) (1) x [(3) – (4)] 3,2 1,7 1,4 0 – 1,0 + 1,0 + 0,4 + 2,5 * 쏜 0 : excédent ; 쏝 0 : déficit. La première question est la suivante : si le taux d’intérêt réel à long terme ne varie pas, quelle évolution du déficit public primaire est nécessaire pour éviter la divergence du taux d’endettement public ? On voit qu’il n’y a pas de problème de solvabilité aux Etats-Unis, grâce au niveau élevé de la croissance potentielle. Il faudrait accroître l’excédent primaire de 2 points en Allemagne, de 0,7 en France et de 2,5 en Italie. La deuxième question est la suivante : si le déficit public primaire ne varie pas, au-dessus de quel niveau de taux d’intérêt réel y a-t-il hausse sans fin du taux d’endettement public ? Aux Etats-Unis, 2 % ; pour la France, l’Allemagne et l’Italie, les niveaux de taux d’intérêt réels sont déjà trop élevés. SYNTHÈSE : QUELLE EST L’ÉVOLUTION FINALE S’IL Y A HAUSSE SANS FIN DE LA DETTE PUBLIQUE ? Dans ces pays, si ces conditions sont remplies, et si la hausse du taux d’endettement public est continuelle, on peut, a priori, attendre trois évolutions finales possibles : 1. Une hausse des primes de risque incorporées dans les taux d’intérêt accroissant le coût de la dette et qui peut : – soit aggraver la situation, s’il n’y a pas de correction des politiques budgétaires ; – soit forcer les gouvernements à réduire les déficits publics, par le Pacte de stabilité et de croissance, par exemple. 2. Un arrêt de la capacité d’emprunt des gouvernements forçant à réduire le taux d’endettement public par le seigneuriage domestique, c’est-à-dire par l’inflation entraînant la baisse des taux d’intérêt réels, c’està-dire par la spoliation des prêteurs domestiques. Ceci paraît contraire aux pratiques contemporaines des banques centrales qui réagissent fortement au risque d’inflation. 3. Le recours au seigneuriage étranger, c’est-à-dire à une dévaluation de la devise (dollar ou euro) qui spolie les détenteurs non résidents de la dette et réduit le taux d’endettement exprimé en devises. Il faut rappeler que 50 % de la dette publique de la zone euro est détenu par des non-résidents (tableau 2). Tableau 2 Part des obligations publiques détenues par les non-résidents en pourcentage du total Nous avons vu qu’une hausse sans fin du taux d’endettement public apparaissait : – dans l’environnement économique présent : pour tous les pays de la zone euro : Allemagne, France et Italie ; Etats-Unis ............................................... 16,7 (Q1 – 2006) Zone euro ............................................. 49,9 (2005) Sources : FoF, Banques centrales, calculs IXIS CIB. 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