telecharger - Les Clionautes
Transcription
telecharger - Les Clionautes
Numéro 1 du 15 septembre 2007 http://www.clionautes.org A l’occasion de la sortie de la Documentation photographique consacrée aux Etats-Unis, les Clionautes ont rencontré Michel Goussot, son auteur. Michel Goussot. géographe, professeur agrégé et maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des relations internationales et des Etats-Unis. - La documentation photographique vient de vous confier la rédaction d’un numéro sur Les EtatsUnis. Comment aborde-t-on un tel chantier ? En amont, il y a un gros travail de recherche. Je dispose de beaucoup de documentation car je publie en permanence sur les EU. Je travaille sur des documents bruts (statistiques trouvées sur les sites des fondations américaines, de la Maison Blanche, de la CIA, Factbook) de manière à ne pas avoir le regard de quelqu’un sur le sujet. Je fais des lectures de fond et j’utilise aussi la presse anglo-saxonne et française (Le Monde, Les Echos). Parallèlement, j’élabore un projet de maquette à partir d’un plan qui concerne les entrées du Point Sur et les doubles pages avec les documents. Le travail de rédaction se fait dans les deux mois qui précèdent la publication pour que le texte tienne compte des derniers évènements. Le choix des documents est le fruit d’un consensus entre l’auteur et les documentalistes de la Documentation Photographique. En revanche, pour les cartes, elles sont faites par moi-même sous Illustrator, et l’atelier cartographique de Sciences Po les finalise. Enfin, un travail de relecture est effectué par l’équipe de la Documentation Photographique, qui peut, éventuellement, modifier des passages de l’auteur. - Pourquoi dans le sous-titre avoir placé la société avant la puissance alors que ce pays est souvent étudié sous l’angle de la puissance dans l’enseignement secondaire ? C’est un choix qui a été fait par moi et par la Documentation Photo. Parce que la démarche de la géographie d’aujourd’hui est une démarche surtout sociologique et sociétale beaucoup plus qu’une démarche strictement économique. Une puissance, c’est d’abord une identité, une société et une population. La puissance des EU est contestée depuis longtemps, y compris pendant la guerre froide. Cette contestation s’est renforcée depuis la chute du bloc soviétique et surtout depuis le choc de février – mars 2003 avec l’engagement en Irak, qui a produit dans un premier temps, une Le labo des Clionautes, n°1 du 15 septembre 2007 contestation tout azimut dans le monde, sauf de quelques pays et depuis 2005 – 2006, une contestation interne quant à la conduite même des affaires de l’Amérique. Le modèle américain est contesté, par des minorités, non plus des noirs, mais par les hispaniques qui veulent leur place dans la société. Reste aussi la contestation de la société par la classe moyenne américaine, qui se sent défavorisée. Toutefois, cette société aime le consensus. Elle n’a jamais fait de révolution, n’a pas remis en cause sa constitution. C’est une société qui vit dans le futur. C’est, d’ailleurs, çà qui me plaît dans cette société. Je suis fier d’être américaniste ! Je trouve qu’il n’y en a pas assez en France. - Comment interprétez-vous les récentes prises de positions américaines en matière de politique étrangère : réchauffement climatique au G8, polémique du bouclier anti-missile avec la Russie ? Les Etats Unis sont entrés en 1999, sous Clinton, dans une logique de non ratification du protocole de Kyoto au nom d’un déséquilibre mondial entre les pays du Sud et du Nord et puis pour préserver les emplois et l’industrie aux Etats-Unis. Le changement s’est fait après la réélection de Bush en 2004 avec la montée en puissance de contestataires venant de Californie (ratification du protocole de Kyoto en 2006). Sept Etats ont suivi. Bush, contesté de partout (voir l’impact du film d’Al Gore), s’est rendu compte que l’on ne peut pas aller contre l’opinion. C’est une décision opportuniste dans le contexte de la débâcle électorale des Républicains. Mais, il faut peut être voir l’influence de Bush père. Le tout sera maintenant d’intégrer le protocole de Kyoto dans la Constitution. Il n’est pas sûr que le Congrès soit prêt à remettre en cause certaines structures économiques au nom de la non-pollution. Concernant le bouclier anti-missile, Bush le ravive dans le cadre d’une paranoïa permanente. Poutine réagit dans un contexte électoral mais l’ennemi des EU n’est plus la Russie. La menace de Bush peut, toutefois, se comprendre dans le but de contrer l’accord commercial d’armes et techniques d’armement pris en faveur de l’Iran par la Russie. 1 Pourquoi, dans votre cursus, vous êtes-vous intéressé aux Etats-Unis ? C’est un tropisme ancien. J’ai une partie identitaire américaine en moi. Ce qui m’a toujours séduit dans la société américaine, c’est que ses membres sont plus libres que dans les sociétés européennes. L’individu a plus de place, il a plus de responsabilités. Ce qui me plaît aussi, c’est que les Etats-Unis surfent sur l’avenir, plus que les pays européens, parfois figés dans le présentisme. Quels sont vos projets éditoriaux à venir ? Au-delà de la participation à des manuels scolaires, j’ai en projet de diriger et de participer à un ouvrage sur la Géopolitique de la santé. Par ailleurs, j’envisage de nouvelles publications sur les Etats-Unis, les relations internationales et la mondialisation. l’utilisation optimale des techniques vidéo les plus récentes. la musique au service du religieux « l’idole religieuse » (au sens de Simiand). Exploiter des documents présentés dans les doubles pages de la DocPhoto : la proposition de Catherine DIDIER FEVRE Katrina, août 2005. Niveau : Seconde. Exploiter des documents présentés dans les doubles pages de la DocPhoto : la proposition de Michel Goussot. Dieu et l’Amérique. Niveau : Terminale S. La place du thème dans les programmes : en Histoire, Le modèle américain ; en géographie, Les EtatsUnis ; en ECJC, le retour du religieux dans le monde. Le travail porte sur la double - page (p 42-43) de documents. Il s’agit d’une photographie (disponible en transparent) du prêche de Marcos Witt devant la congrégation évangélique de Lakewood (Houston, Texas) ainsi que d’un extrait du discours du président George Bush aux Eglises baptistes du Sud, le 21 juin 2005. Les documents ont été étudiés par les élèves à la maison. En classe, les élèves disposent de 20 minutes pour commenter les documents et rédiger une synthèse. Les consignes données aux élèves consistent en une interrogation sur le titre de l’ensemble documentaire. Il leur est demandé de montrer que l’image n’a ici qu’un statut de symbole. Sont attendus dans le commentaire élève, les références suivantes : la Bible Belt, espace du Sud, une région pas comme les autres qui tenta de faire sécession au 19ème siècle. la place du religieux aux Etats-Unis, un espace sociétal majeur et culturel, voire identitaire. le théâtre sociétal permanent : l’exemple des Mega Churches à partir de la photo. Le labo des Clionautes, n°1 du 15 septembre 2007 La place du programmes scolaires littoraux et Les risques. thème dans : en géographie, les Les L’utilisation des documents des pages 38 et 39 s’inscrit dans l’étude de cas introductive au chapitre Les littoraux des espaces attractifs et fragiles. Katrina est un exemple intéressant à étudier puisque cette catastrophe a touché la première puissance mondiale. Jusque là, force était de constater que les risques avaient essentiellement une ampleur particulière dans les pays pauvres. Katrina est un contre-exemple puisque les habitants de ce pays développé n’ont pas échappé à la catastrophe et ont fait les frais de la mauvaise organisation des secours. L’étude des documents p 38 et 39 (Photographie disponible en transparent : Des centaines de réfugiés attendent les secours après le passage de Katrina et le texte : Des mesures gouvernementales de soutien tardives, extrait de l’article de Julian Borger, The Guardian, 2 septembre 2005) vise à faire comprendre aux élèves les causes de l’ampleur de la catastrophe. Ces deux documents sont à accompagner d’un descriptif de la situation et de l’histoire de la Nouvelle Orléans (http://www.radiofrance.fr/reportage/dossier/index.p hp). L’objectif de cet exercice est de faire émerger les éléments expliquant l’ampleur de la catastrophe. Il s’agit de montrer que les causes anthropiques l’emportent. Le passage du cyclone Katrina met en cause un modèle de développement : le modèle de développement américain (centré sur l’automobile et l’extraction pétrolière, responsables d’un étalement de la ville et d’un phénomène de subsidence). Il interroge sur la manière de prévenir (question de l’entretien des digues) et gérer les secours en cas de catastrophe naturelle. 2 La documentation photographique livre par l’intermédiaire de Michel Goussot, agrégé de géographie, enseignant à Sciences Po Paris, une mise au point sur l’un des Etats faisant l’objet d’une production éditoriale impressionnante : les Etats-Unis. Le sous-titre souligne le parti pris : bien sûr évoquer ce qui fait la puissance ou l’hyperpuissance de ce pays, pour reprendre l’expression de Hubert Védrine, statut qui fait des Etats-Unis, un pays cristallisant des sentiments ambivalents et souvent aigus : haine, fascination, intérêt, rejet.... Au delà de cet axiome, dont André Kaspi se faisait l’écho dans « Les Etats-Unis d’aujourd’hui : mal connus, mal aimés, mal compris », Michel Goussot fait un arrêt sur images sur la société américaine : Qui sont les Américains d’aujourd’hui ? Quelles dynamiques traversent cette société en perpétuel mouvement ? Quelles sont ses réussites mais aussi ses parts d’ombre ? Mythe de la frontière, individualisme, fort communautarisme, recherche de l’efficacité sont quelques-uns des traits constitutifs d’une société dont l’auteur souligne qu’elle est contrastée et en mutation. Contrastée de part la répartition très inégale de la population, aux 4/5ème urbaine, au bénéfice de l’est du pays qui, malgré la forte attraction que génère sud et ouest, attire à nouveau les flux migratoires ; contrastée aussi car les inégalités y sont criantes, séparant les plus riches des plus pauvres, car à côté du rêve américain toujours vivant, le « cauchemar » américain peut s’illustrer par les 37 millions de personnes vivant avec 804$ par mois ou moins. En mutations aussi ; mutation d’une société qui se latinise (42 millions d’américains sont des hispaniques) et dont la croissance démographique est alimentée pour une bonne part par l’immigration (notamment celle des hispaniques), mutation d’une population où chaque groupe affirme son identité à tel point que la référence au melting-pot s’est effacée pour celle du salad bowl, une population dont une part croissante (7 millions au recensement de 2000) revendique et affirme un sentiment d’appartenance multiple. Certaines hypothèses semblent corroborer l’emploi du terme mutation : 2050 devrait voir une centaine de millions d’hispaniques sur 450 millions, une population toujours plus métissée, un « tsunami gris » de retraités... Lorsqu’il aborde l’économie, Michel Goussot fait finalement l’inventaire des atouts qui font l’hyperpuissance : des actifs nombreux et bien formés, une avance dans le domaine technologique due aux investissements massifs dans la recherchedéveloppement et la maîtrise du réseau Internet par l’intermédiaire de l’ICANN, des ressources énergétiques présentes en quantité, une résistance aux crises (11/09, montée des prix du pétrole), industrie et agriculture parmi les plus performantes de la planète.. Les comparaisons faites avec les deux membres de la triade dans la RD, le taux d’emploi reste tout à l’avantage des Etats-Unis. Tout en égrenant ces atouts, l’auteur fait état des points faibles (ressources énergétiques insuffisantes et dépendance extérieure), des dynamiques (relance annoncée du nucléaire, indépendance énergétique et gestion des ressources ; forte financiarisation de l’économie...). Dans la troisième partie, l’inventaire des moyens de l’hyperpuissance est poursuivi : place majeure dans le commerce mondial, supériorité militaire, influence culturelle ; celle-ci est mise en évidence à partir notamment des médias, le soft power, qui diffuse non seulement ses programmes mais aussi l’american way of life. Cette Amérique, centre de la mondialisation, est au cœur de plusieurs questionnements. Quelle posture adopter dans les relations internationales ? le multilatéralisme de l’ère Clinton et des accords de Dayton ou l’unilatéralisme de l’administration Bush ; en fait peut-être la position « naturelle » des Etats-Unis est-elle toute entière résumée par Madeleine Albright : « Nous sommes multilatéraux quand nous le pouvons et unilatéraux quand nous le devons. » Néanmoins, suite au 11/09 et malgré le soutien de la population aux initiatives du président Bush, il semble que certaines options relevant de l’unilatéralisme déplaisent à de nombreux américains (Guantanamo, non-signature des accords de Kyoto). Des questions se posent aussi sur la possibilité de croire encore au rêve américain quand tant de politiques « interdisent » à beaucoup l’accession à celui-ci. Est rappelée à la fin de la mise au point un fait sur lequel les enseignants d’histoire-géographie insiste auprès de leurs élèves : l’Amérique reste la première puissance mais ne rime pas avec toute puissance. Concernant, l’intérêt de ce numéro, la mise au point est utile mais sans surprises et son principal intérêt réside dans les dynamiques évoquées au cours du développement. Ce numéro de la documentation photographique s’accompagne des habituelles propositions pédagogiques, œuvre de Virginie Sauner. Ce numéro de la documentation photographique s’accompagne des habituelles propositions pédagogiques, œuvre de Virginie Sauner. On pourrait facilement imaginer pour la classe de 3ème un sujet de brevet utilisant la double-page sur les Etats-Unis au cœur de l’économie mondialisée (carte des flux commerciaux), les pages 60-1 (quel ancrage régional ?) en utilisant le graphique sur les destinations des IDE américains et pourquoi pas une partie de la page de texte (p58) sur l’investissement de milliardaires américains dans des œuvres caritatives à grande échelle : le philanthrocapitalisme. Ces trois documents permettraient, suite à un questionnaire, de proposer aux élèves un paragraphe argumenté sur les différents aspects de la puissance américaine. La double-page espace et pôles urbains pourrait se prêter à l’étude d’un paysage en 6ème. Cyril Froidure © Les Clionautes. Extrait de http://www.clionautes.org/spip.php?article1406 Le labo des Clionautes, n°1 du 15 septembre 2007 3 Lire Dorel, Gérard. Atlas de l’empire américain. Autrement, 2006. http://www.clionautes.org/spip.php?article1265 Goussot, Michel. Mondialisation, pays émergents et pays pauvres : vers une nouvelle géoéconomie ? Mondialisation et inégalités. Questions internationales n° 22, novembre 2006. Les pays émergents et les pays pauvres représentent plus des quatre cinquièmes des habitants de la planète. Ils constituent la grande majorité des 192 États représentés à l’ONU et des 149 États admis à l’Organisation mondiale du commerce. Comment s’articulent pays pauvres et pays émergents au sein de l’espace mondial ? Quels sont leurs liens nouveaux d’interdépendance ? Quels sont les risques de fuite de leurs élites ? Goussot, Michel. Espaces et territoires aux Etats-Unis. Belin – 2003. Par-delà les traditionnels clivages entre Nord, Sud, Est et Ouest, les États-Unis sont perçus par les Américains comme un espace d’entités historiques, sociologiques, économiques et culturelles qui forment la nation américaine. L’ouvrage insiste ainsi sur les représentations et les cartes mentales initiées aux États-Unis il y a deux décennies. L’ouvrage intègre une vision dynamique du territoire américain en insistant sur les fondations culturelles des États-Unis ou les questions de sanctuarisation de ce qu’on appelle « l’île américaine », surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001. Musset A., Amilhat-Szary A.L., Leriche F. et Salin E. Géopolitique des Amériques. Nathan, 2006. http://www.clionautes.org/spip.php?article1120 Sur le Web http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/geographie/Pages/84_GoogleEarthmoded 'emploi.aspx Jean Marc Kiener, professeur d’histoire-géographie et webmestre du site « voyages virtuels », propose une prise en main du logiciel Google Earth à partir de l’exemple de San Francisco ou de l’étude de la puissance des EtatsUnis. http://erra.club.fr/PAULIN/USA.html Sur le site d’Eric Ranguin est disponible une proposition d’exploitation du site de l’ambassade des EU en France, pour des élèves de 3°. http://ww3.ac-creteil.fr/hgc/spip/article.php3?id_article=754 Caroline Lechat présente une séquence en terminale S, dont l’utilisation du vidéo-projecteur doit permettre d’aborder l’élaboration de la légende d’un croquis. http://www.clionautes.org/spip.php?article1538 et http://www.clionautes.org/spip.php?article187 deux CR de lecture des Clionautes sur les Etats-Unis. Voir Le dessous des cartes. Les Etats-Unis, une géographie impériale. DVD, 2006. 13 émissions dont les sujets traitent à la fois des aspects historiques comme des enjeux géopolitiques actuels. Chine / Etats-Unis : vers une surchauffe de l’économie mondiale ? France Culture, L’économie en question. Emission du 21/05/07 : http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/economie/fiche.php?diffusion_id=53137 Ecouter Au sommaire du prochain numéro : L’auteur Catherine DIDIER FEVRE enseigne au collège du Gâtinais en Bourgogne. Elle est membre de l’association des Clionautes et s’occupe, avec Cyril Froidure, des CR de géographie sur http://www.clionautes.org/ Le labo des Clionautes, n°1 du 15 septembre 2007 Une interview de J.M. Dumont. Le vieillissement des territoires 4