MUSEE DE L`ARLES ET DE LA PROVENCE ANTIQUES Atelier de

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MUSEE DE L`ARLES ET DE LA PROVENCE ANTIQUES Atelier de
MUSEE DE L'ARLES ET DE LA PROVENCE ANTIQUES
Atelier de conservation et de restauration
Musée de l’Arles et de la Provence antiques
Restauration de la mosaïque du Jugement de Pâris, Musée du Louvre
© Atelier de restauration - 2005
Musée de l'Arles et de la Provence antique
Atelier de restauration - Responsable: Patrick Blanc 04 90 18 89 01
Contact presse: V.Munier 04 90 18 82 74
A la demande du Département des antiquités grecques, étrusques et
romaines du Musée du Louvre, l’Atelier de conservation et de restauration du
MAPA a été sollicité pour entreprendre la restauration d’une des mosaïques les plus
célèbres du monde romain, le Jugement de Pâris provenant d’Antioche, l’actuelle
Antakya en Turquie.
© Atelier de restauration
L’Université de Princeton, avec la coopération d’un certain nombre de
musées américains, et les Musées nationaux français apportèrent leur concours
financier aux fouilles entre 1932 et 1939. Ils en furent remerciés par le don de
quelques pavements. C’est ainsi que la mosaïque du Jugement de Pâris, découverte
en 1932 dans la maison de l’Atrium, entra dans les collections du Musée du Louvre
en 1936.
Ce tableau fait partie d’un ensemble de panneaux figurés et géométriques pavant
le sol d’un triclinium (salle de banquet) de 7,80 m x 4,80 m. A l’emplacement des lits,
un décor géométrique figurait un quadrillage de losanges. Le reste du décor était
organisé en cinq panneaux figurés, disposés en T, encadrés par une ligne de postes et
séparés les uns des autres par une bande de svastikas doubles interrompues et de
carrés.
Les panneaux figurés se répartissaient ainsi : dans la barre horizontale
du T prenait place une scène de concours de boisson entre Dionysos et Héraklès
(conservée au musée de Worcester, USA) avec de part et d’autre deux petits
panneaux représentant un satyre et une ménade (au Museum of Fine Arts de
Baltimore, USA) ; dans la barre verticale du T étaient disposés deux panneaux :
Aphrodite et Adonis (au musée de Princeton, USA) et le Jugement de Pâris (au
Musée du Louvre) ; des fragments d’un rinceau de vigne sont conservés au musée de
Wellesley (USA).
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La scène du Jugement de Pâris mesure 1,86 m de côté ; elle est
composée de petits cubes, des tesselles, en marbre, en calcaire et en pâte de verre, de
5 mm de côté pour les fonds et de 1 à 3 mm de côté pour les tesselles composant les
scènes figurées.
Le panneau est entouré par un rinceau constitué par deux sarments de
vigne et de lierre partant de deux têtes –l’une âgée et barbue, l’autre juvénile- placées
dans l’axe vertical du panneau ; dans les sarments entrelacés prennent place des
feuilles de vigne très découpées, des grappes, mais aussi onze oiseaux, deux lézards
et trois sauterelles.
© Atelier de restauration
Le tableau dérive probablement d’un schéma de composition pictural.
Dans un paysage montagneux, se détache devant un arbre imposant une haute
colonne sur laquelle repose une amphore à deux anses traitée dans les tons or ; une
draperie bleu est nouée autour de la colonne ; un carquois ( ?) semble posé dans une
anfractuosité du rocher, à droite de la colonne. A gauche du tableau, sur un rocher,
une Psyché tient une torche ; à droite, sur une seconde colonne au sommet de
laquelle se croisent deux rubans verts et bleus, un Eros ailé, une torche à la main. Les
cinq personnages sont au premier plan, répartis en deux groupes. Assis au pied de la
colonne centrale, Pâris, les mains croisées sur son pedum, vêtu et coiffé à l’orientale,
est entouré de son troupeau ; il regarde Hermès, l’envoyé des dieux, aisément
identifiable sur la gauche de la scène (caducée, ailettes). A droite, un groupe de trois
femmes est placé sur un promontoire rocheux, ceux sont les déesses attendant le
verdict : Athéna casquée porte l’égide et sa lance alors que son bouclier doré est posé
à terre, à sa droite ; Héra est assise de trois quarts, son visage reposant sur sa main
droite et retenant un long sceptre doré de la main gauche ; enfin, également assise,
Aphrodite porte collier et bracelets, ses cheveux rassemblés en un chignon retenu par
un diadème doré.
Même si « le souci pictural apparaît avec netteté dans l’exécution même
du pavement, la composition reprise des modèles picturaux, la conception du
tableau comme emblema, l’attention portée à la palette et le souci de suggérer, à
travers le chatoiement des couleurs, les jeux d’ombre et de lumière ainsi que l’effort
pour restituer la perspective et le modelé des figurations, écrit François Baratte
(Catalogue des mosaïques du Musée du Louvre, 1978, n° 43), (…) le mosaïste n’a pu éviter
parfois les contrastes trop accentués ou les contours un peu trop appuyés. La
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composition de la scène témoigne en outre d’une volonté psychologique intéressante,
que l’on attribue au mosaïste ou au carton qu’il a utilisé. »
Selon Fr. Baratte, pour des raisons liées à l’histoire du site, « le
pavement peut être daté d’une réfection réalisée entre 115 (date d’un tremblement de
terre ayant touché Antioche) et, peut-être, le milieu du IIe siècle ». En 2000-2001, les
musées américains ont regroupé les diverses mosaïques d’Antioche conservées par
eux lors d’une très belle exposition intitulée Antioch : the lost Ancient City, reprennant
à cette occasion l’étude de ce site d’une richesse exceptionnelle, capitale orientale de
l’empire romain.
© Atelier de restauration
A sa découverte, le pavement a été transféré -comme cela se faisait
fréquemment à l’époque- sur un support en mortier de ciment armé d’une structure
métallique. Soixante dix ans après, la mosaïque et son support sont traversés de
nombreuses fissures dues notamment à des déplacements de l’œuvre, mais aussi aux
contraintes mécaniques causées par la structure métallique ; le long de ces fissures,
on peut observer la perte de tesselles et la faible adhérence de certaines d’entre elles
au support qui pourraient se détacher facilement si rien n’était entrepris pour la
sauvegarde de l’ensemble. Très lourd (600 kg), le panneau de mosaïque est fragilisé,
rendant désormais tout déplacement de la mosaïque difficile et dangereux.
Pour ces différentes raisons, il était devenu urgent de procéder au
transfert du tessellatum sur un nouveau support, de procéder aussi au nettoyage et
au dégagement de certaines tesselles prises dans le mortier de ciment, de reprendre
le traitement des lacunes par intégration de points de couleur purs d’aquarelle et /
ou par aplat coloré sur un mortier de chaux naturelle. Ces interventions rendront une
meilleur lisibilité au décor, le nouveau support permettra le déplacement de la
mosaïque sans danger et les caractéristiques des matériaux utilisés (réversibilité,
compatibilité) donneront toutes les garanties pour une bonne conservation dans le
temps de la mosaïque du Jugement de Pâris, témoin majeur de cet art dans l’Orient
romain.
Ce travail de conservation sera réalisé en trois grandes phases, dans
l’Atelier de conservation et de restauration du Musée de l’Arles et de la Provence
antiques, durant une période de neuf mois avec une équipe de trois à six
restaurateurs selon les interventions à réaliser.
La première phase consistera en une étude minutieuse de l’œuvre, une
documentation en dessins et photos afin de relever les différentes dégradations et les
caractéristiques particulières de cette œuvre. Puis enchaînera une séquence de
nettoyages du tessellatum avec consolidation des tesselles les plus fragiles. Enfin, un
encollage composé de différentes strates de textiles -gaze de coton et toile de
chanvre- fixées par un adhésif permettra de maintenir la surface du tessellatum.
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Lors de la seconde phase, nous procèderons au retrait du support de
ciment armé de sa structure métallique. Pour ce travail nous utiliserons des disques
diamantés afin de découper verticalement et horizontalement le support en petites
lamelles. Une fine couche de ciment sera laissée au revers des tesselles ; elle sera
retirée progressivement de manière mécanique afin de mieux contrôler son retrait à
l’approche des tesselles. Cette opération sera considérée comme achevée quand la
totalité du ciment sera retiré ; cependant dans le cas où des tesselles auraient été
replacées directement sur le ciment moderne, il ne sera pas possible de le retirer en
totalité sans risque de détériorations pour les élément originaux.
La deuxième partie de cette intervention consistera dans la mise en place du
nouveau support. Il sera constitué d’une couche de mortier synthétique réversible
sur laquelle sera disposée une structure en nid d’abeille d’aluminium stratifié prise
dans une armature en profilé d’aluminium. Ce nouveau support apportera toutes les
garanties de légèreté et de stabilité dimensionnelle dans le temps.
La troisième et dernière phase consistera au retrait de l’encollage de
surface, suivi d’un nettoyage fin, puis d’un long et méticuleux travail de
réintégration des lacunes.
Toutes ces interventions se feront en étroite collaboration avec le
Département des antiquités grecques, étrusques et romaines du Musée du Louvre,
mais aussi en communication avec nos collègues restaurateurs des musées
américains qui ont procédé récemment à des interventions sur des éléments de la
même collection conservés dans leurs musées afin d’harmoniser les traitements des
lacunes notamment. Cette correspondance entre les restaurations des différents
pavements d’Antioche conservés en France comme aux Etats-Unis autorisera des
présentations communes de ces chefs d’œuvre.
Patrick Blanc,
Responsable de l’atelier de conservation et restauration
Musée de l’Arles et de la Provence antiques.
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