Lionel Ray

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Lionel Ray
Lionel Ray
El río
Primero el río asombra: como al salir de la noche
el día sin plumas con cortesías de pájaro.
Luego va, navega. Y manso con un cauce extremo
prolongado infinitamente más profundo que el tiempo verdadero
vuelve la espalda al viento penetra en las tierras
ancestrales y se acrecienta y se abre revuelto
por debajo pudriéndose exhalando un aliento
oscuro. ¿Cree en dioses? Si se estremece ¿sería
por temor o por estar solo aunque innumerable? Él
me atraviesa inscribe en mí su rúbrica absorta.
De repente soy el río en sus abismos y la corriente
palabras, el horizonte como un punto suspendido,
inhalando el azul la confusión de las lenguas la arena
la sal, y sin voz susurrando con todas las voces.
Poema original
Le fleuve // D’abord le fleuve étonne: comme au sortir de la nuit / Le jour sans plumes avec
des politesses d’oiseau. // Puis il va, navigue. Et calme avec un lit extrême / Prolongé infiniment plus profond que le temps vrai // Il tourne le dos au vent s’enfonce dans les terres /
D’ancêtres et s’augmente et s’ouvre brassé // Par-dessous pourrissant dégageant un souffle /
Obscur. Croit-il aux dieux? S’il frémit serait-ce // De crainte ou d’être seul bien qu’innombrable?
Il / Me traverse inscrit en moi son paraphe distrait. // Soudain je suis le fleuve dans ses gouffres et le courant / Des mots, l’horizon comme un point suspendu, // Humant le bleu l’emmêlant des langues le sable / Le sel, et sans voix bruissant de toutes les voix. (© Une sorte de
ciel. Gallimard, 1990).
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Ciudad
Era una ciudad de cansancio y pavor, ciudad
vacía, sin coches ni gente, con parques y magnolias,
casas en estos parques, rejas, destinos
falsos rumbo a otra parte inexistente, era
una ciudad donde se anda a paso de pesadilla sin saber
qué hacia qué a por quién para qué cuarto nunca alcanzado
los ojos llenos de arena la lengua seca, una ciudad donde la vida
es al revés y la voz de todas nuestras noches sube
como una llama lamiendo escaparates que luego se apaga y la araña
del tiempo se ha dormido, muerta quizá en el centro
de su tela. Una ciudad donde se anda con aspavientos
pálidos. Habría sido necesario gritar pero no se podía.
Una ciudad donde se cargan demasiadas cosas pesadas
sobre los hombros y en el corazón. Y uno es como un hombre
que cae hasta morirse con mirada de terror sobre la noche
sobre la nada, estremeciéndose por un mundo oscuro
olvidado, al que se mira por vez primera.
(Traducciones de François-Michel Durazzo)
Poema original
Ville // C’était une ville de fatigue et d’effroi, ville / Vide, ni voiture ni gens, des parcs avec
magnolias, / Des maisons dans ces parcs des grilles des directions / Fausses pour un ailleurs qui
n’existe pas, c’était // Une ville où l’on marche à pas de cauchemar sans savoir / Quoi vers quoi
pour qui pour quelle chambre jamais atteinte / Les yeux pleins de sable la langue sèche, où la
vie est / Á rebours et la voix de toutes nos nuits monte // Comme une flamme lèche les vitres
puis s’éteint et l’araignée / Du temps s’est endormie, morte peut-être au centre // De sa toile.
Une ville où l’on marche à grands gestes / Pâles. Il aurait fallu crier et l’on ne pouvait pas. //
Une ville où l’on porte avec soi trop de choses lourdes / Sur les épaules et dans le cœur. Et l’on
est comme un homme // Qui tombe à mourir avec des yeux d’épouvante sur la nuit / Sur rien,
tout frémissant en soi d’un monde obscur // Oublié, le regardant pour la première fois. (© Une
sorte de ciel. Gallimard, 1990).
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