La MAS Bellevue fait entrer le soleil da ns ses

Transcription

La MAS Bellevue fait entrer le soleil da ns ses
entreprise soins
Conception/rénovation
La MAS Bellevue fait entrer le soleil da
trice de l’établissement depuis
quatre ans. Cela posait notamment de gros problèmes d’intimité pour les résidents et de
fortes contraintes de manutention pour le personnel
soignant.
Jacques Dorville, directeur
administratif et financier de
l’association, se souvient qu’en
2004 le conseil d’administration a décidé d’entreprendre
© Patrick Delapierre pour l’INRS
Trois douches par étage, peu d’aides à la
manutention, des locaux vieillissants et devenus
inadaptés… il était temps de rénover et d’agrandir
la Maison d’accueil spécialisée Bellevue située
sur les hauteurs de Saint-Barthélemy, à Marseille.
Les travaux ont dû faire face à de nombreuses
contraintes, parmi lesquelles le maintien de
l’activité, l’amélioration des conditions de travail
et la prise en compte de la prévention des risques
professionnels.
E
lle est un peu notre rayon
de soleil », dit Martine,
une éducatrice spécialisée de la MAS Bellevue, en
désignant une pensionnaire
particulièrement
enjouée.
Mais ce qui frappe en arrivant à la Maison d’accueil
spécialisée (MAS) Bellevue, à
Marseille dans les Bouchesdu-Rhône, c’est que tous,
aussi bien salariés que résidents – dont certains sont
40
Travail & Sécurité ­­– Février 2012 très lourdement handicapés –
dégagent cette même joie de
vivre. L’établissement accueille
42 résidents en internat, 3
en accueil temporaire et propose également 27 places en
accueil de jour. « Jusqu’à ce que
l’on entreprenne les travaux de
rénovation, les résidents étaient
hébergés à deux par chambre
et nous ne disposions que de
trois salles de bain par étage »,
explique Nadine Étienne, direc
Avec la rénovation des locaux,
chaque chambre possède
désormais sa salle de bain
équipée d’un chariot-douche.
d’importants
travaux
de
rénovation. Les plus anciens
locaux dataient du XIXe siècle
et avaient subi, au cours
des années, une extension
anarchique (cf. encadré). La
direction, le conseil d’administration, les salariés et les
résidents sont associés à la
réflexion. Le projet ? Construire
d’abord un nouveau bâtiment,
puis faire migrer temporairement les résidents dans ce
nouveau bâtiment, le temps
de réhabiliter les anciens
locaux. « Nous devions maintenir l’activité pendant les travaux, se remémore Yves Pons,
coordinateur prévention de la
MAS. Pour ce faire, le projet a
été décomposé en deux phases :
la première a concerné l’hébergement, la cuisine, la salle à
manger de l’internat, la lingerie, le parc de stationnement
souterrain, la balnéothérapie et
l’atelier de l’équipe technique ;
la seconde touchait le service
médical, la direction, les ateliers
d’activités de jour, les services
communs, les salles à manger du déjeuner et les salles de
réunion. »
Chambres spacieuses,
avec terrasse
La Carsat Sud-Est est invitée à l’assemblée générale
de l’association, en 2006. Le
technicien en prévention de
la Carsat spécialisé dans la
conception des lieux de travail,
Jean-Christophe Sollari, fait
un certain nombre de recommandations pour le projet.
Plusieurs groupes de travail
voient le jour, notamment un
sur la prévention des troubles
musculosquelettiques (TMS).
Parmi les premières réalisations : une salle de bain
témoin, « de manière à ce que
les salariés puissent la tester
et donner leur avis au travers
d’un cahier de commentaires »,
poursuit Yves Pons. Au final,
des modifications de volume
ont été effectuées, une vaste
ouverture facilite les déplacements et le système de chariot douche sur rail, commun à
deux salles de bain, a été abandonné au profit d’un chariot
douche individuel sur roues,
par chambre.
Dans les nouveaux locaux
ou ceux qui ont été rénovés,
toutes les chambres sont
maintenant
individuelles.
Que vous soyez en fauteuil ou
valide, un « boudin de porte »
permet d’ouvrir aisément la
porte : Salima, l’une des résidentes, fait une démonstration
en tapant sur le boudin à l’aide
de son fauteuil. La porte s’ouvre
et un système de temporisation laisse largement le temps
à la jeune femme d’accéder à
sa chambre. « C’est également
très utile pour les personnes en
charge du ménage qui peuvent
ainsi entrer sans trop manœuvrer leur chariot », souligne la
directrice. Les chambres sont
vastes, jusqu’à 30 m2. Il en
existe plusieurs types, adaptés au handicap des résidents.
Elles donnent toutes sur une
terrasse qui, les beaux jours,
laisse entrer les rayons de soleil
du matin. Certains résidents
peuvent ouvrir seuls les stores
grâce à des télécommandes à
leur disposition, qui leur donnent une certaine autonomie,
notamment pour répondre au
téléphone, régler la luminosité
de leur chambre, ou encore
appeler un soignant.
Toutes les chambres sont équipées de lève-personnes reliés
à des rails plafonniers permettant aux salariés de transférer
les résidents facilement de leur
lit au fauteuil ou au chariot
douche pour la toilette. « C’est
vraiment très pratique, s’enthousiasme l’une des salariées
de la MAS. Je peux manipuler
seule un résident. Grâce au
chariot douche disponible dans
chaque chambre, on n’attend
plus que les aides à la manutention ou la douche soient libres :
une fois que l’on a terminé la
toilette du résident, le chariot
douche peut être basculé et facilement lavé dans la douche. »
La salle de bain est également
équipée de meubles suspendus pour faciliter le nettoyage
et d’un sol antidérapant pour
éviter les chutes.
Les couloirs sont particulièrement lumineux, car éclairés
par un patio. À la question du
nettoyage des vitres, la directrice avoue que c’est un vrai
problème : « C’est compliqué, il
faut faire venir une nacelle dans
le patio ou utiliser des perches
télescopiques… on aurait dû y
penser davantage en amont. »
Pourtant, l’accès aux toits par
exemple, sur lesquels ont été
installés quelques panneaux
solaires, a été mûrement
réfléchi : 120 mètres linéaires
de garde-corps sur le bâtiment
hébergement, 43 mètres sur le
bâtiment d’activités, 48 mètres
des deux lignes de vie principales ainsi que des escaliers
métalliques pour y accéder.
« On a – presque
– tout »
Une fois les résidents levés
et lavés, les petits déjeuners
sont pris dans des espaces
conviviaux, disposés à chaque
étage. Dans la journée, chacun
© Patrick Delapierre pour l’INRS
ns ses locaux
est occupé (soins ou activités
en ateliers). Les salles de kiné,
motricité, ergothérapie… sont
au rez-de-chaussée. « Que
demander de plus ? S’interroge
l’un des kinésithérapeutes. On
a tout – ou presque – ce que
l’on avait demandé : de vastes
baies vitrées, des tables de kiné
très grandes et réglables en
hauteur, des lève-personnes sur
rails plafonniers pour déplacer
nos résidents, des cabines individuelles pour certains gestes !
Nous sommes très contents du
résultat des travaux… » Cerise
sur le gâteau : un ordinateur,
dans un bureau bénéficiant
du second jour, analyse la
pression exercée par les corps
des patients sur les tapis ou
fauteuils et permet d’adapter
parfaitement les équipements
aux pathologies.
Côté organisation, les trois
kinésithérapeutes ne cachent
pas non plus leur satisfaction :
« Nous avons une réunion par
semaine au cours de laquelle
chacun s’exprime ouvertement.
C’est très important d’avoir ce
dialogue ouvert dans le cadre
de la prise en charge d’infirmes
moteurs cérébraux. On se remet
en cause en permanence, on
connaît les problèmes de cha-
Le long de toutes les portes,
un « boudin de porte » est
installé pour faciliter leur
ouverture lorsque la personne
est en fauteuil.
cun et on sait que l’on peut
être amené à travailler avec
n’importe quel résident. Le fait
d’avoir cette grande salle avec
plusieurs tables facilite le dialogue. Il peut m’arriver de voir
le travail qu’effectue un de mes
collègues et de me dire : “Tiens,
je n’aurais pas pensé à faire ceci
ou cela avec tel résident, c’est
une bonne idée”. » Il faut néanmoins qu’une véritable relation
de confiance soit établie. « On
se fait entièrement confiance »,
confirme l’un d’entre eux.
Pour preuve, il n’existe pas de
plannings rigides au niveau
des kinésithérapeutes, juste
la volonté partagée de s’occuper de tous les résidents. « On
s’arrange parfois entre nous.
C’est d’autant plus facile que
l’on n’a pas de résident attitré et que l’on se voit travailler
mutuellement. »
Chaque semaine, les résidents
ont la possibilité de s’inscrire
à des ateliers. Ce jour-là, les
ateliers vidéo, informatique,
mosaïque et dessin affichaient
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entreprise soins
Bref retour en arrière
D
complets. Une à deux personnes s’occupent d’environ
cinq à dix résidents par atelier d’activité. Là aussi, une
réflexion pour faciliter le travail
des salariés a été engagée. Les
espaces sont vastes et clairs.
Les tables ont été achetées
avec l’aide d’un ergothérapeute : « Elles sont sur roulettes,
elles se lèvent et s’inclinent à
l’aide de manivelles, explique
l’une des personnes ayant en
charge un atelier. Elles sont
particulièrement faciles à nettoyer… ce qui est non négligeable pour nous. »
Des repas communs
À l’heure du déjeuner, tout le
monde se retrouve dans une
très vaste salle à manger de
300 m2, au deuxième étage, ou
dans une salle plus petite au
rez-de-chaussée. « Les résidents
doivent s’inscrire et établir un
roulement pour venir déjeuner
au rez-de-chaussée, remarque
une éducatrice. Nous sommes
en petit comité, certains préfèrent, mais le nombre est forcément limité. » Les repas sont
préparés sur place, la Carsat
a été associée de près à la
conception de la cuisine. « Le
principe de la marche en avant
a été respecté, souligne JeanChristophe Sollari. Il n’y a pas
de croisement entre le propre
et le sale. » Les meubles sont
suspendus pour faciliter le
nettoyage et le carrelage a été
choisi dans la liste recommandée par la CNAMTS. « Il a fallu
faire un choix qui respecte à
la fois les contraintes données
par la CNAMTS et les services
vétérinaires. Le résultat est un
42
Travail & Sécurité ­­– Février 2012 ès 1968, la MAS Bellevue commence à recevoir les
personnes les plus dépendantes, d’abord dans des bâtiments
préfabriqués et une bâtisse du XIXe siècle, puis dans deux
bâtiments construits au fil du temps :
• un ensemble de bâtiments agglomérés où les activités
s’entremêlent ;
• un enchevêtrement de zones d’activité (sommeil, repas,
bureaux, douches, accueil... en rez-de-chaussée) ;
• très peu d’aides techniques à la manutention si ce n’est des
lève-personnes mobiles ;
• des salles de bain communes, des normes d’hygiène et de
sécurité difficiles à respecter...
• des murs défoncés par les fauteuils électriques, notamment en
raison de couloirs trop étroits, un sol désagrégé, etc.
Les différentes adaptations et extensions avaient trouvé leurs
limites. Ainsi un tuyau d’évacuation des eaux usées traversait
depuis peu la salle de réunion. Lors d’une réunion, perturbée
par les écoulements bruyants d’eaux usées, Jean-Marie Poinso,
président de l’AFAH, réalisa que le temps d’un projet architectural
plus ambitieux était venu. La première pierre de l’actuel projet
est posée en décembre 2007, la livraison de la deuxième phase
intervient en avril 2011 ! Le coût total des travaux s’est élevé à
17 millions d’euros.
compromis », remarque la
directrice. « Il est certes plus difficile à nettoyer, confirme l’un
des cuisiniers. Il faut frotter et
passer parfois une monobrosse.
Mais des caniveaux inox permettent d’évacuer l’eau. »
Le plafond a été traité à la fois
sur le plan acoustique et pour
résister à l’humidité. Tous les
éclairages sont encastrés dans
le plafond ainsi que les hottes,
pour permettre un nettoyage
plus facile. Par ailleurs, des
hublots ont été installés dans
toutes les portes de communication pour éviter les chocs.
L’établissement possède deux
cuisines. « Pour la première,
nous avons bien respecté les préconisations de la Carsat. Mais
à l’usage, nous nous sommes
aperçus qu’elle était trop exiguë, reconnaît Nadine Étienne.
Nous avons fait abattre un mur,
car sinon, on ne pouvait plus
bouger… » La deuxième cuisine
est donc plus vaste et bénéficie
Dans la salle de « kiné », ouverte sur
l’extérieur, les résidents peuvent être
transférés à l’aide de rails au plafond.
des mêmes aménagements.
Seule note négative relevée par
le technicien de prévention : les
produits lessiviels sont stockés
dans des bidons… « On ne peut
pas avoir de stockage centralisé
pour les deux cuisines, répond
la directrice, elles sont beaucoup trop éloignées l’une de
l’autre… »
Lors des repas, les résidents
restent dans leur fauteuil et
les salariés les aident à prendre
leur repas, tout en déjeunant
eux-mêmes. Un salarié assiste
deux résidents. La Carsat
Sud-Est a signé un contrat de
prévention dont l’objet principal a été l’amélioration des
manutentions
manuelles
(lève-personnes sur rails plafonniers) et qui concerne également les chariots à fond
mobile pour la buanderie et
© Patrick Delapierre pour l’INRS
un chariot pour les containers
à déchets. Concernant l’espace
repas : « Nous sommes particulièrement intervenus sur le
temps du repas, en aidant à
l’acquisition de mobilier (tables
et chaises à hauteur variable)
pour que les salariés soient à
la bonne hauteur pour faire
déjeuner les patients. Des plafonds aux propriétés d’absorption acoustiques ont également
été installés pour limiter le bruit
lors des repas », remarque JeanChristophe Sollari.
Dernier point qui mérite l’attention : la buanderie. Les
pièces dédiées au linge sont au
rez-de-chaussée et bénéficient
de la lumière naturelle. Là aussi,
la marche en avant est respectée : le linge sale des résidents
arrive dans une pièce où il est
trié avant d’être lavé dans des
machines à laver avec entrée
et sortie séparées : le linge
entre d’un côté de la machine
et en ressort d’un autre, dans
une autre pièce, à l’aide d’un
chariot à fond mobile. Les
machines à laver sont posées
sur des socles maçonnés pourvus de cylindres antivibration.
Les sèche-linge sont encastrés,
ce qui limite le bruit dans la
buanderie qui, en plus, est climatisée. « C’est le jour et la nuit
avec mes anciennes conditions
de travail : moins de bruit, la
lumière du jour et, surtout, il
fait beaucoup moins chaud, se
réjouit la lingère. Les chariots à
fond mobile ? Je les utilise peu,
car ils prennent beaucoup de
place. »
Une nouvelle
organisation
Les travaux ont duré 28 mois
(de novembre 2007 à avril
2011). Pendant et après les
travaux, les salariés ont suivi
des formations, en particulier
pour l’utilisation du nouveau
matériel. « Depuis que les salariés sont dans les nouveaux
locaux, l’absentéisme pour
accident du travail a diminué
et le taux de gravité a été divisé
par deux entre 2008 et 2010,
souligne Johann Meissel, le
technicien de prévention de la
Carsat Sud-Est qui suit la MAS.
Maintenant que les salariés ont
tout sur place, ils utilisent plus
facilement et plus volontiers le
nouveau matériel, notamment
les lève-personnes sur rails
plafonniers. »
Par ailleurs, l’organisation du
travail a également été revue.
« Il a fallu tenir compte de la
capacité d’accueil de jour qui
est passée de 17 à 27 places,
explique Nadine Étienne.
3 places d’accueil temporaires
ont également été créées et
nous avons séparé les lieux de vie
destinés à l’hébergement permanent ou temporaire de ceux
destinés aux activités de jour. »
« Auparavant, lorsque nous
étions en journée (12 h-20 h),
nous assurions le repas du
midi et celui du soir, explique
Martine. Et les après-repas qui
sont assez lourds à gérer. Une
nouvelle organisation s’est mise
en place, avec de nouveaux
horaires 7 h 00-14 h 00 ou
13 h 30-20 h 30. Ainsi, les personnes s’occupant du repas du
midi ne font plus celui du soir et
c’est moins fatigant. »
Les salariés sont dans l’ensemble très satisfaits des
nouveaux locaux, des changements d’organisation et
des aides au travail dont ils
bénéficient. Difficile donc d’obtenir des critiques. Yves Pons
poursuit : « D’un point de vue
général, un cahier des charges
précis est indispensable tenant
compte de la prévention des
risques professionnels. Par
ailleurs, le travail avec la Carsat
devrait être déclenché plus en
amont, dès la réflexion. Celui du
coordinateur SPS devrait faire
l’objet d’une concertation très
poussée avec l’équipe technique
notamment pour le DIUO. »
Mais ces quelques remarques
n’altèrent en rien la joie de
vivre et la bonne ambiance qui
règnent dans cette MAS.
Delphine Vaudoux
Le personnel
du plateau
technique
(100 équivalents
temps-plein)
Médecins
• Médecin de médecine
physique et réadaptation
• Médecin psychiatre
Équipe d’accompagnement
médico-psychologique
• Kinésithérapeutes
• Ergothérapeute
• Orthophoniste
• Psychomotricienne
• Psychologues
• Infirmières (jour et nuit)
• Aides-soignantes
Équipe d’accompagnement
social
• Coordinatrice d’activités
• Coordinateur accueil de
jour/domicile
• Assistante sociale
• Éducateurs spécialisés
• Moniteurs éducateurs
• Aides médicopsychologiques
• Maîtresses de maison
• Intervenants extérieurs
• Éducateur sportif
• Intervenants artistiques :
plasticien, peintres,
musiciens, etc.
Prestataires extérieurs
• Médecin généraliste,
laboratoire d’analyses
médicales, pharmacie,
diététicienne,
orthoprothésiste, podoorthésiste, orthoptiste,
revendeur de dispositifs
médicaux…
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