Bruit ferroviaire - Observatoire régional de santé Île-de

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Bruit ferroviaire - Observatoire régional de santé Île-de
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Approfondissement sur les données environnementales dans les études de
Points Noirs Environnementaux (PNE)
Thématique : Fiche Eau, Bruit et Sols pollués
Fiche n° 3-3
Bruit ferroviaire
Le bruit correspond à une variation de pression de l’air. Le niveau sonore (ou niveau de pression acoustique)
s’exprime sous forme logarithmique et ne s’additionne donc pas linéairement mais par sommation
logarithmique. En tant que nuisance à la santé et au bien-être humain, les niveaux sonores (niveau de
pression acoustique) s’expriment en décibel A, ou dB(A), qui pondèrent les niveaux sonores en fonction des
fréquences sous une forme qui correspond le mieux à la sensibilité de l’oreille humaine.
Le niveau sonore n’étant pas constant au cours d’une période donnée, on détermine des grandeurs (indices)
qui intègrent les variations de niveau sur cette durée et également le potentiel de nuisance, un bruit nocturne
étant en principe plus gênant qu’un bruit diurne. L’indice le plus souvent utilisé est le niveau de pression
acoustique continu équivalent pondéré A ou LAeq sur une période donnée : par exemple LAeq (6h-22h)
correspond niveau sonore continu équivalent sur la journée « active »
L’indice Lden (Level day-evening-night), recommandé pour tous les modes de transport au niveau européen
découpe la journée en trois périodes :
- la période du jour s’étend de 6 heures à 18 heures
- la période de soirée s’étend de 18 heures à 22 heures : à même niveau de bruit, la gêne y est
considérée comme trois fois supérieure à celle occasionnée dans la période 6h -18h
- la période de nuit s’étend de 22 heures à 6 heures : à même niveau de bruit, la gêne y est considérée
comme dix fois supérieure à celle occasionnée dans la période 6h -18h
L’indice Lden s’obtient donc à partir des LAeq (6h-18h), LAeq (18-22h) et LAeq (22h-6h), pondérés puis
additionnés de manière logarithmique.
A. Seuils réglementaires
La circulaire du MEDD, METATTM et METCS du 25 mai 2004 portant sur le bruit des infrastructures de
transports terrestres et l’application du Plan national d’actions contre le bruit du 6 octobre 2003 définit des
valeurs seuils pour les « points noirs » sonores qui doivent être résorbés. Pour les voies ferroviaires, ces
valeurs sont les suivantes, mesurées à deux mètres en avant de la façade des bâtiments, fenêtres fermées :
- lignes à grande vitesse : LAeq (6h-22h) = 70 dB(A), LAeq (22h-6h) = 65 dB(A), Lden = 68 dB(A) et
Lnignt = 62 dB(A).
- Voies ferroviaires conventionnelles : LAeq (6h-22h) = 73 dB(A), LAeq (22h-6) = 68 dB(A), Lden =
73 dB(A) et Lnignt = 65 dB(A).
Notons que cette circulaire établit un ? classement sonore des infrastructures de transport terrestres,
obligatoire pour les voies ferroviaires interurbaines de plus de 50 trains par jour, ainsi que des infrastructures
ferroviaires urbaines et des lignes de transports collectifs en site propre de plus de 100 trains ou bus par jour.
Ce classement définit cinq catégories, la catégorie 1 correspondant au niveau de bruit le plus élevé. La
largeur maximale du secteur affecté par le bruit varie selon la catégorie : 300 m de part et d’autre de
l’infrastructure pour la catégorie 1, 250 m pour la cat. 2, 100 m pour la cat. 3, 30 m pour la cat. 4, et
seulement 10 m pour la cat. 1.
D’autre part, le Décret n°2006-361 du 24 mars 2006 relatif à l'établissement des cartes de bruit impose l’élaboration
d’une carte de bruit et d’un plan de prévention du bruit dans l'environnement pour les infrastructures
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ferroviaires avec un ? trafic annuel supérieur à 30 000 passages de train, pour les infrastructures routières et
autoroutières de trafic annuel supérieur à 3 millions de véhicules et les agglomérations de plus de 100 000
habitants.
Pour mémoire, l’Arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières fixe des niveaux les
niveaux maximaux admissibles pour la contribution sonore d'une infrastructure nouvelle, aux valeurs
suivantes mesurées à deux mètres en avant de la façade des bâtiments, fenêtres fermées :
- pour les établissements de santé, de soins et d'action sociale et pour les logements en zone
d'ambiance sonore préexistante modérée : LAeq (6h-22h) = 60 dB(A) et LAeq (22h-6h) = 55 dB(A)
- pour établissements d'enseignement (à l'exclusion des ateliers bruyants et des locaux sportifs) :
LAeq (6h-22h) = 60 dB(A)
- pour les autres logements : LAeq (6h-22h) = 65 dB(A) et LAeq (22h-6h) = 65 dB(A)
- pour les locaux à usage de bureaux en zone d'ambiance sonore préexistante modérée :
LAeq (6h-22h) = 65 dB(A)
B. Effets sur la santé
De manière générale, le bruit peut causer deux types d’effets sur la santé : effets physiologiques et effets
psychologiques
Les effets physiologiques sont principalement
- des effets sur l’audition : l’exposition à court terme et à long terme à des niveaux sonores élevés (90
dB(A)) provoquent des pertes d’audition.
- des effets cardiovasculaires. A court terme, une exposition à un bruit intense provoque une
modification de la tension artérielle avec augmentation transitoire du rythme cardiaque. A long
terme, une association entre l’exposition au bruit et l’augmentation de certaines maladies
cardiovasculaires telles que l'angine de poitrine, l'hypertension et l'infarctus du myocarde a été
montrée par les études épidémiologiques mais les relations causales ne sont pas totalement établies
physiologiquement. De plus, de nombreux facteurs de confusion viennent affaiblir la validité
statistique de ces études.
- des troubles du sommeil : l’effet du bruit sur les troubles du sommeil est démontré
expérimentalement, et confirmé les études épidémiologiques, mais celles-ci montrent une amplitude
de l’effet plus faible que les études expérimentales.
Les effets psychologiques sont généralement résumés sous le terme de « gêne » et aboutissent à des
pathologies psychiques telles que le stress et l’anxiété. Là encore, l’existence de nombreux facteurs de
confusion atténue la force des associations montrées par les études épidémiologiques.
Les études portant sur l’exposition au bruit ferroviaire sont rares, tout comme celles portant sur l’effet de ces
bruit sur la santé. Cela tient probablement du fait que le bruit ferroviaire est considéré comme moins
impactant que le bruit routier.
Parmi les études récentes portant plus spécifiquement sur les effets sanitaires de l’exposition aux bruits
ferroviaires, peuvent être mentionnées :
- une étude en exposition contrôlée française (2010), qui a consisté à soumettre 38 volontaires de 2
groupes d’âges (autour de 26 ans et de 52 ans) à 48 passages simulés de trains de voyageurs et de
marchandises (plus longs) avec des niveaux de bruit (LAeq 24h) de 40 ou 50 dB(A), pendant leur
temps de sommeil durant 3 nuits consécutives répétées 2 fois avec une semaine d’intervalle, avec
surveillance des paramètres cardiaques (rythme cardiaque, amplitude et latence de la réponse
cardiaque). Le niveau de bruit a montré un effet dose-dépendant sur tous les paramètres cardiaques.
Les trains de marchandises, plus longs, ont montré un effet plus important. L’effet était également
plus important chez le groupe jeune que sur le groupe plus âgé.
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une étude en exposition contrôlée suédoise (2013), qui a consisté à soumettre 24 volontaires (11
hommes et 13 femmes) âgés de 19 à 28 ans à 36 passages de train (1 mn) simulés en bruit (approx.
LAeq 24h = 45 et LAmax = 50) et vibrations pendant leur temps de sommeil durant 6 nuits
consécutives en surveillant leur rythme cardiaque. L’étude a montré une accélération du rythme
cardiaque pendant le passage (simulé) des trains. Elle a mis également en évidence un effet
exacerbant des vibrations. A long terme, cela pourrait se traduire par des problèmes
cardiovasculaires chez les personnes exposées.
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une étude transversale autrichienne (2010) portant sur la population de la vallée de l’Inn, grand
couloir de transport de fret entre l’Autriche et l’Italie. Sur la base d’une enquête téléphonique (1643
personnes interrogées), et de mesures de qualité de sommeil à l’aide d’un actimètre placé sur 8
volontaires, l’étude a montré, après analyse par régression linéaire, que le niveau de bruit ferroviaire
(estimé par modélisation) exerçait un effet augmentant la prise de somnifère et détériorant la qualité
du sommeil des sujets exposés. L’effet était statistiquement significatif chez les personnes exposées à
plus de 60 dB(A) de bruit ferroviaire.
Ces études confirment les effets suspectés du bruit ferroviaire sur le système cardiovasculaire et les troubles
du sommeil et montrent l’influence de la longueur du passage du train et également des vibrations (pour les
populations les plus proches).
C. Apports des enquêtes d’opinion et travaux de psychosociologie
D’après le Baromètre santé-environnement 2007 de l’INPES, seules 5 % des personnes se déclarant gênées
par le bruit citent les voies ferroviaires comme sources de nuisances. La proximité d’une voie ferroviaire est
par contre citée comme source de nuisance par 28 % des personnes ayant à se plaindre de leur
environnement.
Une étude INRETS-SNCF (2001) apporte une comparaison des perceptions des bruits routiers et
ferroviaires. Bien que les répondants s’estiment gênés presque identiquement par les bruits ferroviaires et
routiers, à la question « le bruit routier est moins fort que le bruit du trafic ferroviaire » les répondants sont
plus nombreux à répondre négativement. De plus, lorsque trois types de scenarios de réduction du bruit sont
proposés, c’est à chaque fois celui augmentant le nombre de trains et diminuant le trafic routier qui est
majoritairement choisi. De même, les répondants sont plus nombreux à indiquer oublier le bruit des trains
alors que c’est le contraire pour le bruit routier, même si les réponses apparaissent moins tranchées.
D. Indicateur
Les indicateurs de bruit ferroviaire sont issus de la cartographie existante. Les valeurs seuil d’exposition
peuvent être issues de la réglementation, par exemple 68 dB(A) ou 73 dB(A) (voir chapitre A). Ces valeurs
sont peut-être à réviser à la baisse au regard des résultats des études épidémiologiques.
E. Indices existants
Il n’existe pas d’indice spécifique pour l’exposition aux bruits ferroviaires, mais un indice général de bruit est
en cours d’élaboration par Bruitparif et l’observatoire de l’environnement sonore de Lyon (Acoucité) dans le
cadre d’un projet soutenu par l’Union Européenne. Le projet appelé HARMONICA (HARMOnised Noise
Information for Citizens and Authorities) a pour but de renforcer l'appropriation de la question de
l'environnement sonore par le grand public et les autorités en facilitant l'accès aux informations sur
l'environnement sonore sous forme compréhensible par tous. Cela passera notamment par la construction
d'un indice de bruit grand public, innovant et facile à appréhender. Cet indice tiendra compte à la fois des
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données des cartes stratégiques de bruit et des données réseaux de surveillance. Il pourra être représenté à la
fois à une échelle très locale liée à l’implantation de chaque station de mesure et à une échelle très large au
niveau de l’agglomération. Cet indice HARMONICA sera diffusé à travers un portail internet et répliqué à
l’échelle européenne. Il est évident que le bruit ferroviaire contribuera pour une grande part à la construction
de l’indice.
F. Sensibilité à une modification de l’état de l’environnement
Pour diminuer le bruit ferroviaire, les solutions possibles sont : (i) de réduire le nombre de circulations, mais
cette action est très pénalisante car il faut, par exemple, diviser le trafic par 2 pour gagner seulement 3
dB(A), (ii) réduire la vitesse des circulations, là aussi, action pénalisante car, par exemple, il faut diviser la
vitesse par ? 2 pour gagner 9 dB(A), (iii) mettre en place des écrans acoustiques, ou enfin, (iv) réduire les
émissions sonores à la source. Cette méthode est sans nul doute la plus coût-efficace et a déjà permis
d’importantes réductions de bruit ferroviaire, tant sur le matériel roulant à grande vitesse, que sur le matériel
conventionnel. Ces mesures se répercuteront directement sur les cartographies des bruits, les classements
sonores des axes ferroviaires mais les indicateurs de proximité devront être revus dans le sens de la
réduction des distances.
G. Leçons tirées des travaux sur les points noirs environnementaux et recommandations
Parmi les publications sélectionnées dans le cadre de la problématique PNE, cinq études, toutes européennes
dont trois françaises, ont pris en compte l’exposition au bruit des infrastructures routières : l’étude
Netherlands [F9], l’étude Berlin [F10], l’étude Rhône-Alpes [F16], l’étude Nantes [F17], et l’étude
Inégalités Ile-de-France [F21]. Les méthodes employées pour estimer l’exposition au bruit ont été les
suivantes :
- dans l’étude Netherlands [F9], les données de trafic ferroviaire contribuent à la cartographie du bruit
toutes sources (routier, ferroviaire, aérien) dans les deux zones d’étude. La maille de cartographie du
bruit routier est de 25 x 25 m. Les niveaux de bruit sont catégorisés en > 65 dB(A) et < 65 dB(A).
- dans l’étude Berlin [F10], les données de trafic ferroviaire sont utilisées pour cartographier le bruit
ferroviaire, qui est cumulé avec les bruits routier et aérien pour constituer un index attribué à chaque
unité géographique, les valeurs des index étant répartis en quartiles.
- dans l’étude Rhône-Alpes [F16] : des cartes de bruit ferroviaire seront élaborées à partir des données
de trafic sur les principaux axes de la région d’étude (étude non encore finalisée).
- dans l’étude Nantes [F17], des cartes de bruits existantes, intégrant les sources routières, ferroviaires
et aériennes sont utilisées pour attribuer une valeur à des mailles 250 x 250 m couvrant le territoire
de la métropole nantaise. Les espaces exposées à des niveaux sonores supérieurs à 68 dB(A) en Lden
pour les axes routiers et 73 dB(A) en Lden pour les axes ferroviaires ont donc été sélectionnés pour
rentrer en compte dans l’étude.
- dans l’étude Inégalité Ile-de-France [F21] : l’exposition est estimée par la part de la population
localisée en zone de « point noir » de bruit ferroviaire (en fonction du seuil Points Noirs Bruit qui est
fixé, selon une étude de l’observatoire du bruit ferroviaire en Savoie, à 73 dB(A) le jour et 68 dB(A)
la nuit).
L’approche cartographique basée sur la modélisation est unanimement utilisée dans la littérature pour
caractériser l’exposition au bruit ferroviaire. L’obligation réglementaire d’élaborer des cartes de bruit pour
les infrastructures ferroviaires majeures et les grandes agglomérations (Décret n°2006-361 du 24 mars 2006 et
Arrêté du 4 avril 2006) incite avec raison à utiliser de tels outils dans la mesure où ils sont disponibles.
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Décret n°2006-361 du 24 mars 2006 relatif à l'établissement des cartes de bruit et des plans de prévention du bruit
dans l'environnement et modifiant le code de l'urbanisme.
Arrêté du 4 avril 2006 relatif à l'établissement des cartes de bruit et des plans de prévention du bruit dans
l'environnement.
Circulaire interministérielle du 25 mai 2004 portant sur le bruit des infrastructures de transports terrestres et
l’application du Plan national d’actions contre le bruit du 6 octobre 2003 (MEDD, METATTM et METCS).
Arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières.

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